Je suis récemment tombé sur ce « Long format » signé Laurent Vergne, sur Eurosport, retraçant magnifiquement l’épopée de Michael Chang à Roland Garros en 1989 (lien). Article très complet pour son rappel détaillé du parcours improbable du sino-américain et du contexte entourant cette levée 1989 de l’ocre parisien.
Mais c’est la dernière partie de l’article, « Les paradoxes de Monsieur Chang », qui m’intéresse ici. En essayant de démêler les contradictions de cette victoire surprise, Laurent Vergne met sur la table un sujet finalement peu abordé, la surprise d’une victoire aussi précoce, doublée d’une autre surprise, qu’il n’ait jamais réussi à remporter un autre titre du Grand Chelem. Mais les réponses proposées par Patrice Clerc (directeur du tournoi à l’époque) et Philippe Bouin (Pape du tennis à l’Equipe) semblent sujettes à caution.
L’effet de surprise ? Il est à double face lorsque deux joueurs s’affrontent pour la première fois. Et l’effet de surprise ne vaut ni pour Lendl, qui avait déjà croisé le fer avec Chang lors de deux exhibitions récentes, ni pour Edberg, vaincu à Indian Wells par Chang quelques mois plus tôt et qui avait d’autant plus de raisons de se méfier. L’explication de Philippe Bouin tient davantage la route, mais il faut l’étoffer. Oui, la vitesse de déplacement de Chang était phénoménale, et oui ça s’est avéré insuffisant par la suite pour qu’il double la mise en Grand Chelem. Mais il y manque une conclusion importante : pour prendre l’exemple de la deuxième finale parisienne de Michael en 1995, le tennis a connu un saut qualitatif entre 1989 et 1995. Et malgré ses progrès, notamment au service, le petit Américain a dû faire face à une accélération du jeu à laquelle il n’a pas su répondre.
Révolutionnaire, ce Roland Garros 1989 ?
Lendl et Wilander
A l’orée de cette cuvée, il est impossible de ne pas mentionner les deux tauliers du tournoi, qui se sont partagés 6 des 7 éditions précédentes, et dont on peine à ne pas faire les deux favoris naturels.
Je jetterai un voile pudique sur mon Suédois préféré, à propos duquel je me suis précédemment livré à un coming out épistolaire. En ce printemps 1989, le tenant du titre est en pleine dégringolade et traine son vague à l’âme sur les courts. Le tennis est toujours là, mais le cœur et la tête n’y sont plus. Le Kasparov de Växjö ne doit sa présence en quarts de finale qu’à un tableau favorable. Le premier obstacle, Andrei Chesnokov, sera beaucoup trop haut.
Le cas d’Ivan Lendl est plus énigmatique. En ce printemps 1989, le tyran d’Ostrava tient à nouveau fermement les rênes du tennis mondial. Enfin titré en Australie, il n’a connu que deux fois la défaite depuis le début de l’année. Cinq titres se sont ajoutés à ses étagères, dont deux à l’approche de la quinzaine parisienne, à Forest Hills et à Hambourg.
Interrogé à de nombreuses reprises à propos de sa défaillance face à Chang, Ivan a livré quelques éléments de contexte. Comme toujours quand un joueur parle de lui-même, on prendra l’information d’où elle vient et, pour reprendre la formule de Laurent Vergne, « Lendl avait perdu. C’est tout ce qui comptait à ses yeux, pas le chemin qui avait mené à cette défaite. » Le monde entier s’étant tapé sur les cuisses devant cette farce dont il fut le dindon, le regard, même rétrospectif, de Lendl sur ce match est resté aux oubliettes. Que le n°1 mondial ait défailli mentalement devant un gamin de 17 ans perclus de crampes est une évidence, mais personne ne s’est attardé sur la propre défaillance physique d’Ivan. Moins visible et moins théâtralisée que celle de Chang, la fatigue de Lendl n’en fut pas moins réelle. Victime de pépins physiques en avril, le Tchécoslovaque avait réduit au minimum sa préparation sur terre. Absent à Monte Carlo et à Rome – contrairement aux années précédentes – il avait retardé son arrivée en Europe en s’alignant à Forest Hills. Il avait bien quelques matchs dans les pattes en arrivant Porte d’Auteuil, mais pas autant qu’il l’aurait souhaité, et pas assez pour atteindre la plénitude de ses moyens physiques. Au cinquième set, son manque de lucidité est flagrant, mais il s’explique aussi par la fatigue.
Pour le reste, on apportera une petite nuance à la légende urbaine concernant ce match, Lendl ayant été vaincu par un gamin ne pouvant plus marcher. Oui, Chang pouvait marcher, et même courir. Il souffrait, il récupérait entre les points, et même pendant les points grâce à ses moonballs. Et rétrospectivement, la qualité tennistique de ce cinquième set n’est pas extraordinaire, mais pas ridicule non plus.
Agassi et Courier
Le mot « révolution » est assorti à bien des sauces quand il s’agit d’évoquer le triomphe inattendu de Michael Chang en 1989. Mais en la matière, il renvoie bien davantage à une concordance de dates : 1989 est l’année du Bicentenaire de notre Révolution nationale, mais aussi l’année des émeutes de la Place Tian’anmen à Pékin (pays d’origine de la famille Chang), sans oublier la chute du Mur de Berlin quelques mois plus tard. On ne dissertera pas ici sur la pertinence ou non du mot « révolution » dans de tels événements ; plusieurs secousses concomitantes ont effectivement esquissé un nouvel ordre mondial en cette année 1989. Mais de révolution tennistique, signalée par l’arrivée de joueurs ou de matériels novateurs, il ne fut nullement question sur cette édition. Si l’on doit parler de révolution tennistique dans ces années-là à Roland Garros, on se tournera davantage vers l’édition précédente, celle de 1988.
Non pour le Lendl/McEnroe, sublimé à l’écran par le documentaire – du reste indispensable – Le crépuscule des dieux de Benjamin Rassat. Encore moins pour les réformes d’arbitrage qu’il semble avoir indirectement provoquées. Et pas davantage pour la cavalcade jusqu’à la finale de notre Riton national (encore que le simple fait qu’il ne se soit ni blessé ni autodétruit pendant 12 jours est en soi un record personnel). La grande nouvelle de 1988, c’est la percée jusqu’au dernier carré d’un autre adolescent américain, Andre Agassi. Et cette révolution n’a rien à voir avec ses tenues. En cumulant puissance de feu et prises de balle précoces, il a inauguré une nette accélération des cadences dans l’échange, et la prise de temps à l’adversaire.
Le Kid de Las Vegas n’avait alors que 18 ans et, de manière fort logique, un Mats Wilander alors au sommet de sa carrière l’a ramené à la raison et à ses limites physiques, en lui collant une bulle au cinquième set. Néanmoins, à l’ouverture de Roland Garros 1989, le nom d’Agassi est sur toutes les lèvres, et beaucoup sont persuadés que l’avertissement lancé par Agassi l’année précédente annonce son couronnement futur sur l’ocre parisien.
La surprise n’en sera que plus grande de voir Dédé chuter au troisième tour, face à son ancien codétenu chez Bollettieri, Jim Courier, qui avait peu fait parler de lui jusqu’alors. Une surprise, vraiment ? Jim n’est pas encore le monstre physique et mental qu’il va devenir, mais ce jour-là il frappe encore plus fort que son rival, en manque de sensations, et qui ne tiendra pas la distance physiquement. Pour Agassi, l’heure est à une première remise en question. Quelques semaines plus tard, il fera une rencontre déterminante pour la suite de sa carrière – et de sa vie – en la personne de Gil Reyes, et à partir de l’année suivante il ne sera plus pris en défaut sur le plan de l’endurance physique.
Quant à Courier, il n’a pas encore 19 ans, et il va s’incliner à l’usure contre Andrei Chesnokov au tour suivant. Les deux futurs adversaires de la finale de 1991 vont bien provoquer un changement d’époque mais, pour l’un comme pour l’autre, en 1989 il est encore trop tôt.
Mancini
Les limites physiques d’Agassi ont d’ailleurs été mises en lumières quelques jours avant l’ouverture de la quinzaine parisienne. En finale de Rome, l’Américain laisse échapper une balle de match au quatrième set, avant de s’écrouler au cinquième, face à l’épouvantail terrien de ce printemps, Alberto Mancini.
Déjà couronné à Monte-Carlo quelques semaines plus tôt, ce jeune Argentin de 20 ans détonne. Des cuisses de rugbyman, une rapidité incroyable, un sens inné de la glissade sur terre battue, et surtout, surtout, des coups d’une puissance jamais vue auparavant, le ténébreux Alberto est le « tube » du moment. Outre sa joute romaine contre Agassi, c’est sa magnifique finale monégasque face à Becker qui marquera les esprits. Atteignant la première de ses trois finales au pied du Rocher, Boris peut raisonnablement croire en ses chances, d’autant qu’il semble enfin avoir dompté la science du déplacement sur terre battue. L’Allemand sera pourtant dominé, de la plus surprenante des manières pour lui : en puissance. Saoulé de coups pendant quatre heures, Becker rend les armes à l’issue de l’une des plus belles finales de l’histoire du tournoi.
Arrivé à Roland Garros come tête de série n°11, mais surtout en position de favori, Mancini semble assumer son nouveau statut. Au troisième tour, il écarte sans ménagement une valeur sûre sur terre, son compatriote Martin Jaite. Mais c’est au tour suivant que son sort va se sceller. Face à l’attaquant helvète Jacob Hlasek, il dilapide une avance de deux sets. Il l’emporte 6/4 au cinquième, en y laissant trop d’énergie et d’influx nerveux. Après une moisson printanière fructueuse mais épuisante, ce huitième de finale, par ailleurs l’un des plus beaux matchs du tournoi, le laisse exsangue. En quarts de finale, il n’a plus l’énergie et la vitesse nécessaires pour ajuster ses passings face à un nouvel attaquant, Edberg, qui le liquide en trois sets. Mancini prend-il date pour la suite ? Même pas. Son jeu, trop gourmand en énergie, l’expose à de nombreuses blessures, et jamais il ne retrouvera de telles altitudes.
Muster
Et quitte à se replonger dans ce Roland Garros 1989, pourquoi ne pas évoquer celui qui en fut le grand absent, Thomas Muster ? La référence n’a rien d’anodin lorsqu’on connaît son palmarès sur ocre, mais surtout quand on se rappelle qu’au moment où est survenu le terrible accident de voiture à Miami alors qu’il s’apprêtait à disputer la finale de ce cru 1989, l’Autrichien était sur une trajectoire ascendante. En demi-finale de l’Open d’Australie, il avait donné du fil à retordre à Ivan Lendl, et il s’apprêtait à en faire de même à Miami. Au soir de sa demi-finale floridienne – gagnée en cinq sets face à Yannick Noah – il était penché vers le coffre de sa voiture quand elle fut percutée à l’avant par un chauffard ivre. Projeté plusieurs mètres en arrière, Muster a le genou sévèrement touché ; c’est depuis un fauteuil roulant qu’il suivra ce Roland Garros. Nombreux alors sont ceux qui le croient définitivement perdu pour le tennis. Quelques mois plus tard, une photo où il frappe contre un mur avec la jambe attachée à un banc fera le tour du monde.
En ce début 1989, l’Autrichien semblait avoir franchi un cap, en atteignant la demi-finale du premier Grand Chelem de l’année, puis la finale du « cinquième Grand Chelem » floridien comme il était appelé à l’époque. Début mai, il pointait à la 6ème place mondiale, et son pédigrée sur terre – déjà 5 titres – allait en faire de toute évidence un homme à éviter à Roland, et un homme auquel le titre Porte d’Auteuil semblait prédestiné.
Prédestiné, car la puissance et la prééminence physique de ce jeune gaucher Autrichien de 21 ans étaient alors inédites. Ses matchs sur terre, il les gagnait par asphyxie, en usant l’adversaire avec des frappes pas si liftées, mais très lourdes et très difficiles à contrôler. Le jeune Nadal, à ses débuts 15 ans plus tard, s’inscrira d’ailleurs dans une filière assez proche. Aucun fantassin de la légendaire armada suédoise des années 80 ne rivalise avec la puissance du jeune Muster qui émerge à la fin de la décennie. La réforme se fera attendre : brisée net à Miami 1989, la trajectoire de Muster sera une longue reconstruction, et 6 ans lui seront nécessaires pour atteindre la plénitude de ses moyens physiques et aller chercher le titre parisien.
Wimbledon-sur-Seine
Avant de couronner un adolescent, cette édition unique en son genre a donc vu tous les candidats au titre trébucher les uns après les autres. Mais elle a aussi, jusqu’au bout, entretenu l’espoir qu’un attaquant allait enfin l’emporter.
Pour Edberg et son service-volée, pour Becker et ses frappes surpuissantes, la terre battue n’était évidemment pas une surface naturelle. L’adversaire y bénéficiait de quelques précieux dixièmes de secondes pour ajuster ses passings face à l’attaquant scandinave ; quant à l’Allemand, son déplacement un peu lourd se prêtait mal aux glissades. L’un et l’autre, toutefois, s’étaient déjà signalés Porte d’Auteuil : un quart en 1985 pour Edberg, un quart en 1986 et une demie en 1987 pour Becker. Lorsque le tirage au sort est connu, l’un et l’autre peuvent envisager sereinement leur avancée dans le tournoi. Ils se partagent la moitié basse du tableau, loin de Lendl, Wilander et Agassi. Clairement, ils ont un coup à jouer. Et ils vont le jouer. Chacun aura toutefois un obstacle Albiceleste à surmonter avant le dernier carré. Pour Becker, ce sera un huitième de finale épique face à l’Argentin Guillermo Perez-Roldan, spécialiste de la terre battue. Boris sauvera une balle de match au cinquième set, avant de s’imposer sur le fil. Edberg, de son côté, réussit une splendide démonstration de tennis offensif face à Mancini et liquide l’affaire en trois sets.
On aurait du mal à imaginer, le jour du tirage au sort, un observateur pleurer sur ce fichu hasard qui empêchera un remake de la dernière finale de Wimbledon. Deux semaines et un carnaval tennistique plus tard, nous y sommes. Stefan et Boris vont s’affronter pour gagner le droit de défier Chang pour le titre suprême. Boris a de nombreuses raisons de croire en ses chances. Quelques mois plus tôt, en finale de la Coupe Davis, il a atomisé son rival suédois ; à cette occasion, il s’était montré bien plus à son aise sur ocre que son rival. Boris a aussi pour lui sa récente finale à Monte Carlo ; bien que vaincu, il a montré ses immenses progrès dans le registre du déplacement sur terre battue. La prestation de Boris durant les deux premiers sets n’en sera que plus décevante. Apathique, laborieux à la relance et auteur de nombreuses fautes grossières, il est distancé d’emblée. Et c’est même un miracle qu’il s’offre un quatrième set, Stefan s’étant procuré plusieurs balles de break au cours du troisième. Sa finale, le félin suédois va aller la chercher au cinquième : breaké d’entrée, il profite d’une baisse de régime de l’Allemand au service pour débreaker aussitôt, et s’autorise même quelques retours-volées pour le moins osés sur les deuxièmes balles de Boris, et émerge en vainqueur de ce qui restera, en niveau de tennis pur, comme le plus beau match de la quinzaine.
A 21 ans, Boris ne semble pas avoir de regret excessif sur cette défaite, se disant sans doute qu’une nouvelle chance s’offrira à lui. Mais il se trompe : 1991 sera la seule année où il se présentera en forme Porte d’Auteuil, et Agassi lui sera nettement supérieur en demi-finale. Et il a tort surtout car cette finale face à Chang, il en aurait été, plus qu’Edberg peut-être, le net favori. Le sino-américain ne l’a emporté qu’une fois en six rencontres face à Boris, parce qu’il n’avait aucune réponse à apporter à la puissance de feu de l’Allemand ; lors de leur quart de finale parisien deux ans plus tard, Michael s’inclinera lourdement en trois sets.
1989, la fin d’une époque
Avant de déboucher sur le couronnement improbable d’un gamin de 17 ans, ce Roland Garros 1989 s’est donc soldé par une succession d’absences, de défaillances et de surprises. Et une victoire d’Edberg, qui a été bien proche de se produire, aurait été en vérité une surprise de même ampleur, quel que soit le pédigrée du Suédois au moment des faits. Aucun serveur-volleyeur n’a remporté le titre parisien depuis Rod Laver en 1969, ce qui commence à dater.
Je peine à imaginer le Chang de 1989 l’emporter sur le Lendl de 1987 ou le Wilander de 1988. Et je ne l’imagine pas davantage dominer Courier ou Agassi en 1991, Bruguera en 1993-1994 (Muster en 1995 a répondu à la question). Ce Roland Garros 1989 n’est pas la première secousse d’ampleur d’un changement d’époque, mais l’épitaphe d’une période – les années 80 – dominées par deux joueurs, dont la défaillance conjointe a rebattu les cartes.
Au cours du demi-siècle de tennis « Open » commencé en 1968, les tournois du Grand Chelem ont parfois connu des vainqueurs surprenants, des dénouements inattendus, des parcours improbables. A tort ou à raison, trois levées semblent, plus que les autres, être passées à la postérité : Roland Garros 1989, Roland Garros 1997 et Wimbledon 2001. Je mettrai de côté l’épopée parisienne de Guga en 1997, qui relève d’une autre logique. En revanche, les parcours d’Ivanisevic à Londres en 2001 et de Chang à Paris en 1989 ont un point commun majeur : ils clôturent une époque bien plus qu’ils n’en ouvrent une nouvelle. En dépit de son 129ème rang mondial, Goran a émergé en vainqueur d’une édition qui, si elle marquait la chute de la maison Sampras, n’en a pas moins placé dans le dernier carré les quatre victimes principales du Californien tout au long de sa fabuleuse moisson londonienne dans les années 90 : Henman, Ivanisevic, Rafter et Agassi. Comme édition marquée par une relève, on fait mieux…
Le début d’une nouvelle ère ?
On relèvera, bien sûr, que les vainqueurs ultérieurs de Roland Garros commencent à pointer le bout de leur nez : Agassi s’est – doux euphémisme – fait remarquer l’année précédente ; Courier arrive ; un frêle Catalan de 18 ans, Sergi Bruguera, se hisse en huitièmes et pousse Agenor aux cinq sets ; Thomas Muster rumine sur sa trajectoire injustement brisée. Cela suffit-il à rendre une levée « révolutionnaire » ?
Si vraiment ce Roland Garros 1989 était « révolutionnaire », au sens où les initiateurs d’une révolution tennistique s’y seraient signalés (bien que finalement battus), j’ai déjà cité l’édition 1988. Mais j’ai un autre candidat à proposer, l’Australian Open 1984. Ouais. Vous me voyez sans doute venir vous emmerder une fois de plus avec Wilander. Et j’imagine déjà certains d’entre vous sortir les tablettes de Colin. Eh bien pas du tout.
Une fois de plus, je vais devoir m’excuser de ne pas être archiviste de mes sources sur le web. Je ne parviens pas à retrouver le lien vers l’article auquel je pense. De quoi s’agit-il ? Du soupir d’un journaliste papier australien, datant de décembre 1984, au lendemain de l’Open d’Australie encore disputé à Kooyong. Ma restitution sera approximative, encore que je fusse tellement éberlué par ce que je lisais que je m’en souviens très bien. Nous ne sommes pas les seuls à pratiquer l’auto-flagellation, les Australiens se défendent fort bien, et en plus ça les rend visionnaires.
« Le verdict de cet Australian Open est tombé, et il mérite une analyse sans concession. L’Histoire retiendra que Mats Wilander a conservé son titre. Mais ne nous mentons pas, et disons haut et fort que ce titre fut nettement moins méritant que celui de l’année précédente. Il y a un an, le Suédois avait battu McEnroe et Lendl pour l’emporter, nous pouvions alors espérer que Kooyong était en voie de devenir l’égal de ses trois homologues du Grand Chelem et que la légende du tennis allait désormais aussi s’écrire dans nos contrées. Un an plus tard, l’Américain suspendu et le Tchécoslovaque battu prématurément ont ouvert un véritable boulevard à Wilander, et nous pouvons légitimement nous demander si ces grands champions feront encore longtemps un voyage aussi long pour s’imposer sans rencontrer de véritable opposition. Kooyong ne mérite pas l’appellation « Grand Chelem » et ne l’a jamais méritée, n’en déplaise aux légendes australiennes des années 50-60 qui dominaient la planète tennis hors de nos frontières mais qui disputaient ici un simple tournoi interne. Ils ne disputaient pas Kooyong parce que c’était important, ils le disputaient parce que c’était à la maison.
On pourrait à la rigueur se réjouir de l’émergence de deux joueurs, Kevin Curren et Boris Becker, respectivement finaliste et quart-de-finaliste, qui ont en commun d’avoir un service canon. C’est bien peu, mais il faudra s’en contenter. Le Sud-Africain, à 26 ans, n’est plus un espoir depuis longtemps, tout au plus un bon joueur en forme, comme le furent dans un passé récent Teacher, Warwick, Denton et Kriek, eux aussi finalistes chez nous et insignifiants partout ailleurs. Quant à Becker, il n’a que 17 ans, et il est bien trop tôt pour envisager une confirmation. Personne n’imagine Curren et Becker aller aussi loin lors du prochain Wimbledon. »
Comment on dit aujourd’hui ? Ah oui : LOL
Le lutin malicieux
Une fois mise de côté l’hypothèse d’un Roland Garros précurseur d’une époque, on rendra à César ce qui appartient à Jules. Michael Chang l’a emporté, non en raison d’un jeu révolutionnaire, mais par la maturité exceptionnelle qu’il a déployée tout au long de sa deuxième semaine. Gagner un match d’une manière aussi improbable face à Lendl, puis se remobiliser et rester dans sa bulle jusqu’au bout du tournoi, en évacuant le surcroît de pression occasionné par une telle victoire, c’est herculéen. La jeunesse du bonhomme, et l’inconscience qui en découle, ont probablement joué, tout comme sa foi. En fin de compte, il importe peu que nous le prenions au sérieux ou non lorsqu’il évoque sa croyance, ce qu’il a fait régulièrement et passionnément pendant toute sa carrière. Lui y croit, et c’est bien là l’essentiel. Chacun de nous a ses propres raisons, ses propres pulsions, ses propres moteurs existentiels, susceptibles de lui donner un supplément d’âme ou de force à un moment donné ; ce fut le cas pour Chang lors de cette quinzaine folle, dont le verdict s’est joué à très, très peu de choses.
Avec 32 ans de recul, on constate que personne (parmi ceux qui l’ont vécu) n’a oublié ce Roland Garros 1989, et ce n’est pas pour la qualité du jeu qu’il a proposée. Ce n’est pas non plus en raison de son record, que Michael Chang est susceptible de conserver encore un bon bout de temps. Et ce n’est même pas parce que Michael a remporté le titre. Personne n’a oublié le fabuleux Sampras-Courier de Melbourne en 1995 ; beaucoup, en revanche, ne se souviennent même pas que Pete n’a pas remporté le titre cette année-là.
Le Chang-Lendl est porteur d’une immense charge émotionnelle qui le place à part dans l’imaginaire du sport, et c’est plus que suffisant pour distinguer cette édition à nulle autre pareille, parenthèse au cours de laquelle la pseudo-rationalité du tennis a volé en éclats. Nous avons tous une mémoire sélective, et nous ne retenons que les moments qui nous ont touchés. Roland Garros 1989 est l’écrin du Chang-Lendl, c’est l’aventure picaresque d’un adolescent jusqu’au titre, c’est le requiem définitif pour les serveurs-volleyeurs. Pour toutes ces raisons, cette édition a touché la corde sensible du grand public, paramètre qui échappe justement à toute analyse rationnelle.
Non, ce ne fut pas une édition révolutionnaire ; elle fut bien plus que cela, elle fut émouvante.
Tags: Chang, Edberg, Lendl, Roland Garros
Un grand merci pour cet article, digne de ta légende. C’est érudit, argumenté et bien écrit, j’adore.
La remise en contexte des forces en présence était excellente.
Chang de mon souvenir est d’une certaine façon un Berdych: un excellent joueur qui a n’a pas tant gagné au plus haut niveau (GC et Masters) mais allait régulièrement très loin et fut très régulier longtemps.
La différence est évidemment qu’il a gagné un GC super jeune et elle est majeure. Mais finalement, Chang n’était pas une star du jeu avec une aura personnelle, personne n’aurait payé pour le voir jouer même si les amateurs n’auraient pas dénigré de le regarder courir derrière la balle.
———————-
Rotterdam 2021: l’absence de public est dommage mais la production télévisuelle et les micros rendent le tournoi spectaculaire. Le bruit des frappes est amplifié et c’est vrai qu’en indoor, ça joue à 1000 à l’heure maintenant!
Pour les joueurs Tsitsipas a un bilan mi-figue mi-raisin: globalement il semble avoir de moins de moins de marge par rapport à ses adversaires avec des matchs en permanence accrochés, mais il a été capable de faire la différence 3x.
En revanche, il échoue encore contre le baromètre Rublev qui est le tyran de la chiourme mais continue à être subjugué par les « grands » joueurs (ceux qui ont gagné des GC et été Top 3 tels Wavrinka, Zverev, Thiem etc…). Ce n’est pas bon signe pour ses perspectives majeures.
Kvitova a gagné contre Muguruza et j’en suis ravi pour elle.
Tsitspas me semblait fatigué contre Rublev, souvent en retard. Il menait pourtant 3-2 contre le Russe au head to head, dont les 2 derniers matches. Je me demande s’il ne va pas être meilleur sur les formats GC que sur les formats en 2 sets gagnants.
Sinon j’ai vu de larges extraits du Chardy-Rublev, quel match ! Jérémy jouait super bien, tout en relâchement, et quelle mines en coup droit !
Tennis féminin, je viens de voir au détour d’un scoreboard que Kuznetsova joue encore, et même qu’elle est 39ème à la WTA… ça me rappelle le match d’anthologie entre Schiavone et elle à Melbourne, c’était en 2011 si j’ai bonne mémoire, 10 ans déjà !
Sinon l’article de Rubens m’a donné envie de regarder le Sampras-Courier de l’AO 95, qui m’a conduit à voir aussi des highlights d’un Agassi-Courier de la même époque. Franchement ça jouait vraiment bien, ça prenait la balle tôt (et Pete, quelle main au filet), et je trouve qu’ils n’avaient pas grand-chose à envier à la génération actuelle. Certes, ils ont ouvert la voie au tennis-puissance, mais c’étaient des gars d’un gabarit normal, eux…
La tête de Fuczovics est un mix entre celle de Berdych et celle de Thiem.
Un Rublev impitoyable en finale, une fois de plus, et c’est son 4ème titre de suite en ATP 500.
Merci les amis de braver mes longs tunnels.
Perse, quand tu parles de l’aura de Chang, clairement en Occident il n’était pas aussi bankable que Sampras ou Agassi. Par contre, il semble avoir passé beaucoup, beaucoup de temps en Asie, et ses passages ne sont pas étrangers à la montée en popularité du tennis dans ces pays-là. Je n’irais pas dire que le MS de Shanghai n’existerait pas sans Chang, mais la visibilité du tennis en Chine dans les années 2000 doit beaucoup à Chang. Sachant que Na Li, qui arrive ensuite, y est également pour beaucoup.
Par contre, Chang en Europe ou en Amérique… Très effacé. Et ses réponses mystiques à des questions techniques (l’article d’Eurosport est éloquent sur ce point) n’ont pas aidé à le rendre intéressant.
Et enfin, Perse, puisque tu le compares à Berdych, j’aurais tendance à le comparer bien plus à David Ferrer, pour les ressemblances de leurs jeux. Sachant que Ferrer s’est aussi signalé par une présence régulière en quarts ou demis sur une durée assez longue. Mais comme tu le dis pour Berdych, la comparaison s’arrête là car ils n’ont pas touché au but en GC.
Mais bon, le propos de l’article, si je devais le résumer en une phrase, ce serait que ce RG89 a proposé un niveau de jeu globalement inférieur à ses prédécesseurs et ses successeurs. Il est unique, mais pas pour la qualité du tennis pratiqué.
Rubens, je dois avouer que j’éprouvais une certaine appréhension quand tu as fait part de ton projet d’article sur RG89, car j’imaginais que j’allais devoir revivre, une fois de plus, LE moment, et qu’Enrico Macias n’en finirait jamais de bondir de son siège, encore et encore.
Mais tout s’est bien passé. J’ai pu lire sans avoir le sentiment qu’une fois de plus, on retournait le couteau dans la plaie Lendlienne, et que pour une fois, notre dignité à nous, les Lendliens donc (…) n’était pas piétinée. Je n’hésiterai pas à parler de respect, presque de réparation, respect en tous cas de tout ce qui est parti ce jour là avec cette cuillère, à savoir à peu près toutes les 80′s et le temps qui semblait immuable où l’on rentrait du collège un vendredi en fin d’après midi pour aller voir Mats, ou Ivan, charcuter en demies leurs adversaires respectifs, souvent un Mac ou un Jimbo, qui n’avaient rien de plus à faire là, et il en serait toujours ainsi. Bon, dans ma mémoire, les 80′s sont beaucoup plus longues que dans la réalité mais ça, ce sont justes les effets du vieillissement. Quoi qu’il en soit, on retrouverait normalement nos deux héros – enfin, mon héros et Mats en face – le dimanche, c’était l’ordre des choses. Je crois que le sentiment de changement du jour où Nadal ne sera pas en finale de RG sera moins fort que celui ressenti quand Lendl et Mats on été débarqués.
Je me demande si des gens de « ma génération » ont pensé comme moi à l’époque que ce RG était une sorte d’accident historique et que, Agassi ou pas, dès l’édition 90 les choses reviendraient à la normale et on pouvait déjà parier sur un dimanche en compagnie de LendlMats et que, vu l’âge de Mats, ce dernier pouvait raisonnablement envisager être candidat crédible au titre jusqu’à au moins, disons 1994. On a vu le résultat. J’en profite pour remercier ici M.Gomez A. d’avoir aménagé une sorte de transition douce vers la suite, vestige d’un autre temps, Gomez avait joué Borg. Mais bon, le problème avec ces RG qui ne sont gagnés qu’une fois, c’est qu’ils perdent en crédibilité. Émouvants, ça oui. Mais bon, tout ça ne fait quand même pas très sérieux, ahaha, voilà pour toi, Mickael la Cuillère !
Ah Sam, ta prose me met la larme à l’œil, mais je te renvoie aux Tables de la Loi de ce forum. Mesure tes propos quand tu parles de Lendl, et n’oublie pas que les faits dont nous parlons ne sont absolument pas recouverts du sceau de la prescription.
Plus sérieusement, je me dois de préciser que je ne suis pas un Lendlien, le type ne m’inspirait aucune sympathie, juste un peu de respect. Et, pour être encore plus précis, j’avoue m’être pris moi aussi la tête entre les mains avec Enrico Macias. Le respect pour Lendl, il est venu deux jours plus tard, quand Chang s’est amusé à avancer en retour face à Agenor. Il a récolté une bordée de sifflets, et là le côté vaguement antisportif du geste m’est apparu clairement. Et mon petit cerveau de 12 ans a eu alors un petit scarabée, ce que le public français (et Chang évidemment) avaient fait à Lendl, n’était-ce pas un peu too much ?
Colin, Guillaume, pitié, encore cinq minutes messieurs les bourreaux. Cinq minutes et je sors.
Sam, pour répondre à ta dernière question, en tant que fan de Mats, j’étais désolé de le voir trainer sa peine sur le court, et j’avais de sérieux doutes sur sa capacité à se remobiliser. Par contre, pour Lendl, sur le moment j’ai vraiment cru à un accident industriel. D’autant que les journalistes sportifs ont brodé ad nauseam sur l’âge du capitaine, au point de se persuader – et de tenter de nous persuader – que c’était le début d’un règne à la Borg. J’avais envie de leur dire « repassez-nous les cassettes de 88 qu’on rigole », c’est justement le cœur de mon article.
Et puis, et puis… Lendl s’est centré sur Wimbledon, et on ne l’a plus revu à Roland avant 92. Perso ça m’allait très bien. Et ça a permis à Gomez de s’offrir une belle session de rattrapage.
Guillaume, pour 90 je te laisse remplir les trous. J’avais enfin mon Dédé en finale, sur le coup j’étais dégoûté de sa défaite. Bien plus tard je me suis rendu compte que Gomez l’avait nettement dominé avec les angles qu’il trouvait, et qu’il avait amplement mérité sa victoire. Quand en tennis deux filières différentes s’affrontent, le vainqueur est celui qui parvient à amener l’autre sur sa filière. Agassi a perdu logiquement cette finale. Ce n’est bien plus tard, avec Brad Gilbert, qu’il s’est mis à jouer intelligemment.
Bref, tout ça pour dire que 90 est, au même titre que 89, la fin d’une ère. Lendl, s’il s’était aligné, aurait eu des chances bien sérieuses de s’imposer. C’est 91 qui marque le passage à une nouvelle époque.
Un grand merci Rubens pour ce super article ! Le RG 1989 c’est quelque chose de très important pour moi car c’est vraiment le premier tournoi de tennis que j’ai suivi de très près en ratant très peu de matchs.
Le match Lendl/Chang, Becker/Edberg et la finale sont restés longtemps pour moi des références, surtout d’un point de vue émotionnel.
C’est un tournoi particulier notamment du fait des résultats inattendus et c’est triste de constater à quel point le tournoi est devenu prévisible aujourd’hui.
Becker-Edberg, clairement c’était magnifique. La finale, franchement bof… En tant que fan bien neuneu de Becker à l’époque, j’étais totalement défait qu’Edberg soit passé. Je n’avais rien contre le Suédois, c’était juste que je lui préférais Becker. Et du coup, en finale, il y avait d’un côté un type qui n’avait rien fait de mal (en battant Lendl), et de l’autre un type dont je brûlais les effigies parce qu’il avait battu mon Boris. Au point que je crois que j’étais pour Chang… Mais globalement je m’en foutais royalement du résultat, puisque la victoire de l’un ou de l’autre m’indifférait. Du coup, je n’en garde pas un grand souvenir, il y avait beaucoup de fautes, et aussi beaucoup de suspense. Beaucoup ont pleuré la défaite de l’attaquant, qui avait une occasion unique de l’emporter, mais décidément non, la terre serait maudite pour la filière royale. Heureusement Boris a remis les pendules à l’heure un mois plus tard, en mettant une branlée mémorable à Edberg en finale de Wimbledon. Voila comment moi je l’ai vécu.
Mais je vais reprendre un poncif journalistique à la mode ces temps-ci : tous ceux qui étaient en âge de suivre ce RG89 « se souviennent où ils étaient à ce moment-là ». Il y a bien quelque chose, l’apparition du drôle, voire du burlesque, et de surcroît dans un match de Lendl. Quelque chose en tout cas. Le souvenir reste intact, et plus brûlant que jamais (lis le post de Sam…).
Pour autant je ne me souviens pas d’où j’étais pour le Lendl Chang. Les tablettes indiquant que le c’était un lundi 5 juin, je devais donc glander au collège en attendant de tracer chez moi voir la balle de match, au mieux, pour Lendl.
En réfléchissant à un match comparable en matière de burlesque, ou du moins qui sort de ce qu’on avait jusque là le droit de faire sur un court, je pense tout d’abord à une autre cuillère, celle de Hingis contre Graf, mais c’est plus du drame que du burlesque. Non, le chef d’oeuvre burlesque absolu, c’est Gael contre Djoko en demi de l’USO non ?
Collégien aussi. Et je regardais le Chang-Lendl avec deux lycéens, mon frère et un de ses amis. Je fais cette précision parce que nous étions dans le même établissement (un lycée-collège), où les lycéens finissaient à 17h30 et les collégiens à 16h30. Je soupçonne que le cinquième set a dû se terminer 18h30, ou quelque chose de ce genre. J’ai le net souvenir, en tout cas, d’avoir vu le cinquième set pratiquement en entier.
Hingis en effet j’appellerais ça aussi du drame. La cuillère n’était pas préméditée, c’était juste la trouvaille d’in instant, venant d’une gamine en pleine crise de nerfs.
Quant à Monfils, là par contre on rentrerait effectivement dans le domaine du burlesque, d’autant que là il s’agissait du début du match. Pour ma part je n’ai pas vraiment rigolé, je trouvais dommage que Gaël saborde tout seul une demi-finale en GC, et surtout qu’il préfère se saborder plutôt que de perdre les armes à la main. Indigne d’un lutteur sur le court.
Ah oui, j’ai dit collégien aussi. Mais j’ai oublié de préciser que je glandais aussi. Sam tu n’es pas seul !
Je suis assez d’accord avec tout ça – avec mon regard froid sur le sujet dans le sens où je ne l’ai pas vécu, j’ai même du mal à imaginer qu’on puisse le percevoir autrement. 89 est un Roland de transition, une de ses éditions où le niveau requis pour gagner est un peu moins élevé que d’habitude et, partant, peut sourire à beaucoup de monde. Cette année-là, la timbale fut pour Chang, et c’est tout à son mérite (parcours pas volé entre Lendl, Edberg et même Chesno, emmerdeur patenté à RG). Révélateur aussi de ce que le tournoi était ouvert : Agenor, victime de Chang en quarts, m’a dit un jour qu’il avait un petit regret dessus, pensant que c’est celui-là et pas un autre qu’il aurait peut-être pu gagner. L’assertion vaut ce qu’elle vaut (un quart en GC dans toute sa carrière, celui-là donc) mais elle traduit bien ce que le tournoi était ouvert, y compris aux yeux des joueurs dès lors que les tauliers furent sortis du jeu avant même les quarts.
Sur Chang sa carrière reste terriblement consistante : une 2e finale à Roland, une finale en Australie, une à l’US, une au Masters, une Davis (2 ? Doute sur 95. Mais 90, sûr), une trentaine de titres dont 7 Masters 1000 à l’époque où on les enfilait moins comme des perles, un doublé Indian Wells-Miami toujours valorisant, 2e mondial passé plusieurs fois à un poil de cul de la 1ère (US 96 et 97, à chaque fois un titre lui aurait valu le trône)… Il est l’un des one-shots les plus consistants de l’ère Open, tout de même. L’un des mecs les plus réguliers d’une décennie dont ce n’était pas la caractéristique première. Après oui, il lui a manqué le 2e Chelem, laissant l’impression (et pas que l’impression) qu’il avait vécu le meilleur de sa carrière dès ses 17 ans. Il racontait plus tard avoir été brisé par l’US Open 97, où il arrive en demies en tant que mieux classé des 4 derniers prétendants, débarrassé de ses bêtes noires Sampras et Becker… et se crashe contre Rafter, pas encore catégorisé fuoriclasse, alors que Rusedski et Björkman étaient à l’affiche de l’autre demie. L’occasion était trop belle (et lui épuisé par deux marathons contre Pioline et Rios).
Dernier truc sur Chang : pour l’Asie, il mettait même un point d’honneur à jouer les tournois organisés là-bas, et son palmarès regorge de Pékin, Tokyo, Osaka, Hong-Kong…
Guillaume, tu mets le doigt sur quelque chose d’important : la régularité de Chang entre 1992 et 1997, et son niveau de jeu surtout (progrès au service, et plus puissant aussi), en font un meilleur joueur sur tous les plans que le jeune et frêle vainqueur de Roland 89.
La carrière de Chang est un magnifique exemple illustrant l’insuffisance des chiffres « bruts » quand on évoque la carrière d’un joueur. Et plus encore quand on compare les carrières de deux joueurs. Certains GC sont plus faciles à gagner que d’autres, y compris lorsqu’ils sont remportés par un grand champion.
Chang s’est arrêté en huitièmes à l’US 94, battu par Agassi. Cette année-là, le Tchèque Karel Novacek s’est hissé en demi-finale. Novacek a-t-il mieux joué que Chang cette année-là ? Je n’en suis pas bien certain. Les circonstances et les hasards du tableau ont produit, d’un côté une place en quarts se jouant entre Chang et Agassi, et de l’autre une place en demi que se sont disputés Novacek et Yzaga. Pour ma part, j’en conclus que certaines lignes de palmarès sont plus méritantes que d’autres.
Et donc que les statistiques ne sont qu’un prologue.
Ah oui, et quand tu parles d’Agenor… Apparemment il a expliqué ça à Laurent Vergne aussi. Je me suis efforcé de ne pas répéter dans mon article ce que Vergne raconte déjà mieux que moi.
Ah, Ronald… Un de mes grands souvenirs d’itw. Vieux, mais inoubliable. Je n’ai jamais tranché entre spontané et melonné. J’en avais parlé ici à l’époque : http://www.15-lovetennis.com/?p=18246
Super cool de relire l’itw du Ronald.
En plus en poursuivant je retombe là-dessus :
« Actuel 16e mondial en pleine bourre, Grigor Dimitrov fut aussi, il n’y a pas si longtemps, ce jeune joueur incapable de confirmer les promesses nées de son éclosion soudaine à Rotterdam, au point que certains 15lovers ne lui voyaient même pas d’avenir dans le Top 100 (si si, il y en a eu, n’est-ce pas mon Homard préféré ?) ».
Bon, de toutes manières, j’ai beau prendre de l’ancienneté sur ce site, c’est le moins qu’on puisse dire, je continue à grosso modo ne rien connaître au tennis. Raison pour laquelle je suis d’autant plus admiratif d’articles tels que celui de Rubens vient d’écrire. Mais je le vis bien.
Sam, un grand merci pour le compliment.
Mais je ne crois pas que tu ne connaisses rien au tennis. Au fil de tes posts, tu exprimes une sensibilité bien réelle. C’est justement le but de ces forums. Nous ne sommes pas des journalistes, nous avons le droit de prendre les chemins de traverse que nous voulons et d’y défendre un point de vue particulier. Et le tien vaut largement celui des autres. Tu as bel et bien un regard particulier sur Lendl, un vécu de spectateur du tennis des années 80. Et c’est précieux, car les plus jeunes ne peuvent pas percevoir ce qu’a été la passion du tennis dans ces années-là, et les médias n’en donnent qu’une approche chiffrée.
Il m’a fallu beaucoup de temps pour « sentir » Borg, parce que je suis arrivé au tennis après sa retraite. Le truc qui m’a marqué, c’est Nelson Mandela, qui a vu la finale de Wim 80 depuis le « salon » des détenus, et qui racontait que l’ambiance d’habitude bruyante et relax était devenue silencieuse et tendue comme jamais pendant le tie-break du 4ème set. A Londres, au même moment, les gens s’agglutinaient dans la rue pour voir une télé allumée dans un magasin retransmettant le match, et là pareil, silence de cathédrale.
A ma connaissance, Lendl n’a jamais suscité de tels silences. Il a suscité quelques applaudissements polis, des sulfateuses mémorables – dont justement celle contre Chang est probablement la plus célèbre – et plus globalement une indifférence totale. Mais là c’est justement à toi de raconter le contraire !
Bah dis-toi qu’au moins la postérité t’as donné raison pour Ivan. Du haut de ses 8 GC il toise les moqueurs de l’époque. Tiens, ça me fait penser à un gars sur feu la Vox (je fais appel aux vieux de chez vieux dans ton genre, là, Colin t’es là ?) qui n’avait que Djoko à la bouche. J’ai oublié son nom, un pseudo italien façon Nino ou Dino. N’empêche la Vox c’est 2007-2009 en gros : c’était balèze à l’époque d’annoncer que Nakunpoumon (et Nakungrandchelem à ce moment précis) viendrait titiller GrozNez et GrosBiceps dans la course aux records.
Salut, je lisais la Vox à cette époque-là, et c’était « Gino » fortement pro-Serbe et supporter de Djokovic.
En 2008, il prédisait que Djokovic allait challenger en 2009 Nadal sur terre battue (ce qui est arrivé, cf l’ahurissante demi-finale à Madrid en 2009 qui est l’un des matchs en 3 sets les plus violents physiquement que j’ai jamais vu, avant les empoignades sur dur en 2011/2012) et surtout il était tenant de la théorie de Federer bénéficiaire d’une weak era avant l’avènement de Nadal et Djokovic et que ces deux derniers éclipseraient Federer, car bien plus forts que lui.
Un intervenant ici expliquait qu’un des trolls de l’époque, « Inge Nouctons », était ainsi nommé par anagramme exacte de « Gino est un con ».
Ah oui, Gino, c’est bien ça, le facho des Balkans. Me souviens qu’il essayait d’organiser des séjours de « tourisme médical » dans des cliniques en Serbie. Un personnage.
J’aime beaucoup ce texte. Merci
Evidemment, avec le recul et les souvenirs, je ne suis pas d’accord sur plein de choses.
D’abord le tournoi le plus revoltionnaire de l’ere open, c’est Wimbledon 85. Kooyong 84, c’est un tout petit signe avant coureur, le vrai choc c’est Wimbledon 85 ou on a change d’epoque et de generation en l’espace de 15 jours. La finale de Wimbledon 85, c’est le prototype du tennis d’apres celui de toutes les annees 90. Alors que la finale 84, c’etait le tennis d’avant qui remontait aux 70′. Qu’elle paraissait loin la finale 84, quand on voyait ce qui se passait en 85.
Ensuite, c’est faux de dire qu’aucun serveur volleyeur n’a gagne RG depuis Rod Laver. C’est ce qu’a fait Noah en 83. OK, il en etait incapable sur gazon, mais RG 83, c’est la fete de la volee sur Terre battue.
En realite les annees 80 ont ete tres favorables aux serveurs volleyeurs a RG. Noah gagne en 83, Mac passe tout pres en 84, et Edberg tres pres aussi en 89. C’est pas si mal. ET d’aileurs ce n’est pas vraiment fini, en tout cas en 89, on n’en a pas conscience du tout. Edberg sera encore tres bon en 91 de peu battu par Courier futur vainqueur, et Sampras jusqu’en 96 ne sera pas ridicule non plus
Salut Kristian,
L’AO 84… Je n’ai mentionné cette édition-là que pour rappeler que deux joueurs s’y étaient signalés, même s’ils n’avaient pas remporté le tournoi. A ce moment-là, le déficit de notoriété de l’Australian Open était encore trop marqué pour que les résultats y soient réellement pris au sérieux (y compris par les Australiens eux-mêmes), notamment en vue de Wimbledon qui se déroulait sur la même surface. Évidemment que Wim 85 est LE séisme. Ce que je veux juste dire, c’est que Becker et Curren s’étaient déjà signalés à l’AO 84, et que pas grand monde apparemment ne les avait vus venir à Wim, alors que ni l’un ni l’autre ne sortaient de l’œuf. Dans le même ordre d’idée, si Agassi avait remporté RG89, l’édition précédente (88) serait plus nettement apparue comme l’édition « annonçant » la suite. Et là pour le coup ce n’aurait pas été une grosse surprise, le Kid avait clairement annoncé la couleur en 88, et derrière l’inamovible duo Lendl-Wilander c’est bien à lui qu’on pensait en 89.
Noah serveur-volleyeur… Il faut s’entendre sur les mots, mais à mon humble avis le Français ne peut être catalogué parmi les purs-sangs. Il excellait à la volée en effet, il était capable de faire service-volée, il était surtout capable de monter dans l’échange, parfois totalement en caleçon, mais derrière il avait une telle envergure qu’il était très compliqué à passer. Ce qui faisait de lui l’une des cibles favorites pour les missiles sol-tronche de Lendl. La filière Noah, c’est la filière Panatta-Pecci, respectivement vainqueur et finaliste à Roland. Si j’osais, je mettrais, bien plus tard, Verkerk en 2003 dans cette filière. Stich… non, pas Stich, joueur hyper complet, qui n’avait justement pas de filière préférentielle.
De beaux attaquants certes, mais avec des profils de joueurs que je dissocie des McEncoe, Cash, Edberg, Rafter, Henman (et j’en oublie sans doute) chez qui le service-volée était totalement prédominant. Becker et Sampras s’inscrivent encore dans une autre filière, celle des énormes serveurs. Attention, je ne dis pas que la volée de Sampras et Becker était forcément inférieure à celle d’Edberg ou Rafter. Je dis simplement que leur schéma tactique favori était de faire le point directement avec leur service ; ils suivaient au filet, mais comme le service était plus rapide, ils disposaient aussi d’un temps très court pour rejoindre le filet. Et c’est là, justement, que Becker, et Sampras encore plus, excellaient dans les volées basses frappées au niveau du carré de service. Edberg, Rafter, c’est encore autre chose, ils avaient un service kické au rebond très haut, pas très rapide et qui ne recherchait pas le point direct, mais qui leur donnait plus de temps pour rejoindre le filet et frapper leur volée à 1m du filet. Mais du reste, aucun des joueurs que je cite n’a remporté le titre à Roland. Mac en 84 et Edberg en 89 s’en sont VRAIMENT rapprochés en effet.
Et pour Edberg, pardon, mais pour 91 j’ai écrit que Becker perd nettement contre Agassi, à mon avis Edberg perd tout aussi nettement (4 sets) contre Courier. Il jouait bien le Stefan cette année-là, mais Courier l’a dominé. Et d’ailleurs je ne me hasarderai pas à imaginer la suite en cas de victoire, puisque derrière il y avait Stich et Agassi. Franchement, pour Edberg, 89 était l’année ou jamais, là oui il a frôlé le titre.
Sampras 96, que je soutenais à fond hein… Mais là non plus, franchement, il était loin.
J’écoutais récemment un podcast avec Arnaud Clément. Où il est très lucide sur sa finale à l’AO 2001 : oui il a atteint la finale, et pour autant non il ne s’est pas approché du titre. Il s’est senti loin, vraiment loin contre Agassi. A juste titre. Et je dirais même que Rafter a peut-être plus de regrets à avoir (5 sets en demi contre Dédé). Donc ce n’est pas seulement le résultat « brut » qui compte, la manière compte aussi.
Merci pour cet article Rubens, Roland Garros comme si on y était !
Bah oui, il y a parfois un trou de souris, il faut savoir en profiter.
Et pendant que je lisais les commentaires, j’apprends que Rublev n’a même plus besoin de jouer pour arriver en demi-finale maintenant, tout lui sourit !
https://www.eurosport.fr/tennis/atp-doha/2021/atp-doha-rublev-profite-du-forfait-de-fucsovics-pour-se-qualifier-pour-les-demi-finales_sto8170265/story.shtml
Enfin, sauf quand c’est Medvedev en face
En tout cas, il fait bien partie de mon top 3 des 25 ans max, mais je rejoins Perse en lui trouvant un profil plutôt « petit four », même s’il continue de progresser.
C’est en lien avec la discussion sur l’article précédent mais puisqu’on a switché ici autant continuer : Eurosport évoque assez largement le sujet des dépressifs du circuit dans ce papier : https://www.eurosport.fr/tennis/karatsev-tauson-rinderknech-les-freres-cerundolo.-2021-l-annee-des-qualifies_sto8170142/story.shtml
« On a des joueurs qui ont encore dans leur capital de nombreux points acquis en 2019. Vu qu’ils sont sûrs de se maintenir ainsi à un certain classement, on a l’impression qu’ils se foutent un peu de certains matches »
« Par ailleurs, il est possible aussi que les joueurs moins bien classés gèrent mieux les matches sans public, parce que c’est un peu leur quotidien habituel… »
« C’était manifeste à la reprise du circuit : on a vu une grande différence de motivation entre ceux qui ont vraiment faim, qui ont besoin de gagner pour » bouffer « , et d’autres qui ont eu du mal à trouver une raison de jouer »,
Je ne suis pas si mal dans mon diagnostic, je crois. Les enfants gâtés du Tour principal n’ont plus la tête à jouer, les morts de faim derrière, en revanche, sont à l’affût de toutes les opportunités…
Et merci de remettre ce sujet sur le présent fil. J’ai bien lu ton méga-post-qui-se-voulait-court-mais-long-quand-même, tu dresses un splendide état des lieux. J’imagine que je ne suis pas le seul à, disons, en avoir un peu marre de ce contexte. Mais autour de moi je commence à voir des gens qui s’enfoncent de plus en plus dans la dépression, et je relativise.
Et je ne suis pas surpris que le tennis de haut niveau subisse lui aussi cette situation, et que certains se trainent. Que des joueurs de « seconde zone » soient moins impactés par l’absence de public car ils y sont habitués, là ça m’interroge quand même. Avant la pandémie, il y avait si peu de public sur les circuits futures et challengers ? Je suis allé au tournoi (challenger je crois) de Bordeaux il y a deux ans, et c’était blindé de monde. Bon, d’accord, on est en Europe, en France…
C’est sûr, les challengers en France, pays de tennis et pays (encore) riche, c’est pas la même chose qu’un challenger au fin fond du Kazakhstan : https://www.tennislegend.fr/videos-insolites/fissurage/un-fissurage-somptueux-au-challenger-de-shymkent-2019
Combien se spectateurs, en plus du staff technique (arbitres, ramasseurs) ? Y’a même un mec qui arrive à vélo pendant l’échange
PS : le cassage de raquette est assez collector, by the way.
Merci Paulo, je ne la connaissais pas celle-là. Pas grand monde en effet. Au passage, le titre de l’article m’a induit le doute, je croyais que le type avait créé une vraie fissure sur le terrain en s’acharnant comme ça sur le sol avec sa raquette !
« Avant la pandémie, il y avait si peu de public sur les circuits futures et challengers ? »
Oui Si tu connais Bordeaux, tu connais une exception. C’est un club, Primrose, qui plus est un gros club, avec une forte tradition, tu as tout de suite une base, une assise, qui te garantit des gens sur place et de l’animation, parce qu’il y a de la vie derrière.
Mais ce n’est pas la norme. Les Challengers en général, même en France, c’est loin d’attirer les foules. Ils reproduisent les recettes/les schémas du circuit principal, c’est-à-dire que tu pourras avoir des ambiances sympas le mercredi car c’est la « journée des enfants » (invitation des écoles), le week-end des demies et de la finale car week-end + évènement local + tête d’affiche (logiquement) pas trop crado… Mais des Orléans, Cherbourg, Rennes (désolé, Sam) un lundi/mardi en milieu de journée, c’est comme Montpellier ou Bercy à 11h un lundi avec David Ferrer et Kevin Anderson au programme : y’a personne
Et je te parle pas des Futures où le huis clos, c’est toute l’année (et quand t’as un pékin qui s’est invité pour suivre le match, t’as 50% de chances que ce soit un parieur). Même si, là aussi, j’ai vu quelques exceptions en cas d’assise club forte et/ou joueur du cru à l’affiche. Exemple à Poitiers : club important (Stade poitevin) + jeunes joueurs Français bien connus localement pour avoir fait leurs classes au pôle France voisin. Là, ça peut drainer du monde. Mais ça reste aussi fréquent qu’une défaite de Nadal sur terre battue.
Toutafé, c’est même comme ça que j’ai réussi à louper ce Dimitrov qui ne sera même pas Top 100 un mardi aprèm.
Là tu m’en apprends de belles quand même… Et la vidéo de Paulo me semble éloquente aussi, le club semble construit au milieu d’un désert, le tournoi est totalement hors sol.
Je me souviens d’une interview TRES vieille (début des années 90) dans Tennis Mag, de Mark Miles, patron de l’ATP à l’époque. Le journaliste lui avait posé une question sur le développement du tennis dans les pays du Tiers-Monde, et notamment en Afrique. Il avait répondu que l’ATP avait soutenu la création de nouveaux tournois (à l’époque la « nouvelle » ATP venait de voir le jour) en Afrique, avec la promotion, le marketing, des tableaux rassemblant quelques pointures appartenant au top 100, des prix attractifs pour le public, des événements autour des tournois, etc. Peanuts. Ces tournois représentaient un gouffre financier pour l’ATP, ils ne trouvaient pas leur public, et ils avaient plié bagage. Et Mark Miles de conclure qu’ils réfléchissaient à d’autres formules.
Guillaume, je restitue tout ça de mémoire, et ça a 30 ans tout de même… Tu pourras vérifier que je ne dis pas de bêtises ?
Mais si je te suis bien, le truc qui avait refroidi Mark Miles à l’époque est devenu la norme ?
La grosse différence avec ce que tu me décris là c’est que dans le cas de ces tournois africains, c’est l’ATP qui portait tout économiquement. Là, pour ce que je connais c’est-à-dire les tournois français, il y a un écosystème local :
- En Futures et ITF féminins, c’est le plus souvent le fédéral qui porte le tournoi, qu’il s’agisse d’un club, d’un comité départemental ou d’une ligue. 100% bénévole dans l’organisation. Le but n’est pas de faire des affaires mais de soutenir le tennis français : afficher une dynamique sur le territoire, et faciliter la vie des pros Français(es) en leur offrant plein de tournois à la maison.
- En Challenger, tu as encore parfois un peu ce modèle associatif (Cherbourg dans mes souvenirs) mais ça s’efface de plus en plus au bénéfice de structures privées qui copient/collent les méthodes du Tour principal et montent un business fondé sur les RP. J’ai vu en Challengers des Villages partenaires dignes du circuit principal. A cet échelon c’est le principal levier pour faire des bénéfices, de toute façon : le statut CH te ‘bloquera’ toujours un tant soit peu sur le sportif, les courts principaux pas gigantesques… tout ça limitant d’autant les perspectives en billetterie… Du coup, mais j’ai envie de dire de manière pas si différente de ce qu’on voit de plus en plus sur les plus grands tournois, tout se passe comme si le public n’était plus l’enjeu n°1.
Merci Rubens pour cet article passionnant.
En 1989 j’étais en stage au Québec donc j’ai totalement raté ce Roland Garros, tout comme le Tour de France peu après (j’ai ainsi appris par hasard que Fignon avait été dépassé sur le fil pour quelques secondes lors du CLM final). Par contre en quelques mois je suis devenu incollable sur le hockey sur glace (la coupe Stanley) puis, les beaux jours venus, le base-ball (ça, je n’y aurais pas cru). Bon, une fois rentré en France quelques mois plus tard, j’ai vite retrouvé mon vieux tropisme vélo/foot/tennis.
Bref, pas grand chose à dire sur cette édition.
Si je résume ton article, on peut dire que Chang a fait 90% de sa carrière dans les années 90 mais qu’il est resté un joueur des années 80.
Et pour répondre à un autre commentaire ci-dessus, je ne me souviens donc absolument pas où j’étais lors de la finale de RG’89, par contre je me souviens encore, et sans doute pour longtemps si Alzheimer me laisse tranquille, où j’étais et ce que je faisais cet après-midi de Juillet 1980 pendant que deux dieux grecs se disputaient le titre à Wimbledon.
Et sinon, en lisant enfin jusqu’au bout cette revue de l’effectif suédois de Guillaume, j’ai tilté sur la description d’Edberg. Je me suis longtemps demandé ce qui me gênait chez lui, OK je lui préférais Becker mais ça me semblait un peu court comme explication.
En y repensant, c’est Becker qui avait mis sur la table l’argument massue. Il mettait en parallèle McEnroe et Edberg. Et il expliquait le calvaire qu’étaient les matchs contre McEnroe, avec des clashs, des intimidations, des interruptions de jeu, des colères, etc. Et puis il avait rajouté qu’en dehors du terrain il sortait régulièrement avec Mac, ils avaient même bouffé ensemble avec leurs Conchitas respectives après une demi-finale à Bercy où ils s’étaient pourtant bien pris la tête. Et Boris de conclure, en parlant d’Edberg, qu’il n’avait absolument aucun problème avec lui, mais qu’ils n’avaient jamais dîné ensemble, au bout de 5mn ils n’auraient plus rien eu à se dire.
L’anecdote du Stefan venant à un « trophée des légendes » pour y faire du business relève de la même logique. Venir faire admirer son service-volée à un public amateur de vintage, passer un bon moment avec ses anciens potes-rivaux (en majorité suédois de surcroît), non, très peu pour lui. Le sérieux l’emporte, encore et toujours, et l’important est de se rendre bankable auprès de partenaires commerciaux.
Clairement, un monde le sépare de Becker. Mais aussi du commun des mortels, dont je crois faire partie. Je l’ai immensément respecté comme champion, mais je ne l’ai jamais apprécié. Rouler avec des pneus-neiges même en été, très peu pour moi.
Pour les mêmes raisons, jamais pu sentir Edberg. Je ne vois pas pourquoi on fait tout un plat de la volée de revers de monsieur. Quand à son coup droit…Bref, je préfère le tank à l’albatros.
=> Bon, j’avoue, ces 3 lignes n’avaient pour fonction que d’être prétexte à dire que l’expression « rouler avec des pneus neige même en été », est très, très efficace. Pas fini de la resservir !
L’expression n’est pas de moi, mais d’un journaliste allemand, qui en 2007 s’adressait ainsi à un homologue français. Il était question d’Angela Merkel, traumatisée par Sarkozy qui lui tapait sans arrêt sur l’épaule pour faire semblant d’être son pote, comme il le faisait avec beaucoup de chefs d’état. Elle essayait de ne rien montrer, mais la pauvre Chancelière était très mal à l’aise, et c’est par cette expression que l’Allemand avait dit au Français de souffler à son Président qu’il fallait qu’il se calme. Pauvre Angela, complètement coincée qui voit débarquer un Franzöze bien épais…
Haha, pauvre Angela effectivement ! Pas sur que Sarko aurait fait la meme chose avec Poutine. Du moins pas 2 fois !
Et au passage, je ne sais pas si vous vous rendez compte à quoi on touche dans ce fil : Lendl réhabilité, Edberg écorné… Il est temps qu’Antoine revienne mettre de l’ordre !
Avis aux historiens/statisticiens : ça fait combien de temps qu’on a eu un top 2 avec un joueur autre qu’un membre du « Big Four » (Federer, Nadal, Djokovic, Murray) ?
Il me semble que ça date de 2005, avant que Nadal ne devienne numéro 2.
Ni wawrinka, ni Del Potro, ni Thiem, ni Cilic n’ont réussi à se glisser dans le top 2.
Demain, Medvedev sera donc, si je ne m’abuse, le premier à briser cette formidable statistique, puisqu’il va éjecter Nadal de la 2ème place.
Il sera aussi le premier Russe top 2 depuis Safin, sauf erreur.
Medvedev qui étrenne cette 2ème place avec un titre à Marseille, victoire en 3 sets face à un valeureux Pierre-Hugues Herbert, auteur d’une superbe semaine.
Oui, je crois que ça remonte à 2005. Pendant 15 ans, 4 types seulement se sont disputés les deux premières places mondiales. Cette stat est juste démentielle au regard de l’histoire du tennis.
Hewitt ou Roddick à la mi-2005, je dirais.
Mais je n’en démords pas : dans ma p’tite tête de pioche, je retiendrai Thiem ‘vrai’ n°2 de l’année 2020. Celui qui a cassé la série, c’est lui.
Exact Guillaume, je me souviens que nous en avons discuté en fin d’année et que j’arrivais à la même conclusion.
Il faut en effet remonter au 18 juillet 2005 pour voir un joueur hors big 4 à la deuxième place. Il s’agissait bien de Lleyton Hewitt. Le 25 juillet, l’australien laissera sa place à Nadal qui passera plus de 3 ans dans le sillage de Roger avant de le déloger le 18 août 2008.
3 ans complet avec les deux mêmes joueurs dans le même ordre aux deux premières places, c’est aussi un record.
Eh bien, on dirait que Thiem ne met plus un pied devant l’autre en ce début d’année, encore battu tôt à Dubaï, par Lloyd Harris. Ce manque de régularité, c’est ce qui le sépare encore et le séparera peut-être toujours du Big Four historique.
Sinon, le jeune crack italien Musetti vient de battre son premier top 10 en la personne de Diego Schwartzman, à Acapulco :
https://www.youtube.com/watch?v=xhWaOGYHDf0
C’est moi ou je n’ai pas vu ici un seul post sur le retour aux affaires de Fed ? Alors je me lance.
Pour avoir vu presque tout des 2 matchs de reprise, niveau tennis, pas de surprise ni d’inquiétude : tout est là. C’est quelque chose qui n’appartient qu’à lui je pense : revenir après une si longue absence et ne pas avoir de pb de longueur de balle, pas de pb au service…
Par contre le gros point d’interrogation (sans doute pas une surprise non plus vu l’âge de la bête) ça va être sa faculté à enchainer les matchs, et même les sets sur un même match. Il est clairement sans carburant lors du 3è set de son 2è match (convertir sa BdM aurait constitué un énorme hold-up).
Il tire visiblement la même conclusion : il retourne à l’entrainement pour travailler le physique plutôt que d’enquiller des matchs pour régler son tennis en tournois.
Salut Zooropa,
J’ai vu deux-trois images, en effet il tirait la langue. Il continue à réussir des trucs admirables, le toucher de balle est absolument intact. Mais pour se projeter sur la suite, le plus intéressant finalement c’était le discours de son préparateur physique en amont de Doha. Il cherche les limites. Il continue à se préparer encore et encore, et il continuera tant que son corps ne lui enverra pas le signal que malgré tout son professionnalisme il est trop vieux pour toutes ces galipettes.
Je l’ai aussi vu un peu, et à la fin de son match contre Basilashvili, il était clairement cuit. En même temps, il perd contre le vainqueur du tournoi…
Basilashvili m’a vraiment bluffé sur ce tournoi. Je ne me rappelais pas qu’il pouvait etre aussi fort et solide. Son revers notamment est un modèle du genre. Franchement j’ai beaucoup aimé suivre Doha et son run. Et content que Bautista Agut finisse par craquer, quelle teigne celui-là c’est incroyable. Il me rappelle vraiment Ferrer ahah
Y’a deux petits Français qui font plaisir en ce moment : P2H et Chardy. Ce dernier en est à 11 victoires pour 5 défaites cette saison, et le voilà en 1/4 à Dubaï après des belles victoires sur de Minaur et Khachanov…
Comme quoi – contrairement à Benoît Paire – on peut être dans le top 100 et avoir faim
J’ai vu une partie des 2 premiers tours de Chardy qui fait clairement un début de saison de feu (potentiellement 17° à la Race avec les résultats de cette semaine). Non seulement il gagne, mais il le fait en retournant beaucoup de situations : gagner le premier set ou obtenir des balles de match ne doit plus trop rassurer ses adversaires.
J’avais hésité à écrire un mot sur lui la semaine dernière pour sa réussite en tie-break. Il en a perdu 1 aujourd’hui mais il en est à 83% de réussite à dimanche soir (10 gagnés sur 12). Parmi les joueurs qui en ont joué au moins 5, seul Rublev est devant lui (Rublev!!!).
J’ai moins suivi P2H, n’ayant pas eu l’occasion de suivre Marseille, mais je les considérais déjà tous les deux comme des joueurs plutôt accrocheurs. Je ne suis donc pas très surprise qu’ils se distinguent en ce moment. Mais ravie, si !
Nous parlions du classement ATP : nous ne sommes pas les seuls à le critiquer, puisque Zverev et Rublev viennent de le faire publiquement : https://www.lequipe.fr/Tennis/Actualites/Des-joueurs-critiquent-le-nouveau-classement-de-l-atp/1233323
C’est vrai que Federer numéro 6 alors qu’il n’a pas joué pendant près de 14 mois, c’est gros…
PS : Eurosport pour sa part consacre un intéressant article à la méforme de Thiem. Ce serait avant tout une baisse de motivation, a priori liée à la « digestion » de son titre à l’US Open…
Zverev est 7° depuis novembre 2019.
Mais il est également le Cerbère du top 6 : personne ne rentre, personne ne sort, depuis ce moment.
J’ai repéré ça en testant plusieurs combinaisons possibles de graphique dans le lien suivant : https://www.ultimatetennisstatistics.com/rankingsChart#
C’est flagrant quand on met tout le top 7 actuel.
Le classement qui ne tient compte que des points gagnés sur les 12 derniers mois donne ceci :
https://www.tennis.com/pro-game/2021/03/who-would-be-top-10-if-atp-wta-rankings-went-back-normal-today-osaka-azarenka-rublev-federer/93301/
Rublev est 3ème, Nadal 5ème, Raonic 9ème, Karatsev 11ème et Sinner 12ème !
Le classement « réel » fait fin 2020 donnait comme joueurs très pénalisés par le classement bidouillé par l’ATP : Sinner, Humbert, Ruud, Pospisil, Evans notamment. Le plus favorisé, et de loin, étant Federer.
sauf que le classement « bidouillé » a été accepté par tous en connaissance de cause en plein coeur de la pandémie et surtout c’est à partir de ces nouvelles règles que chacun a créé le calendrier qu’il a voulu pour tous les mois à venir jusqu’à maintenant… combien de joueurs s’en sont plaint à l’automne ?
Oui, il y a des anomalies, et Federer est la plus flagrante car toujours dans le top 10 (et puis les joueurs savent aussi qu’il suffit de balancer son nom pour être assuré d’être repris dans les médias) mais il y en a des tonnes d’autres comme Monfils qui n’a pas gagné un match depuis l’arrêt du circuit ou Paire qui n’en a guère remporté plus, entre autres…
bref, aucun système n’est parfait. Et qu’aurait-on dit si l’ATP et la WTA avaient gardé le système normal sans tenir compte des contraintes sanitaires, l’annulation de certains tournois et pas des moindres, la fermeture de certaines frontières (les joueurs Australiens allaient-ils prendre le risque de sortir de leur pays sans avoir de certitude de pouvoir y rentrer même pour être au chevet de l’un de leurs proches ?), etc…
Bref prétendre qu’il y aura un classement réel fin 2020 est pour moi pour le moins bizarre puisqu’il ne tient pas compte de la mise en place de règles et le fait que les joueurs les aient adoptées pour faire leur planification.
Les plus pénalisés restent en effet les « nouveaux entrants » ou ceux qui étaient tombés loin au classement qui forcément ont eu plus de mal à monter puisque personne n’a perdu de points.
Y a-t-il eu une si belle unanimité des joueurs au moment où les nouvelles modalités du classement ont été adoptées et surtout au moment où elles ont été prolongées (de mémoire, il y a quelques mois) ? Il me semble me souvenir que non, et que certains ont couiné. Je ne suis par ailleurs pas sûr que les joueurs avaient bien anticipé les conséquences et les effets « pervers » de ce nouveau classement… que des joueurs se manifestent aujourd’hui n’est pas si étonnant. Il est clair que certains jouent plus le jeu que d’autres. Et on ne peut nier que des joueurs comme Sinner valent mieux que leur classement actuel : c’est le sens des classements « alternatifs » qui apparaissent ici ou là.
Unanimité certainement pas. Majorité oui. Que Sinner vaille mieux que son classement actuel, c’est probable en effet. Mais ce qui ne se voit pas, c’est le nombre de voyages que des joueurs renoncent à faire pour diverses raisons liées au contexte sanitaire. Et ils ont été majoritaires à juger injuste de pénaliser des joueurs empêchés de disputer des tournois, soit par le contexte sanitaire de leur pays d’origine, soit par celui du pays où se dispute le tournoi. Cette problématique frappe tout le monde, pas seulement dans le tennis.
Voilà, exactement
C’est surtout le contexte sanitaire des pays où se jouent les tournois, avec les quarantaines et les « bulles » à respecter, qui me semble-t-il pèsent sur les joueurs – enfin, sur certains plus que d’autres, apparemment.
Cela dit, sur les tournois qui se jouent depuis l’AO, on voit des joueurs de toutes nationalités : j’ai vu des Français, des Russes, des Allemands, des Italiens, des Espagnols, des Américains, des Australiens…
Avec le recul, je crois quand même que voir des joueurs n’ayant pas joué (ou pas joué tel tournoi) depuis plus d’un an ne devraient plus avoir les points s’y rapportant, car ces points ne veulent plus rien dire.
On va me dire : oui, il y a plus important que ça, etc. C’est vrai, évidemment ! Mais si nous parlons de ce sujet, si nous commentons l’actualité – ou l’histoire – du tennis, nous sommes nous-mêmes dans une forme de futilité. Car après tout, le tennis pro est une forme de futilité. Non ?
Un Kyrgios par exemple, annoncé dans plusieurs endroits, n’a pour l’heure pas joué ailleurs qu’en Australie. La raison est bien, il me semble, qu’il ne veut pas courir le risque de ne pas pouvoir y revenir.
Musetti continue d’impressionner avec sa victoire sur Dimitrov à Acapulco, après celles sur Schwartzy et Tiafoe ; ceux qui ne le connaissent pas, regardez-le, il a tout d’un grand, y compris le revers à une main (et quelle balle de match !) :
https://www.youtube.com/watch?v=JEEiVGMqOHQ
Il va défier en demie son modèle, Stefanos Tsitsipas… sachant que son « idole » est Roger Federer, cf ce bon papier d’Eurosport : https://www.eurosport.fr/tennis/atp-acapulco/2021/stats-folles-l-idole-federer-et-le-grand-frere-fognini-huit-choses-a-savoir-sur-lorenzo-musetti_sto8182028/story.shtml
Sinon, intéressant de voir la moyenne d’âge des joueurs en 1/2 à Dubaï et à Acapulco : environ 23 ans, de 19 mini (Musetti) à 27 maxi (Karatsev).
« Sinon, intéressant de voir la moyenne d’âge des joueurs en 1/2 à Dubaï et à Acapulco : environ 23 ans, de 19 mini (Musetti) à 27 maxi (Karatsev). »
En fait il suffit que le Big3 soit absent d’un tournoi pour que la moyenne d’âge des demi-finalistes chute vertigineusement…
Surtout que les autres « vieux » historiques sont totalement à la ramasse actuellement (Wawrinka, Simonfils Tsongasquet, Cilic, Anderson… et ne parlons pas de Delpo qu’on ne reverra probablement jamais, sinon sur un court, au moins en demie d’un tournoi important).
Karatsev sacré à Dubaï, non sans éliminer Evans (top 30), Sonego (top 40), Sinner (top 30), Rublev (top 8)…
Quel tennis : ça joue à 100 à l’heure, ça prend la balle hyper tôt tout en la réaccélérant, en restant hyper précis sur les zones, et des deux côtés. Et forcément, des coups gagnants dans tous les sens…
Cela dit, je me pose des questions : comment un gars de 27 ans qui avant cette année affichait un bilan de 2 victoires pour 10 défaites sur le circuit principal peut-il tout d’un coup jouer si bien, n’ayant été battu en 2021 que par Djokovic et Thiem ?
J’ajoute que sa tête inexpressive donne l’impression d’un type dans un état second. Suite à sa victoire sur Harris en finale, aucune manifestation de joie, aucun sourire, rien, je serre la main de mon adversaire et je vais m’asseoir ; on dirait qu’il vient de gagner le premier match d’un tournoi de seconde zone, et encore.
Cela dit, je vois que je ne suis pas le seul à me poser des questions, les journalistes de Winnamax TV aussi : https://www.welovetennis.fr/le-blog-de-la-redac/avec-le-titre-a-dubai-le-mystere-karatsev-sepaissit
Avec la fossilisation du classement, la progression de Karatsev est extrêment lissée et apparemment sa montée en puissance date déjà de l’année dernière où il a été une terreur des Challenger.
Notamment, Wavrinka avait eu toutes les peines du monde à le battre en finale à Prague. Son classement technique réel était plus proche du Top 50 à la fin 2020 que WC.
A l’instar de Sinner, ils jouent bien mieux que leurs classement.
Sur le plan du jeu, il est effectivement impressionnant de voir qu’un gabarit si commun, et trapu comme un pilier de rugby puisse avoir une telle densité dans ses frappes, avec effectivement des zones tactiquement brillantes. Un vrai succédané de Djokovic dans le jeu.
A Acapulco, finale Zverev-Tsitsipas, plutôt une bonne nouvelle et dont le bilan est plutôt positif pour chacun. Tsitsipas a battu FAA (qui l’enquiquine) et Zverev a gagné un 500 et joue bien dans l’ensemble. Le look de Zverev est affreux mais son niveau de jeu est une référence parmi la Current-Gen.
Paulo, je ne suis pas aussi surpris que toi. Attention, je ne dis pas que ce n’est pas une surprise, avant l’OA je n’avais jamais entendu parler de lui. La progression de Karatsev est une belle occasion de rappeler que les joueurs au-delà du top 100 sont de super, super joueurs de tennis, et que la différence avec ceux du top 100 est assez faible. Avant la pandémie, ils perdaient, parfois de peu, contre des top 100, qui les dominaient pour des raisons techniques, physiques, mentales, et parfois ils parvenaient à en battre un ici ou là. La pandémie, et l’isolement qu’elle a imposé à tout le monde, a rebattu beaucoup de cartes, parce que la reprise a demandé à tous des capacités de remobilisation qui n’avaient pas été sollicitées jusque là. Et certains s’en sont sortis mieux que d’autres, même s’ils étaient derrière au classement.
Une surprise, Karatsev ? Oui, mais pas plus grande que de voir Monfils quasi-incapable de gagner un match. Karatsev est le miroir inversé de Monfils. Ce sont deux cas extrêmes.
au moment de l’Open d’Australie, à la fin de son parcours, quelques soupçons de matchs perdus de façon étrange sont remontés à la surface. j’ignore la véracité de ces rumeurs
Je pense que le ‘cas’ Karatsev est indissociable du contexte Covid. Je l’ai dit et rabâché, la plupart des joueurs n’ont juste pas envie d’être là actuellement. Ils viennent ‘faire le job’ comme s’ils venaient pointer à l’usine mais la conviction n’y est pas.
Du coup le simple fait d’être motivé devient un avantage énorme.
Autre chose : je me dis que si le fait de ne pas monter au classement malgré la répétition des perfs en Challenger est d’une inéquité sans nom, ç’a aussi permis à un Karatsev d’évoluer sous les radars. Personne ne l’a vu venir (ne l’a vu tout court). Je crois qu’il aurait ‘dû’ être 60e au moment de l’OA. Donc déjà admis dans des tableaux du circuit principal. Là il s’est pointé à Melbourne en pleine bourre… mais toujours sans que les autres le connaissent. Même les qualifs, jouées à Doha plusieurs semaines avant, n’ont pas permis aux joueurs/aux coachs de venir zieuter. Quand je voyais, à Dubai, à quel point ses adversaires semblent peiner à anticiper ses zones et ses frappes, l’effet de surprise joue clairement à plein. Il faudra voir ce qu’il en reste quand tout le monde le connaîtra, son jeu, ses zones, ses forces, ses failles…
Reste, pour avoir cherché hier, que son profil est rare. Un mec qui décolle à ce point si tard, c’est… pff. Y’a vaguement Verkerk qui correspondrait, à n’avoir jamais craqué le Top 100 pour titiller six mois plus tard le Top 10 à la faveur notamment (mais pas que…) d’un run en GC. Mais même Verkerk avait 25 ans quand il a pris feu, pas 27. Rosol connaît ce type de percée au même âge mais ne monte pas aussi haut. Donc oui, ce que Karatsev nous fait là est extrêmement rare, quasi-unique même… mais on remarque quand lorsque ça se produit, c’est souvent chez les patators, justement. Après, on peut penser que chez le Russe c’est amplifié par la situation inédite. A voir dans la durée.
Il y en a un aussi auquel je pense, c’est Vladimir Voltchkov, demi-finaliste à Wimbledon en 2000 en tant que 237ème mondial et issu des qualifications. Il était certes plus jeune que Karatsev, et il s’était déjà signalé à Wimbledon deux ans plus tôt en sortant Kucera. Mais son parcours est quand même improbable. Etoile filante, tout comme Verkerk, Carretero…
Concernant Karatsev, j’ajouterais peut-être que son âge, 27 ans, joue en sa faveur. A cet âge-là, un joueur a un long pédigrée derrière lui, il est peut-être plus apte à digérer un exploit avec la tranquillité voulue, sans trop s’enflammer.
C’est sûr, le manque de motivation de certains joueurs du top 100 ne peut que laisser de la place aux autres et ça a participé à l’émergence de Karatsev. Shapovalov (j’aime sa franchise) a expliqué il y a quelques jours que sans la pression mise par les sponsors, certains joueurs ne joueraient pas du tout.
Un autre phénomène a pu jouer concernant le Russe : l’émulation avec ses compatriotes Rublev, Medvedev et Khachanov. En gros, si eux réussissent, pourquoi pas moi ? Peut-être aussi que le fait de se retrouver dans une « bulle » avec des compatriotes/amis aide à supporter cette bulle… il me semble d’ailleurs que Karatsev a joué en double avec Rublev, à Dubaï.
Cela dit, la tronche qu’il tire – en particulier en finale samedi – est assez sinistre voire inquiétante par l’absence d’émotions qu’elle reflète. Le gars est en mode machine. On dirait presque Basilashvili, l’homme qui ne sourit jamais.
Pour ce que j’en ai vu, il me semble que dans le registre « je ne montre absolument rien », Sinner est un sacré client…
Oh non, Sinner est bien plus expressif ! Il sourit après ses matches, il se met en rogne pendant ses matches… pas grand-chose à voir. La finale de Dubai avait un aspect un peu surréaliste. Certes il n’y avait pas de spectateurs, mais quand même… remporter un ATP 500, ça doit au moins donner le sourire, non ? Certains tombent même par terre, beaucoup vont se jeter fous de joie dans les bars de leur coach/famille… rien de tout ça avec Karatsev, on dirait qu’il vient de finir un entraînement – un entraînement ennuyant, en plus.
Les bras, pas les bars, hein ! Soyons sérieux.
Oui Sinner fait énormément d’ancrage positif et est très parcimonieux de son énergie dans ses célébrations mais il est expressif: il serre le poing quand il gagne un point important, son regard se noircit qd ça n’est pas satisfaisant et il relâche la tension une fois le match fini.
Après Musetti est effectivement très expansif (et je remarque que lui aussi a le coup droit « moderne »: prise ultra-fermé à la Kachanov, Tiafoe).
Pardon les collègues, d’être en décalage sur ces questions de classement.
En tant que vieux de la vieille, je continue à lire Tennis Mag, je sors de la lecture d’un article consacré à Craig Tiley, directeur de l’Open d’Australie, et au jeu d’équilibriste auquel il s’est livré pour que le tournoi puisse se disputer. Chapeau l’artiste, mais il n’en reste pas moins que ces histoires de cas positifs dans les avions emmenant les joueurs/joueuses, et les confinements qui en ont découlé, ont désavantagé de manière flagrante certains par rapport à d’autres.
Du point de vue de l’équité sportive, beaucoup d’éléments me semblent sujets à caution concernant cet Open d’Australie. J’en citerai deux. Premièrement, certains ont eu plus de jours que d’autres pour préparer le tournoi sur le terrain. Deuxièmement, les qualifications se sont tenues à Doha, un mois avant. Si l’objet des qualifications est de sélectionner, en amont du tournoi, les joueurs les plus en forme n’ayant pas le classement requis, c’est raté. Les conditions de Doha ne sont pas celles de Melbourne, et le mois qui les sépare est bien suffisant pour que certains retombent de leur pic de forme.
Deux « injustices », parmi une multitudes d’autres. Et il est d’ailleurs temps de rappeler ici que ces « injustices » ne sont pas l’apanage de l’Open d’Australie. Quand on regarde dans le détail, AUCUN des tournois qui se sont disputés depuis la reprise du circuit en août n’est à l’abri d’un reproche d’organisation inéquitable. Quant aux joueurs, comme le dit Shapo, effectivement ils sont nombreux à trainer la patte pour disputer les tournois, poussés par leurs sponsors.
Est-ce la faute de quelqu’un en particulier ? Non. Chacun fait de qu’il peut, et apprécie une situation, en fonction du contexte du moment et non en fonction du qu’en-dira-t-on six mois plus tard.
Est-ce que le circuit devait reprendre dans ces conditions ? Je suppose qu’il vaut mieux quelque chose plutôt que rien. Le tennis de haut niveau est un spectacle pour nous, et nous continuons à en voir. C’est aussi un gagne-pain pour beaucoup de gens, et pas seulement les joueurs. C’est enfin une part de rêve, notamment pour les jeunes.
Quand un joueur échoue depuis des mois à remettre de l’intensité dans ses frappes et traine son spleen sur les courts, j’ai de la peine pour lui. Quand un joueur n’est pas certain d’être autorisé à rentrer au pays après un tournoi à l’autre bout du monde où il vivra comme dans un bunker et qu’il renonce à s’y rendre, c’est la mort dans l’âme. Et je suis d’accord avec Nadal quand il préconise de ne pas obliger les joueurs à jouer coûte que coûte. Bref, le circuit post-Covid est coupable de beaucoup d’injustices, qui me semblent plus dommageables que Sinner 30ème mondial alors qu’il « mériterait » d’être 15ème.
Les résultats sur le circuit depuis août dernier sont-ils significatifs ? Oui, puisqu’il n’y a rien d’autre. Non, dans la mesure où des bouleversements XXL ont perturbé ce petit univers. Nous ne saurons jamais à quoi aurait ressemblé la saison 2020 si elle s’était tenue normalement. Nous en sommes réduits à des abstractions, et ce n’est pas la première fois dans l’histoire du tennis. Si Jannik Sinner doit devenir le meilleur joueur du monde dans les années à venir, je formule le vœu que la pandémie prenne fin et lui permette de prendre le pouvoir dans des conditions propres et significatives. Et s’il y arrive, sa place de 30ème mondial en mars 2021 passera pour une péripétie au regard de cet accomplissement.
Tu as raison de remettre les choses en perspective, Rubens. Cela dit concernant les joueurs qui « râlent » à propos de leur classement (Rublev, Zverev notamment, peut-être Sinner et d’autres, je n’ai pas vérifié), j’ai l’impression que la raison principale en est non les statistiques post-carrière en termes de classement, mais plus prosaïquement leur rang en tant que têtes de série dans les tournois qu’ils jouent. Pour Zverev par exemple, à Roland il lui vaudra mieux être TS 4 que TS6 : enfin normalement. Pareil pour Sinner : s’il est numéro 28 au lieu d’être numéro 15, il peut se farcir Nadal ou Djoko dès le 3ème tour, alors que dans la seconde hypothèse il est tranquille un tour de plus.
Si en mars 2021, vu tout ce qu’il se passe depuis un an partout dans le monde, pour leurs compatriotes et y compris dans leur sport, leur principale préoccupation est d’être TDS 15, 30, 4 ou 6 à Roland Garros alors il serait quand même grand temps qu’ils ouvrent une télé et s’intéressent un peu au monde qui les entoure… car là c’est plus un problème de riche qu’ils ont…
Je comprends bien Paulo que les rangs de TS de Rublev et Zverev leur importent plus que le devenir du circuit. Mais leur éviter d’affronter trop tôt Nole ou Rafa en quarts ou en demi, je maintiens que le circuit a des enjeux plus urgents. Et j’ajouterais même que Federer me semble être la seule « anomalie » de ce top 10.
Zverev, ça fait 4 ans qu’on attend qu’il perce le plafond de verre, et ça fait 4 ans qu’il échoue. Depuis 2017, il a joué 16 GC, et il est tombé à 3 reprises contre Djoko ou Nadal. Qu’il ne vienne pas expliquer qu’il les affronte trop tôt trop souvent. Il a eu de nombreuses occasions d’aller plus loin et il les a laissé passer.
Quant à Rublev, il est membre du top 8, ce qui me semble logique au regard de ses résultats. Il a trois quarts de finale récents en GC, face à Tsitsipas et Medvedev (2 fois). Une constance à saluer. Mais au final, 3 défaites en 3 sets avec, pour la dernière, le sentiment assez net qu’il est encore loin du compte physiquement.
Les jeunes cadors du circuit bien le droit de se plaindre de leur classement qui « devrait » être un peu plus haut, mais un tel raisonnement est un raisonnement de perdant petit-bourgeois. Si vraiment leur objectif est de gagner un GC, ils doivent savoir qu’ils auront à se farcir Djoko ou Nadal en cours de route, voire les deux, en huitièmes ou en finale, peu importe. Djoko et Rafa vont doucement sur leurs vieux jours, mais ils ne leur feront pas le moindre cadeau.
Et le même raisonnement vaut pour Sinner. Son objectif, c’est d’atteindre les huitièmes en GC plutôt que le troisième tour ? Ou de gagner un GC, et le plus tôt sera le mieux ?
Nadal a subi de nombreux « déclassements » des organisateurs de Wimbledon, au profit, souvent, de Djoko, de Federer ou de Murray. S’en est-il plaint une seule fois ? Non, et c’est à ce genre de détail qu’on reconnaît un champion [note : je crois bien, par contre, que Toni avait dit quelque chose à ce sujet, non pas sur le mode de la complainte, mais sur le mode "vous avez tort de déclasser Rafa, mais ce sera à lui de vous le prouver"].
Pas sûr que l’exemple de Nadal à Wimbledon soit le plus pertinent puisque c’est bien parce qu’il a été légèrement déclassé en 2019 et qu’il s’est plaint (et pas seulement son oncle) que Wimbledon a décidé d’arrêter d’appliquer sa règle. Règle dont il ne s’était pas plaint quand elle l’avantageait aussi…
Moi ce qui me gêne aussi dans le raisonnement de Zverev est qu’il oublie un peu vite qu’en temps normal, il n’est quand même pas rare qu’il y ait un décalage des performances du moment et le classement ATP. Surtout dans les hautes sphères du classement. Forcément un joueur qui va loin dans un M1000 ou un GC il va avoir le bénéfice pendant un certain temps. S’il enchaîne les déconvenues ensuite, ça ne se sentira pas tout de suite… même si la chute sera forcément terrible à un moment ou un autre.
Anne, quand est-ce que Rafa a été « surclassé » à Wimbledon ?
A vérifier mais en 2019 quand Nadal se plaignait plusieurs avait pointé du doigt les (la ?) fois où il avait été surclassé
Et une des vertus de cette pandémie aura au moins été de mettre sur la table les vraies priorités des top joueurs. Compte tenu des consignes draconiennes imposées par certains tournois, les joueurs se posent ENFIN la question de savoir si c’est vraiment nécessaire de jouer, où et quand. Indian Wells annulé, Miami amputé de la moitié du top 10, qui considère ENFIN qu’une fois l’Open d’Australie passé, la priorité désormais est le prochain Roland.
J’aurais nettement préféré que les top joueurs mettent aussi la Coupe Davis parmi leurs priorités quand il était encore temps, mais bon…
En d’autres lieux, j’avais proposé une refonte complète du calendrier, qui décalait l’Open d’Australie à début mars et qui plaçait Indian Wells et Miami en janvier, le climat du sud des Etats-Unis permettant d’y jouer toute l’année. Ces deux tournois ouvraient ainsi la saison et devenaient des jalons importants sur la route de l’OA, ça me semblait plus logique que de les mettre en mars au milieu de nulle part.
pour moi le problème de la Coupe Davis est que cela fait plus de 20 ans que pour plein de joueurs, elle ne représente pas du tout la même chose que pour nous Français. Phénomène qui n’a fait que s’accentuer ensuite…
finalement, ne faudrait-il pas faire la tournée asiatique dans la foulée de l’Open d’Australie, cela aurait plus de sens en tous les cas pour les voyages des joueurs et faire une seule grosse tournée US été/automne ?
Anne, je ne me souviens plus en détail du calendrier auquel j’avais réfléchi, mais j’y mettais même la tournée asiatique AVANT l’Open d’Australie. Shanghai, en gros, était deux semaines avant, comme Rome avant RG, comme Cincinnati avant l’US…
ce serait tellement un scénario idéal. Avec une vraie entrée en matière progressive avant l’OA. Et des voyages cohérents
J’allais écrire que ma légère consternation devant le fait que RG vende ses ou des droits à Amazon (« La grande nouveauté de la diffusion de Roland-Garros cette année sera la mise en place de sessions nocturnes grâce au toit du court Philippe-Chatrier. Amazon a acquis les droits exclusifs de ces dix soirées pour les trois prochaines éditions du tournoi, ainsi que ceux des matches du court Simonne-Mathieu » d’après l’Equipe) était totalement hors sujet par rapport aux débats qui précèdent, mais finalement pas tant que ça. Pour un téléspectateur comme moi, qui ne s’abonne à rien, RG, c’est sur France 2, point barre (pour ne pas dire Antenne 2 et FR3….). C’est du service public, point barre.
Quand je vois la cohorte d’ex pro qu’Amazon se targue d’avoir rameutée je m’interroge sur la représentation du monde que ces derniers ont, et sur l’appât du gain de ces derniers, pourtant a priori largement blindés pour plusieurs d’entre eux, et sur le fait que de mon point de vue et on va dire avec mes valeurs -bref, point de vue de sale gauchiste, autant le dire – jamais je ne puisse compter ou lire un truc de l’ordre de la divine surprise genre « bah non, Amazon c’est à différents égards une boîte pas terrible, sans moi », non, ce genre de choses n’arrivent jamais. Alors, qu’on assiste à des comportements légèrement autocentrés, voire un tantinet petits bourgeois sur la question du virus, ça n’est pas étonnant, et c’est du même ordre d’idées.
le problème numéro 1 du tennis est son manque de visibilité. Le grand public n’a déjà plus accès à grand chose et si en plus on ampute en France RG..
Si encore Amazon en profitait pour offrir une diffusion un peu différente mais quand on voit ses recrues… ils se sont vraiment contentés de prendre ce qui se faisait ailleurs.
Je ne comprends pas non plus qu’Arnaud Clément qui est maintenant à nouveau à la FFT puisse être consultant sur un média à qui la FFT a cédé des droits. ça ressemble à un conflit d’intérêt, non ?
c’est clair que pour tous ces consultants, il est peu probable que l’intérêt du rayonnement de leur sport ait été une préoccupation quand ils ont accepté…
Et sinon, pour la Coupe Davis, je suis en train de terminer le bouquin de Gilles Simon « Ce sport qui rend fou ». Très intéressant, et très significatif aussi de la préparation de haut niveau, qui a énormément évolué depuis le début du siècle.
En gros, désormais chacun optimise son jeu et ses performances en s’entourant d’une structure dédiée, le but étant d’être performant tout au long de l’année. L’uniformisation des matériels et des styles de jeu a permis aux joueurs de se rapprocher de cet objectif, avec des jeux pouvant s’exprimer sur toutes les surfaces, des transitions de surfaces moins traumatisantes (d’autant que chacun s’entoure également d’un staff médical). Le résultat, c’est le déclin des « spécialistes » des surfaces, et la relative stabilisation des résultats de chacun tout au long de l’année. Mais chacun est au départ différent, dans son jeu, dans son corps, dans ses habitudes professionnelles. Et les méthodes d’entrainement seront donc propres à chacun.
Le point de vue de Gillou dans son livre, c’est d’attaquer le contexte spécifique des rencontres de Coupe Davis, où côté français la règle est de « faire corps » en s’entrainant ensemble, et en laissant à la porte les entraineurs et le staff des joueurs. Comme je le disais plus haut, le quatuor qui a porté le tennis français pendant une bonne décennie est constitué d’individualités différentes, et chacun a aussi ses propres méthodes d’entrainement, qui ne fonctionneraient probablement pas avec les autres. En les forçant à s’entrainer ensemble, le capitaine empêche chacun de préparer la rencontre comme il le souhaiterait. Il ne faut pas chercher plus loin les résultats mitigés, au regard de leur classement, qu’ont obtenus Gasquet, Simon et Tsonga en Coupe Davis. Seul Gaël s’est transcendé à l’occasion.
La « méthode Noah », poursuivie ensuite par Forget, est irrémédiablement datée. Elle renvoie à une époque où le tennis était moins professionnel qu’aujourd’hui. Les carrières de Noah et Leconte, avec leurs blessures et leurs vague-à-l’âme, traduisent un professionnalisme à trous. Quand en 91 Noah a pris Leconte en vue de la finale, Riton s’est entrainé avec une intensité et un sérieux probablement inédits pour lui. Et l’accusation légèrement voilée faite aux joueurs de ne pas s’entrainer sérieusement en dehors de la Coupe Davis était valable en 91, elle ne l’est plus du tout aujourd’hui.
Avant de critiquer les « nouveaux mousquetaires » sur leur individualisme, la FFT aurait dû commencer par mettre en veilleuse ses critiques sur leurs méthodes d’entrainement, d’autant plus injustifiées que, dixit Gillou, aucun cadre de la FFT n’est venu le voir s’entrainer. Ensuite, respecter les spécificités de chacun et accepter leurs rythmes d’entrainement respectifs. Et se rendre compte enfin qu’il est inutile de les rassembler plus d’un jour ou deux avant la rencontre.
Et Gillou de conclure qu’il n’y a jamais eu de problème relationnel entre les quatre, et qu’ils n’avaient nul besoin de vivre ensemble deux semaines en amont d’une rencontre pour « faire corps », ne serait-ce que parce que contrairement à Leconte, ils ont disputé des saisons VRAIMENT complètes au cours desquelles ils se croisaient sans arrêt de tournoi en tournoi.
Je dois dire que tout ceci recoupe mon ressenti sur l’équipe de France des dernières années, où je peinais à voir de véritables rivalités ou querelles d’égo entre Tsonga, Monfils, Gasquet et Simon. En revanche, des incompatibilités d’humeur ou des désaccords de fond avec le capitaine (que ce soit Forget, Clément ou Noah) m’ont semblé évidents à certains moments.
Ce post est évidemment lui-même daté, puisque la Coupe Davis n’existe plus. Mais l’éclairage de Gillou est intéressant, parce que derrière les accusations de ne pas avoir l’esprit patriotique chevillé au corps et de ne penser qu’à leur nombril et quelques muqueuses autour, les désaccords entre les joueurs et le capitaine ne traduisent pas seulement un changement de génération, mais aussi une professionnalisation à outrance que Noah et Forget, notamment, n’ont pas vu venir.
Tout à fait d’accord avec ton point de vue. La « méthode Noah », à la fin des années 2010 avait je trouve une allure un peu décalée, avec le Yannick national surjouant parfois un peu son rôle de gourou fédérateur aux méthodes inexplicables mais qui viennent toujours du coeur et de la capacité à se battre pour les copains…Mais comme s’il feignait d’ignorer que nos 4 héros se connaissent depuis l’adolescence, se voient continuellement sur le circuit, bref, n’ont pas forcément besoin de randonnées dans la neige et de séance de yoga 10 jours avant la rencontre pour « faire corps » et considérer que l’un dans l’autre, ça serait quand même plus cool de la gagner….
Par contre, tout ce bazar de la rituelle « préparation » fait – faisait – de sacrés beaux reportages – j’ai une obsession pour les droits télé aujourd’hui- de vraies images de vraies valeurs du sport avec de vraies causeries d’avant match et le psychodrame de la sélection ou non sélection qui va avec, tous les joueurs à table dans un hôtel à séminaire, les images de celui qui attend dans le vestiaire en s’échauffant et hurlant ses encouragements sur un écran télé, étrange folklore légèrement téléréalité sur les bords peut être destiné à faire monter le suspens jusqu’au Jour J avec un Noah chargé de le charger d’émotions de sa puissance mystique.
En 2014, les Suisses, Waw surtout, avaient été il me semble légèrement chambreurs à ce sujet, c’est de bonne guerre. Me souvient particulièrement de « Fed ? Bah, vous savez, pour lui la préparation c’est jouer une heure sur la surface, hein… ».
Sam, j’ai justement eu du mal avec ces « reportages » lorgnant sur la télé-réalité comme tu le dis. Il ne s’agit que de « vendre » un esprit d’équipe, et j’ai tendance à ne pas prendre au sérieux ce genre de focale.
Ce que je veux dire, c’est que des types qui font équipe, quels qu’ils soient, ont forcément des égos, des tempéraments, des passifs les uns avec les autres (par forcément négatifs d’ailleurs). Et s’ils ont vraiment quelque chose à se dire, j’ose espérer qu’ils le feront loin des caméras, ça me semble même le moindre des respects qu’ils se doivent.
Les consultants d’Amazon… No comment.
Mais d’un autre côté, je ne ferai rien pour défendre les retransmissions de France 2/3, avec leur duplex merdique agrémenté de l’inénarrable (quoique charmante) Tatiana Golovin qui met des gants alors qu’il fait 35 degrés à l’ombre, bref le duplex + la pub + les interviews de Justine, Riton, Toni et autres Michel Leeb, au final ça bouffe la majorité du temps d’une antenne supposément dédiée au tennis. France Télévisions a bien le droit de dire qu’ils retransmettent Roland, « patrimoine du sport français », mais en ce qui me concerne je zappe cette bouffonnerie et je vais sur des sites de streaming.
Pour être un service public, il ne faut pas juste en avoir l’étiquette.
je suis assez d’accord avec vous et donc, pour une fois avec Simon (tout arrive!). D’ailleurs, ce qui est fou finalement c’est qu’en France personne ne se soit posé la question : pourquoi personne ne fait ça ailleurs ? y compris chez les gagnants… y compris ceux qui ont l’air de très bien s’entendre. Et puis a contrario des joueurs d’un même pays pouvaient très bien ne pas s’entendre super bien et jouer très bien les jours qu’il fallait (bon on a aussi l’exemple récent d’une Argentine où le conflit est tel que c’est insurmontable comme du temps de Nalbandian/Del Potro).
en fait, c’était parfois en plus tellement surjoué. Comme en 2014 justement où on montre à voir une soit disant camaraderie juste avant la finale alors qu’on a vu très vite que c’était totalement du flan. et qu’à la moindre anicroche tout était parti en éclat. Donc c’était encore plus ridicule.
Quand on voit qu’en plus ils tirent aucune leçon puisque même pour la nouvelle version qui est quand même fin novembre… Grosjean avait la première fois proposé un stage en avril et tout fait pour faire genre « équipe ». totalement inadapté à la situation…
Et puis à quoi servait ces dernières années de faire une méthode particulière pré CD alors qu’on leur demandait en vrai juste d’être le plus performant possible (donc autant qu’ils suivent leurs routines habituelles), qu’ils se soutiennent pendant les matchs, ne pas fair trop bande à part pendant 4 jours et… c’est tout. tout le reste était quand même bien ridicule.
Après le summum du ridicule ayant été atteint par Noah à son retour qui non seulement était totalement éloigné du circuit mais n’a même pas fait l’effort une seule seconde d’essayer de voir comment les joueurs étaient sur le circuit, comment ils s’entrainaient etc…
Voilà.
Et je me permets, en toute modestie et pour nos plus jeunes lecteurs, de reproposer cet éclairage de l’époque, entre Shneidermann et consternation :
https://www.15-lovetennis.com/?p=19424
Je t’avais lu Sam, j’étais juste mort de rire…
Doit-y avoir moyen de faire une suite centrée sur le Grand Galvaniseur qui s’agite dans les vestiaires pendant que les autres sont là, un peu gênés, « c’est bon Yann, tu sais, on connait notre boulot… ».
Oui, mais il faut quand même se rappeler que c’est eux, les joueurs, qui semblent être allés chercher Noah en 2015. Pourquoi, mais pourquoi ont-ils fait cela ? Tsonga voulait se débarrasser d’Arnaud Clément, OK.
Mais pour le reste, ils n’étaient pas conscients en 2015 que d’un point de vue professionnel le Grand Yaka, vainqueur en GC, était un charlot à côté d’eux ? Ils croyaient vraiment qu’il avait quelque chose à leur apporter et que leurs chances de remporter la Coupe Davis étaient plus grandes avec lui ?
Non seulement ils sont allés le chercher en effet. Mais pire, quand son mandat est arrivé à son terme, ils ont choisi de le maintenir alors qu’en plus, il leur avait dit clairement qu’il n’avait pas l’intention de changer d’un iota sa méthode…
Alors tout en étant d’accord avec vous sur le fond, il y a quelques points qui méritent nuance et expliquent pas mal notre addiction à « l’esprit d’équipe » et aux « valeurs du groupe » (discours pas propre d’ailleurs au tennis : en France, tous nos entraîneurs/sélectionneurs/entraîneurs le râbachent à longueur de temps, à commencer par Didier Deschamps qui joint le geste à la parole en n’hésitant pas à sélectionner des mecs moins forts mais répondant mieux à ce fameux esprit groupe).
- D’abord, dans la France du tennis, on n’a pas de n°1 mondial. On n’a pas de vainqueur en Grand chelem. Et, très logiquement, on n’est quasiment jamais en position de favori dans une finale de Davis (pas 91, pas 96, pas 2001, pas 2002, pas 2010, 2014… Reste la dernière qu’on a gagné, en 2017, mais même là le n°1 adverse était plus fort que nos joueurs). On joue, ou surjoue, la partition collective parce qu’on n’a pas le Cador individuel, celui qui change tout. Quand tu as Nadal ou Federer dans tes rangs, ou même Murray, tu ne tiens pas le même discours : 1/ parce que tu n’en as pas besoin 2/ parce que qui aurait l’autorité pour le tenir ?
- Depuis 30 ans, si elle n’a pas de n°1 ou de vainqueur en GC, la France a quand même su gagner en Davis. Et pas qu’un peu. La notion de groupe a marché au-delà de toutes les espérances. Et, c’est humain, tu n’effaces pas comme ça 3 décennies biberonnées à coup de fraternité Noah/Leconte puis d’amitié Grosjean/Clément/Escudé (amitié pas feinte). Quand en plus le mythe prend corps avec des Santoro / Pioline qui aplanissent leurs différents pour livrer un double mémorable en finale de Davis… Dès lors que tous ces anciens joueurs arrivent aux manettes un jour ou l’autre, il est logique qu’ils cherchent à reproduire ce qui a marché pour eux, d’autant que si l’époque change, la configuration demeure la même : une bonne génération, un bon vivier, mais pas de Patron garantissant ses 2 points avant le coup d’envoi. La victoire ne peut venir que par le collectif (ce que 2017 prouvera à l’extrême avec ses 7 ou 8 mecs qui auront marqué un point à enjeu dans la campagne).
- Les 4 Mousquetaires, ce n’est pas si idyllique que ça. Notamment dans leurs meilleures années – c’est ballot Il y a eu des tensions entre eux. Gérer tout ce petit monde n’était pas si évident. Le côté incadrable de Monfils notamment, s’il les fait marrer aujourd’hui dans leurs réunions Twitch d’anciens combattants, les a irrité à l’époque. Tu ne pouvais pas prétendre les réunir le week-end de la rencontre sans avoir aplani (ou tenté d’aplanir) certaines choses entre eux. Après, était-ce bien fait, pas bien fait… Encore une fois, ce qui complique la tâche est que tu as 4 joueurs de niveaux sensiblement identiques. Si 1 ou 2 s’était détaché, ça changeait beaucoup de choses. Personne ne disait rien à Murray quand il se pointait à 48h du match, soit bien après les autres réunis depuis une semaine, parce que c’est Murray. Et que quand les Murray parlent, les Ward, Edmund ou Bedene écoutent.
Après, dernière chose, n’oubliez pas que l’on est toujours victime de la bulle de filtre : si nous on a été dégoûté des « acotédarnaud » (je l’avais oublié, celui-là ; il vaut pourtant bien le « Je suis une maîtresse harassée de Djoko le besogneux » que je me relis une fois par an ), l’approche médiatique de la « Roja » en Espagne, tout en culte du Dieu Nadal et de ses apôtres Feli, Ferro et Nando devient tout aussi saoulante quand elle est rabâchée à longueur de temps.
Guillaume, tu devrais commencer à savoir que quand tu me fais des posts comme ça de 100 lignes je brûle de faire 200 lignes pour te répondre. Et là tout de suite je n’ai pas trop le temps, je vais essayer d’aller à l’essentiel.
La fraternité à la française lors des campagnes victorieuses nous a été vendue et sur-vendue, jusqu’à la nausée parfois, aucotedarnaud bien entendu. Et parfois ça a été vrai d’ailleurs. En 91, je suis persuadé, au-delà du staff qui a préparé pour Leconte un programme intelligent, que Riton a vidé son sac avec Yannick et Guy avec des trucs du genre « le 21 octobre 1986 tu m’as piqué mon Chavroux à Bâle, excuse-toi et on redevient potes ». Henri était assez benêt pour descendre à ce niveau, c’était un mec ayant le besoin viscéral de se sentir aimé aucotedarnaud. Mais tu ne construis pas une équipe sur la durée avec un type comme ça, ni avec Noah d’ailleurs, des types qui te font des one shots monstrueux et qui s’évaporent ensuite. D’ailleurs je n’oublie pas qu’après 91 il y a 92 et la défaite contre la Suisse.
Là où je te rejoins, c’est sur Grosjean-Clément-Escudé, de vrais amis. C’est ça, en effet, qui pèse lourd dans leur victoire de 2001. Ils étaient autrement plus pros que Noah et Leconte (et donc susceptibles de rentrer dans mon cadre simonesque du post précédent), sauf que là ils avaient un vrai plaisir à se retrouver pour la Coupe Davis, et ils rêvaient vraiment de la gagner ensemble. Pas pour le drapeau, pas pour Forget, mais entre eux. Et je dis ça sans négliger le rôle de Forget dans la « réconciliation » Santoro-Pioline. Puisque tu me parlais de foot et de Deschamps, je crois que dans l’EDF de 98 une des clés est l’amitié entre deux tauliers, Deschamps et Desailly. Et ça pèse hyper lourd en effet. Ce que je veux dire, c’est que le capitaine et ses méthodes n’interfèrent que peu dans le match de bison d’Escudé en finale contre Hewitt (qu’il avait d’ailleurs battu à Wimbledon quelques mois plus tôt). Il n’avait pas besoin de Forget sur la chaise pour sortir ce match, il avait besoin de Grosjean et Clément au premier rang.
Qui d’autre s’est vraiment transcendé ? Llodra en 2010. Sa liquéfaction finale ne doit pas faire oublier son parcours royal cette année-là. Mais le cas de Llodra, sans atteindre les hauteurs météoriques de Leconte, me semble du même ordre, Mika c’était un émotif.
Pour le reste, je ne te rejoins pas tout à fait. La Coupe Davis aucotedarnaud n’était pas une épreuve reposant forcément sur un seul joueur, la France n’est pas la seule équipe à avoir opposé sa plus grande homogénéité à des équipes avec un cador, et ses victoires ne sont pas toutes des surprises. Comme tout le monde, je me suis rongé les ongles jusqu’au sang devant le Boetsch-Kulti de 96, mais je n’y vois aucun exploit de la part de Boetsch et Pioline. En 2010 il nous manque le dernier simple, en 1999, 2002 et 2014 l’équipe adverse était trop forte. En 2017, tu aurais pu mettre Djokovic au lieu de Goffin, l’EDF n’en aurait pas moins été la nette favorite des trois autres matchs, et donc de la rencontre.
Bref, je ne suis pas certain d’un véritable impact positif de la préparation commando fraternel et franchouillard aucotedarnaud sur l’ensemble des joueurs qui ont représenté la France depuis 30 ans. Au maximum, elle a transcendé 3 joueurs (Leconte, Escudé, Llodra). Tsonga a tout de même passé 6-7 saisons dans le top 10, sa meilleure victoire en CD est contre Juan Monaco, éphémère 13ème mondial au moment des faits, et il compte aussi quelques sales défaites. AUCUNE campagne de Jo n’approche celle de David Goffin en 2017, très fort certes, mais pas plus que le Jo de 2011 ou 2012. Et si tu fais la balance entre ceux qui ont été transcendés et ceux qui s’y sont vautrés (que ce soit aucotedarnaud, aucotedeyan ou aucotedeguy), je ne suis pas certain que ça penche du côté positif.
Bon, je n’ai pas fait court…
Guillaume, Tsonga a voulu apparaître comme le leader incontournable et incontestable de cette équipe de France. Du fait de son palmarès, cela se tenait, d’ailleurs. Le problème avec lui c’est qu’il n’assumait ce rôle que lorsque tout allait bien. JAMAIS quand les choses ont tourné court. Et par son attitude, il a, selon moi, il a une part non négligeable dans un certain nombre de déroutes de l’EDF.
Quand on voit que plusieurs mois (voire années) après Lille 2014, il en était à reprocher au staff de n’avoir pas vu qu’il n’était pas apte à jouer… délirant. Et c’est bien aussi, même s’il n’est pas le seul, lui qui a compris que Clément allait le « rétrograder » et le considérer à l’égal des autres qu’il a commencé à scier sa branche…
Voila, fini le bouquin de Gillou. J’en tire deux messages forts, l’un complètement inutile et l’autre de première importance pour le futur du tennis français.
J’ai déjà évoqué le premier message, celui de la Coupe Davis, complètement inutile donc, sauf qu’il me semble traduire une évolution majeure dans le professionnalisme du tennis de haut niveau. Les meilleurs joueurs du monde sont aujourd’hui dotés d’une structure dédiée à leur carrière visant à optimiser leurs performances tout au long de l’année. Cette structure répond aux exigences de chacun, et n’est pas supposée convenir à qui que ce soit d’autre. En fermant la porte à ces structures, l’EDF a perturbé la préparation de chacun de ses joueurs en vue de la Coupe Davis, perturbation d’autant plus longue que le « stage » de préparation de l’EDF durait 10-12 jours en amont de la rencontre. Quant à l’esprit de corps si cher aux capitaines de l’EDF, il a effectivement marché avec Leconte, type émotif entre tous et qui n’a jamais su gérer sa carrière, l’encadrement de l’EDF le faisant précisément à sa place dans le cadre des rencontres de Coupe Davis.
Au passage, j’évoquais les structures autour des top joueurs aujourd’hui, et je constate que Tsonga, Gasquet, Monfils et Simon ont eu un ou plusieurs entraineurs étrangers au cours de leur carrière. Richard Gasquet, gentil garçon de Béziers dépourvu d’ambition, est un cas à part. Les trois autres, assez tôt, sont allés chercher hors de leurs frontières ce qu’ils ne trouvaient pas en France. Cet élément, fondamental, distingue la génération actuelle des précédentes : de mémoire, les Minots de 2001 avaient pour entraineurs Philippe Rosant, Thierry Tulasne, Rémi Barbarin, des types faisant partie de l’encadrement de l’EDF ou en étant très proches.
Deuxième message de Gillou, la glorification du tennis d’attaque au détriment des contreurs et des défenseurs. Ayant écrit ici-même un article à la gloire du stratège Wilander, je peux difficilement me plaindre des propos de Gillou…
En parlant de structures, je suis étonnée malgré du nombre de Français qui ont partagé ou partagent un même coach. Simon, en particulier d’ailleurs… je peux me tromper mais hors l’aspect financier, je ne vois pas quels intérêts ils peuvent vraiment en tirer. Dès lors qu’ils évoluent sur les mêmes circuits, il y a forcément un certain nombre de situations où il y a conflit dans les intérêts des joueurs
Salut Anne,
Comme exemple de ce que tu dis, je ne vois que Monfils qui a rejoint un temps Gillou et son coach Jan De Witt. Je crois que cette précision a son importance, parce que dans la gestion d’une carrière, Gillou me semble nettement meilleur que Gaël. Ce dernier a vu de la lumière chez De Witt, c’est peut-être Gillou qui lui en a parlé, mais je ne suis pas certain que Gaël avait quelque chose de précis en tête quand il a choisi de les rejoindre, en tout cas c’est l’impression qu’il me donne.
Et je ne crois pas que l’aspect financier entre en ligne de compte, il est hautement improbable que Jan De Witt leur ait fait une réduction « deux Frenchies pour le prix d’un ». Il était le coach de deux joueurs, à mon avis il touchait deux salaires.
Hello Rubens,
Ma mémoire me fait peut être des tours mais ce n’était pas, à ma connaissance, la première fois’ que Simon « partageait » un coach avant l’expérience avec Monfils.
Même s’il est en fin de parcours, Tsonga partage Ascione actuellement Ascione avec Humbert, Pouille et Gasquet, même si du coup un autre aussi les suit.
Si bien sûr, il touche un salaire par joueur… je n’imagine pas un coach demander le même tarif selon qu’il n’entraine qu’un seul joueur ou deux, voire trois ou quatre. Déjà parce que techniquement il aura nécessairement moins de temps à lui consacrer.
Salut à tous, et merci les tauliers de nous avoir remis le site.
Je viens de voir la victoire de Sinner à Miami, il est en finale. Pas beaucoup d’imagination, mais ça cogne, et méchamment. Quant au tempérament, je parlais plus haut d’Edberg, il me fait penser à Edberg. Pas un mot plus haut que l’autre, mais son impassibilité, sa froideur calculatrice, me mettent mal à l’aise. Ceci dit, pour dégager Djoko, toutes les forces seront les bienvenues.
Certes le tableau est décimé mais n’en demeure pas moins que le contenu des matchs de Sinner est impressionnant: il ne baisse pas les bras devant l’adversité et s’accroche avec une persistance épatante.
Par rapport aux autres jeunes, cela fait une différence impressionnante et cette finale est méritée. Il est de plus en bonne position pour remporter le tournoi puisque ni le polonais ni le russe ne sont irrésolvables pour lui.
J’aime la capacité de Sinner a réalisé des coups gagnants et à être agressif, dans la même veine que Tsitsipas mais avec une résolution et une façon plus simple de le réaliser.
N’ayant pas connu Edberg, je ne saurais me prononcer sur les similitudes mais je trouve que Sinner est plutôt comme le Sampras n°1 en terme de mentalité: pas d’énergie gâchée à la Monfils pour des célébrations mais un peu d’ancrage positif, une calme résolution à appliquer une tactique, l’ajuster le cas échéant mais toujours la conviction que l’issue du match finalement dépends de lui.
Et puis, en cette période identitariste, quel symbol pour les poils de carotte, enfin un successeur à Shaun White (je plaisante)!
Le dernier jeu de Sinner contre Bautista est juste exceptionnel. Eurosport n’exagère pas quand il le qualifie de stratosphérique. La froide détermination du jeunot est bluffante ; elle ne me dérange pas du tout, pour ma part, au contraire même. Sa faculté à se remobiliser, à élever son niveau de jeu aux moments importants est le signe d’un très grand. Bublick lui a demandé à la fin de leur match s’il était humain… cela me fait penser à ce que disait Courier à l’époque sur Sampras et le côté inhumain de la discipline qu’il faut s’imposer pour devenir et surtout rester numéro un. J’ai lu ici il y a quelques temps que les tout grands avaient un côté sociopathe, et je le crois volontiers. Sinner n’échappera sans doute pas à la règle. En passant, lLes deux « Next Gen » qu’il a croisés (Gaston et Ruusuvuori), il en a fait du petit bois. Ses autres matches ont été plus accrochés, mais il a fini par mettre le coup d’accélérateur qu’il fallait.
De l’autre côté, Hurkacz n’a battu que du tout bon cette semaine : Shapo, Raonic, Tsitsi et Rublev sont passés à sa moulinette. Tous mieux classés que lui. La surface très lente de Miami lui conviendrait-elle particulièrement ?… En tout cas, j’ai été étonné de sa stagnation l’an dernier, car son année 2019 avait été très prometteuse. Certes, comme Sinner il ne fait pas spécialement dans le subtil… un signe de plus que nous sommes entrés dans l’ère de l’hyperpuissance.
Avez-vous vu jouer Musetti ? Il y a du Federer chez ce garçon. Hélas, je crains qu’avec son « petit » gabarit : 1m85, il ait plus de mal que son glorieux modèle à jouer les premiers rôles dans le tennis moderne (comme Shapo, d’ailleurs).
Paulo, puisque tu parles de Bublick, j’ai justement vu le retour de coup droit maousse qu’il a réussi face à Sinner. Bublick était mort de rire, il a demandé à l’arbitre à combien était parti le coup.
En face ? Sinner impassible et concentré, qui ne dit strictement rien, même dans un moment pareil. J’en connais un paquet, Federer et Nadal en tête, qui auraient au moins esquissé un sourire. Ceci dit, j’ai appris à me méfier du langage corporel, ce n’est pas parce qu’un joueur est impassible qu’il est forcément concentré. Mais dans le cas de Sinner, s’il a besoin d’avoir un balai dans le c… pour se concentrer, ma foi ce n’est pas interdit et c’est parfaitement inoffensif. Je suppose que l’adversaire doit être vaguement impressionné quand même, comme tous l’étaient face à Borg par exemple.
C’est drôle, parce que Sampras, impassible aussi, je l’ai vraiment adoré. Mais son impassibilité me semblait refléter une tranquillité plus qu’une détermination. Il était capable de célébrer un coup de mutant par des sauts. Juste un type qui sait ce qu’il a à faire.
Comme tu sais, moi aussi j’adore Sampras. Effectivement, il célébrait parfois des coups monstrueux ou des points sous immense pression, mais uniquement lors des grandes occasions (GC, Masters, rivalités). Cela restait rare et jamais lors d’un deuxième tour (comme Monfils à Bercy contre Cilic).
« Federer et Nadal en tête, qui auraient au moins esquissé un sourire »: ça me rappelle la LC 2019 où Fognini est dépressif contre Sock et que Fed et Nadal lui expliquent qu’on peut accepter que l’adversaire fasse des coups incroyables.
Sinner le fait très bien, par exemple lors du premier set contre RBA, il le concède sur un lob grand écart qui effleure son cadre de raquette. N’en demeure pas moins qu’il repart de l’avant aussi sec.
Dans « A champion’s mind », on apprend que Sampras a rapidement pris conscience d’avoir le « don » et que l’issue des matchs dépendait in fine de lui, et je pense que Sinner a finalement la même conviction depuis qu’il a choisi le tennis. Sa progression météorique ne fait que confirmer cet état de fait.
A Paulo:
c’est vrai que HH fait un très beau parcours lors de ce tournoi. là où tu trouves où c’est un bourrin, je trouve au contraire qu’il est très délié et latex. Il a une grande souplesse, il est super fin et grand mais il ne dégage pas tant de watts que ça.
Musetti a un magnifique revers, et il se bat bien mais j’ai peur que son coup droit à la fermeture exagérée ne lui porte préjudice. En effet, j’ai l’impression qu’en dépit des prospectives des formateurs vers une ATP toujours plus portée sur le spin, les joueurs qui ont fait le choix du coup droit sur-fermé stagnent à l’antichambre du haut niveau.
Finalement, tous les jeunes les plus forts ne pratiquent pas ce tennis « nadalien », la plupart étant des simili-Agassi de 2m (attaquants de fond de court avec un rythme démentiel et une bonne couverture de terrain).
Dernier point: j’avais lu un article intéressant sur le NYT à propos de l’injonction contradictoire du tennis: être grand pour rester bas sur ses appuis. En effet, le service est le coup le plus décisif du tennis dans le metajeu masculin et la taille est importante, mais dans le jeu courant, le rebond est bas et il est nécessaire d’être toujours dynamique et plié sur ses jambes.
A.Zverev y explique que son passé de joueur d’hockey sur gazon l’y aidait bien, et en obsvervant Sinner, c’est aussi un point qui m’a interloqué: il est toujours plié et fait notamment toujours l’effort en revers, et lui fait 1,88m qui semble être un excellent compromis pour lui.
Perse, je n’ai pas dit « bourrin », j’ai dit hyperpuissance. Autrement dit, des gars d’1m95 à 2m00.
Bourrin, ça ne veut pas dire grand-chose.
Disons que HH, même si son tennis a un côté délié, comme celui de Cilic peut-être, ça manque quand même de caractère, de personnalité, d’originalité, de fantaisie, de variations. Je parle là avant tout du jeu, pas de humainement – d’ailleurs de ce point de vue il semble être un bon gars, tout comme Sinner d’ailleurs si on en juge par un récent papier (de welovetennis je crois) disant que les deux sont de bons amis sur le circuit, Sinner étant un garçon adorable en privé (et toc). Rien chez HH ne me fait me lever de mon siège et encore moins ne me fera me lever la nuit pour le regarder jouer. C’est l’ennui, quoi.
OK, il a gagné Miami. En battant des tout bons. Sur une surface et avec des balles où les joueurs font en moyenne près de deux fois plus de fautes que de coups gagnants, c’est dire les conditions de jeu. Sinner a sans doute péché par précipitation, parfois, mais dans des conditions plus rapides, je pense qu’il prendra le dessus sur son pote HH.
Bon, OK, hyperpuissance n’est peut-être pas le terme adapté non plus (emprunté à Jo). Je pointe ici surtout la taille de plus en plus géante des joueurs, et même si leur gestuelle peut être ‘effortless’, leur taille les aide quand même, au service ou quand il faut prendre la balle à hauteur d’épaule. C’est quand même une tendance lourde. La nouveauté effectivement, c’est que de plus en plus ils se déplacent très bien et savent plier les genoux. Un que j’ai vu un peu jouer et qui m’a paru très bon dans sa facilité à se déplacer est Sebastian Korda.
Et tiens, en parlant de Sampras et de son langage corporel, suite à notre échange sur le professionnalisme des Français, je me suis repassé sur Youtube la rétrospective de la campagne française de 91 en Coupe Davis. Face à Leconte, Sampras était perdu. Vraiment perdu. En cherchant un peu sur le web, je suis tombé sur un extrait de « A champion’s mind », l’autobiographie de Sampras. Sur cette rencontre, il explique qu’il n’avait pas grandi en regardant la Coupe Davis à la télé, c’est une compétition qui n’entrait pas dans ses références.
En arrivant à Lyon, il n’avait donc pas la moindre idée de ce qui l’attendait. Il a commencé à se sentir mal à l’aise en voyant que de nombreux anciens champions américains étaient présents, en découvrant le protocole. A cela, on peut ajouter qu’Agassi a fait un premier match monstrueux en ouverture face à Forget, et qu’il a éteint le public de Gerland qui ne demandait qu’à s’enflammer.
Bref, aucun élément ne permettait à Sampras d’avoir de véritables repères en entrant sur le court face à Leconte. Avec un Riton complètement en feu, tout était prêt pour un assassinat en règle. Sampras jetait des regards d’incompréhension vers le public, en se demandant comment il était possible qu’un match de tennis suscite de telles passions. Dans son bouquin, il parle d’une foule « follement partisane », doux euphémisme peut-être pour dire qu’il les a trouvés complètement cinglés.
Mais s’il s’est réellement senti chez les fous, Pete se trompe : le public de Gerland était, justement, follement partisan, ils ont poussé leurs joueurs comme un seul homme, mais ils n’ont pas applaudi les fautes de Sampras, et ils n’ont pas fait de bruit au moment où il servait. Contrairement à ce que certains publics ont pu faire, notamment en Amérique du Sud. McEnroe pourrait d’ailleurs en parler à Sampras, lui qui a défié l’Argentine de Vilas et Clerc sur leurs terres.
Et Sampras de conclure qu’il n’était pas l’homme de la situation. Ce qui est vrai à ce moment-là. La faute, c’est bien celle de Gorman, le capitaine, qui lui n’avait aucune excuse car il connaissait la Coupe Davis et la passion qu’elle pouvait générer. Il était sur le terrain à Bucarest lors de la finale de 1972. C’est Courier, n°2 mondial et déjà sélectionné en Coupe Davis, qui aurait dû y aller.
C’est un autre Sampras, plus expérimenté, qui bravera le public russe quatre ans plus tard. Qui en sortira magnifique vainqueur. Et qui n’en sera que plus mortifié du peu d’intérêt que cette victoire suscitera dans son pays. Aux Etats-Unis, que ce soit sur le moment ou par la suite, jamais cette victoire de 1995 n’a eu d’écho réel. Pete avait réussi une magnifique saison en 1995 parce qu’il avait gagné Wimbledon et l’US Open, point final. Comment s’étonner par la suite que Sampras délaisse progressivement la Coupe Davis ?
Beau commentaire. A propos de la foule, à noté l’évolution de sa perception au fil de sa carrière lors de ses duels contre Becker en Allemagne avec là encore des foules en transe derrière leur champion.
Pour la CD en Amérique du Sud, j’étais dans le public lors du match Brésil-Espagne en 2014 pour éviter la relégation à Sao Paulo et je n’avais vu tant de personnes sobres se comporter de façon aussi abruties. Les insultes contre les Espagnols de la part de bonnes bourgeoises étaient systématique, le bruit etc…
D’ailleurs, RBA à l’époque 11ème ou 13ème avait réalisé un mauvais match décisif contre Belluci transcendé dont les premières tapaient les 225 km/h sur le radar CD (qui surévalue par rapport au prestataire usuel de l’ATP comme chacun sait)!
Pour 1995, des extraits corrects m’ont permis de me rendre compte du bac à sable préparé par les russes. Le dernier échange contre Kafelnikov et l’écroulement dans la foulée du champion sont l’incarnation même du gladiotorial.
Mon seul regret est de ne pas avoir trouvé des extraits de doubles avec Sampras qui joue: spectacle rare mais certainement jouissif!
Salut Perse,
Juste un petit correctif à ton post : c’est contre Chesnokov que Sampras a eu des crampes sur le dernier point. Kafelnikov, il l’a battu en trois sets le dimanche, apportant le point décisif.
Par contre, tu as raison de rappeler le bac à sable, qu’ils avaient déjà servi en demi-finale contre l’Allemagne. Ils avaient tellement arrosé que, dixit les Allemands, dans certaines zones du terrain les pieds s’enfonçaient complètement. Les choses en étaient restées là car Becker et Stich avaient tous les deux gagné leur point.
Merci pour toutes ces infos.
Le parcours de Sampras en CD démontre bien que la relation ambivalente qu’avaient un certain nombre de joueurs avec cette compétition tellement chère aux yeux des Français ne date pas du Big 3
Y’a quand même un truc dont je me souviens bien, c’est que Sampras, à la veille de la finale de 1991, c’était juste le meilleur joueur du monde sur le trimestre précédent. Il venait de remporter le Masters, battant en finale… Courier ; il avait aussi gagné Los Angeles, Indianapolis, Lyon, fait finale à Cincinnati et Bercy (battu de justesse par Forget, d’ailleurs Pete s’était plaint de fautes d’arbitrage en faveur du Français sur cette finale), fait 1/4 à l’US… avec le recul on se dit que Courier, mieux classé que lui, aurait dû y aller, oui mais voilà, sur le moment tout le monde avait peur de Sampras. D’ailleurs le coup de Leconte est un des trucs les plus improbables de l’histoire du tennis, et bien peu étaient ceux qui y croyaient, à l’époque, sauf peut-être deux fous : Noah et Leconte.
« fait finale à Cincinnati » où il avait été battu également par un certain… Forget. De justesse, là aussi, mais sans fautes d’arbitrage (!).
Ceci dit, oui, bien sûr, Sampras était l’épouvantail de cette fin de saison, donc le « pari » de Gorman de le faire jouer à la place de Courier était microscopiquement risqué ou audacieux, comparé au choix de faire jouer Leconte côté français. Si cette finale avait eu lieu 100 fois, les ricains l’auraient gagné à 90 reprises, sauf que, des fois, le sport cesse d’être rationnel le temps d’un week-end, le temps que mini-Riton se transforme en Superman. C’est une des raisons pour lesquelles la Coupe Davis est « chère aux yeux des français » et de tas d’autres peuples qui aiment bien que, de temps en temps (pas souvent), l’irrationnel l’emporte sur la plate statistique.
Un peu comme quand un dénommé Hurcahkbctsz (oups il va falloir que je m’habitue à l’écrire) gagne un M1000.
Oui, mais en suivant cette logique, c’est Sampras et Courier qui auraient dû être sélectionnés, Agassi était bien le moins flamboyant des trois sur les derniers mois. Et en particulier, battu nettement par Courier juste avant au Masters, sur une surface analogue à la finale lyonnaise.
Sauf que débuter en Coupe Davis par une finale était un pari hautement risqué, ils sont très peu à l’avoir réussi. Et comme je le disais, Sampras n’avait aucune raison de le deviner, mais Gorman en avait, et elles étaient nombreuses. La seule victoire d’un novice que j’ai en tête, c’est… Youzhny, en finale 2002. Mais en face d’un autre débutant (Mathieu), il fallait bien qu’il y ait un vainqueur.
Il y avait des arguments pour et contre, en fait :
- pour Sampras : son excellent bilan des 3 mois précédents
- contre Sampras – indépendamment du fait que c’était sa première sélection, comme titulaire du moins : Forget ne lui réussissait pas
Si on considère la « règle » (qui s’applique pour l’EdF et la plupart voire toutes les autres équipes, sauf erreur) selon laquelle on sélectionne les joueurs en fonction de leur ranking, alors Courier était le premier sur la liste. S’il n’a pas joué, il y a des chances que ce soit venu de lui (il ne se sentait pas en forme). Si c’est le cas, alors Pete n’avait plus le choix, et le sélectionneur non plus.
Si on prenait en compte la difficulté posée par Forget à Sampras + une première sélection en finale de Coupe Davis à l’extérieur, il est clair qu’il fallait l’écarter et faire jouer le ticket Courier-Agassi (d’autant que ces deux-là n’ont pas réussi à Forget, bilan cumulé 10 victoires à 1, quoique ça on l’a su en bonne partie après).
De mémoire, les Ricains avaient la meilleure paire de double au monde, ce qui a pu peser en faveur de Sampras. Il faut quand même reconnaître que le scénario tel qu’il s’est déroulé a un caractère furieusement improbable, l’inconnue Leconte ayant déjoué tous les pronostics. Je serais curieux de savoir sa cote chez les bookmakers juste avant de jouer Sampras… mais je sais que personne n’y croyait vraiment. C’est au point que la seule chose dont je me souvienne avec un peu de précision est mon incrédulité alors que j’écoutais les news à la radio, dans ma voiture (je travaillais) ; de 1/4 d’heure en 1/4 d’heure, entendre que Riton donnait la leçon à Sampras avait quelque chose d’irréel et d’incroyablement enthousiasmant… (même si j’aimais beaucoup Sampras)
Il est facile de refaire l’histoire – entendre sur le sujet les autres protagonistes, notamment américains, serait je pense intéressant – mais le facteur Leconte et ses victoires en simple comme en double furent quand même un truc de ouf de chez ouf, comme on dit aujourd’hui.
Paulo, je ne sais pas si Courier était disponible pour la finale. Je me souviens par contre que McEnroe, déjà à l’époque attiré par les micros comme les mouches par leur plat préféré, avait indiqué que Gorman aurait dû sélectionner Courier en simple, et lui-même, Big Mac, pour le double. A ma connaissance, Jim n’a jamais fait valoir un quelconque empêchement pour cette finale.
La règle en Coupe Davis est justement que le capitaine est parfaitement libre de ne pas aligner ses meilleurs joueurs au classement. C’est sur cette base-là que Noah a choisi Leconte, mais aussi que Gorman a choisi Agassi qui était très performant en CD. La liberté, et donc le rôle crucial, du capitaine, se jouent précisément là-dessus. Contrairement aux JO, où Paire a été sélectionné à l’insu de son plein gré uniquement parce que son classement le désignait.
Il est vrai que Courier avait un pédigrée « moyen » en CD, mais sur la base des résultats, il aurait dû être un titulaire indiscutable. Alors après, il est toujours facile de réécrire l’histoire. Noah et Leconte étaient deux fous certes, mais deux fous visionnaires pour le coup. Et quand on réécrit l’histoire, ça débouche souvent sur une inconnue. Peut-être, après tout, que Courier se serait aussi pris trois sets contre Leconte, on n’en saura jamais rien. Mon pronostic, en tout cas, est qu’il aurait mieux fait face à un public français surchauffé, et ne se serait pas senti écrasé comme l’a été Sampras.
Mais quitte à réécrire l’histoire, certains ne se privent pas de le faire jusqu’au bout. Bon nombre de ceux qui ont conféré à cette victoire française une aura mythique – et qui continuent aujourd’hui – insistent bien sur le fait qu’en face il y avait Sampras et Agassi. Et en effet, que fait-on de mieux dans les années 90 ? Sauf qu’au moment de cette finale, Agassi était encore puceau en GC, et Sampras un post-ado supra-génialissime mais qui n’avait pas encore les épaules et la tête assez solides pour se stabiliser au sommet du tennis mondial. Les carrières ultérieures de Sampras et Agassi dorent encore un peu plus le blason de cette victoire française, mais c’est un artifice. Ils étaient 6 et 7 à l’ATP à ce moment-là, ou quelque chose d’approchant. Ce qui en soi reste une victoire magnifique.
La seule chose que je disais au départ, c’est que Sampras était totalement éberlué devant ce public hystérique, que son manque d’expérience était rédhibitoire dans le cadre d’une finale à l’extérieur, et qu’au vu du rapport de forces dans l’équipe américaine Courier aurait sans doute dû être sélectionné. Soit aux dépens d’Agassi si l’on tient compte du classement, soit aux dépens de Sampras si l’on retient l’expérience en CD.
Je me rappelle de la sélection, indiscutable celle-là, de Flach et Seguso en double. L’une des meilleures équipes du monde à la fin des années 80, invaincue en CD de surcroît, et qui faisait peur à tout le monde. On a vu le résultat… Ce que je veux dire, c’est qu’à mon avis Gorman a fait une erreur en sélectionnant Sampras, mais que face à une telle furie ritonienne, d’autres choix du capitaine américain auraient probablement débouché sur le même résultat final.
Je lis que Hubert Hurkacz vient de remporter Miami.C’est une blague ou quoi ? Sérieux, quelqu’un ici s’était déjà intéressé à Hubert Hurkacz ?
Yep. Interview dans Tennis Mag au moment de RG à l’automne dernier, même Un chouille en avance donc, mais je suis content de m’être battu quand tout le monde me disait « céki, lui ? »
Joli flair en effet. Et pour le coup, cette interview est l’unique chose que je sais de lui. Pas vu la finale.
Waouh, bravo Guillaume.
Faut que je retrouve mon post de 2016 sur Karatsev.
Pas vu ton post de 2016, un des premiers a avoir parlé de Karatsev, c’est Kaelin : https://www.15-lovetennis.com/?p=18802&cpage=6#comment-162265
C’était une blague Sébastien, je suis totalement incapable de déceler quelque pépite tennistique que ce soit, jurisprudence « Dimitrov sera peut être top 100″, ou un truc du genre que j’ai pu écrire…
merci merci Sebastien ahah. De là à dire que jlavais vu venir, il y a un pas que je franchirai pas ahah. Mais effectivement je l’ai cité il y a 5 ans !!!
C’est qui, lui ?
J’avais bien aimé sa prestation aux masters Next Gen remportés par Tsitsipas, je le voyais faire son trou plus vite…
Bien contente d’avoir du mouvement dans les tournois importants, même si Miami 2021 c’est un peu le Hambourg de ces dernières années !
D’ailleurs pour moi, le « vrai » classement (sans gel des points) est aussi en trompe-l’oeil : j’aime bien Rublev, il est à sa place dans le top 8 mais quand on voit qu’il serait 3è mondial avec pas mieux qu’un quart de finale en GC (que des fessées en 3 sets dans ses 4 1/4) et pas de titre en M 1000, on peut douter de la capacité des tournois actuels à refléter les forces en présence….
Pas faux. Ceci etant dit, il y avait la moitie du top 10 mondial a Miami, et en realite il ne manquait que Djokovic et Nadal, car Thiem et Federer sont hors jeu. A l’arrivee, cela donne un tournoi tres ouvert, avec un niveau de jeu pas extraordinaire quand meme. En tout cas la finale d’hier soir semble laisser une certaine marge a Djokovic et Nadal.
Je viens de découvrir que Gilles Simon a pris à peu près autant de recul avec le tennis que Monfils en a pris avec Svitolina… et s’est aligné en Sardaigne. Où il a même remporté son match d’ailleurs
Dîtes, c’est quand même le lancement de la grande saison sur terre là (et on ne parle pas de Benoît Paire) ! Qui pour succéder à Alberto Mancini ?
Ca fait tout drôle de voir Nadal seulement TS3. En bas, malgré son a priori allergie à la terre, j’ai du mal à ne pas voir Medvedev passer au moins deux tours, vu notamment que nous avons peu de nouvelle de notre brave Fabio, qui devrait au passage se débarrasser du vainqueur de celui dont on ne parle pas (Benoît Paire) pour atteindre le Med (si celui-ci, etc…).
En haut, tout le monde et moi le premier, attend un espéré Djoko / Sinner. Ensuite, étant le pire pronostiqueur de 15L, je ne peux que mentionner que c’est pas parce qu’on gagne Miami sur un coup de bol qu’on se retrouve face à Djoko à Monte-Carlo.
La suite à suivre.
Je ne sais pas si certains ont vu passer cette info : Sinner est le joueur actuel le plus puissant avec des vitesses moyennes de 130,3 km/h en coup droit et 118,6 km/h en revers, dépassant des joueurs réputés puissants comme Milos Raonic, Andrey Rublev, Hubert Hurkacz ou Sebastian Korda : https://www.welovetennis.fr/atp/atp-miami/sinner-deja-plus-puissant-que-raonic-et-rublev
L’autre jour, j’ai vu une partie du match entre le jeune prodige espagnol Alcaraz (18 ans le mois prochain) et Ruud, à Marbella, qui a vu le Norvégien, pourtant spécialiste de terre battue, se faire ratatiner 6-2 6-4. Eh bien, Alcaraz m’a semblé frapper encore plus fort que Sinner. Très impressionnant ! Celui que certains semblent présenter comme le successeur de Nadal lifte moins que le taureau de Majorque et a un jeu très offensif, plus encore que Sinner ; il n’hésite pas à monter à la volée et même à faire S&V ! À voir absolument, pour ceux s’intéressant au futur du tennis.
PS : je viens de lire que Medvedev a été disqualifié de MC pour un test positif au Covid !
Oui, Medvedev positif, et du coup Nadal sur la sellette car il est cas contact. Il s’est entrainé avec Medvedev dimanche. Je ne connais pas le détail du protocole en vigueur à Monte Carlo, mais s’il prévoit que les cas contacts sont aussi scratchés du tableau et qu’ils n’appliquent pas la règle à Nadal ça va ruer dans les brancards.
Nadal est programme cet apres midi sur le court Rainier donc il reste bien dans le tableau. Bizarre..
N’anticipons pas : peut-être que le protocole permet de n’isoler que les cas positifs, et non les cas contacts. Mais hier quand l’info est tombée il était bel et bien question de Nadal…
Bon, Rafa est sur le court, il met la dose syndicale…
Peut-être quelqu’un aura la présence d’esprit de lui poser la question en conférence de presse ? J’imagine les éléments de langage, ça fait un an qu’on y a droit sur de nombreux sujets : « Je ne fais que respecter les consignes sanitaires en vigueur », blabla… Pourquoi l’ATP n’a pas simplement répondu à l’AFP à ce sujet ? Le protocole à l’œuvre en cas de joueur testé positif est-il un secret-défense monégasque ? Peut-être faut-il rappeler que dans une situation similaire l’US Open a scratché les joueurs positifs, leurs cas contacts et même leurs partenaires de doubles ?
Je suis désolé de mon attitude soupçonneuse, mais un an de désinformation gouvernementale en France ont eu raison de ma confiance naturelle dans mes institutions. Et quand une officine sportive (l’ATP) ne répond pas à une question simple je me prends à imaginer qu’il y a baleine sous gravillon.
Bon, tout semble aller pour le mieux côté Rafa. Certains se sont retrouvés positifs pour moins que ça, mais bon, puisque le protocole est respecté… Croisons les doigts pour que Medvedev garde sa positivité pour lui.
Oui bon en meme temps, le tennis n’est pas un sport de contact. Un cas de Covid dans un tableau ATP est loin d’etre aussi dangeureux qu’un cas de Covid dans le XV de France.
C’est justement ce que les consignes sanitaires doivent déterminer. Quand tu regardes ce qui s’est passé à l’US 2020 ou à l’AO 2021, les consignes ne semblent pas être les mêmes qu’à Monte-Carlo. Je ne sais pas qui a raison.
Et je découvre à l’instant qu’Evans vient de dégager Nole du tournoi. Haut les cœurs !
En attendant Nadal ? Un tournoi débarrassé à la régulière des deux affreux cannibales, le rêve… allez Grigou ! Bon, je vois que c’est mal barré pour l’ex-futur prodige, déjà breaké par le monstre.
Zverev aussi a été sorti, par Goffin. Tsitsipas a été solide face à Garin.