Apéro australien
Au cours de mes années alsaciennes (1998-2001), je n’ai pas la télé dans ma hutte d’étudiant, et en ce mois de janvier 2000 je sors d’une année quasiment vierge en termes de suivi du tennis à la télévision. Le seul événement que j’ai suivi en direct est la finale de la Coupe Davis entre la France et l’Australie. Je ne vis alors le tennis que par presse interposée. Je n’ai pas vu Agassi remporter Roland ou s’incliner en finale de Wimbledon face à un Sampras monstrueux. Je n’ai pas vu le Kid gagner l’US en l’absence de son rival blessé et finir n°1 mondial. Mes collègues m’ont juste murmuré qu’Agassi est de retour à son meilleur niveau et que Sampras, bien que (désormais) n°3 mondial, n’a jamais aussi bien joué qu’au cours du semestre précédent. En ce jeudi matin de janvier, je m’autorise une session buissonnière pour rejoindre mes copains du tennis, avec la provision de bière et de cacahuètes. Confortablement installés dans un canapé, nous assistons à ce qui nous semble alors être le plus fabuleux des duels entre Sampras et Agassi… et cette impression ne s’est pas dissipée 22 ans après.
Un voile de brumes
Pourquoi donc, alors qu’en termes de qualité de tennis il surpasse tous les autres, cet opus de l’Australian Open 2000 n’est-il pas perçu comme le plus beau de leurs affrontements dans l’imaginaire collectif ? Et plus précisément, pourquoi est-il à ce point éclipsé par le duel qu’ils ont livré 19 mois plus tard à l’US Open ?
Pour des raisons extra-tennistiques, et qui tiennent, d’une part à l’exposition médiatique particulière de leurs duels sur leur sol à Flushing Meadows, et d’autre part à la personnalité complexe d’Andre Agassi et à sa perception par le grand public.
On ne s’étendra pas sur le premier point : le public new-yorkais ayant son duel entre ses deux champions a montré une passion évidemment plus prégnante que le public australien. Et cette passion était d’autant plus forte que les médias américains faisaient monter la sauce, jusqu’à l’exagération parfois, en considérant tous leurs opposants comme de simples éléments de décor.
Je suis tombé, sur Youtube, sur une série de rétrospectives de l’US Open pour les années 1992, 1993 et 1994. Là où 92 et 93 font l’objet de véritables comptes-rendus de l’ensemble de la quinzaine, 94 n’est abordé que sous l’angle du parcours d’Agassi. Anecdote significative de l’écrin médiatique dont le Kid aura bénéficié (ou qu’il aura subi, c’est selon) tout au long de sa carrière, et singulièrement dans son pays.
Paillettes mises à part, le match le plus chargé d’enjeux de toute leur rivalité restera sans doute la finale de l’US Open 1995. Bien que décevante sur le plan tennistique, cette rencontre allait consacrer le meilleur joueur de la saison 1995, entre deux champions qui s’y affrontaient pour la cinquième fois de l’année, toujours en finale, et qui avaient chacun un grand titre dans la besace. On ferait difficilement plus légitime comme juge de paix…
Sampras et les autres
Mathématiquement, le règne de Pete Sampras commence en avril 1993 pour s’achever définitivement en novembre 2000. Sur cette période, les joueurs l’ayant délogé de sa place de n°1 mondial sont, dans l’ordre chronologique, Jim Courier, Andre Agassi, Thomas Muster, Marcelo Rios, Carlos Moya, Ievgueni Kafelnikov, Patrick Rafter et Marat Safin.
Passons rapidement sur la période 1998-2000, au cours de laquelle le trône de Sampras a été de plus en plus vacillant, période hélas dépourvue de matchs chargés de grands enjeux pour le trône. On relèvera le gros caillou dans la chaussure qu’a été Pat Rafter… en août 1998, l’emportant à Cincinnati et surtout en demi-finale de l’US Open. Et on rappellera que pour Marat Safin, de neuf ans le cadet de Pete, la finale de l’US Open 2000 a les attributs d’une passation de pouvoir, tant l’Américain était dépassé en vitesse ce jour-là.
Mentionnons Thomas Muster, ogre de la terre battue entre 1995 et 1996, ne serait-ce que pour rappeler que sa trajectoire s’est faite presque en parallèle à celles d’Agassi et Sampras à ce moment-là, l’Autrichien glanant l’essentiel de ses points sur une terre battue boudée par les deux Américains, alors que ceux-ci s’affrontaient sans cesse sur le dur américain et les surfaces indoor. Rappelons toutefois que Thomas s’est réellement positionné dans la course à la place de n°1 mondial en remportant le Masters 1000 d’Essen en octobre 1995, battant au passage un certain Sampras en demi-finale, 7/6 6/2. Et regrettons pour finir la demi-finale de Roland Garros 1995 qui n’a pas existé, celle qui aurait dû opposer Muster à Agassi, la blessure du Kid en quarts contre Kafelnikov ayant privé Paris d’un choc qui s’annonçait plus que prometteur.
Une fois mis de côté les n°1 de circonstance et les successeurs de Sampras, qui ont pris le pouvoir alors que le Californien voyait ses forces s’amenuiser, il ne reste que deux champions potentiellement rivaux pour Pete : Jim Courier et Andre Agassi. Sans pour autant que leurs places respectives dans la carrière de Sampras soient identiques. Bien au contraire.
Courier
Le bûcheron de Dade City n’est rien de moins que le n°1 mondial auquel s’attaque Pete Sampras, en 1993, pour entamer sa longue période de domination. L’accession au trône du Californien, le 12 avril 1993, était dans l’air depuis de longs mois et une certaine demi-finale de l’US Open 1992 qui les avait opposés. Malgré un coup de pompe physique durant le match, Pete éclabousse Flushing de toute sa classe pour bouter hors du tournoi le n°1 mondial, auquel il pose beaucoup de problèmes, et dont il est alors sur le point… de prendre la place à l’ordinateur. Beaucoup ont oublié ce détail, mais lorsque Sampras et Edberg entament leur duel en finale de l’US Open 1992, la place de n°1 mondial est promise au vainqueur. Ce sera une récupération de trône pour Edberg, mais c’eût été une première pour Sampras. Auteur d’un été de feu marqué par des titres à Kitzbühel, Cincinnati et Indianapolis, Pete s’arrête à une poignée de points du trône en même temps qu’il se découvre une haine viscérale pour la défaite. Il finira l’année au second rang mondial, reléguant, définitivement, Edberg à la troisième place. Il faudra quatre titres supplémentaires au Californien, début 1993, pour accéder enfin au trône. Ce qui alimentera la rancœur de Jim Courier, qui vient de conserver avec autorité sa couronne à l’Open d’Australie et reste le patron dans beaucoup de têtes. Tout le monde attend LE duel qui les mettra d’accord.
Pete et Jim, c’est déjà une vieille histoire. Amis plus que rivaux dans leur jeunesse, ils ont parfois joué le double ensemble et partagé la même chambre, s’avérant bien meilleurs qu’ils ne l’imaginaient à l’époque. C’est Jim, alors pensionnaire de l’académie de Nick Bollettieri, qui à l’été 1989 présenta Pete à un entraineur expérimenté, ancien joueur des années 60, Joe Brandi. L’association portera ses fruits dès l’US Open 1990.
Au tournant de deux décennies, néanmoins, les deux amis découvrent avec effroi qu’ils sont, de plus en plus, des rivaux, et que la proximité ne peut être la même. Chacun dans son couloir, et chacun à son rythme, ils se hissent vers les sommets du classement ; et si Pete dégaine le premier en Grand Chelem, c’est Jim qui s’invite le premier dans la lutte pour le trône que se disputent alors Becker et Edberg. C’est Jim qui écarte sans ménagement Pete en quarts de finale de l’US Open 1991, pour atteindre ensuite la finale. C’est Jim, quelques mois plus tard, qui devient le premier n°1 mondial de la bande, peu après son triomphe à l’Open d’Australie, affichant une exceptionnelle résistance à la pression. Et c’est encore Jim qui conserve sans sourciller ses deux titres du Grand Chelem acquis, à Paris en 1992 puis à Melbourne en 1993.
En ce mois d’avril 1993, il est difficile de contester à Sampras sa légitimité mathématique, mais il est tout aussi difficile de contester à Courier son statut de meilleur joueur du monde. Il est temps pour nos duettistes de régler ça sur le terrain. Ce ne sera pas à Roland Garros, où l’un et l’autre s’inclinent face à Sergi Bruguera, qui dépossède au passage Jim de l’une de ses deux couronnes majeures. Ce sera donc à Wimbledon.
Cette finale n’allait pas forcément de soi au départ. Sur gazon, Pete n’a pour lui que la demi-finale de l’année précédente, où il s’était frustré devant le déluge d’aces que Goran Ivanisevic avait fait pleuvoir sur lui. Quant à Jim, son meilleur résultat était un quart en 1991 ; n°1 mondial en 1992, il avait trébuché au troisième tour face à l’obscur Andreï Olhovskiy. Et sa nette victoire en demi-finale face à Edberg est une vraie surprise, tant la surface apparaissait favorable à l’attaquant suédois.
Outre le rapport de forces symbolique entre les deux joueurs, l’enjeu de cette finale de Wimbledon 1993 sera, comme espéré et attendu, la place de n°1 mondial. Et si les deux hommes continuent de se respecter, ils sont désormais rivaux avant tout. Le duel sera d’autant plus magnifique que la quinzaine londonienne aura été épargnée par la pluie, rendant le rebond plus haut que d’habitude et favorisant le relanceur et les échanges. La victoire de Sampras n’en sera que plus légitime.
Ce match constitue une rupture majeure dans la carrière de Jim Courier. Alors qu’il vient de disputer sept finales en Grand Chelem sur dix possibles entre juin 1991 et juillet 1993, il n’en disputera plus aucune. Jim vient de comprendre que Pete est en train de le dépasser ; pour le n°1 mondial qu’il était il y a peu, le constat est dur à encaisser. Sa victoire à Indianapolis au cours de l’été, qui le ramène à la première place mondiale, est un trompe-l’œil : il décline rapidement, au point de sortir du Top Ten en 1994. Il connaîtra un net regain de forme en 1995, sans pour autant parvenir à menacer les duettistes Sampras et Agassi qui se partagent alors tous les grands titres – nous y reviendrons.
Monstre de solidité mentale, Jim Courier ne fut sûrement pas le n°1 mondial le plus facile à déboulonner. Mais c’est précisément sur le plan mental qu’il va s’effriter, perdant désormais beaucoup de matchs sur quelques détails, ceux-là mêmes qu’il remportait lorsqu’il était le patron du tennis. Un rival, Jim, pour Pete Sampras ? Oui, le temps pour ce dernier de s’emparer du trône et de battre son rival à la régulière à Wimbledon. Mais sur la durée du règne de Pete, Jim n’apparaît qu’au début.
Agassi
Mais après tout, Sampras ayant été l’incontestable champion de son époque, pourquoi donc serait-il à tout prix nécessaire de lui accoler un rival ? Pour des raisons de storytelling, sans doute. Pour l’attraction naturelle que constituait Andre Agassi pour les médias, c’est une évidence. Pour le surcroît d’attention que les médias américains – toujours en avance d’une guerre sur le marketing – ont accordée à un duel 100% US, c’est une réalité. Mais il serait réducteur de restreindre les ressorts d’une rivalité à ses aspects extra-sportifs.
Je dois l’un de mes plus grands chocs tennistiques au visionnage en direct du quart de finale de Bercy en 1994 qui a opposé Pete Sampras à Andre Agassi. Le spectacle était total, entre deux champions à 100% de leurs moyens physiques et techniques et dont les jeux s’imbriquaient à merveille. Je découvrais le « nouvel Agassi », que je n’avais jamais vu aussi régulier en fond de court, ni aussi patient, ni aussi consistant.
Et ce fut le début d’une période qui dura un peu moins d’un an, marquée par une série de duels entre Sampras et Agassi, période certes restreinte dans la décennie 90 mais qui semble la résumer :
- Bercy 1994, quart de finale : Agassi 7/6 7/5
- Masters 1994, demi-finale : Sampras 4/6 7/6 6/3
- Open d’Australie 1995, finale : Agassi 4/6 6/1 7/6 6/4
- Indian Wells 1995, finale : Sampras 7/5 6/3 7/5
- Miami 1995, finale : Agassi 3/6 6/2 7/6
- Montréal 1995, finale : Agassi 3/6 6/2 6/3
- US Open 1995, finale : Sampras 6/4 6/3 4/6 7/5
Précisons qu’Agassi émargeait au 7e rang mondial à l’ouverture de Bercy en 1994, et qu’au Masters 1994 la victoire de Becker sur Sampras en poule précipita ce dernier vers une demi-finale face à Agassi. Par la suite, en 1995, Sampras et Agassi ne se sont affrontés qu’en finale.
En englobant les Super 9 (les Masters 1000 de l’époque) dans les rendez-vous importants, hors terre battue, seuls deux des neuf tournois de cette période ne débouchèrent pas sur une finale (ou à défaut une confrontation, fin 1994) entre les deux duettistes : Wimbledon 1995, où Becker vint à bout d’Agassi en demi-finale, et Cincinnati 1995, où Sampras s’inclina en quarts contre Michael Stich. En amont dans l’ère Open, on ne retrouve pas la trace d’une rivalité aussi intense sur une année. Et en 2006, lorsque Federer et Nadal ont commencé à se retrouver systématiquement le dernier dimanche, les observateurs firent immédiatement référence à cette période de 1994-1995 ; il va de soi qu’en 2006, personne n’imaginait qu’on en aurait pour beaucoup plus longtemps avec les Fedal… La rivalité entre Sampras et Agassi, qui a évidemment connu des éclipses, n’en a pas moins été d’une intensité exceptionnelle, et alors inédite, pendant 10 mois. Cette seule réalité, même déconnectée de la deuxième époque dorée de leurs affrontements (à partir de 1999), distinguera Agassi comme le principal rival de Sampras. Sur cette période, Pete a eu un vrai opposant, qui disputait peu ou prou les mêmes tournois que lui, qui le retrouvait en finale presque à chaque fois et qui ne l’emportait pas qu’occasionnellement.
La bascule
Telle était la situation, le 10 septembre 1995, lorsque, visages tendus, Pete et Andre pénétrèrent sur le stadium Louis Armstrong. Chacun détenait alors un titre du Grand Chelem en 1995, et l’US Open allait les départager. Cette finale était espérée par le public américain, mais aussi par beaucoup de fans de tennis du monde entier. Rarement, dans l’ère Open, un match aura rassemblé autant d’enjeux.
Parmi ces enjeux, le seul manquant à l’appel était la place de n°1 mondial, qui resterait quoi qu’il arrive la propriété d’Agassi quand les deux hommes iraient se coucher ce soir-là. Le Kid était le tenant du titre, et sortait d’un été immaculé au cours duquel il avait remporté quatre tournois d’affilée ; il avait remporté leur match le plus important, à Melbourne ; en extérieur, Sampras ne l’avait battu que dans les conditions très venteuses d’Indian Wells. A bien des égards, il était donc légitime de faire d’Agassi le favori de cette finale.
On connaît la suite… ou pas. L’autobiographie étant un genre sujet à caution, le regard de l’auteur doit être pris pour ce qu’il est, le regard de celui qui ne livre au grand public que ce qu’il veut bien lui livrer. Quelques éléments me gênent un peu dans la version d’Agassi à propos de ce match.
Il décrit cette défaite comme un grand tournant négatif dans sa carrière. Mais il détaille également sa blessure au pectoral du dimanche matin. Si cette blessure est réelle, il y a évidemment quelque chose de frustrant, de rageant, d’insupportable, à ne pas pouvoir se présenter à 100% de ses moyens pour un match aussi important. Mais si cette blessure au pectoral était la cause de son match assez moyen voire terne, il n’y a pas là de quoi exploser en vol comme il l’a fait, il y a juste à ravaler sa déception, à constater l’évidence – il ne peut battre Sampras en étant diminué – et à donner rendez-vous à Pete pour la prochaine échéance. Pour qu’une fêlure psychologique soit aussi profonde qu’elle ne l’a été pour Andre au soir de ce match, il faut autre chose qu’une blessure.
Agassi, à ce moment-là, a intériorisé l’idée que Pete était un meilleur joueur que lui. Jamais, s’il n’avait été que blessé et diminué, il n’aurait fait ce constat.
Il y a pourtant bien des circonstances atténuantes au ratage du Kid ce jour-là :
- Vainqueur de quatre tournois d’affilée, auxquels s’ajoutent les six matchs jusqu’à cette finale de l’US Open, Agassi avait connu un été très chargé. L’hypothèse de la fatigue physique est plausible.
- Le parcours pas si simple d’Andre au cours du tournoi. Avec notamment un Corretja qui le pousse au cinq sets au deuxième tour, puis deux matchs en quatre sets tendus, en quarts et en demis.
- La fixette sur Boris Becker, qui (selon son autobiographie) était dans le viseur d’Agassi depuis le début de l’été. En le lisant, on comprend que le moment vire à l’obsession pour Andre, qui ne rêve que de prendre sa revanche de Wimbledon et de lui faire payer ses déclarations. En y parvenant non sans mal, Andre n’a-t-il pas laissé trop d’influx nerveux, et du coup peiné à se remobiliser pour le match suivant ?
- La pression inhérente à la position de tenant du titre et de favori des bookmakers.
Autant de difficultés que n’avait pas, ce jour-là, un Sampras plus frais et qui a mieux géré la pression inédite de ce match. Aussi chargés soient les enjeux de cette finale, il n’y avait aucune raison qu’elle soit davantage qu’un épisode, certes important, dans le duel au sommet que se livraient les deux hommes depuis de longs mois. Remportée par Agassi, elle aurait définitivement consacré ce dernier comme le meilleur joueur du monde. Aux yeux de beaucoup, la victoire de Sampras, sur le moment, n’a fait que rebattre les cartes et relancer l’incertitude quant à la suite des événements.
L’explosion en plein vol
Sauf que les plaies ouvertes dans le mental du Kid par le dénouement de ce match ont commencé à suppurer, et ont mis fin de facto à la saison 1 des grandes manœuvres entre Sampras et Agassi. La rivalité entre les deux hommes a une spécificité par rapport aux autres dans l’histoire du tennis, à savoir l’asymétrie dans le regard que chacun des deux posait sur l’autre.
Que des questions mentales viennent parasiter l’esprit d’un champion s’apprêtant à affronter un adversaire difficile pour lui, c’est vieux comme le tennis. Pete savait que battre Andre était difficile, qu’il devait se donner à 100% pour y parvenir et que ça ne suffirait peut-être pas. Mais à la suite d’une défaite face à Andre, Pete regardait simplement, et posément, ce qui lui avait manqué pour l’emporter, avant de passer au match suivant. Sans se préoccuper outre mesure du prochain match face au Kid, qui arriverait tôt ou tard et sur lequel il conviendrait de se pencher le moment venu. Ce qui manquait à Pete quand il perdait contre Andre était d’ailleurs souvent facile à identifier : son pourcentage de premières balles était en général trop faible.
Rien de tel chez Agassi, qui a vécu ses défaites face à Sampras comme autant de flèches dans le cœur. Open, pour le coup, est assez éloquent sur le décalage profond entre le ressenti d’Andre Agassi tout au long de sa carrière et ce qu’il nous a donné à voir sur le terrain. Dans son paysage mental étriqué, où son père avait fait en sorte qu’il n’y ait rien d’autre que le tennis comme sacerdoce et la place de n°1 mondial comme objectif, l’idée qu’un obstacle majeur pourrait se dresser entre Andre et cet objectif n’existait absolument pas. Lorsque cet obstacle, en la personne de Pete Sampras, se matérialisa sous ses yeux ce jour-là, ce fut une révélation impossible à encaisser. 14 ans plus tard lorsqu’il s’attablera à Open, la plaie sera encore béante.
En s’entourant de Gil Reyes puis de Brad Gilbert, Andre Agassi avait le sentiment d’avoir enfin toutes, absolument toutes les cartes en main pour devenir le meilleur joueur du monde. L’une des phrases les plus importantes d’Open, c’est l’encouragement de Brad au début de leur collaboration en 1994, où il prévient Andre que tirer la quintessence de son potentiel va lui prendre quelques mois, qu’il essuiera des défaites, mais qu’à un moment il sentira un déclic dans son jeu, cette capacité à jouer le bon coup au bon moment. Et Brad de conclure que dès lors que ce déclic arrivera, il n’y aura plus aucune raison pour qu’Andre ne devienne pas le n°1 mondial. Le point important dans cet échange, c’est que Brad ne parle à Andre que de la place de n°1 mondial, alors qu’Andre n’a en tête que de dépasser Pete Sampras ; la nuance est de taille. Et Brad avait presque raison, il lui manquait juste la dernière pièce du puzzle, celle qui n’appartenait qu’à Andre : cette fixation sur Sampras.
Lorsqu’Andre Agassi rentre sur le court ce 10 septembre 1995, il surfe depuis de longs mois sur une vague quasi-ininterrompue de succès. Il n’a jamais été aussi fort, aussi en forme, aussi discipliné, aussi concentré sur son sujet, aussi bien entouré. Cette défaite, il la voit comme la démonstration que, bien qu’il ait mis toutes les chances de son côté, Pete est au-dessus de lui, et donc que tous ces efforts auront été vains. La chute en sera d’autant plus brutale.
Les vaches maigres
La période 1996-1998 apparaît comme terne du point de vue de la lutte pour le trône mondial. La faute à Andre Agassi, sûrement, qui entame une dégringolade vers les abîmes du classement. La faute aussi à une concurrence pas au niveau.
Boris Becker remporte un dernier grand titre à Melbourne en 1996, et livre à Sampras la plus furieuse des oppositions en finale du Masters de la même année. Mais Boris joue là sa dernière grande année, son poignet le lâche à Wimbledon et il devient un intermittent du tennis, au point que sa participation à ce fameux Masters 1996 restera longtemps incertaine.
Michael Chang traverse cette période en embuscade ; n°2 mondial la plupart du temps, il ne parvient pas à tirer profit d’un affaiblissement physique de Sampras. Fragilisée par la perte de son titre à Wimbledon contre Richard Krajicek, la place de n°1 mondial de Pete ne tient plus qu’à un fil à l’ouverture de l’US Open 1996. Mais après un légendaire combat face à Corretja, Sampras barre la route à Chang avec autorité en finale. Ce dernier ne profite même pas des absences de son rival encombrant, notamment à l’US Open 1997, où là encore la place de n°1 mondial est à sa portée. Kafelnikov, Rafter et Kuerten remportent leur premier grand titre, sans avoir à affronter Sampras (à Roland 1996, Kafel n’a pas battu Sampras, il a battu son cadavre) et sans menacer sa place de n°1 mondial.
1998 sera l’année d’un duel à distance, purement mathématique, entre un Sampras dont les forces déclinent et dont l’étreinte sur le tennis mondial se desserre inexorablement, et un Marcelo Rios régulier mais aphone en Grand Chelem, et dont la finale australienne en début d’année sera la seule de toute sa carrière. Alors que Pete commence à subir les effets de la thalassémie, l’absence d’un véritable rival se fait cruellement ressentir.
S’ensuit un premier semestre 1999 où les hasards des points gagnés ou perdus amènent Pete Sampras à portée de fusil de plusieurs joueurs. C’est ainsi que Moya, Kafelnikov et Rafter décrochent le fauteuil suprême pour une poignée de semaines chacun, sachant que Krajicek rate de peu l’opportunité de se joindre à la liste.
Le retour du Kid
C’est donc dans un contexte de grande instabilité au sommet, qui a priori ne le concerne même pas, qu’Andre Agassi aborde l’édition 1999 de Roland-Garros.
Car entre déprime, addictions, nouvelles résolutions, case challengers et discipline de moine, Andre Agassi s’est reconstruit pierre par pierre. Enfin résolu à jouer au tennis pour lui-même et non par projection des ambitions de son père, il réussit un beau retour sur le devant de la scène en 1998, saison qu’il termine à la 6e place mondiale. Son premier semestre 1999, plombé par son divorce avec Brooke Shields, n’en sera que plus décevant. Blessé à l’approche de la quinzaine de l’ocre parisien, il est d’autant moins favori que sa dernière apparition en deuxième semaine à Roland remonte à quatre ans et que la lenteur de la surface semble désormais jouer contre lui.
Inexistante en début de quinzaine, fragile après avoir frôlé la défaite au deuxième tour face à Arnaud Clément, la confiance du Kid de Las Vegas va grandir au fil du tournoi, surtout après sa victoire probante contre le tenant du titre Carlos Moya, marquée par des échanges d’une violence inouïe. Et cette armure de confiance lui sera cruciale en finale pour remonter un handicap de deux sets face à Medvedev. Cette victoire inattendue catapulte Agassi de la 13e à la 4e place mondiale ; et à l’ouverture de Wimbledon, le Kid fait désormais partie des n°1 potentiels à l’issue du tournoi.
L’été indien de Sampras
Et les nostalgiques des duels Sampras-Agassi de se réjouir de l’arrivée, tant attendue, de la saison 2. Ils sont loin d’imaginer à quel point ils vont être comblés, et rapidement de surcroît. D’emblée, Agassi démontre à tous que son triomphe à Roland Garros, aussi inattendu soit-il, n’était pas un feu de paille, et atteint avec autorité la finale à Wimbledon pour y défier un Sampras alors en quête d’un sixième titre dans le Temple. Ce jour sera celui de Sampras : absolument divin du début à la fin, il verrouille ses mises en jeu pour mettre une pression monstrueuse sur les jeux de service d’Agassi. Ce dernier, pourtant extrêmement solide, ne peut éviter une défaite en trois sets. Ce sera l’un des plus beaux matchs de la carrière de Pete.
Par un hasard du classement, ce Wimbledon, au cours duquel Patrick Rafter atteint les demi-finales, place les trois hommes dans un mouchoir pour la place de n°1 mondial… et c’est Agassi, bien que vaincu en finale, qui émerge en tête. S’ensuit un été de fausse instabilité, marqué par une – et une seule – semaine où Rafter accède au trône suprême, marquée surtout par deux nouveaux duels Sampras/Agassi, en finale de Los Angeles et en demi-finale de Cincinnati, tous deux remportés par Sampras. Deux chefs-d’œuvre méconnus de leur rivalité, au cours desquels Agassi fait mieux que se défendre mais se fait coiffer dans le money time. Sampras s’offre également au passage une magnifique revanche sur Rafter en finale de Cincinnati. Le Californien affiche alors un niveau de jeu hallucinant, son talent est à son apogée et sa puissance au service, à la volée, mais aussi en coup droit, sont dévastatrices.
Revenu sur le trône à la veille de l’US Open, Pete Sampras en est alors le favori légitime, et tout le monde attend désormais de savoir si le Kid va se contenter de la position de faire-valoir en finale. La question restera sans réponse : victime d’une hernie discale, Sampras déclare forfait à l’ouverture du tournoi, et Rafter abandonne dès le premier tour face à Pioline. Débarrassé de son tourmenteur attitré et d’un rival dangereux (double tenant du titre), Agassi file sans trop d’émotions vers un titre dont il est devenu le grand favori. Sa place de n°1 mondial ne sera plus menacée d’ici la fin de l’année, Sampras blessé ne pouvant défendre ses points de fin 1998, période où il avait enchaîné les tournois en Europe afin de s’assurer de la place de n°1 mondial en fin d’année.
Forfait à Bercy après une difficile victoire contre le modeste Espagnol Francisco Clavet, Pete Sampras émarge au 5ème rang mondial à l’ouverture du Masters, il est à court de compétition. Dans la phase de poules, il s’incline lourdement face à Dédé (6/2 6/2).
Sa montée en puissance n’en sera que plus soudaine. Vainqueur de Kuerten et Lapentti en poules, puis de Kiefer en demi-finale, Pete s’offre une nouvelle victoire de référence sur Agassi en finale (6/1 7/5 6/4) à l’issue d’une nouvelle démonstration de force. Eblouissant de bout en bout – sur une surface qui lui est favorable face à son rival – Sampras conclut de la plus belle des manières son deuxième semestre 1999, au cours duquel il n’aura pratiquement pas connu la défaite (abandon à Indianapolis, forfait à Bercy, défaite sans conséquence en poules au Masters). La saison 1999 a remis sur le devant de la scène le couple infernal du tennis américain de la décennie écoulée, mais elle débouche sur un paradoxe : Agassi est un n°1 mondial incontestable, mais Sampras l’a battu à quatre reprises, notamment en finale de Wimbledon et du Masters, et peut légitimement être encore considéré comme le meilleur joueur du monde.
Le sommet des dieux
C’est lesté de cet enjeu que s’ouvre l’Open d’Australie du nouveau siècle. N°3 mondial, Sampras se retrouve dans la même moitié du tableau qu’Agassi. Ce n’est pas une finale cannibale qui nous attend, ce ne sera qu’une demi-finale cannibale. Hormis un troisième tour WTF de Sampras où il remonte un handicap de deux sets face à Wayne Black, les duettistes avancent sans trop d’émotions vers le dernier carré où ils se sont donné rendez-vous.
Une pluie d’aces et des coups de mutants côté Sampras, des retours et des passings prodigieux côté Agassi, tout le monde se régale devant la partie de Tetris, d’une intensité physique saisissante. Sampras brille de tous ses feux, la puissance de ses volées est phénoménale, et s’il s’écroule physiquement au cinquième set, ce n’est pas sans avoir livré une performance de haute volée dans les duels de fond de court. Pour Sampras, l’heure n’est pas encore à se reposer se reposer sur les services adverses une fois le break en poche, tendance récurrente sur les dernières années de sa carrière. Agassi devra rester vigilant du début à la fin sur ses jeux de service, et encaisser de nombreux points gagnants du fond du court.
Le legs à la postérité de ce match reste le tie-break du quatrième set, dont les 12 points seront tous gagnants. Sampras y réussit deux aces sur seconde balle, ainsi qu’un improbable passing croisé de coup droit en bout de course… mais Agassi ne lâche rien, et la qualité de ses retours de service fait, de justesse, la différence. Si l’on doit retenir une seule séquence de la rivalité Sampras-Agassi, ce tie-break s’impose haut la main ; jamais leur face-à-face n’a atteint une telle intensité.
Il n’a manqué à ce match qu’un cinquième set serré : à genoux physiquement, Pete n’a plus rien à donner, et encaisse un 6/1 injuste au regard du reste du match. Mais la victoire, ce jour-là, s’est bien offerte au meilleur des deux hommes, Agassi, qui a fait de la durée du match un allié précieux et a survécu à un déluge de 37 aces.
Une douceur pour le dessert
Ce duel de Melbourne va signer, paradoxalement, la fin de la saison 2 des grandes manœuvres entre Agassi et Sampras. Le kid de Las Vegas vient de conforter avec autorité son statut de n°1 mondial et de s’extirper de la position inconfortable de victime préférée de son rival. Mais sa propre série de succès (coiffée de trois titres du Grand Chelem en huit mois) va connaître un coup d’arrêt.
Quant à Pete, son dernier titre à Wimbledon, quelques mois plus tard, a des allures de chant du cygne. De plus en plus sujet à des coups de pompe physiques, il est désormais condamné à écourter les échanges (pas plus de 3-4 coups de raquette), ce qui augmente les déchets de son jeu. La jeune garde, désormais équipée de grands tamis, parvient à retourner son service avec la puissance de l’envoyeur. Marat Safin et Lleyton Hewitt à l’US Open, Roger Federer à Wimbledon, Gustavo Kuerten au Masters, anéantissent ses espoirs de garnir encore son étagère de trophées majeurs. Et le Californien, désormais irrégulier, dégringole au classement.
Aussi, lorsque Sampras terrasse Patrick Rafter à l’US Open 2001 pour s’offrir un duel face à son grand rival tout de noir vêtu, c’est presque une surprise de le retrouver là. Dédé est alors un n°2 mondial lorgnant clairement sur la place de n°1 en fin d’année. Ils se sont affrontés deux fois cette année-là, pour deux nettes victoires d’Agassi au terme de matchs oubliables. Dans un grand jour au service, Sampras envoie la sulfateuse ce soir-là, au point que le divin chauve ne trouvera pas la moindre ouverture sur le service adverse ; mais lui-même reste très ferme sur ses engagements, tout se jouera sur les nerfs, lors des tie-breaks, et les nerfs de Pete seront les plus solides.
Lorsque les duettistes pénètrent sur le Stadium ce soir-là, l’ovation qui les accueille tient plus à une nostalgie qu’à l’intérêt réel de ce match dans l’histoire de leur rivalité. Le public, enthousiaste et partagé, semble leur dire « on est ravis de vous voir, ce sera sans doute la dernière fois alors on veut juste en profiter. Et profitez-en aussi, lâchez-vous ». De fait, tout le monde en profitera ce soir-là, même le vaincu : dans les tribunes, le ventre de Steffi Graf s’arrondit, et le tennis n’est pas tout dans sa vie. Il n’est plus question de domination sur le tennis, chacun des deux protagonistes est juste conscient que les occasions de retrouver son rival de l’autre côté du filet seront de plus en plus rares, et seront tributaires des circonstances que les tirages au sort des tableaux voudront bien leur aménager. Aussi, quand une standing ovation accueille le début du dernier tie-break, Agassi et Sampras, aussi pudiques l’un que l’autre, n’en sont pas moins saisis par l’émotion, la même émotion qui traverse les tribunes. On est juste contents d’être là, et on en profite.
Ce ressenti général pèse lourd dans le regard rétrospectif que les fans de tennis posent sur ce match, certes marqué par de splendides échanges, mais dont on pourrait retourner en défaut ce qui est généralement présenté comme une qualité : aucun des deux joueurs, en 48 occasions, n’a réussi à ravir la mise en jeu adverse, une statistique flatteuse ni pour l’un ni pour l’autre.
Le pousse-café
A ce stade, Sampras ne semble plus avoir grand-chose dans la raquette. S’il prend une belle revanche sur un Marat Safin loin de son meilleur niveau en demi-finale, c’est pour mieux se faire cueillir physiquement en finale, contre un autre nouveau venu à ce niveau, Lleyton Hewitt. Pete n’a plus d’essence dans le réservoir… et semble-t-il plus rien à donner si l’on en croit sa feuille de résultats les mois suivants. A une époque où tous les champions – sauf Agassi – finissent carbonisés à 30 ans, le Californien traine sa peine. Battu par des anonymes lors des premiers tours des tournois auxquels il participe, il connaît en 2002 deux défaites particulièrement humiliantes sur son gazon chéri : en Coupe Davis contre un Alex Corretja qui ne goûte guère le tennis sur herbe, puis à Wimbledon face à l’anonyme George Bastl, qui le domine en cinq sets.
A l’ouverture de l’US Open 2002, Sampras doit défendre la majeure partie des points ATP qu’il lui reste ; en cas de défaite prématurée, c’est une plongée vers les profondeurs du classement qui l’attend. Au troisième tour, cinq sets lui sont nécessaires face à Rusedski, et son adversaire battu pronostique sa défaite au tour suivant. Entamé physiquement, Pete sait que son pourcentage de premières balles sera déterminant ; sur le service adverse, il se doit de prendre tous les risques pour écourter les échanges. Ce huitième de finale, face à Tommy Haas, sera peut-être le moment de bascule du tournoi. Face au n°3 mondial, Sampras se repose sur les jeux de service adverse, attendant quelques fautes adverses annonçant l’ouverture. Pete s’impose en quatre sets serrés, au terme d’un match qui restera le brouillon tactique de sa finale face à Agassi, dont les schémas de jeu sont proches de ceux de l’Allemand. En quarts, Pete se sent pousser des ailes face au jeune Andy Roddick qui craque totalement sur son service, avant une demi-finale parfaitement négociée en trois sets face à Schalken.
Voilà donc, à la surprise générale, le Californien à nouveau en finale face à son meilleur ennemi Andre Agassi, qui a fait le sale boulot en le débarrassant du tenant du titre Hewitt en demi-finale. Contrairement à Sampras, le Kid est encore sacrément dans le coup, ses résultats sont aussi réguliers qu’éblouissants et il lorgne clairement sur la place de n°1 mondial détenue par Hewitt. Autant dire que personne ne donne cher de la peau de Sampras avant cette finale, bien qu’Agassi ne l’ait encore jamais battu à New York.
La clé de ce dernier affrontement, plus que pour tous les autres, sera le pourcentage de premières balles de Sampras. Au cours de cette dernière semaine, Pete a élevé ce pourcentage, que ses nombreuses doubles-fautes n’ont pas entamé. Elevant sa mise en jeu au rang de forteresse imprenable, il peut mettre la pression sur le service adverse, quitte à la relâcher complètement une fois le break en poche. A trois reprises dans ce match, Pete a pris le service d’Andre, et sa victoire ne repose que sur ces trois jeux. Et notamment le dernier break, à 4/4 au 4e, léger moment de frustration pour le Kid qui vient de laisser échapper plusieurs balles de break au jeu précédent et qui va perdre sa mise en jeu au pire moment pour lui. Sampras n’a plus qu’à servir…
Une histoire des années 90
Pete Sampras et Andre Agassi ont été rivaux, et cette rivalité ne fut pas que médiatique ; elle repose sur plusieurs séries d’affrontements marqués par l’enjeu de la domination du tennis mondial. Sur le moment, en 1995, il était légitime d’y voir une rivalité inédite, leurs affrontements répétés d’un tournoi sur l’autre n’ayant alors pas d’équivalent au cours des années précédentes.
Toutefois, les chiffres de cette rivalité n’en disent pas tout, ils n’en disent même pas grand-chose.
L’histoire du tennis a connu quelques rivalités marquantes pour le trône, qu’il soit officiel ou officieux : Kramer, Gonzales, Hoad, Rosewall, Laver, Newcombe, Connors, Borg, McEnroe, Lendl, Edberg, ont livré des joutes mémorables, tout comme le trio Fedalic au cours du XXIe siècle. Mais tous ces champions, aussi différents soient leurs jeux et leurs personnalités, ont entretenu avec une constance remarquable une farouche volonté de s’emparer du sceptre et de le conserver.
A la liste ci-dessus, il faut évidemment ajouter Pete Sampras. Mais sûrement pas Andre Agassi.
Dans la configuration particulière qui fut celle des années 90, Sampras fut le joueur dominant, qui s’assuma comme tel et qui, jusqu’au bout, ne se fixa pas d’autre objectif que de gagner des Grands Chelems et d’agrandir, année après année, son armoire à trophées. Peu lui importaient ses adversaires, son attitude sur le terrain était celle d’un champion persuadé qu’en faisant ce qu’il fallait, il soulèverait le trophée à la fin. Quand on y réfléchit, il faut un orgueil démesuré pour raisonner de la sorte ; mais ainsi sont faits les grands champions.
Le Kid de Las Vegas a-t-il sa place dans cette liste ? Oui, si l’on regarde son palmarès. Non, si l’on examine de plus près le rapport totalement névrotique qu’il a entretenu avec son sport et avec le grand rival qui s’est dressé sur sa route. Programmé par son père, dès son plus jeune âge, à devenir le meilleur joueur du monde, Andre Agassi a longtemps joué au tennis pour des raisons qui ne lui appartenaient pas. Et si, à plusieurs reprises, il a envisagé d’arrêter purement et simplement le tennis, il n’a pas franchi le pas car son père ne lui avait strictement rien mis d’autre dans la tête, et il n’avait donc pas la moindre idée de ce qu’il aurait pu faire d’autre. L’idée qu’un autre joueur soit capable de s’interposer entre lui et la place de n°1 mondial n’entrait même pas dans son imagination. Lorsque cette idée se concrétisa avec Sampras, son obsession se détourna de la place de n°1 mondial pour s’orienter vers ce rival. Et son échec de l’US Open 1995 fut pour lui insupportable.
Aucun autre champion, probablement, n’a vécu une défaite aussi durement qu’Andre Agassi ce jour-là. Par rapport aux champions cités plus haut, sa carrière au plus haut niveau se distingue par de longues éclipses, et notamment celle de 1995-1997, au cours de laquelle le tennis disparut tout simplement de son champ de vision. La défaite fait infiniment plus de mal que la victoire ne fait de bien, écrit-il dans son autobiographie. Sans doute l’une des phrases les plus importantes et les plus sincères de son livre, comme en attestent les hauts et – surtout – les bas de sa carrière. Mais une phrase qu’aucun des autres grands champions de l’histoire du tennis ne serait prêt à contresigner. Pour douloureuse que soit une défaite, et bien que certains d’entre eux revendiquent la haine de la défaite davantage que l’amour de la victoire, aucun n’a vrillé pendant de longs mois comme Andre l’a fait à dater de ce 10 septembre 1995. Tous s’en sont remis, sauf lui.
Ce qui fait l’originalité de la rivalité Sampras-Agassi ne tient donc, ni dans la récurrence de leurs affrontements, ni dans la diversité de leurs jeux, ni dans les à-côtés médiatiques dont elle a été entourée. Ce n’est pas la rivalité Sampras-Agassi qui est originale, c’est Andre Agassi lui-même qui occupe une place totalement à part dans l’histoire du tennis. A part, pour la puissance financière et médiatique qu’il a représentée tout au long de sa carrière. A part, parce qu’il a débarqué sur le circuit professionnel doté d’un jeu révolutionnaire mais lesté d’un cerveau tourmenté au sujet de sa place dans ce monde et dans ce sport, tourments que ses victoires et ses défaites n’ont absolument pas résolus. A part, enfin, parce qu’il nourrissait à l’endroit de son grand rival une obsession à nulle autre pareille.
Oui, Sampras et Agassi ont été des rivaux, et pas des moindres.
Oui, les défaites d’Agassi face à Sampras – et notamment à l’US Open – sont les jalons essentiels de leur rivalité, tout simplement parce qu’ils ont été vécus comme tels par la victime, Agassi.
Oui, Agassi ayant été, pour de bonnes et de mauvaises raisons, globalement plus populaire que Sampras, le grand public a épousé le point de vue d’Agassi et réserve une place de choix à leur rivalité dans l’histoire du tennis.
Et oui, leur duel de Melbourne en 2000 n’occupe qu’une faible place dans cette rivalité, tout simplement parce qu’elle a débouché sur une victoire d’Agassi.
Reste que je ne regrette pas d’avoir séché les cours ce jour-là.
Tags: Agassi, Sampras
Question aux tauliers : j’ai bien essayé de parfumer cette prose avec des vidéos Youtube, mais ça ne marche pas. Je me mets bien en édition HTML dans l’écriture de l’article, mais les vidéos n’apparaissent pas et le code iframe que j’ajoute disparaît après l’enregistrement. Avez-vous une solution ?
comme ceci ?
Argh, plein de trucs à dire et pas de temps… I shall return.
Merci Guillaume, c’était bien ça. Ta vidéo apparaissait bien. Sauf que j’ai essayé de mettre une deuxième vidéo, j’ai même légèrement modifié le code copié-collé de Youtube, afin de coller exactement à la syntaxe de ton iframe à toi (seul le n° de la vidéo étant différent). Résultat des courses, ma vidéo n’est jamais apparue, et la tienne a été dégagée (alors que je me suis bien gardé d’y toucher !). Je ne comprends pas pourquoi, quand j’enregistre, il me vire les iframes.
Bon, voici l’une des petites friandises que je voulais mettre : la demi de Cincinnati de 99. Sampras en apesanteur. Mention spéciale au premier point du deuxième set, la pitchenette de passing de revers croisé à contrepied. Pitou aussi haut et aussi loin qu’il peut aller.
Le lien est ici : https://www.youtube.com/watch?v=iLdz2mLVDc4
Comme d’habitude, de grands applaudissements sont mérités pour la qualité de cet article.
J’ai adoré les réflexions sur la dynamique de la rivalité, de voir que finalement à quel point la perception s’est joué à peu de choses, et de mettre en exergue les failles mentales internes à Agassi.
La séquence de 1994-1995 pourtant chiffre par chiffre favorable à Agassi comme tu le décortiques bien ne m’avait pas marqué autant. C’est vrai que ce match à l’US 1995 avec cette symbolique balle de 1er set est un microcosme de leur rivalité (dédicace à la vidéo de l’ATP sur la finale du Masters 1996) : un échange où Agassi commence par dominer, avant de se faire contrer une première fois avant de renverser la dynamique sans concrétiser et finalement Sampras qui gagne le jeux de positions en concluant sur un revers croisé.
Pour ce match à l’AO, le tournoi a mis en ligne l’intégralité du match durant le confinement sur Youtube et c’est effectivement un très beau match sur le meilleur court d’Agassi.
Ce tie-break du 4ème set est l’un des plus beaux que j’ai vu avec notamment le passing croisé de Sampras, mais le niveau d’Agassi est hallucinant également.
Néanmoins, le tie-break du 3ème conclu 7-0 par Sampras est une séquence absolument divine du Grec (notamment un retour gagnant de revers au corps à couper le souffle) qui vaut le coup d’oeil.
Il me semble que dans sa bio, ou peut-être celle de Gilbert, il est expliqué qu’un souci physique de Sampras avait été rapidement perçu parce que son service était particulièrement exceptionnel alors que son déplacement latéral n’était pas aussi brillant.
Enfin, ton paragraphe sur l’orgueil démesuré des champions qui raisonnent de la façon « Le sort de la compétition est entre mes mains si je joue bien », un exemple impressionnant du genre est Rory McIllroy en golf qui est de loin le meilleur joueur de golf 17 trous sur 18, qui en a fait l’éclatante démonstration la semaine dernière en remontant 6 coups sur le dernier tour au n°1 mondial.
Salut Perse,
Effectivement, le tie-break du 3ème est un monument samprassien, Agassi ne peut que regarder passer les balles. Petite précision : Melbourne n’est pas encore, à ce moment-là, perçu comme le jardin favori d’Agassi. Il n’a qu’un titre à l’AO (il file vers son deuxième), contre deux pour Sampras. Je ne suis pas sûr que la surface soit réellement favorable à Agassi, les conditions atmosphériques oui en revanche. Agassi était plus imperméable aux fortes chaleurs que Sampras.
Pour les baisses de Sampras, je n’ai lu ni son bouquin ni celui de Brad Gilbert, mais je ne serais pas surpris que ce soit dans le bouquin de Brad. Il avait expliqué, juste après la finale de l’AO 95, qu’au 4ème set il ne doutait plus du tout de la victoire de son poulain : « quand il (Sampras) aligne les aces, c’est qu’il est cuit ». Il est bien possible en effet qu’il l’ait aussi écrit.
Pour l’orgueil, j’avais lu une interview à l’époque, où il disait ça. Le tout au milieu d’une interview comme il savait si bien les faire, lisse, sans aspérité. Un type hyper-modeste, mais qui lâche, au détour d’une réponse, que son raisonnement en amont de n’importe quel tournoi était « Tu dois pouvoir le gagner ». Et il ajoutait « Il n’y a aucune prétention de ma part, je vous dis juste comment je ressens les choses, c’est comme ça ». Et au vu de ses résultats, on était bien en peine de lui donner tort…
Le seul vrai reproche que je lui ferai, c’est à propos de Pat Rafter. Pitou a eu beaucoup d’adversaires de taille, ils ne sont pas bien nombreux (hors TB évidemment) à avoir été capables de lui tailler des croupières. J’avoue ne pas avoir très bien compris pourquoi il s’est lâché à propos de Rafter :
– l’Australien gagne l’US 97 alors que Sampras s’est incliné en huitièmes face à Korda. Rageant pour Pete, mais pourquoi ne pas s’en prendre, entre autres, à Agassi vainqueur de l’US 94 ou à Becker vainqueur de l’AO 96 ?
– Rafter le bat à Cincinnati en 98, au cœur d’un été de feu pour l’Australien où tout lui réussit. Le match se termine dans la confusion, par un service gagnant de Rafter que Sampras voit faute. Une fois n’est pas coutume, Pitou a l’air vraiment en colère, mais l’adversaire n’y est pour rien. C’est suite à ce match qu’il se fend d’un « 10 Grand Slams », en réponse à un journaliste lui demandant ce qui les différencie. Ambiance…
– Rafter remet le couvert 3 semaines plus tard, en demi de l’US. Pitou prend de justesse le premier set (11/9 au tie-break je crois) avant de se blesser dans le deuxième, et de finalement s’incliner en cinq sets. Là encore, c’est bien dommage pour lui, mais ce n’est pas la seule fois qu’il se blesse en cours de match.
Manque de respect. Temporaire d’ailleurs, Pitou ayant pris son téléphone pour s’expliquer directement avec Rafter. Tout rentre dans l’ordre. Il faut dire que Rafter ne le battra plus jamais… J’avoue ne jamais avoir compris pourquoi il s’en était pris à un adversaire de la sorte, et pourquoi Rafter, qui ne me semble pas avoir été le joueur le plus désagréable de son temps.
A propos de la bisbille Rafter/Sampras, il me semble qu’il s’en est expliqué :
- Sampras trouvait que Rafter était extrêmement unidimensionnel dans son jeu, et que donc le résultat devait être entièrement à sa main. Là, c’est clairement un biais mental et arrogant à l’égard de Pat Rafter qui n’y est pas pour grand chose. Simplement, Rafter n’était pas un joueur de sa catégorie, ce qu’il reconnaissait à Agassi ou Becker.
- Après sa saillie, Sampras explique dès le lendemain qu’il voulait faire « smart-ass » et qu’il regrette d’avoir dit ça (out of character comment), en notant toutefois que les journalistes étaient peu enclins à le voir faire de l’esprit au contraire d’autres joueurs.
Ce match de Cincinnati est d’ailleurs un peu étrange et tout à l’honneur de Pat Rafter qui fait preuve d’une grande ténacité. En effet, le premier set est une tornade samprassienne ou Rafter se fait breaker blanc (avec notamment un retour de revers pépite) et tellement démonter qu’il donne sa raquette à un ramasseur de balle ! Par la suite, il parvient à renverser le match.
- Un autre épisode de la rivalité est un match de Coupe Davis 1997 entre les 2 où Sampras est en fusion (d’autant plus qu’il perd le premier set au tie-break avec un manque de réussite abusé), avec quelques slam dunk qui sont les coups les plus proches de la boxe vus sur un terrain de tennis.
- Cet épisode ne demeure pas moins marquant puisque Rafter pas plus tard que cette année ou l’année dernière (quand il a repris des fonctions dans le tennis) a pu dire que lui et Sampras ne sauraient être plus différents.
« Sampras trouvait que Rafter était extrêmement unidimensionnel dans son jeu, et que donc le résultat devait être entièrement à sa main. Là, c’est clairement un biais mental et arrogant à l’égard de Pat Rafter qui n’y est pas pour grand chose. Simplement, Rafter n’était pas un joueur de sa catégorie, ce qu’il reconnaissait à Agassi ou Becker. »
De l’arrogance en effet. Vraiment de l’arrogance. Parce que sur la période 1997-2001, Rafter est vraiment un top joueur, un monstre physique vraiment dur à passer. Un joueur unidimensionnel ne l’aurait jamais emporté sur Sampras lors de ce match de Cincinnati. Je me souviens effectivement de Rafter impuissant donnant sa raquette à la ramasseuse, mais il est bien revenu et c’est lui qui a fait le break dans le troisième. Quand a eu lieu l’incident d’arbitrage, Pat menait 5/4 40/30 et le match était pratiquement plié. Autant Agassi a eu tort de voir Sampras comme un fraudeur de GC, autant Sampras a eu tort sur toute la ligne de considérer Rafter comme un fraudeur. Dans les deux cas, c’est du mépris injustifié, doublé d’une grosse erreur d’interprétation.
Chacun est humain mais Sampras l’a finalement dégluti et passé la page, non sans mal certes. Tandis qu’Agassi n’a pu s’empêcher en 2009 de baver méchamment quasiment 10 ans. Dans « A champion’s mind », Sampras ne bave pas sur Rafter et reconnaît ses torts par exemple.
Mais dans une certaine mesure Rafter était unidimensionnel par rapport à Sampras même si incroyablement fort durant 3-4 ans avant de se déglinguer l’épaule (pas tout le monde n’a la chance d’avoir des vérins hydrauliques comme Sampras).
Et il y avait un autre élément qui l’avait agaçé aussi : durant la très bonne période de Rafter, celui-ci était très populaire et apprécié en recevant énormément d’éloges et d’attention de la part des journalistes et compagnies. Rafter était mis au même niveau que Sampras déjà 4x n°1 avec 10 GC. Sa saillie était lié à ce 2 poids 2 mesures. Dans la même mesure que Dimitrov au moindre frémissement de résultat recevait une attention gigantesque alors que bcp d’autres joueurs plus consistants n’ont jamais été chouchouté par les médias.
Par exemple, Norrie a de fortes chances d’avoir une carrière in fine meilleure que celle de Dimitrov, or « nobody cared ».
Je vois ce que tu veux dire, mais unidimensionnel, Sampras aurait pu le dire à propos de n’importe lequel de ses adversaires (ou presque). Aucun n’était aussi complet que lui. Ceci dit, voir en Rafter uniquement un serveur-volleyeur est bien réducteur. Il n’était évidemment pas un shot-maker comme Pete en fond de court, mais il était capable de magnifiques constructions de points, avec l’objectif affirmé de terminer au filet, en usant notamment de placements millimétrés. Il excellait en particulier dans l’art du contrepied, sur terre battue c’était un régal de le voir jouer. Voir en Rafter un joueur unidimensionnel, c’est à peu près aussi absurde que de dire que Sampras n’était qu’un énorme serveur (chose que j’ai entendue aussi).
Quant au traitement médiatique favorable à Rafter, j’ignorais ce point (il a dit ça dans A champion’s mind ?), mais qu’a-t-il à dire de la différence de traitement médiatique entre lui, Sampras, et Agassi ? Pat Rafter, vu de derrière un écran, était un chic type sur le terrain. Soumis au filtre des journalistes, il était également un chic type. Mais quand tu vois son parcours, c’est un gars qui a quitté son pays très jeune, dans le cadre de programmes de tournées mondiales organisées par Tennis Australia. Un parcours qui lui a valu de tâter de la TB européenne très jeune, de dormir chez l’habitant, parfois chez des gens qui ne parlaient pas l’Anglais, et de passer des mois entiers loin de ses terres. Bref, un parcours différent sur bien des points de celui de Pitou, qui avait reconnu un jour n’avoir, jusqu’à son passage chez les pros en 88, quitté sa Californie natale que pour une poignée de compétitions nationales de jeunes (il expliquait d’ailleurs que c’est pour cette raison qu’il ne se percevait pas lui-même comme un client intéressant pour les journalistes). Au passage, tout ceci démontre la diversité des chemins possibles vers le haut niveau.
Bref, si j’avais été journaliste, j’aurais sans doute eu avec Rafter un éventail de sujets à aborder bien plus étendu qu’avec Sampras. Et ça n’a rien à voir avec un deux poids deux mesures.
Et si Pattoche dit aujourd’hui qu’ils ne pourraient pas être plus différents, j’aurais du mal à lui donner tort puisqu’il est, je crois (ou en tout cas a été) le responsable du haut niveau en Australie, donc un type qui donne beaucoup de son temps au partage, à la transmission et à des voyages dans le monde entier qui pourtant ne le concernent plus personnellement. Je voudrais bien dire quelque chose d’approchant à propos de Sampras, mais quand on lui demande ce qu’il fait aujourd’hui, sa réponse porte uniquement sur l’entretien de sa condition physique.
Bref, autant je trouve rances et injustifiés les règlements de comptes d’Agassi avec Sampras dans Open, autant je trouve tout aussi rance et injustifiée la litanie de propos que tu m’apprends sur Sampras à propos de Rafter, qui lorgnent du même côté, celui de la jalousie déplacée. Je te disais plus haut que c’est là le seul véritable reproche que je pourrais faire à Sampras. Mais surtout, si Sampras devait – ou avait dû, pendant sa carrière – se lancer dans des bouffées narcissiques en se comparant avec un autre joueur, je crois vraiment que d’autres joueurs auraient été plus pertinents que Pat Rafter, joueur ayant été un beau caillou dans sa chaussure… pendant un mois de sa carrière !
Le parcours de Rafter est très intéressant et il y a également de nombreuses interviews sur ses initiatives mises en place lors de son passage à la fédération australienne.
Notamment, la richesse pour lui d’avoir été sur la route dans sa jeunesse en passant chez l’habitant (apparemment, il a une tendresse particulière pour la France à ce titre d’ailleurs).
Rafter fut effectivement un caillou pénible durant un gros mois dans sa chaussure mais au moins, ça a été évacué par la suite, il n’y a pas de réglement de compte dans son bouquin. Les quelques propos sont des articles de journalistes durant le moment, il n’est jamais revenu là-dessus par la suite.
Quant à la différence de traitement entre Agassi et Sampras, je crois qu’il a accepté que ça faisait tourner le business, tant que le terrain était favorable, il était satisfait.
Oui évidemment je pense que la conversation avec Rafter est probablement plus facile et étendue, mais j’ai presque envie de dire que Rafter est l’exception qui confirme la règle puisque les joueurs de tennis australiens modernes sont rarement les plus simples (de Hewitt qui était très antipathique, à la tête de con fini Tomic, Kyrgios etc…).
Je suis quand même rassuré que les propos du Grec remontent au moment des faits, et que ses (tentatives de) justification ne figurent pas dans son autobiographie.
Rafter en France, j’en avais parlé sur un fil il y a quelques mois. Un de mes copains avait eu le privilège (rétrospectif) de l’affronter et de se prendre une branlée. Sur terre battue. Des échos qui m’en sont revenus par le copain en question, le jeune homme avait vraiment la tête sur les épaules. Et notamment il était conscient que les gens qui l’hébergeaient n’avaient pas sa vie de nomade, il était peut-être le premier et le dernier Australien qu’ils rencontraient et il importait de se conduire correctement vis-à-vis d’eux afin de leur laisser une bonne image de l’Australie. Ce comportement-là, il me semble y être resté fidèle tout au long de sa carrière.
Puisque tu parles des têtes de con Aussies, il me semble que Hewitt, insupportable sur le court, était beaucoup plus mesuré en conférence de presse. Il a eu un gros clash médiatique à l’US face à Blake (l’année où il est allé au bout), mais il passait aussi pour un type plutôt normal et amical en dehors du terrain. Je ne suis évidemment pas allé vérifier… Hewitt, je crois me souvenir qu’il connaissait Federer depuis l’adolescence, ce qui semble confirmer qu’il a aussi fait des voyages tennistiques en Europe.
Par contre, Tomic et Kyrgios, je n’ai pas l’impression qu’ils aient été en contact avec grand chose à part des consoles de jeux…
Au détour d’un papier sur les jeunes années de Roger, il y a quelques années, j’avais découvert que le premier Federer – Hewitt remontait à une compétition de jeunes en Suisse à l’été 1996. Il avait 15 ans. Donc oui, comme Rafter quelques années plus tôt, la teigne a pas mal voyagé dans sa jeunesse (et s’est frotté à la terre européenne, accessoirement).
C’est paradoxal comment l’éloignement (Kyrgios, Kokk en parlent bcp, Barty évidemment) semble être particulièrement devenu un fardeau pour les Australiens à une époque où les moyens d’être connectés aux siens à distance n’ont pourtant jamais été aussi nombreux. De là à penser que mieux vaut vivre son voyage à fond, en s’abstenant de regarder ce qu’on peut éventuellement manquer, plutôt qu’être connecté sur Zoom tous les soirs à se dire ‘je voudrais être avec vous’…
Merci Rubens pour cet Opus, sur lequel je n’ai pour l’instant rien à dire, tout bougon que je suis en découvrant ce matin que parmi les candidats à la place de 1, nous avons dorénavant Casper Ruud. Rien de personnel, Casper, mais, sérieusement…?
Casper a encore du chemin avant d’envisager de s’asseoir sur le fauteuil. Je n’ai pas le détail des calculs d’apothicaires, mais l’hypothèse Casper n°1 ne suppose-t-elle pas que Nadal et Alcaraz se vautrent rapidement ? Autrement dit, tout n’est pas non plus dans ses mains.
Le favori me semble désormais être Kyrgios.
Nadal pour moi. De toute façon tant qu’il est dans un tableau où Djoko ne figure pas je vois pas comment il ne peut pas être le favori n°1. ça sent encore l’US Open où il ramasse la mise sans jouer personne ou seulement des survivants cadavériques (je vois bien le gagnant d’un Carlito/Sinner exténué de s’être entredéchirés 5h durant juste avant). Un grand classique
Finalement Tiafoe aura eu la peau de Nadal. Côté course au numéro 1 mondial, Nadal peut très bien l’être malgré tout mais il faut que ni Alcaraz, ni Rudd ne soient en finale.
Si jamais Rudd perd en finale contre un autre qu’Alcaraz alors il deviendrait numéro 1 en n’ayant remporté pas mieux que des tournois ATP 250. Chose qui n’est jamais arrivée (pas plus que sur le circuit WTA)
https://twitter.com/josemorgado/status/1566912619021221893?s=21&t=7Y5qf1DnJTBpIMg0oty1ag et ici aussi https://twitter.com/josemorgado/status/1566917760189435904?s=21&t=7Y5qf1DnJTBpIMg0oty1ag
Vamos Carlito ! Il est l’Elu qui peut me réconcilier avec le tennis espagnol.
Je plussoie. Une finale Kyrgios Carlito avec la victoire de ce dernier en final et la place de n°1 serait une belle histoire.
Et heureux d’avoir éviter un 5ème titre de Nadalito qui aurait été l’égal de pas moins que Connors, Sampras et Federer. Ca m’aurait fait un peu mal……
Medvedev aura finalement fait une saison assez médiocre tandis que Kyrgios aura contre toute attente partiellement réalisé son potentiel.
Il demeure un gouffre entre le Big 2 et le reste du circuit et Nadal demeure favori pour moi. Le niveau de jeu des matchs est assez impressionnant coté masculin.
Côté WTA Caroline Garcia continue à impressionner.
Pfiou… Ce n’est pas un article, c’est un bouquin…
Quatrième passage ici, et j’en suis à peine aux deux tiers…
Mais je savoure.
Bon ce sera en vrac :
Courier d’abord, un cas que je trouve très particulier : une mainmise incontestable, une poigne de fer digne des plus grands (Big 3, Sampras, Lendl, Mc, Borg, Connors, en gros…), mais sur un laps de temps nettement plus court que les plus grands en question – on pourrait cadrer ça du printemps 91, avec Indian Wells-Miami et Roland, à la finale de Wimbledon 1993, soit 2 ans. Dans cet intervalle :
- il est à l’affiche de 7 finales de Chelem sur 10 possibles, dont 4 titres (et les 3 absences à l’affiche de la finale : 1x sorti un tour avant en 1/2, et deux fois le cas particulier du gazon de Wim, où il se contente de 1/4 et 3T)
- statistique que l’on peut étendre à 9 finales majeures sur 12 possibles si l’on intègre le Masters dans la dénomination de tournois ‘majeurs’ (F 91 et 92).
- Plus une Coupe Davis en 92, un doublé IW/Miami toujours réservé, 30 ans plus tard, aux plus grands, un back-to-back à Rome, seul tournoi préparatoire à RG qu’un Ricain pouvait décemment honorer de sa présence (Monaco ? Trop loin de l’échéance parisienne ! Hambourg ? Connais pas !)
Et puis il s’écroule, aussi spectaculairement que sa domination a été forte, et cette manière brutale de rentrer dans le rang explique sans doute aussi pourquoi il a un peu disparu des mémoires. Un profil assez unique donc, au moins concernant les n°1 du classement par ordinateur. Il est dans un entre-deux, dominant réel de son époque (ce qu’Agassi, Hewitt, Edberg ou Kuerten, pour prendre ceux qui évoluent dans les mêmes eaux au nombre de semaines n°1, n’ont pas été, ou sur des phases encore plus courtes) mais sans la durée qui d’habitude accompagne ces profils de patrons. Pour paraphraser Delpo quand il était devenu n°4 ou 5 mondial, « le meilleur des mauvais » ? Ou le moins bon des meilleurs ?
Pas si en vrac que ça, puisque tu parles uniquement de Courier !
[Au passage, je m'excuse du gâteau trop sucré qu'est cet article, mais le format série ne me semblait pas adéquat, je ne me voyais pas discutailler dans une première partie de trucs qui seraient abordés dans une deuxième partie]
Courier donc, un cas unique. Rien à rajouter à ton commentaire, sauf pour une private joke : je soupçonne que Courier a été rapidement oublié car avec 2 AO et 2 RG, c’est quand même un peu vulgaire par rapport à 2 Wim et 2 US. Mais, et ceci explique peut-être cela, la supériorité de son jeu s’exprimait davantage sur des surfaces lentes. A l’époque, tous ses détracteurs insistaient sur son jeu de bourrin, remarque qui pouvait s’appliquer sans problème à Agassi. Courier et Agassi d’ailleurs, c’est une autre grande histoire, mais l’article me semblait assez long.
Rentrer dans le rang de manière aussi soudaine, c’est presque unique, la seule comparaison me semble être Wilander. Sauf que le Suédois a plongé encore plus vite, et encore plus profondément, que Courier. Le bûcheron américain enchaîne en 94 deux demis en GC, jugées alors décevantes pour lui, il ne gagne pratiquement plus de tournois secondaires et se retrouve aux confins du top 15 fin 94. 95 signe un retour partiel, avec un match monumental bien que perdu face à Sampras à l’AO, qui laisse augurer un vrai retour. Promesse partiellement tenue, malgré une nouvelle grosse déception à Roland (battu en huitièmes par Costa), avec 4 titres et une dernière demi à l’US. Puis deux quarts en 96, dont le dernier, à Roland face à Sampras, qui le laisse boudeur… et définitivement déclinant.
Le cas Courier est unique, pas vraiment comparable à d’autres comme tu le soulignes. Un vrai boss, oui, mais sur une période assez courte. La meilleure illustration de l’importance de la confiance dans le tennis de haut niveau. Ayant perdu cette confiance, il flanchait systématiquement dans le money time, là où il l’emportait quasi-systématiquement sur la période 91-93.
Tu le formules sur le ton de la blague, mais je me suis posé sérieusement la question du prestige de l’OA qui « ternirait » un peu les accomplissements de Courier aux yeux du public de l’époque. 92, 93, on reste encore proche des années sombres de l’OA, surtout vu d’Europe ou des USA. J’y ai pensé aussi pour ta question relative à la demie Agassi – Sampras de l’an 2000 : trop loin des States pour une rivalité éminemment ricaine ? C’est plus ou moins dans ces années-là que j’ai commencé à suivre le tennis et il me semble que le règne de Dédé au tournant des 2000′s a fait beaucoup de bien à l’image du tournoi. Il sortait quand même de Korda / Rios, Kafel / Enqvist… c’était bien fragile niveau palmarès, tout ça. Et Andre, légende des 90′s (l’une des deux seules, en fait) arrive pour mettre de l’ordre là-dedans (et aider à oublier que des Clément, Johansson, Schuettler s’invitent encore trop souvent le dernier jour ), avant que la génération suivante, Fed, Hewitt et Safin en tête, ne fasse enfin plus de distinguo entre l’OA et les autres Chelems.
Je te livrerai un ressenti personnel, qui évidemment n’engage que moi, sachant que j’ai suivi les 90′s plus que toute autre époque.
Je n’ai pas du tout le souvenir que l’AO soit un GC au rabais dans ces années-là. Avec les finales Wilander/Cash, Lendl/Edberg, Becker/Lendl, Courier/Edberg (2 fois) et Sampras/Agassi, la question de la « valeur » d’une victoire à l’AO ne se posait même plus. Par la suite, mes recherches paléontologiques m’ont convaincu que le tournoi avait en fait comblé son retard dès 83. La période 96-99 est une période de relative instabilité au sommet du tennis. Agassi ayant plongé, il suffisait d’une sortie précoce de Pitou pour qu’une levée du Grand Chelem s’ouvre brusquement. Ca donne deux finales baroques à l’AO, mais ça donne aussi un Rafter/Rudedski à l’US, un Krajicek/Washington à Wim. Sans compter des finalistes pittoresques (Pioline, Moya, Philippoussis, Martin). Et je ne parle même pas de Roland…
Pour te donner un ordre d’idée, la finale de l’US entre Rusedski et Rafter a suscité peu ou prou la même consternation marketingo-médiatique que celle de 2014 entre Cilic et Nishikori. Comment vendre une finale pareille à la ménagère yankee de moins de 50 ans ? Heureusement cette année-là Venus Williams atteignait la finale…
Courier ne s’est pas effondre d’un coup (tout au contraire de Wilander), il a recule de maniere presque reguliere annee apres annee. Il perd la place de numero 1 en 93, puis quitte le top 10 en 94, puis le top 20 en 96, puis le top 30 en 98.. C’est une longue, tres longue descente dans l’anonymat tennistique d’un gars qui a en effet domine le tennis mondial pendant 2 ans.
De ce point de vue la, il me fait plutot penser a Roddick. Sauf que la domination de Roddick n’a dure qu’un ete, et que s’il est devenu peu apres globalement assez inoffensif, il est quand meme parvenu a rester assez longemps dans le top 10.
Mais la logique est un peu la meme : gros physique, puissance, mental. Mais finalement un jeu assez limite qui n’evolue pas, qui ne progresse pas et de plus en plus de joueur qui passent devant
Sampras, Agassi, Courier… Puisqu’on parle de n°1 mondiaux. C’est peu dire que le passage sur le trône de Daniil Medvedev n’aura pas été impérissable, m’enfin faut lui reconnaître une poisse certaine à toujours prendre Kyrgios très tôt dans ses tableaux : au 2e tour en Australie, d’entrée au Canada et en 8e à l’US… Si on considère que les deux avaient peu d’autres occasions de se croiser dans l’année (Kyrgios forfait pour la saison de terre, Meddy pour celle de gazon), le Daniil est pas loin d’avoir fait carton plein sur les tirages piégeux !
Et c’est significatif que tu dises ça dans ce sens-là. Tu prends n’importe quel joueur, tu le mets une poignée de fois face à Medvedev dans la saison, tout le monde prendra le joueur en pitié en lui disant qu’il a vraiment eu des tirages pourris en tombant aussi souvent et aussi vite sur Medvedev. Mais on parle de Kyrgios, donc c’est Medvedev qui a eu des sales tirages !
Le trublion ne fait qu’exprimer le potentiel qu’on lui connaît depuis 8 ans. Et je crois bien que Meddy a raison : quand il joue comme ça il rivalise en niveau avec Nadal ou Djoko. Je reste incrédule, quand même, devant sa capacité à jouer à un niveau pareil sans être concentré. Ou plutôt sans avoir besoin d’être concentré.
« C’est significatif que tu le dises dans ce sens-là » Ben oui, c’est la tête de série qui est censée être protégée dans les premiers tours, pas le 45e joueur mondial !
Jusqu’à maintenant, Kyrgios a toujours eu l’avantage d’être celui qui peut causer la « surprise » et perturber le tableau, étant moins bien classé que son niveau reel. Je suis curieux de voir comment il réagira si son classement s’améliore et qu’il devient un de ceux qu’on désigne comme favoris, avec la pression de devoir répondre aux attentes match après match.
Et au fait les tauliers, c’est moi ou depuis plusieurs jours le serveur de 15-love rame comme un Gasquet devant rentrer sur le court pour un match de Coupe Davis ?
nan, j’ai la même. Je m’étais dit que je purgerais mon cache et testerais un autre navigateur, mais à te lire je pense pouvoir m’en passer…
Sans doute la faute aux 125 vidéos invisibles dans l’article-bouquin de Rubens…
Je n’ai pas réussi à en mettre une seule ! C’est un bug d’ailleurs !
dis-moi si tu en as d’autres. A ce niveau j’ai pu intégrer celles de l’OA 2000 et Cincy 99 sans problème.
Je suis carrément navré de te demander de le faire, mais quand j’ai réessayé il m’a même viré la vidéo que tu avais mise !
Sans trop surcharger :
– la finale du Masters 99 : https://www.youtube.com/watch?v=MFUmjBN3OdU
– le quart de l’US 2001 : https://www.youtube.com/watch?v=rDW5M561YM4
– la finale de l’US 2002 : https://www.youtube.com/watch?v=177xcoV9P7U
Mais c’est surtout à leur match de Cincinnati que je tenais, pas grand monde n’a vu ce joyau ultime !
Le bon vieux temps : https://www.youtube.com/watch?v=tmRsGu5HzRg&pp=ugMICgJmchABGAE%3D
Le bandeau Nike sur le crâne quasiment rasé, bien vu, c’est le même, 17 ans plus tard !
Ceci dit Blake avait un revers à une main, ce qui rendait son exploit encore plus remarquable.
Un autre souvenir qui me revient sur Courier, c’est la chronique de l’AO 1992 dans une revue mensuelle dédiée au tennis. Le journaliste relève que tout au long de la quinzaine, le n°2 mondial Jim Courier n’a guère eu les faveurs médiatiques ou organisationnelles. Et quand on lui pose la question, Jim répond quelque chose comme « dès lors que j’ai droit à deux services et que mon adversaire n’a pas droit au couloir de double, ça m’est complètement égal de jouer sur le court n°25″. Cet opus avait été marqué par l’éclosion de Ferreira et Krajicek, tous deux demi-finalistes, et par le parcours d’un McEnroe vieillissant jusqu’aux quarts. Autant d’événements qui avaient éclipsé la finale et le vainqueur.
Puisque la mémoire collective est au cœur de mon article-livre, cet AO 1992 est un autre révélateur du décalage entre la réalité et ce que les gens retiennent. Pas grand monde n’a retenu la finale de l’AO 92 entre Edberg et Courier, beaucoup en revanche ont été marqués par le fabuleux numéro de soliste du Suédois quelques mois plus tôt à l’US Open, sur les terres de Jim donc. La nationalité et le lieu du crime ne font rien à l’affaire : Jim Courier n’avait pas les faveurs du plus grand nombre. Il n’était pas détesté, mais il suscitait une indifférence polie, au mieux du respect. Son histoire est d’ailleurs marquée par Bollettieri, qui a manifesté assez tôt une préférence pour Agassi dans son académie. Au point de soutenir le Kid lors de leur affrontement à Roland en 89, à une époque où Courier faisait pourtant encore partie de l’académie. Le comportement de Bollettieri était finalement le même que celui du grand public (ce qui était une faute évidemment de sa part).
Tout ça pour dire que l’oubli partiel dans lequel est relégué Jim Courier aujourd’hui n’est que l’écho de l’indifférence (relative bien sûr) qu’il a suscitée au moment de sa domination. Je ne crois pas que le personnage soit en cause, car Jim était un type assez sympa. Il n’avait pas le talent d’Agassi pour faire en sorte qu’on le regarde et qu’on parle de lui, mais Edberg et Sampras non plus n’avaient pas ce talent. Non, ce qui gênait avec Jim, c’est son jeu dépourvu de finesse, qui transpirait le travail et la discipline de moine, mais pas le talent. Le refrain est connu. Et je ne crois pas qu’un titre à l’US Open aurait modifié significativement sa place dans le cœur du public.
Des perles ces vidéos :
Appréciez comme il se doit la traduction en sous-titres des commentaires lors du Nadal / Blake
Le court sans couloir de double lors de la finale du Master 99. Je voudrais bien savoir si ça perturbe les joueurs cette absence de repères traditionnels.
Je plussoie. Une finale Kyrgios Carlito avec la victoire de ce dernier en final et la place de n°1 serait une belle histoire.
Et heureux d’avoir éviter un 5ème titre de Nadalito qui aurait été l’égal de pas moins que Connors, Sampras et Federer. Ca m’aurait fait un peu mal……
Encore un article fleuve chef-d’oeuvre de Rubens, bravo à notre historien bibliothécaire au clavier si facile !
Ce soir, Casper Ruud est à moins de 500 points de la place de numéro 1 mondial, l’absence de points attribués par Wimbledon participe un peu de cela, mais c’est une configuration insolite. Alcaraz serait quand même plus crédible comme N°1… Je signerais bien moi aussi pour une finale Kyrgios – Alcaraz avec une victoire de de ce dernier, mais Sinner semble très fort et sur une excellente dynamique face à Alcaraz.
Donc si je comprends bien, si Ruud bat Khachanov et va en en finale, et dans le meme temps Alcaraz perd ce soir contre Sinner, Ruud sera numero 1 mondial lundi prochain. C’est meme plus une possibilite, c’est desormais carrement probable.
On est dans un vrai creux historique ou on risque, comme c’etait le cas en 1998-2000, de voir une ribambelle de numero 1 ephemeres. Enfin Ruud, c’est quand meme un cas extreme vu qu’il est numero 7 aujourd’hui.
Dingue de se dire que si Alcaraz perd en demi-finale et que Ruud se qualifie pour la finale mais perd dans la foulée, il deviendrait numéro 1 mondial avec pour seuls titres des… ATP 250
ceci est un message de service : d’autres parmi vous rencontrent les mêmes problèmes que Rubens ? Chargement de page très long (ça, j’y ai droit aussi), liens d’articles qui sautent, et même depuis peu impossibilité de répondre…
Pour moi, temps de chargement long, mais pas d’autre inconvénient, sauf bien sur si ce message de réponse ne part pas…
pareil pour moi.
Une qui ne rame pas, c’est Garcia. Incroyable la violence de ses coups. Aux 4 coins de Paris !
pareil, chargement tres long. me croirerais revenu au temps de la 2G
La même.
Je ne sais plus si c’était hier ou avant-hier, je n’ai tout simplement pas pu accéder au site.
Test. Ca marche ?
Guillaume, tu as fait quelque chose pour me débloquer ?
@Guillaume, à propos de Hewitt : c’est bien ce papier sur la jeunesse terrienne de Roger que j’avais en tête, mais j’ignorais qui en était l’auteur.
Ca fait un moment, maintenant, qu’au détour de nos échanges on en revient au même questionnement, le mal-être de cette jeunesse du tennis qui souffre de l’éloignement familial et ne supporte pas la vie de nomade inhérente au circuit professionnel. Tantôt on zoome sur l’Australie qui semble avoir perdu sa culture de l’éloignement, tantôt on évoque un phénomène qui frapperait notamment les filles et expliquerait en partie l’instabilité qui règne au sommet du tennis féminin. Il est paradoxal, en effet, de constater qu’à une époque où tous les jeunes sont suspendus à leur portable et peuvent communiquer en direct avec l’autre bout du monde, l’éloignement de leur famille soit à ce point une source de fragilité émotionnelle.
Je ne sais pas si Pat Rafter (ou Lleyton Hewitt, donc) ont évoqué leurs voyages de jeunesse dans des interviews. Mais je crois qu’en plus de leurs expériences de jeunesse, ils ont aussi en commun des responsabilités à Tennis Australia et sont en contact régulier avec les jeunes Australiens prometteurs. A ce titre, je suis vraiment curieux de voir ce qu’ils auraient à dire sur le sujet qui nous préoccupe.
Et sinon, cet US Open commence vraiment à être intéressant. Après 18 ans de triumvirat, voir enfin un GC partant dans tous les sens, ça fait quand même un grand bol d’air frais.
J’imagine que si Casper Ruud devenait n°1 mondial en atteignant la finale, par exemple en perdant contre Rublev, les commentaires iraient bon train. Ceci étant, le Norvégien n’aura rien fait d’autre que faire de son mieux sur le terrain. Son tort est peut-être, à l’instar de Jim Courier, de ne pas avoir un jeu cochant toutes les cases de la légitimité tennistique pour prétendre s’asseoir sur le trône. Mais les mathématiques sont une discipline imparable, le système de classement est ainsi fait que gagner 100 points à 10 reprises revient à gagner 1000 points en une seule fois.
Ma foi, que Ruud devienne n°1 mondial dans de telles circonstances me dérange moins que de voir l’ATP aphone sur les multiples zones d’ombres du Djokogate de Melbourne, et en particulier les doutes (pour ne pas dire plus) qui subsistent sur le soi-disant test PCR positif qu’il a présenté aux autorités australiennes. C’est bien l’ATP, je crois, qui a édicté un système de sanctions pour présentation de fausses attestations. La même ATP ne semble pas non plus voir le moindre problème lorsqu’un Nadal shooté aux corticoïdes se produit – et gagne – à Roland. Nous avons eu sous les yeux, lors de cet US Open, un Nadal non shooté, avec le résultat que l’on sait.
Et côté féminin, je suis évidemment attentif au parcours de Flying Caro.
En tout cas, le site n’est pas shooté aux corticoïdes car je confirme que tout est très très long, de la connexion à la navigation.
Mais quand c’est long, c’est bon, comme l’excellent et long article de Rubens, comme toujours, côté excellence et longueur.
Si Alcaraz bat Sinner, alors il gagnera l’US Open et sa domination sur le tennis mondial sera très…longue aussi.
Et le festival continue : Tiafoe vient de passer en trois sets contre Rublev. Alcaraz est mon favori de raison, Tiafoe mon favori de coeur.
Tout pareil. Et en même temps, Rublev est assez prévisible, il ne passe jamais les 1/4. Dommage, c’était mon favori de coeur et je me reporte à présent logiquement sur le sympathique Frances.
Vu que Sinner et Alcaraz jouent depuis 5h et qu’il est 3h du mat a NY, Tiafoe est forcement favori de la demi-finale demain. Ruud est desormais tres proche de la place de numero 1 mondial.
Et Alcaraz vient de passer à nouveau en cinq sets… Je ne me hasarde plus au moindre pronostic. Le béornide est à terre, désormais tout m’ira.
Tiafoe son niveau hier était assez jouissif. Il est dans la zone. Après on va pas se leurrer, la qualité de son revers et de sa volée indiquent un surrégime assez net. Maintenant, si ça peut durer encore deux matchs… Il a une vraie fenêtre : Carlito sera forcément dans le dur si le match s’étire en longueur en demie ; quant à la finale : Tiafoe – Khachanov c’est du 50/50, tandis que Ruud, qui aurait déjà la pancarte, jouera la place de 1 en plus du titre.
Tournoi très sympa, en tout cas. Très rafraîchissant sur le plan du suspense et avec malgré tout son lot de grosses bastons. Un big 3 vous manque et tout est repeuplé.
N’empêche, vous imaginez : des années qu’on se paluche sur la NextGen, ses Zverev, Fanou, FAA, Shapovalov and co… et au bout du compte, après Medvedev (pas très en vue avant ses 22,23 ans), on peut/va se retrouver avec Ruud/Kachanov/Tiafoe qui fait sauter la banque à son tour
Ok ok, mais…Tennistiquement parlant, tout ça est un peu pas très beau. Déjà, plus un seul R1M depuis longtemps, la messe est dite. J’aime Rublev pour son héritage Russe de la célèbre maxime de Safin « j’ai essayé de jouer intelligemment, ça ne m’a pas réussi », mais il bloque et rebloque. Ruud est transparent, Alcaraz déjà agaçant, Kacha et Tiafoe sont nettement plus sympas…Bref, allez Frances.
Et vive l’Open de Rennes.
« j’ai essayé de jouer intelligemment, ça ne m’a pas réussi »
Juste mort de rire. Je ne la connaissais pas celle-là, mais elle est collector. Ah Marat, il faudra que je me penche de plus près sur les petits recoins de ton œuvre…
Bon, je reviens au Guerre et paix de Rubens
Sampras – Agassi maintenant : c’est une rivalité qui avait tout pour elle, d’un mariage d’un jeu idéal (serveur/relanceur, attaquant/baseliner) à une opposition de caractère tout aussi marquée. Elle a pourtant une grande particularité, qui explique aussi en partie l’aura du 1/4 de l’US Open 2001 : c’est la seule rivalité de géants qui n’a jamais eu son monument en finale majeure. « LE » match où tout est réuni, la qualité du jeu, l’importance de l’enjeu et l’indécision du score. Borg – Mc ont eu Wim 80 (voire la finale de l’US juste après) ; Fed – Nadal ont eu très tôt dans leur rivalité les finales de Wim 2007 et 2008 (sans parler de l’OA 2009 ou, bien plus tard, l’OA 17) ; Nadal – Djoko ont eu très vite également l’US 2011 et l’OA 2012 ; Edberg – Becker ont eu leur belle en 5 sets à Wim 90 après le 1-1 des deux années précédentes ; même les amateurs de Lendl – Wilander ont fini par avoir la finale de l’US 88… Sampras – Agassi, pour légendaire et riche en grands matchs qu’elle soit, n’a jamais eu ce rendez-vous là, celui qui synthétise tout. Des matchs de super niveau, oui (pensée pour le 1/4 de Bercy 94 qui est réellement génial), des one-man-show aussi (Sampras 99), mais des face-à-face indécis pour un grand titre… leurs 3 finales d’US Open à ce titre ont manqué d’épique, alors que les configs étaient excitantes (les Young guns en 90, l’explication des 2 patrons en 95, le dernier combat en 2002). Effectivement, la demie de l’OA 2000 et le quart de l’US 2001 ressortent assez nettement… mais c’est assez étrange de se dire que si on devait hiérarchiser les affrontements des deux plus grands champions des 90′s, on n’aurait pas mieux à se mettre sous la dent, sur le plan de l’enjeu, qu’un quart et une demie de GC (ou l’un des deux n’a pas même été au bout dans le premier cas).
Ta réponse à mon Finnegans Wake me rappelle un truc que j’avais lu dans la presse américaine, je crois que c’était juste après l’US 2015 qui avait débouché sur une finale Fedjoko. Le journaliste évoquait les rivalités Fed-Djoko et Nadal-Djoko et le souffle épique qui leur était associé, en les comparant aux autres grandes rivalités de l’histoire (en gros celles que tu cites toi-même). Il y avait une grande absente : la rivalité Federer-Nadal. J’avais bien relu pour être sûr de ce que je lisais. La raison en est évidente : ça restera, pour les Américains, la grande arlésienne, leur grand manque.
Et a contrario, il est significatif que la rivalité Becker-Edberg ait toute sa place parmi les grandes rivalités de l’histoire, quand on rappelle que lors de leurs trois finales à Wim aucun des deux n’était le n°1 mondial ! Avis personnel : je pense en plus que leur demi de Roland en 89 est leur plus beau match en GC.
Que ce fut beau!
Je suis tout émoustillé que Laurent Vergne partage mes obsessions.
https://www.eurosport.fr/tennis/us-open/2022/les-grands-recits-us-open-2002-pete-sampras-la-symphonie-achevee_sto9130109/story.shtml
Et c’est complémentaire de ta somme. Décidemment que j’aime les grands récits d’Eurosport, une rubrique qui fait honneur à la profession : belle plume, sourcés et bien emmené.
Je retiendrai la citation de Todd Martin « Autant Pete a toujours été mal à l’aise en public, autant j’ai toujours eu l’impression qu’il était aussi à l’aise dans sa peau que n’importe qui », et encore la traduction est un calque qui ne restitue pas toute la puissance de la tournure : S’il y a bien un mec bien dans sa peau, c’est Sampras.
L’escarmouche de 2010 est bien expliquée, avec Agassi qui s’est bien fourvoyé aussi.
Le retour d’Annacone est bien détaillé et j’ai appris plein de choses là-dessus aussi.
———————-
Bien joué Alcaraz, contrairement à toi j’aurai préféré Sinner dont j’admire la persistence dans son jeu. Alcaraz est extraordinaire, mais là c’est purement mon biais basque qui s’exprime : j’en ai soupé des espagnols au tennis.
Quel talent : https://youtu.be/Wm7OqT_F3nA
Au secours !
Alcaraz a le même body langage que Djoko et fini par dégager la même arrogance ! On dirait du copier/coller, c’est frappant. Beurk.
Voilà qui me rassure. Autant son jeu m’enthousiasme nettement plus que celui de Djoko (en même temps, avant 2010, celui de Djoko était autrement plus sympa à regarder que le mur quasi infranchissable qu’il est ensuite devenu), autant son body language, je ne peux pas. Et les commentateurs n’en parlent jamais…
C’est parce que le jeu et le personnage indiffèrent poliment, mais en faisant la démarche de regarder les résultats de Ruud depuis un an, on se rend compte en réalité qu’une accession au trône, COUPLEE AU TITRE A NEW YORK*, ne serait pas si infamante que ça : un titre à l’US et une finale à RG en 3 Chelems joués (il était forfait en Australie), conjugués à une grosse régularité en M1000 (finale à Miami, 1/2 à Rome, Montréal et au Masters en novembre dernier), plus 4 ATP 250 au compteur dans l’intervalle… ça serait pas fédéresque ou djokovien, mais largement dans les eaux de nombreux n°1 « normaux » (Medvedev, Rios, même Kafel quand il accède au trône), voire au niveau des millésimes les plus faibles de certains géants (Sampras n°1 en 98 pour être dans le thème de l’article).
100% d’accord.
Et dans le même registre que Ruud, je crois que Berrettini est aussi un grand sous-estimé. Dans la désormais fameuse NextGen on recensait Thiem, Zverev, Shapo, Rublev, Medvedev, Tsitsipas. Quand tu regardes Berrettini qui enchaîne les quarts en GC malgré les blessures et le Covid, c’est quand même hyper-consistant au final, y compris si tu compares aux joueurs cités ci-dessus. Mais je vois bien que dans le ressenti général, la NextGen déçoit mais l’Italien, lui, ne déçoit jamais parce que personne ne l’attend jamais. Et c’est exactement pareil pour Ruud.
En fait, pour Ruud, cela aurait été surtout bizarre s’il l’était devenu sans remporter le tournoi, ce qui est aujourd’hui impossible. Quand on voit que certaines années remporter 2 GC et des Masters 1000 ne suffisait pas forcément pour le devenir, y arriver en n’ayant gagner « que » des tournois ATp250 , cela aurait été pour le moins étrange.
Ceci étant dit, si joueur ne peut pas battre un autre joueur que celui qui est de l’autre côté du filet, ce n’est pas de sa faute s’il est autrement plus régulier que les autres. Et les autres n’ont qu’à faire mieux
Point de mutants entre Khachanov et Ruud pour conclure ce premier set. 7/6 pour le Norvégien.
Alcaruud, ouf, l’explication pour le premier Grand Chelem et la première place mondiale aura bien lieu. Je veux un match pour la troisième place entre Tiafoe et Kyrgios (qui remplace Cracranov parce que tout le monde en a envie).
https://www.youtube.com/watch?v=61V2EY1ypeQ
Ce gamin de 19 ans est très impressionnant. Plus il joue en 5 sets, mieux il joue ! Etonnant d’avoir une telle caisse physique à cet âge. En plus, il aurait pu plier plus tôt ses deux derniers matches. Dans un an, s’il n’est pas blessé, il sera injouable.
Il serait logique, vu les efforts fournis, que Ruud l’emporte. Mais je n’y crois pas.
Si Casper Ruud remporte l’US Open, il sera en quelque sorte le Thomas Johansson de la place de numéro un mondial, à ceci près que les efforts nocturnes de Carlitos auront été chastes.
Et ben, si on m’avait dit en Janvier que la place de numéro 1 se jouerait entre Ruud et Alacaraz en finale de l’US open.. et en même temps, on ne pourra pas dire que le vainqueur l’aura volé. Même si on n’oubliera pas que Djokovic n’a joué que 2 GCs, et en gagnant Wimbledon sans points.
Si on me l’avait dit même au mois de mars, quand ils s’affrontaient en finale à Miami. Six mois, si loin…
Les deux Grands Chelems, c’est de sa faute s’il ne les a pas joués et Wimbledon, il y a participé en sachant qu’il n’y aurait pas de points. Et il n’a pas adapté son année pour essayer de palier un tant soit peu les points qu’il ne pourrait pas avoir par son refus de la vaccination. Il n’y a aucun astérisque à apposer à côté du nom du numéro 1 mondial de lundi ou sinon on peut aussi dire qu’il n’y avait pas Federer de la saison, que Murray a la hanche en vrac depuis 5 ans et que Nadal s’est non seulement rappelé qu’il avait mal au pied mais qu’en plus il s’est fait mal aux abdos. Sans oublier Zverev qui soigne sa cheville en vrac