Ainsi parlait, sur la ligne de départ de Tandem, Nathan (ne ratez pas son post-scriptum en fin d’article !) :
« Enfler » les gens n’est pas mon genre, mes amis ! Les assassiner, oui, quand ils m’insupportent, mais les enfler, jamais !
D’un Richard à l’autre… je sais pourquoi Patricia a choisi le nom de Tandem au nouveau jeu, c’est encore à cause de Richard… Richard Cocciante, « il mio refugio », la chanson du film « Tandem » que même Margaret Thatcher se passait en boucle, le soir, toute seule dans son bureau, en pleurant énormément !
Oui, je tutoyais les étoiles à 3000 mètres d’altitude jusqu’à me rétamer sur une plaque de verglas, à force de trop de gravité. Mon dos ressemble à celui de Richard, en bien pire et encore plus douloureux. Varappe, « sport à la con », décidément !
Oui, Rublev m’appartient, il est tout à moi ! Merci, mes frères, merci ma sœur, de vos générosités! L’âme russe plus violente que l’espagnole et surtout tellement plus inspirée, c’est pour moi ! Davai ! C’est pas que le gamin soit une assurance tous risques, oh que non ! Sa fin d’année fut aussi médiocre que son début retentissant. Son physique m’inquiète et surtout son coude. Mais qu’importe ! J’aime les losers glorieux exempts de tout djokovisme, la maladie infantile et pénible du tennis.
Si j’ai bien compris, il, faut que je lui trouve un vieux pour calmer son tempérament de feu, c’est bien ça ?
Je repars illico, cette fois-ci pour me « plonger dans le poème de la mer », moins dangereux que les sommets glacés. Je vais relire la prose magnifique de Patricia et la règle du jeu par la même occasion dans le train.
Tandem sera une réussite, pour les joueurs, le paradis… comme Vanessa :
« Dans le mot je t’aime /Tandem/ Autant d’M/ Parfois ça brille comme un diadème/ Toujours le même thème/ Tandem/ C’est idem/ Bientôt le crash I don’t know when ».
So long ! Rublev is good for me, sure !
Nathan est porté disparu, au front des vacances, au front du déclin caprin, comme tant d’autres. On n’aura pas eu la joie de goûter à nouveau ses jaillissements lyriques sur le destin des paris risqués : oui, à l’heure où s’achève bizness as usual la Grande Boucle, la quatrième étape de notre jeu cyclotennistique donne le Tandem de Nathan bon dernier. James Dean a renâclé à l’obstacle, il a plongé trop profond dans le poème de la mer et Gabriel Garcia-Lopez n’a pas redressé la barre. Déprime, abandon de l’étape de juin, Nathan nous fait une Rublev, c’est logique.
Porté disparu aussi, le Vieux Beau de Zogidur : il est plus probable que Tommy Haas qui cantonne ses apparitions tennistiques à Miami et à l’herbe allemande, déplie ses raquettes en cette année. Le remplacement par son gaucher Ramos permet un coup d’éclat au fan numéro 1 de Gilles Simon : tout comme son archi-jeunot Auger-Aliassime (récent finaliste à Wimbledon junior), l’espagnol surmonte l’obstacle d’un coefficient peu juteux et dans une action très coordonnée, se hisse sur le podium : 3è place au général, 3è place individuelle pour chacun des coureurs.
A 15 ans, le jeune Félix pointe actuellement à la 597è place du classement, malgré un début d’année compromis par les blessures. 250 places gagnées, un titre en double à Wimbledon avec son comparse Shapovalov (la pépite de précocité passée sous les radars de Tandem)…. Ils vont faire très mal en Coupe Davis dans quelques années, si les gros cochons du tennis bizness ne la vident pas de toute substance (ce qui paraît bien parti).
Parler de Ramos est pour moi un tour de force, sans Jeff je serais coite, malgré quelques jolis faits d’armes : récemment Ramos a battu Verdasco en finale de Bastad, atteint un troisième tour à Wimbledon sorti par un Gasquet qui promettait des étincelles (snif), et surtout il claque un quart à Roland Garros, où il torche en enfilade Sock et son gros coup droit, Raonic et son gros service. Oui, sa victoire contre Roger doudou l’an dernier à Shanghai (ouch) n’était pas un coup dans l’eau !
Plus triste que la défection de Haas, dans l’ordre naturel des choses, celle du jeune Chung, expliquée par des problèmes familiaux d’après notre source coréenne Babolat, me voit perdre à la fleur de l’âge un Blanc-Bec au jeu très agréable et au potentiel des plus prometteurs : après un début d’année où il trainait sa peine de défaite en défaite, il semble après Roland Garros avoir mis fin à sa saison, peut-être à sa carrière, sans tambours ni trompettes. Je lui ai substitué mon jeune gaucher Nishioka, qui tire pas trop mal son épingle du jeu. Du coup mon Tandem intègre le top 5, mais si Chung pouvait se sortir de son abîme et repointer sa fraise je serais ravie de prendre la lanterne rouge à Nathan.
Nishioka est une miniature façon Rochus avec un joli coup d’œil et une belle patte de gaucher ; à la Race, il pointe au 81è rang mondial, alors qu’il s’ébattait dans les eaux de la 150è place en fin d’année 2015. Il vient de battre Tiafoe, le jeunot d’Elmar en finale du challenger de Winnetka.
L’an passé, Nishioka portait le short cochonou sacré à Roland Garros, et a réussi ce hot shot de malade digne de rasta Brown !
Parlons maintenant des très bonnes surprises : le nouveau caïd à Tandem, celui dont le score écrase le précédent cador Fritz (qui semblait hors d’atteinte), c’est notre Stéphane Robert National !
Grâce à l’extraordinaire run du Kerouac de l’ATP (copyright Nathan), Montagne chipe la première place à Nico !
Epaulé par un Moutet en convalescence, le seul Tandem franco-français enfile les cols les plus ardus, fait la razzia sur les étapes de Montagne (hahum), et prouve que notre jeu est décidément alternatif et décroissant. L’ami Stéphane ne s’est pas contenté d’une défaite au panache jouissif contre le yéti Djoko à Rome, ou en huitièmes de finales contre le néo Monfils aux Antipodes : une demi finale dans un 500 (certes sacrément étiolé) vient couronner un parcours constamment taillé à la machette dans les qualifs broussailleuses, à quoi s’ajoutent un titre et deux finales sur le circuit secondaire.
Un dernier mot pour la performance de Zverev, qui pourrait bien coiffer Fritz au poteau si ce dernier ne refait pas un coup d’ici la fin d’année. Alex n’a pas brillé en ses terres hambourgeoises pourtant fauchées de tout top 20, et le clash avec le revenant Monfils en demi de Washington a fait pshit (bagel au second set), mais il a marqué les esprits sur toutes les surfaces : finale sur herbe à Halle, à Nice contre Thiem, et surtout un joyau de match contre un excellent Gilou sur l’indoor rapide de Rotterdam. Plus d’images (bouffées par le copyright), subsiste notre match-calling ému sur cette épiphanie tennistique.
Gloire et honneur donc au Tandem de Montagne !
POST SCRIPTUM MELANCOLIQUE de Nathan (aussi déprimant qu’une chanson de Léo Ferré)
« M’en fous d’être le dernier. De toute façon, les derniers seront les premiers. C’est quelqu’un de bien qui a dit ça, un jour.
Restons sur le tennis, sujet mineur dans ce monde plein de fureur et d’horreur. Il faut continuer à parler de sujets mineurs, absolument. Alors parlons tennis.
Et là, y a de quoi pleurer aussi, faut le dire, à défaut de tragique. Encore que…
Dans la fade tisane des peine-à-jouir qui voyaient dans le tennis « intelligent » made in Belgrade quelques matières à se distraire (il y a deux notions qui sont très bêtes au tennis, comme ailleurs en fait mais plus qu’ailleurs tout de même, c’est l’intelligence et le naturel), il y avait fort heureusement quelques astres merveilleusement artificiels qui brillaient du plus bel éclat dans la banalité du ciel sport business des champions banals, intelligents et naturels.
Je ne parlerais pas de l’homme de Vitruve du tennis, le génie suisse dont chaque coup droit autrefois semblait atteindre la perfection du nombre d’or de la biomécanique. Avec le temps, hélas, va, tout s’en va… On connaît la chanson et on regarde l’astre quitter la scène, encore joliment, très joliment même.
Non je parlerai du petit Rublev qui me plaisait tant. Il était mal élevé, parfois mal embouché, nerveux, bavard, emporté, on le devinait plus Russe que Safin, plus rockn’roll, plus fou, plus mystique, plus…
Rien de moins cérébral que le tennis de Rublev, enfin ! C’est le tennis du corps, du bras, du coeur, de l’estomac, le tennis qui demande enfin à la tête de suivre et de cesser ses calculs d’épicier auvergnat. Rublev traversait des passes « in the zone », ces périodes sublimes qui impriment notre mémoire quand le corps du champion devient intelligent. Rublev était un joueur nietzschéen, au fond.
Patricia lui a porté la poisse en l’appelant « James Dean ». Il ne s’est pas crashé avec une Porsche dans un platane. C’est pire encore. Ce n’est pas tant qu’il perde beaucoup. Il perd beaucoup effectivement. Mais, franchement, il n’y a pas de défaites déshonorantes puisque l’on sait maintenant qu’il peut y avoir des victoires prestigieuses sans honneur.
Non, c’est bien pire. Rublev a perdu sa magie.
« Il avait perdu sa magie. L’élan n’était plus là… Au lieu d’être certain qu’il allait être extraordinaire, il savait qu’il allait à l’échec. Cela n’intéressait plus personne. Il n’arrivait plus à atteindre le public. Son talent était mort. Autrefois, quand il jouait, il ne pensait à rien. Ce qu’il faisait bien, c’était par instinct. Maintenant il pensait à tout et cela tuait toute spontanéité, toute vitalité. Il essayait de contrôler son jeu par la pensée. Il ne réussissait qu’à le détruire… » (Carole Bouchard, non ! Philip Roth, Le rabaissement)
Je sais. On me parlera de la Coupe Davis exemplaire, de la victoire sur Haase, d’un double remporté, des hauts et des bas inhérents au tennis professionnel, de la nécessaire maturité, d’un changement salutaire d’entraîneur, et puis du travail, encore du travail et toujours du travail sur le plan physique, sur le plan tactique, sur le plan mental, sur le plan diététique, du caisson, du gluten… et on me citera de nombreux exemples de joueurs et de joueuses qui etc.
Je crains que cela ne soit plus grave. Quelque chose s’est cassé. Il a perdu sa magie.
Mais il me reste Roland Garros et les tournois de jeunes. Quand j’y vais tous les ans, je pense toujours à ce texte si étonnant de Péguy dans Clio (non, pas la bagnole) sur le secret de l’homme de quarante ans :
« Cet homme est ou n’est pas philosophe. Il est ou il n’est pas blasé. Il a une pensée de bête. Ce sont les meilleures. Ce sont les seules. Il n’a qu’une pensée. Et c’est une pensée de bête. Il veut que son fils soit heureux. Il ne pense qu’à ceci, que son fils soit heureux ».
N’est-ce pas cela au fond que je vais chercher dans l’éclat d’un revers, d’un coup droit, l’illusion si pernicieuse d’un avenir radieux chez ces jeunes joueurs si talentueux ? »
Si tu vas à Rio, tu tombes de haut.
L’événement tennistique de l’été, c’est quand même l’accession de Juju de Bresse à un quart de finale de tournoi ATP.
Je regarde le début du Nadal/Simon, Gilou a l’air bien décidé à jouer les poisons. Il contrôle les zones à fond et vient de breaker blanc.
Par contre sa barbe est encore plus moche que d’hab.