On a tenté il y a longtemps de déterminer le pire vainqueur en Grand chelem de l’ère Open. En extension à l’indispensable saga de Rubens sur les années sombres de l’Open d’Australie et comme en réponse à ce vieil article commis par ma pomme, je propose de mettre tout le monde d’accord via une embardée du côté de ces dames, découvrir deux joueuses dont j’ignorais tout jusque-là et qui illustrent combien les tableaux féminins de Kooyong étaient à l’époque bieeeeen pires que leurs homologues masculins. J’avais pensé au départ n’en garder qu’une seule mais impossible de les départager – le fait qu’elles se suivent au palmarès n’en est que plus savoureux. Vous allez voir que Mark Edmondson et Brian Teacher à côté ressemblent à des géants de l’ère Open.
Pour vous mettre dans l’ambiance :
Chris O’Neill (à gauche) est australienne. Elle a remporté l’Open d’Australie en 1978 alors qu’elle émargeait au 111e rang mondial. C’est son seul titre WTA recensé. Elle n’a même atteint qu’une seule autre finale* : Brisbane la semaine précédent son « run » à Kooyong. Le reste de son CV en Grand chelem est rachitique : un troisième tour à Wimbledon en 1974 et un seul match gagné à Roland-Garros en six tentatives. Et ce n’est pas son parcours victorieux à Kooyong qui va la sauver : Leanne Harrison, Beth Norton, Dorte Ekner, Dianne Evers et la spécialiste de double Betsy Naegelsen, seul nom que je connaisse un minimum, en finale. Elle a au moins le mérite de ne pas perdre un set en chemin. Son plus grand fait de gloire par ailleurs sera un set pris à Navratilova sur l’herbe de Newport dans ses premiers temps sur le circuit, en 1974, et un autre à une Evonne Goolagong un brin sur la jante à Sydney en 1982. Ne lui parlez pas en revanche de Chris Evert qui l’a toujours concassée. Son meilleur classement** : n°67 (un brin meilleure en double avec 6 tournois remportés et deux demies à l’Open d’Australie). Un autre titre en Grand chelem figure à son palmarès : le titre juniors de l’Open d’Australie en 1974 !
Ashleigh Barty la remet dans l’actualité : la n°1 mondiale peut devenir samedi la première Australienne titrée dans son Grand chelem national depuis Chris O’Neill.
Barbara Jordan (à droite) est américaine. Elle a remporté l’Open d’Australie en 1979 alors qu’elle émargeait au 68e rang mondial. C’est son seul titre WTA recensé. Elle n’a même atteint qu’une seule autre finale* : Nagoya fin 1980. Le reste de son CV en Grand chelem est rachitique : une poignée de troisièmes tours à Wimbledon (1978, 1980, 1983) et à l’US Open (1977, 1979) et un seul match gagné à Roland-Garros en six tentatives. A sa décharge toutefois : son Open d’Australie victorieux est un brin plus reluisant que celui d’O’Neill concernant les joueuses battues, avec l’émergente Hana Mandlikova en quarts et l’expérimentée Reneta Tomanova (finaliste à Roland-Garros et en Australie en 1976) en demies, avant la spécialiste de double Sharon Walsh en finale. Seul Tomanova parvient à lui prendre un set. Son plus grand fait de gloire par ailleurs sera un set pris à Navratilova sur l’herbe de Wimbledon en 1978 et un autre à une Billie Jean King un brin sur la jante à Eastourne l’année suivante. Ne lui parlez pas en revanche de Chris Evert qui l’a toujours concassée. Son meilleur classement** : 37e (un brin meilleure en double avec 4 tournois remportés et une demie à Roland-Garros). Un autre titre en Grand chelem figure à son palmarès : le double mixte de Roland-Garros en 1983 !
Danielle Collins la remet dans l’actualité : l’Américaine peut devenir samedi la première joueuse issue de la filière universitaire NCAA à remporter un Grand chelem depuis Barbara Jordan.
Vous me demanderez pour conclure : ces deux héroïnes du bush de Kooyong se sont-elles croisées ? Et bien oui, pour deux victoires à huit jours d’intervalle de Barbara, 6/3 6/2 au premier tour de Birmingham et 6/3 6/3 au premier tour de Wimbledon en 1983. Cet indispensable focus terminé (faut pas déconner non plus), bonne fin de tournoi !
*méfiance tout de même tant ITF, WTA ainsi qu’ATP ne sont jamais bien sûrs d’eux-mêmes quand il faut faire le tri des petits tournois des années 70. D’autres sources accordent un second titre à Chris O’Neill, et une finale supplémentaire à Barbara Jordan.
** idem, méfiance tant les classements étaient rudimentaires à l’époque. Quand on voit qu’ils ont réalisé 30 ans plus tard qu’Evonne Goolagong avait été n°1 mondiale, on imagine à quel point il faut relativiser les classements lointains comme ceux qui nous intéressent ici.
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Enorme
Je crois qu’on a là l’article qui met tout le monde d’accord. De toute l’histoire de ce site, c’est le plus improbable. Je te tire mon béret.
Je repasse très vite.
Cet article est le chef-d’oeuvre absolu du site !
Longtemps, Fred Verdier ne fut pour moi qu’une voix. Alors j’imaginais un physique. Grand, 1m90, cheveux gris, yeux bleus, le quinqua mannequin. Une allure d’acteur de sitcom ou de Laurent Solly. Puis j’ai découvert l’envers du commentateur. Un p’tit gros, une tête…, un air… (complétez avec le manuel de Perse). Le gars pontifie, s’écoute parler, prend de haut d’ex-bons joueurs ou d’anciennes grandes championnes. Dis, Fred, tu t’es vu ?
un air de Dimitrov (ou de Raonic, mais lui au moins est traité à hauteur de son charisme).
Super!)
Et donc, 43 ans après, Chris O’Neill a une successeuse aussie au palmarès.
La main gauche sur le cœur et la main droite sur les Evangiles, je jure solennellement avoir épuisé mon réservoir personnel de prose avec mes cinq volets sur le Bush de Kooyong, que j’ai arrêté de vous faire chier avec ça, que cette postface est l’œuvre de Guillaume et de lui seul et qu’il ne m’en avait pas informé.
En lisant la trajectoire de ces deux jeunes femmes, je cherche en vain un équivalent (à l’Open d’Australie ou ailleurs) du côté masculin. Je n’en trouve pas. Les étoiles filantes Carretero et Verkerk ont replongé aussi soudainement qu’ils n’étaient apparus, leurs carrières sont loin d’être aussi longues et ils ne sont pas vainqueurs de GC. Les Edmondson, Kuerten et Ivanisevic ont un pédigrée autrement plus fourni, et leur parcours jusqu’au sacre est beaucoup plus solide. Idem pour ce brave Gaston à RG 2004. Johansson à l’AO 2002 idem, sa carte de visite est quand même plus fournie que celles de ces dames.
Celui qui s’en rapprocherait le plus, c’est Chris Lewis à Wim 83. Trois titres de seconde zone dans sa carrière, et une 19ème place mondiale à son meilleur, pour une carrière d’une dizaine d’années entre 1976 et 1985. Deux huitièmes de finale aux AO 1977 et 1981 – en pleine traversée du Bush, donc. Rien d’autre. La comparaison s’arrête là : en finale de Wim, Mac ne l’a pas seulement battu, il a bien fait comprendre à tout le monde que Lewis n’avait rien à faire là. Et par ailleurs, en battant Steve Denton et Kevin Curren, Chris Lewis a tout de même une carte de visite un peu plus consistante que Barbara Jordan et Chris O’Neill lors de leurs parcours respectifs.
Pour tenter une véritable comparaison, il faut imaginer Jared Palmer sacré à l’AO 1994 en battant Lars-Anders Wahlgren, Martin Damm, Brett Steven, Gianluca Pozzi, David Rikl, Tomas Carbonell et Kenneth Carlsen en finale. Et là, on se frotte les yeux et on se dit que le tournoi ne vaut même pas le statut de 250, on est carrément dans le standing d’un challenger… Je manque toujours de billes pour fresquer le tennis des années 70, et encore plus s’il s’agit d’évoquer le tennis féminin. Heureusement que le boss est là. Mais en effet, c’était encore pire chez les filles !
Merci Guillaume pour ce voyage bonus vers les temps obscurs du Bush australien. Pour pinailler et te ramener à tes devoirs, je vais lancer ce qui est en train de devenir un cri de ralliement : et Ben Testerman dans tout ça ? Tu m’as terrassé avec Rodney Harmon, mais Testerman, c’est quand même le dernier vainqueur de Boris sur gazon avant le séisme londonien de juillet 1985, ça vous pose un homme. Dans le genre demi-finaliste pittoresque en GC, John Sadri m’intrigue aussi…
Nous avions un jour évoqué le second couteau que nous aurions aimé être. Morglen avait songé à Richard Fromberg pour sa poignée de titres remportés et ses deux huitièmes de finale à l’Open d’Australie, chez lui. J’avais pour ma part écrit que j’aurais adoré gagner de grands titres en double avec mon meilleur pote. Si l’on écarte toutes ses sorties de route verbale, la carrière de Nick Kyrgios commence à avoir quelque chose de franchement sympa.
Nick Kirgyos c’est le Mladenovic australien…
Avec bcp plus d’investissement perso dans son tennis il aurait pu être un regulier du top 10…
Commme Kiki il a eu son heure de gloire en simple avant de réussir en double à gagner un grand chelem si convoité.
Ils ont le même type de melon, et l’arrogance du mec qui a certes battu le big 3 mais qui n’a rien fait après…
Bravo à lui de faire du Mladenovic. C’est pas donné à tout le monde.
C’est un peu une voix sans issue pour Rafa, la.
Rarement je l’ai vu à ce point impuissant. Et il n’est pas bon.
Il va lui falloir avoir des velléités plus offensives à mon avis. Chercher davantage à aller au filet.
Au jeu de l’essuie-glace, Daniil est meilleur.
20 fautes directes de Rafa en 10 jeux. Du jamais vu !
Mauvais jeu de service de Medvedev. Rafa s’engouffre dans la brèche avec un point assez extraordinaire et voilà le match enfin lancé!
Quelqu’un aurait un bon lien de streaming à m’indiquer ?
Nadal fait des fautes que je ne l’ai jamais vu faire
Magnifique passing pour conclure le set. Rafa fait son âge…
Superbe deuxième set. Il a tout donné l’espagnol, il a mené, servi pour le set, et il a quand même perdu. Game over.
Game over avec Nadal? Ça c’est seulement au moment de la poignée de mains!
6-2 7-6 3-2 et 0-40 sur le service de Nadal.
Le gars trouve les ressources de revenir, gagner le set, et rester vivant.
Si Nadal gagne, je considère que le poste de Kristian y aura été pour beaucoup !
Je me suis souvent trompé, mais la..
Vraiment pas merci sur ce coup-là
qq un a bon stream ? tous les liens du site jokerlivestream rame chez moi ahah je suis degouté
Ce match n’a pas du tout le déroulement auquel je m’attendais. Je n’aurais jamais imaginé que Rafa serait physiquement capable de remonter deux sets de handicap. Il est tout simplement énorme.
Unbelievable
Juste incroyable. Champion XXXXXXXXXXL
Triste pour Medvedev mais extraordinaire Nadal. Sublime.
Je pensais pas que Rafa me ferait monter les larmes aux yeux après une victoire… quel champion, c’est peut être sa plus belle celle-là.
Quand on pense à tout ce que ça a pris pour finalement gagner un deuxième titre à l’Australian Open. Bravo Nadal!
Wow !! A deux sets zéro , je n’y croyais plus et je craignais la correction.
Finalement, la remontada a eu lieu !! 21 tournois du Grand Chelem et au moins deux de chacun des quatre tournois !
C’est encore plus gigantesque que c’est complètement inattendu.
Enhorabuena y gracias senor Nadal !
La gueule que doit tirer Novax, ça doit être quelque chose…
Seul Perse aurait peut-être les mots pour décrire la hideur probablement monstrueuse à laquelle la pauvre Jelena va devoir faire face.
Sublime Nadal, sublime ! C’est toujours une force sur laquelle il faut compter, malgré son grand âge.
Pendant ce temps Spartacus martyrise les pyramides le jour et le caisson la nuit.
Excellent cet article Guillaume !
Et je crois qu’en matière de post de ce début d’année, le « game over » de Kristian n’est pas mal du tout, héhéhé !
Par avance, pardon, je risque d’être un peu longue. Bravo d’abord à Nadal pour ce 21e titre. Qui aurait pu prédire qu’à 35 ans il réaliserait cet exploit ? À Melbourne où il a si souvent échoué en finale par le passé… Après 5 mois d’absence… Après avoir bataillé avec ses jeunes adversaires… Personne… A commencer par lui.
Pas bravo en revanche d’abord à la NextGen. J’ai longtemps pensé que l’on était assez injuste avec celle-ci. Qu’on lui reprochait le manque de résultats probants en Grand Chelem et Masters 1000, voire Masters tout court de la génération précédent la leur. Mais voilà aujourd’hui certains de ses membres ont déjà 25 ans. L’âge théoriquement de la pleine maturité dans ce sport. Ok l’un des leurs a désormais un Grand Chelem (merci à lui d’ailleurs d’avoir renvoyé aux vestiaires un Djokovic qui n’avait guère brillé de tout le tournoi). Mais finalement autant que la génération précédente. A voir comment cette génération maltraite leurs aînés sur le format 2 sets gagnants, on peut sans doute regretter que ces joueurs payent aussi l’abandon progressif des 5 sets dans toutes les autres compétitions. Mais si à 25 ans, ils n’ont toujours pas compris qu’un Grand Chelem ne se prépare pas physiquement autrement que les autres compétitions… Ou que, comme a dit un vieux sage, on ne peut gagner un GC en première semaine, on peut définitivement le perdre, c’est un peu désespérant. Et puis, on était sur dur, donc la surface qui est sensée convenir le mieux aux Medvedev/Zverev/Tsitsipas/Shapovalov et consorts… et puis l’absence de Novax aurait dû leur donner les crocs, même si son retour à l’envoyeur a été acté après le tirage au sort, déséquilibrant de fait d’entrée de jeu le tableau, à peu près autant que le forfait de Murray annoncé après coup à NY en 2017 (pour d’ailleurs le même résultat). Mais même pas. Ou en tous les cas visiblement pas suffisamment. Comment Medvedev, dont on salue si souvent la tactique a pu se tromper si souvent pendant cet ultime match qui aurait dû asseoir un peu plus son statut d’anti-GOAT ? Comment Shapovalov a-t-il pu penser qu’un Nadal subclaquant ne se battrait pas jusqu’au bout s’il ne lui mettait pas l’estocade finale ?
Pas bravo non plus au public. Sans doute la billetterie différente que d’ordinaire (puisque de nombreux billets ont été vendus au dernier moment) y est en partie responsable. Tout comme les confinements à répétition. Mais ce public n’a pas loin d’avoir été odieux par moment. Ok, ils ont toujours été archi chauvins. Mais d’ordinaire, ils étaient généralement respectueux du jeu et des joueurs. Même les Australiens s’en sont plaints, c’est dire.
Enfin, pas bravo à la com des joueurs et au rôle de certains médias. Medvedev passe son temps à chambrer le public, affirmant que son désamour est un moteur permanent… pour faire un monologue de Caliméro en conférence de presse. Bien sûr peut-on la mettre au crédit d’une déception immense alors que son deuxième graal lui tendait les bras et aussi d’une énorme fatigue après une quinzaine difficile physiquement et un match bien plus éprouvant encore… mais non Daniil, si le public ne t’apprécie sans doute pas à ta juste valeur, cela n’a strictement rien à voir avec ta nationalité. Pas plus que la côte de désamour de Novax n’est indexée sur son passeport. Si vous n’avez toujours pas compris que dans votre sport plus que dans la plupart des des autres, votre nationalité, on s’en fiche bien…. C’est bien dommage.
La plupart des médias ne font plus le déplacement aux antipodes et ça se voit. A commencer par Eurosport qui commente depuis des cabines parisiennes et poussent Alizé Lim (non mais Eurosport arrêtez donc de donner à des joueuses insignifiantes un quelconque rôle) ou Mats Wilander à animer un plateau depuis… Londres.Les températures ont été bien plus extrêmes par le passé, et ce sans commune mesure, donc pourquoi ont-ils crû devoir mettre si souvent les conditions météo sur le tapis en fin de quinzaine ? Après, forcément, il faut toujours se méfier des températures annoncées et celles ressenties mais même là, la plupart des joueurs en ont connu d’autres et de bien pires.
Enfin, oui, Nadal ne pouvait sans doute estimer avant le tournoi être capable de l’emporter. Mais de grâce, les journalistes tennis, quand il prétend qu’il y a 6 semaines il se demandait encore s’il rejouerait au tennis tout court, vous n’êtes pas obligés de prendre sa com pour argent comptant. D’autant plus que ce n’est quand même pas la première fois qu’il vous fait le coup.
pas de pb avec la longueur Anne, mais juste quelques sauts de lignes svp !
Promis, je passerai des lignes la prochaine fois pour éviter le pavé indigeste
Merci Anne pour cette longue prose.
Je vais te répondre juste sur Medvedev.
Le monde est décidément petit, parce qu’aux alentours des fêtes nous avons eu une petite discussion sur l’âme slave, la littérature et le cinéma russe, et j’avais écrit que je ne parvenais pas à accrocher à leur sensibilité. Le monologue de Deniil, hier, fait directement écho à mes difficultés avec les Russes. Il s’est exprimé, non pas par des voies détournées, mais avec son âme russe, c’est-à-dire avec des mots qui nécessitent un sous-titrage de sous-titrage. Quand c’est un monologue de quelques minutes, on réécoute, on relit, et on arrive à peu près à reconstituer le propos. Mais quand c’est un roman de plusieurs centaines de pages, c’est une épreuve physique devant laquelle, pour ma part, j’ai fini par capituler.
De quoi Daniil est-il coupable ? Assurément, de s’en prendre aux ramasseurs de balles et à l’arbitre. Avec une véhémence qu’il regrette après coup, mais qu’il ferait mieux de ne pas avoir du tout, parce qu’en effet de tels comportements, quelle que soit la réalité du problème qui leur a donné naissance, sont disproportionnés.
Coupable aussi de s’en prendre au public ? Là, je serais beaucoup plus nuancé, parce que, comme tu le soulignes, les fans australiens se sont vraiment conduits comme des cons à certains moments du tournoi. Car, pardon, mais gueuler entre les deux services pour perturber le serveur, c’est un comportement de con. Les Américains ne sont pas en reste, ils lui ont fait le même coup en finale de l’US à la fin de son match contre Djoko. Et le public français ne vaut pas mieux ; à titre d’exemple, lors du Alcaraz/Gaston du dernier Bercy, j’avais envie de vomir.
Donc, quand Medvedev attend la fin du match contre Kyrgios pour dire ses quatre vérités au public (respectez Jim Courier, respectez au moins quelqu’un ce soir), je lui donne d’autant plus raison que, pour le coup, il est resté impeccable pendant le match et a réservé son petit venin pour l’interview d’après-match. Daniil, assurément, n’a pas été aussi irréprochable face à Tsitsipas ou face à Nadal, mais quand il s’adresse à des gens qui ont essayé de le perturber au moment où il s’apprêtait à servir, il est dans son droit.
D’une manière générale, il y a selon moi une grosse différence entre un public qui soutient un joueur (local ou pas) comme un seul homme, et un public qui tente de perturber son adversaire et de l’empêcher de jouer. Je note que certaines personnes dans le public australien se sont prêtées à ce jeu durant la quinzaine, je le regrette, et je regrette de constater que ce type de comportement commence à sérieusement se répandre dans les stades dédiés au tennis. Et oui, je crois important de doter les arbitres d’une véritable force de frappe contre le public, parce qu’en effet il est important qu’un joueur qui a la chance de se produire sur un grand court ait droit à un minimum de respect.
De la russophobie du public… et des médias
On ne saurait résumer à de la russophobie le comportement du public à l’endroit de Daniil durant ce tournoi. Il y a néanmoins un petit fond acre qui mériterait de longs développements, je vais tenter de ne pas trop m’éparpiller.
La russophobie des médias français est une réalité que j’observe depuis que je suis en âge de l’observer, elle n’a pas commencé avec Poutine, et je n’ai aucune raison de croire que l’opinion publique australienne n’ait pas les mêmes à la maison. Depuis hier, je lis que Medvedev exagère, et que Chesnokov et Safin ont été bien mieux traités par les publics occidentaux.
C’est du révisionnisme. J’étais dans les tribunes du Central de Roland lorsque Chessy a affronté Leconte en huitièmes en 90 (victoire de Riton en cinq sets). Ca m’a soulevé le cœur, ils ont passé tout le match à l’insulter, à lui ordonner de retourner dans sa datcha et à le perturber, déjà, quand il s’apprêtait à servir. Quant à Safin, il a essuyé des sulfateuses sévères en 98 face à Agassi, puis face à Kuerten, puis face à l’illustre inconnu Daniel Vacek, puis face à Pioline, et j’ai encore bien en tête le geste d’un Marat paumé suppliant le public de Roland de baisser un peu le son. En 2001, le public parisien a été absolument infect avec lui contre Santoro, alors que Marat était (je crois) n°2 mondial. Rebelote en 2004 contre l’Italien Starace. Il y a une grosse différence entre les fans de tennis au sens large, chez qui Marat Safin jouissait d’une incontestable popularité, et les publics des grands stades, pas forcément si connaisseurs et dont certains sont désireux avant tout de se défouler. Quant à Kournikova, Dementieva ou Sharapova, j’aurai du mal à avaler que leur popularité doive quoi que ce soit à leur nationalité.
Aucun russe, et aucun joueur d’un pays de l’est me semble-t-il, n’a récolté les applaudissements qu’il méritait de la part des publics occidentaux. Lendl a eu la circonstance aggravante d’évoluer à une époque où le Rideau de fer existait encore, et où les soupçons de dopage allaient bon train, le riant tchèque avait tout, absolument tout, du suspect idéal.
Le public de Melbourne est exactement comme nous : il a été façonné par Mickey et Donald, par la culture des comics, par Star Wars et par Indiane Jones, par Matrix et Avengers, bref par le volet culturel, le plus important de tous, de ce que j’appellerais abusivement l’impérialisme américain. La contrepartie du plan Marshall, c’était la libre entrée des produits culturels américains en Europe. Nous en voyons le résultat depuis plus d’un demi-siècle, avec des figures qui ont conditionné notre imaginaire collectif. La culture russe n’a jamais rien eu à opposer à cela. D’aucuns me répondront que pour être désiré il faut se rendre désirable, ce qui est en partie vrai. Mais le fait est que quand un joueur russe rentre sur l’un des grands courts du monde, sa nationalité ne lui rapportera spontanément aucun applaudissement ni aucune reconnaissance.
Oui Daniil, le gamin que tu étais rêvait d’évoluer dans les plus grands stades, mais certainement pas d’y endosser le rôle du méchant de service avant même d’avoir frappé une seule balle.
Curieux, je n’ai jamais ressenti de russophobie particuliere en France. Au contraire. En France, on aurait plutot tendance a etre anti-americain et en general a ne pas aimer ce qui est anglo-saxon. Enfin surtout anglais.
La France m’a toujours paru etre un pays plutot russophile, et les russes le lui rendent bien. Ils adorent la France.
Si on en revient au sport et au tennis, Safin dans ma memoire etait tres apprecie. Surtout par les filles, certes, mais generalement apprecie.
Apres les medias, ces dernieres annees, ne sont pas tendres avec le sport russe, mais certains en Russie l’ont aussi cherche. Le scandale des JO de Sochi est passe par la et le manque le de transparence sur ce qui se passe en Russie ne peut que les desservir.
Ne pas aimer ce qui est anglo-saxon, peut être, mais dans un contexte culturel occidental effectivement américanisé depuis l’après-guerre – je plussoie à l’expression « impérialisme » – et qui constitue à ce point nos repères intellectuels que nous n’en avons pas conscience.
En face de cela « l’âme slave » aura toujours un parfum de mystère et d’irrationnel. Dans notre petit monde du tennis, Safin avait assez de charisme et de capacité à attirer la sympathie parce que sa folie était assez marrante, finalement. A côté, Medvedev, c’est Limonov.
Les russes sont beaucoup plus francophiles que nous russophobes ou russophiles. Pour être franc, les hommes russes ont l’image d’êtres rustres tandis que les femmes sont idéalisées pour être des canons, mais les Français se sentent beaucoup moins d’inclinaisons pour la Russie que l’inverse.
Safin était effectivement très apprécié des suiveurs du tennis mais je vais corroborer les propos de Rubens où à RG Safin se faisait plus souvent conspuer contre les français ou pour ses simagrées que soutenir.
Notamment, en 2009 lors de la journée des enfants où opposé à Ouanna (un français), le public n’avait fait que le siffler pour son manque de tenue (à mon grand dam alors que c’était sa dernière année sur le circuit).
Personnellement l’âme russe me fait bien rire et leur donne un côté plus authentique et brut qui facilite les choses en tant qu’étranger : en effet, on peut être franc du collier avec eux au contraire de bcp d’autres cultures (coucou le Brésil, les US ou la Chine).
L’article de l’Equipe taille en pièce le monologue de Medvedev d’ailleurs, ce à quoi je ne souscris pas. Après tout, qu’il utilise son venin envers des abrutis ne me dérange pas, surtout qu’il manie plutôt bien le logos.
Cette édition, j’ai trouvé que le terme holocratie approprié au comportement du public qui est de plus en plus étroit d’esprit, binaire et primitif dans son abondon dans les émotions. Comme si l’intelligence collective s’évaporait. Entre les « Siuuuuu » en hommage à Cristiano Ronaldo (vraiment?) qui sonnent comme des sifflets, le tintamarre permanent, le ralliement au gros nom pour « make history », je trouve le public du tennis de plus en plus trivial.
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Petit mot sur la victoire en double de K & Special K :
je suis ravi pour eux, en particulier pour 4K qui a eu trop de blessures mais force est de constater que ma sympathie pour Kyrgios a bien diminué : en effet, cela fait bien 1 an maintenant qu’il manifeste un aveuglement assez important sur sa valeur propre et son côté indispensable au tennis. Et les commentaires élogieux moutonniers de youtube sur son duo de doubles avec 4K ne devraient pas dégonfler son melon.
Cela dit, Tomic a ce défaut puissance 100 (dernière déclaration : je gagnerai Wim avant la fin de ma dernière) mais avec un vrai côté odieux et méchant qui le rendent vraiment détestable avant d’être maintenant ridiculement pathétique.
Je partage ton avis sur le double australien et sur Kyrgios. De trublion au jeu tellement spectaculaire quand il rencontre les tout meilleurs, il semble s’être peu à peu transformé en donneur de leçons (et ce alors qu’il est quand même bien mal placé pour en donner) et surtout en effet il a pris un de ces melons…
et puis à vouloir systématiquement prendre le contre-pied de ce qu’il croit être l’opinion dominante, il en devient particulièrement suspect. Comme par exemple son soutien inattendu à Novax (pourquoi pas) qu’il a surtout semblé vouloir rapidement accompagner de commentaires façon « non mais regardez moi, moi qui l’aime pas, je le soutiens. Donc je ne peux avoir tort ».
J’espère vraiment que 4K, qui a été l’homme de la finale du double, sera épargné par les blessures à l’avenir car il dégage vraiment quelque chose de sympa et de bien plus authentique que son copain
Très bien écrit à propos des australiens.
Pour le public, a contrario, je l’avais trouvé très décent lors de ma journée à RG cette année avec le match PHH-Sinner dans une belle ambiance non jingoïstique ou à la Coupe Davis 2014 au Brésil.
Je me rends compte que j’ai finalement assez peu de souvenirs de matchs de Safiya. Et je le regrette,
En fait, pour moi un Medvedev ou un Novax sont bien plus monégasques que Russe ou Serbe et comme en plus je ne les entends parler qu’en anglais sans doute cela renforce le côté « sans véritable nationalité » hors Piqué/ATP Cup
Je partage totalement ton point de vue sur le public. Et pour moi c’est assez incompréhensible dans un sport comme le tennis dans la mesure où les véritables perturbateurs étaient quasi absents dans un tel sport. En effet, c’est une chose que de soutenir un joueur, cela en est un autre qu’être totalement contre un des concurrents et d’essayer de le perturber. A se demander d’ailleurs quelle aurait pu être l’ambiance si Novax avait été autorisé à jouer….
Certains, à l’image de quelques journalistes de l’Equipe, ont souvent dit que l’ambiance avait été insupportable dans le fameux match qui n’a jamais eu lieu dans le temps du tennis en 2019. Bien sûr la télé ne retranscrit pas forcément parfaitement le son mais je l’avais trouvé partisane mais sans excès. Bien moins que dans de nombreux autres endroits. Ou était ce parce qu’à Wimbledon d’ordinaire l’ambiance y est très policée ?
Il est à espérer que les arbitres qui voient leur rôle de plus en plus réduit (surtout si les juges de ligne continuent à être remplacés par l’électronique) sauront donner de la voix pour que justement le public respecte le jeu et les joueurs
Bravo Rafa !
Renversante cette finale.
Quelle émotion !
Le débat sur le GOAT est enfin terminé.
haha ! malheureusement, ça m’étonnerait !
je le REPETE! la hierarchie est ETABLIE!!! FEDERER no1 NADAL no2…
Et boum, Rodg 30ème ATP, c’est l’entrée du tunnel avec une grande lumière tout au bout.
Merci Guillaume encore un fois pour l’article. En effet apres sa victoire Ashleigh Barty a pose entre Rod Laver et Chris O’Neill (quand meme..) avec un commentaire que j’ai lu du type « Aussie’s tennis legends ». Rien que ca.
Heureusement que j’avais decouvert la veille l’existence de Chris O’Neill..
J’ai jamais vu autant d’éloges sur 15lt après une victoire de Nadal… merci
Je viendrai poster la suite demain
@ Anne, Kristian, Sam et Perse,
Oui Sam, il y a une logique interne chez les Slaves qui nous échappe en partie. Et c’est très différent que de ne pas avoir du tout de logique interne. L’âme slave, Medvedev la transpire par tous ses pores, comme tant d’autres. Le Limonov de Carrère nous est une fois de plus bien utile pour décrypter leur câblage…
Je me rappelle de quelques échanges aigres-doux qui remontent aux années 90, qui auraient pu envenimer les choses si les réseaux sociaux avaient existé.
Medvedev-le-vieux, tout d’abord, qui à l’US 93 avait fait une sortie sur la qualité déplorable de la nourriture proposée par les organisateurs du tournoi. Andreï était certes Ukrainien et non Russe, mais vu de New York ça ne faisait aucune différence. Quelques années plus tard, il était revenu sur cette petite pique : d’une part il maintenait son propos (la bouffe était dégueulasse), et il avait remarqué une nette amélioration l’année suivante. D’autre part, il avait envisagé de garder cette remarque pour lui car la bouffe n’avait pas grande importance à ses yeux (une autre époque…), en revanche il était un peu sorti de ses gonds devant les questions orientées, et récurrentes, auxquelles il faisait face, en gros il était prié de confirmer la supériorité du capitalisme américain sur le communisme soviétique (M. Medvedev, avez-vous seulement mangé à votre faim au cours de votre enfance ?).
Quelques années plus tard, c’est Safin qui avait été mis sur le grill, et qui avait eu presque la même réaction. Je ne me souviens plus du contexte exact, mais je crois que c’était encore à l’US Open (2000 ?). Les journalistes rigolaient – et essayaient de faire rigoler Marat avec eux – sur la crise économique XXL que vivait alors la Russie de Boris Eltsine et ses conséquences dévastatrices sur le plan social. Et là Marat, sur un ton glacial, avait expliqué être effaré devant le nombre de mendiants affamés et malades qu’il croisait dans les rues de New York. Et de conclure que les Américains seraient bien avisés de ne pas faire les malins sur ce sujet. Sa sortie avait jeté un froid, et là encore Marat a expliqué ultérieurement qu’il était excédé de toutes les questions orientées auxquelles il faisait face. Sachant que Marat a par ailleurs précisé que l’état russe n’avait strictement rien fait pour lui question tennis, et que c’est en partant à Valence qu’il a entamé sa trajectoire vers le sommet.
Pour le reste, effectivement ils sont attachants et rigolos, la toupie de Medvedev m’a fait hurler de rire (et surtout sa course déterminée vers le fond du court !) et, au-delà de leur caractère, Safin et les deux Medvedev ont en commun une intelligence redoutable, et pas seulement raquette en main.
Mais la russophobie à laquelle je faisais allusion, elle est présente, en filigrane dans les réactions du public, dans les questions de la presse. Dans beaucoup d’endroits en fait. Le journal Le Monde dépose à intervalles réguliers ses petits colombins sur Poutine et la Russie, parfois à raison, mais avec une insistance et une constance qui en disent plus long sur ce journal que sur la Russie. Poutine est vilipendé parce qu’il est Russe, alors que Trump par exemple était vilipendé parce que Trump, et non parce qu’Américain.
Kristian, au-delà des gesticulations du public et des ennuis gastriques de la presse française, il y a effectivement une proximité culturelle entre la France et la Russie, et Perse tu as raison de souligner que c’est surtout les Russes qui sont francophiles. Mais cette proximité a ses limites, car la France et la Russie n’ont pas de grosses questions géopolitiques communes, contrairement à l’Allemagne et la Russie par exemple.
Dernière chose, Anne, à propos du match qui n’a pas existé en 2019 à Wimbledon. J’ai le même ressenti que toi, derrière mon écran je n’ai pas eu l’impression d’un public excessif. Je crois qu’ils ont bruyamment soutenu Federer entre les points, que ce niveau sonore était en lui-même inédit dans le Temple et que c’est ça qui a marqué les esprits. Mais l’ambiance de Wimbledon, feutrée et silencieuse, reprenait le dessus quand l’Immonde s’apprêtait à servir, et ils ne sont pas allés jusqu’à le gêner.
Trump est aussi vilipendé parce qu’il représente l’américain bourrin, qui ne respecte rien sous prétexte de sa puissance, et qui se croit tout permis parce qu’il a de l’argent.
Que Poutine soit vilipendé, c’est la moindre des choses vu certains aspects de sa politique (respect des droits de l’homme et respect du droit international).