Cucumber game over, acte VIII : le bilan

By  | 31 janvier 2011 | Filed under: Actualité

Le pre­mi­er Grand chelem an­nuel vient de s’ac­hev­er, et les anti­podes ont comme chaque année réservé leur lot de sur­pr­ise. Têtes à l’endroit ou têtes à l’env­ers, tour d’horizon des évène­ments mar­quants de la quin­zaine.

Djokovic – Mur­ray, prix du meil­leur second rôle. De­puis le temps qu’ils piaf­fent dans l’ombre… Alors quand par hasard ni Roger Feder­er ni Rafael Nadal ne sont à l’af­fiche d’une fin­ale majeure, ce sont Novak et Andy qui s’in­vitent sur le de­vant de la scène. Par hasard, disions-nous ? Pas dans le cas de Novak Djokovic puis­que, comme en 2008, c’est lui qui s’est chargé en per­son­ne d’élimin­er Roger Feder­er en demi-finales. Égale­ment vain­queur expéditif de Be­rdych et d’Al­magro, Djokovic joue, de l’avis même de son coach Marian Vajda, le meil­leur ten­nis de sa carrière. Ser­vice retro­uvé voire amélioré, coup droit que l’on ne savait pas si sol­ide, re­v­ers toujours aussi tranchant, co­uver­ture de ter­rain ex­cep­tion­nelle, il n’y a guère qu’au filet que le Serbe n’a pas réel­le­ment pro­gressé. Mais il s’en passe très bien, au point de re­joindre, à 23 ans, des Safin, Raft­er, Hewitt ou en­core Kafel­nikov au tab­leau d’hon­neur du Grand chelem.

Andy Mur­ray, lui, a moins im­pres­sionné qu’en 2010, où ses matchs con­tre Isner et Nadal avaient été des fes­tiv­als de coups gag­nants. Cette année, il tâtonna be­aucoup plus, joua en réac­tion plutôt qu’en ac­tion, avançant dans le tour­noi sans faire de vague et à dire vrai sans im­pres­sionn­er. Mais comme son tab­leau s’ouv­rait à mesure qu’il avançait (Dol­gopolov et Ferr­er en lieu et place de Soderl­ing et Nadal), il s’offrit un peu à la sur­pr­ise générale le droit de re­jou­er pour le titre le de­rni­er di­manche.

N’aurait-il pas mieux valu qu’il perde auparavant plutôt que d’en­registr­er sa troisiè­me défaite en trois fin­ales majeures ? US Open 2008, Open d’Australie 2010, Open d’Australie 2011 : trois fin­ales, et toujours pas le moindre set re­mporté. La déroute fut hier paten­te : si les deux pre­mi­ers rendez-vous avaient été per­dus sur plus fort que lui, cette fois c’est bien Mur­ray qui est com­plète­ment passé à côté, pas in­spiré, ac­ceptant la filière de jeu du Serbe sans re­chign­er. Crispé, sans re­lâche­ment, sans montées au filet, sans varia­tions même, bref sans idées, l’Ecos­sais est ap­paru para­lysé par l’enjeu, plombé en outre par un laborieux 51% de premières bal­les « in ». Un en­fant con­tre un champ­ion, c’est aujourd’hui la différence entre Novak Djokovic et Andy Mur­ray. Ça, ainsi que deux tit­res en Grand chelem.

Li Na, l’aînée tur­bulen­te. Avec son tatouage à la nais­sance du sein, son franc-parler (« Si on m’avait laissé choisir ce que je voulais quand j’étais en­fant, je n’aurais jamais fait de ten­nis ») et ses traits d’humour spon­tanés (« Com­ment veux-tu que je sois relax alors que tes ronfle­ments m’empêchent de dor­mir ? » à son entraîneur de mari), Li Na n’est assurément pas la ten­niswoman chino­ise la plus soum­ise au régime de Pékin. Mais elle est celle de tous les re­cords, ce qui just­ifie bien une cer­taine éman­cipa­tion à laquel­le n’ont pas droit ses com­pat­riotes : première Chino­ise à gagn­er un titre WTA (2004), première Chino­ise à jouer un quart de fin­ale en Grand chelem (2006)… et main­tenant première Chino­ise à jouer une fin­ale de Grand chelem, match où elle eut lar­ge­ment son mot à dire con­tre Kim Clijst­ers. Un pre­mi­er set gagné de manière très auto­ritaire, un début de second qui ne de­man­dait qu’à bas­cul­er d’un côté ou de l’autre… et qui sourit à la plus ex­périmentée des deux joueuses. Li Na s’incline mais, à 28 ans, s’est fait un nom sur la planète ten­nis. Son ten­nis, très pro­pre, taillé pour un jeu en cad­ence, ainsi que sa fraîcheur hors court, ont été une bouffée d’air frais pour une WTA qui cherche désespérément un second souffle. Ce lundi, Li Na est la première Chino­ise à intégrer le Top 10.

Feder­er – Nadal, un coup dans l’eau. Petite de­vinet­te : mon pre­mi­er n’est plus tenant du titre du moindre Grand chelem, pour la première fois de­puis juin 2003. Mon second a échoué dans sa quête d’un carré d’as his­torique, un ex­ploit que mon pre­mi­er avait lui aussi tutoyé il y a quel­ques années. Mon pre­mi­er avait pour­tant passé en revue tous ses petits camarades du Top 5 lors du de­rni­er Mast­ers. Mon second avait quant à lui re­mporté les trois de­rni­ers Grands chelems. Mon tout n’a, on en prend les paris, ab­solu­ment pas envie de s’amus­er en ce mo­ment même, et rumine déjà sa ven­gean­ce à Paris ou à Londres.

Woz­niac­ki, une reine peu di­ver­tissan­te. Les mal­heurs de Caro, cat­aloguée en­nuyeuse sur le court comme en-dehors. Et tant qu’à vouloir re­ctifi­er cette réputa­tion, la Dano­ise s’est trompée de cible. La N°1 mon­diale a ainsi es­sentiel­le­ment fait parl­er d’elle à Mel­bour­ne par ses hap­pen­ings en conférence de pre­sse : apostrop­he aux jour­nalis­tes en leur re­proc­hant de ne pas lui poser de ques­tions in­téres­santes, com­ique de répéti­tion à pro­pos d’un bobo contra­cté au cours d’un match de boxe con­tre un bébé kan­gourou… Et pen­dant ce temps-là de ten­nis il ne fut pas ques­tion. Malgré les con­seils, malgré les évid­ences, Caroline con­tinue à pro­pos­er la même cuisine sans saveur, aux bi­lans de points gag­nants faméliques – 14 en trois sets en quarts con­tre Schiavone, 10 en trois sets con­tre Na Li en de­m­ies – et au man­que cer­tain d’ef­ficacité dans les grands rendez-vous. En son temps, Di­nara Safina fut pointée du doigt pour être une N°1 in­cap­able de gagn­er ses fin­ales majeures… Mais elle, au moins, en jouait, des fin­ales ! Même Amélie Maures­mo, qui con­nut en son temps la pre­ss­ion née d’un leadership non légitimé en Grand chelem (2004) avoue ne pas com­prendre à quoi joue la Dano­ise. A Mel­bour­ne, Caro s’est claire­ment trompée de priorités.

Stanis­las Waw­rinka, tail­le pat­ron. « L’autre » joueur suis­se a franchi un cap. Longtemps, Stan Waw­rinka a donné l’impress­ion de se satis­faire d’être là, sans forcément en de­mand­er plus. Un pas­sage fur­tif dans le Top 10, des « perfs » régulières sur terre bat­tue… Une carrière sans his­toire ? Oui, mais voilà : à 25 ans, Stanis­las a visib­le­ment com­pris qu’il n’avait plus be­aucoup de temps de­vant lui pour faire quel­que chose de grand sur le court. Alors il a décidé de se donn­er les moyens de ces am­bi­tions nouvel­les et de s’in­vestir à fond dans le ten­nis : son co­u­ple n’y a pas survécu, mais le résul­tat sur le ter­rain est pro­met­teur. Après un pre­mi­er quart de fin­ale en Grand chelem à l’US Open, le Suis­se a récidivé à Mel­bour­ne, mais en ôtant tout l’as­pect hésitant revêtu par son par­cours new yor­kais : trois sets collés à Gaël Mon­fils, trois sets assénés à Andy Rod­dick, Waw­rinka s’est visib­le­ment acheté des nerfs. Et si Roger, l’ami, le modèle, fut en­core un peu trop fort pour lui, ce quart de fin­ale augure de be­lles choses à venir lors de la saison de terre bat­tue: Stan sera rapide­ment de re­tour dans le Top 10, on en fait le pari.

Fran­cesca Schiavone et Svet­lana Kuz­netsova, com­bat de li­on­nes. 4h44, le match le plus long jamais dis­puté par deux fem­mes en Grand chelem. Et quel match : un huitième de gala entre les deux dernières lauréates de Roland-Garros. Deux pre­mi­ers sets à oub­li­er, avant un troisiè­me acte apte à récon­cili­er n’im­porte qui avec la WTA. Ten­nis puis­sant de la Russe con­tre varia­tions de l’Italien­ne, com­bativité de l’une con­tre opiniâtreté de l’autre, les deux cham­pion­nes ont of­fert un grand spec­tacle, les de­rni­ers jeux re­gor­geant de points mag­nifiques. Au bout du sus­pen­se, c’est fin­ale­ment « la Leones­sa » qui eut le de­rni­er mot : vic­toire 16 jeux à 14, six bal­les de match sauvées à la clé. La prise d’as­saut du filet par l’Italien­ne aura fait la différence.

Nouvel­les têtes re­cherchent place au sol­eil. Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et bien si, enfin ! Le cru 2011 de l’Open d’Australie aura mis en avant bien des nouveaux venus, âgés de 18 à 24 ans et tous décidés à ne plus laiss­er les Rod­dick, Hewitt, Nal­bandian et aut­res vétérans trust­er les places en deuxième semaine. Tab­leau d’hon­neur :

- Be­rnard Tomic, Australi­en, 18 ans : bat Char­dy, Lopez et file au troisiè­me tour, battu par Rafael Nadal. Il est 181e à l’ATP cette semaine (+ 18 places).

- Milos Raonic, Canadi­en, 20 ans : la gros­se sen­sa­tion de la quin­zaine. Quasi­ment in­con­nu au départ du tour­noi, hor­mis pour ceux qui avaient suivi sa bonne tournée as­iatique l’an de­rni­er, le qualifié canadi­en a fait mal dans le grand tab­leau : bat Llod­ra, bat Youzhny, prend un set à David Ferr­er en huitièmes de fin­ale. Avec ses six matchs gagnés à Mel­bour­ne, il intègre le Top 100 cette semaine (94e, + 58 places).

- Ricar­das Be­ran­kis, Lit­uani­en, 20 ans : sans faire d’étin­celles, il signe un troisiè­me tour, bat­tant la wild-card loc­ale Matosevic et cueil­lant en­suite un David Nal­bandian définitive­ment plus compétitif sur le for­mat cinq sets. Lui aussi stoppé par David Ferr­er, qui n’aime rien tant que croqu­er du tendron. Est 73e aujourd’hui (+ 22 places).

- Al­exandr Dol­gopolov, Uk­raini­en, 22 ans : celui qui a été le plus loin, à savoir quarts de fin­ale. Celui qui s’est of­fert les plus beaux scalps, aussi : Jo-Wilfried Tson­ga, et sur­tout Robin Soderl­ing, que be­aucoup voyaient comme troisiè­me homme poten­tiel de ce tour­noi. Ce résul­tat est toutefois moins sur­prenant que pour les précités, tant il vient con­firm­er une pro­met­teuse année 2010 pour l’homme au jeu le plus sur­prenant de tout le Top 100 (32e cette semaine).

- Kei Nis­hikori, Japonais, 21 ans : le re­tour. Vain­queur de Fog­nini et de Florian Mayer, il signe un pro­bant troisiè­me tour. Deux ans et demi déjà après sa meil­leure période (titre à De­lray Beach, huitièmes de fin­ale à New York) et après une année entière re­ndue blanche par les bles­sures, il signe son re­tour. Le voilà 70e (+ 12 places).

- Robin Haase, Hol­landais, 23 ans : nombre de 15lovers ont misé sur lui à l’Odyssée, à raison au vu de ce pre­mi­er grand rendez-vous an­nuel. L’homme qui avait poussé Nadal aux cinq sets lors du de­rni­er Wimbledon a notam­ment battu Juan Monaco, avant de chut­er face à Andy Rod­dick. Avec ce troisiè­me tour, il monte au 52e rang mon­di­al (+ 10 places).

- Ser­giy Stak­hovsky, Uk­raini­en, 24 ans : une équipe de Coupe Davis à naître avec Dol­gopolov ? Net vain­queur de Brands et Kubot, l’at­taquant uk­raini­en a toutefois déçu au troisiè­me tour con­tre Tommy Rob­redo. Dom­mage, un huitième de gala face à Roger Feder­er lui ten­dait les bras. Il se con­solera avec une place de N°42 mon­di­al cette semaine.

Jurg­en Melz­er, doub­le dix. 9e mon­di­al en doub­le (vain­queur de Wimbledon en 2010), tout nouveau 10e mon­di­al en sim­ple, l’Aut­richi­en est le pre­mi­er joueur de­puis Ev­gueni Kafel­nikov à oc­cup­er en simul­tané un strapon­tin du Top 10 dans chaque dis­cip­line. On est loin du pal­marès à ral­longe de « Kafel » (deux Grands chelems en sim­ple, quat­re en doub­le), mais cela méritait bien d’être sign­alé.

Just­ine Hénin, clap de fin, deuxième. Pour la deuxième fois, Just­ine Hénin stop­pe sa carrière. Pour la deuxième fois, l’an­nonce prend tout le monde de court. En 2008, on par­lait de « bur­nout » et d’une his­toire sen­timen­tale mal­heureuse ; cette fois, c’est tout simple­ment son corps – son coude pour être précis – qui dit « stop ». Trop mar­tyrisé de­puis de lon­gues années, il craque. On se de­man­dait com­ment ce bout de femme d’1,68m pouvait tenir le rythme du très haut niveau, on sait main­tenant : l’avis médical émis par les spécialis­tes est suf­fisam­ment al­ar­miste, ex­primant des ris­ques de séquel­les per­manen­tes, pour pouss­er Just­ine à cess­er une nouvel­le fois sa carrière pro­fes­sion­nelle. La Wal­lonne de­vrait tenir une conférence de pre­sse la semaine pro­chaine pour re­venir plus en détail sur cette an­non­ce. D’ici là, quel bilan tirer de cette – très – co­ur­te secon­de carrière ? Un re­tour en fan­fare, quelques-uns des plus beaux matchs de l’année 2010 (fin­ale de Bris­bane con­tre Clijst­ers, deuxième tour con­tre De­men­tieva à Mel­bour­ne), un plateau de fin­alis­te en Grand chelem dès son re­tour… et très vite la mécanique qui se grip­pe, malgré deux tit­res en tour­nois, Stuttgart et S’Her­togen­bosch. Jamais la Belge n’aura retro­uvé sa mécanique au ser­vice, trans­for­mant en douce utopie sa volonté af­fichée de plac­er son com­eback sous le signe du ten­nis d’at­taque. Dépassée par la puis­sance de Sam Stosur en son royaume parisi­en, un coude récal­citrant la met­tait sur le car­reau dès Wimbledon, son ob­jec­tif prioritaire. Le re­tour ef­fectif de Just­ine aura donc duré à peine six mois. Puis­se sa deuxième re­traite être plus heureuse que la première.

Les Français… Hom­mes et fem­mes con­fon­dus, aucun tri­colore du tab­leau ne passa le cap du troisiè­me tour ; une première de­puis… 1992, tant l’Australie avait pris l’habitude de de­venir le ter­rain de jeu favori des Français, au gré des per­for­mances d’Amélie Maures­mo (un titre, une fin­ale), Mary Pier­ce (un titre, une fin­ale), Jo-Wilfried Tson­ga (une fin­ale, une demie) Ar­naud Clément (une fin­ale), Sébas­ti­en Gros­jean (une demi-finale, trois quarts), Nat­halie Dechy (une demi-finale), Nicolas Escudé (une demi-finale)… Une édi­tion à oub­li­er, où seul Gil­les Simon avait les moyens d’aller loin. Man­que de chan­ce : il se frot­tait à Feder­er dès le second tour. Men­tion aussi à Alizé Cor­net pour son en­courageant troisiè­me tour, perdu en deux sets serrés face à Kim Clijst­ers.

… et toutes les na­tions his­toriques du ten­nis. Fran­ce donc, mais aussi Australie, États-Unis, Suède… Tant chez les hom­mes que chez les fem­mes, les pays qui ont écrit la légende de ce sport n’ont pas été à la fête à Mel­bour­ne. Et si pour la Fran­ce cela relève de l’ac­cident de par­cours, la situa­tion de­vient préoc­cupan­te pour le géant US, dont les trois lead­ers des années 2000 ont été rattrapés par leur âge ces de­rni­ers mois : que re­stera t-il à l’Oncle Sam quand Venus, Serena et Andy seront par­tis ?

En con­clus­ion de cette Open d’Australie 2011, stand­ing ova­tion aux 15lovers du Down under, en par­ticuli­er à l’in­somniaque Arno, à la cucur­bitac­ée voyageuse, aux nouveaux post­eurs qui ont sauté le pas ces de­rni­ers temps, sans oub­li­er les poètes de la deuxième semaine.

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124 Responses to Cucumber game over, acte VIII : le bilan

  1. Capri 1 février 2011 at 14:54

    Jim Courier: «Federer parle une autre langue que les autres sur un court sinon dans les vestiaires ça va, on comprend quand il parle lentement malgré son accent»

    Ancien numéro un mondial, l’Américain séduit à Melbourne par ses interviews sur le court. Dans celle qu’il a accordée au «Vent», il parle de ce qu’il a été, de ce qu’il fut mais aussi de ce qu’il était, de ce qu’il avait été et également eut été ou encore eut avoir été, de l’évolution du jeu et de Federer

    Le Vent : Vos interviews des joueurs sur le court ont beaucoup de succès…

    Jim Courier: Les gens retiennent les petits détails. Moi, ce que j’aime, c’est que les joueurs racontent leur manière de gérer les moments clés d’une rencontre. J’ai envie de savoir ce qui s’est passé dans leur tête, le problème c’est qu’il ne s’y passe rien la plupart du temps.

    – Le fait d’avoir été joueur vous aide à vous mettre à leur place…

    – C’est clair. Ils sont très à l’aise avec moi. Je ne suis pas journaliste. Je les aborde avec un état d’esprit d’ancien joueur et avec ma Winchester à canon scié 1872. Ca détend vraiment bien l’atmosphère.

    – Pourquoi restez-vous sur le circuit?

    – Ah, oui vous avez raison, on va arrêter de faire l’interview sur ce circuit de karting, ça devient dangereux. D’autant qu’on m’a dit qu’Ivo Karlovic devait venir faire un tour et comme je me suis laissé dire qu’Ivo conduisait aussi bien qu’il joue au tennis je crois que l’expression faire un tour n’aura jamais paru aussi évidente ! Il va sortir de cet anneau aussi vite que dans un tableau de tournoi de grand chelem (rires).

    – Joueur, vous ne sembliez pas très commode. Avez-vous l’impression d’être différent de celui que vous étiez?

    – Je t’emm… avec tes questions à la c… ! Et je suis toujours pareil dugenou !!!

    – Etes-vous davantage vous-même maintenant?

    – Je crois qu’il est possible d’avoir plusieurs versions de soi-même. Et donc de rester soi-même quand on change. Si jamais tu arrives à comprendre un traître mot de ce que je viens de dire n’hésite pas à m’interrompre hein ! Je suis en train de me larguer moi-même. Je pense que si je devais retrouver l’état d’esprit que j’avais en tant que joueur, j’en serais capable. Mais je me sens plus à l’aise et plus vivant maintenant. Et beaucoup moins ridicule ! Mon Dieu cette casquette ! MAIS CETTE CASQUETTE !!!! (rires) Mais comment j’ai pu porter ça pendant des années ? Je me comporte vraiment comme un abruti parfois.

    – Quel regard portez-vous sur Roger Federer, sur son jeu, sa personnalité et sa rivalité avec Rafael Nadal?

    – Nous vivons une période unique avec deux incroyables champions, les deux meilleurs de tous les temps jouant en même temps bla bla et bla bla bla. (grimace énervée) Bullshit tout ça ! Tu sais, man, tu permets que je t’appelle « man » ? Ok. Tu sais man, il existe deux sortes de gens dans le monde, les exploitants de mines et les fermiers. Les exploitants de mines extirpent de la terre tout ce qui a de la valeur et s’en vont sans rien laisser, à part des dégâts. Les fermiers, eux, profitent de la terre mais plantent. Roger et Rafa sont les meilleurs fermiers que le tennis ait jamais eus. Et ils plantent de plus en plus souvent.

    – Etes-vous surpris qu’ils s’entendent si bien alors qu’à votre époque, les meilleurs se détestaient?

    – Nous avions une relation plus agressive parce qu’on était moins efféminés que les espèces d’androgynes d’aujourd’hui qui ressemblent à rien et qui n’ont rien dans le slibard. Attends je dis pas ça pour critiquer hein ! Je constate, c’est tout. Tu serais pas en train d’être assis sur ma Winchester, man ? Ca se fait pas trop par chez moi, tu sais !

    – Gulp…euh…avez-vous l’impression que le fossé entre eux et leurs poursuivants, Djokovic et Murray, se comble un peu?

    – On verra. Ce sera long. Tu sais c’est comme quand tu veux rattraper une vache qui vient de quitter le troupeau. Tu la rattrapes pas comme ça, man. Il faut t’équiper, équiper ton cheval, le monter, suivre les traces, t’approcher doucement, préparer ton lasso en silence et le lancer avec précision. C’est long d’enchaîner tout ça. Eh bien pour moi Djoko et Andy ne sont même pas encore monté à cheval. Je crois même qu’Andy n’a pas encore de cheval ! (Il crache par terre en riant)

    – Sur le plan du jeu, quelle est la différence entre le leur et le vôtre à l’époque?

    – Je me reconnais davantage dans celui de Rafa. Il est plus proche de mon style ou de celui d’un Thomas Muster. La finesse à l’état brut quoi ! Quant à Roger, c’est un animal différent. Il est le joueur le plus complet que je connaisse. Il ne parle pas le même langage que les autres sur un court. Il possède une impressionnante variété de coups, qu’il peut jouer à tout moment. Il dégage une sorte de grâce naturelle qui m’est étrangère. Comme n’importe qui d’autre, je l’admire avec émerveillement mais je peux pas m’empêcher de penser que c’est du tennis de gonzesse (Il se racle la gorge et crache à nouveau).

    – Federer a joué remarquablement bien au Masters de Londres. Comment jugez-vous son évolution ces derniers mois?

    – On ne voit en général que ce qui est en surface. C’est comme avec un canard sur l’eau. Il a l’air tout tranquille et en fait en dessous, il pédale avec ses pattes. C’est pareil pour Roger sauf qu’il n’est pas jaune, qu’il n’a pas de plume, de bec et qu’il n’est pas sur l’eau. Bon au moins parfois il pédale ! Surtout quand il joue contre le Nobody from France là … comment ç’est déjà son nom…ah oui Gilles Simon ! Ah lui c’est pas un canard, plutôt un cormoran. Il ramène parfois de belles prises mais il est en dessous de la surface le plus souvent.

    – Peut-il encore gagner un tournoi du Grand Chelem?

    – QUI ?! GILLES SIMON ?!!! AH AHA ahh ah HAH ahh (Rire inextinguible)

    (pendant que Jim se mouche bruyamment et essuie ses larmes)– Quelle leçon peut-on tirer de la défaite de Federer face à Djkovic en demi-finale?

    – Que sa défaite contre Novak en demi-finale de l’US Open a eu un impact. Roger l’a battu trois fois entre-temps, mais ce sont les victoires en Grand Chelem qui comptent. Roger le sait, tout le monde le sait, même Henri Leconte le sait ! Il en est conscient et je suis certain qu’il trouvera la solution pour changer ça. Comme par exemple d’arrêter de jouer des Grands Chelems.

    – Avez-vous lu le livre d’Andre Agassi? Il y évoque votre relation…

    – Tu rigoles ou quoi ? Je suis un vrai Américain. Je ne sais ni lire ni écrire. Une télécommande me suffit à me cultiver. Avec André en tout cas maintenant, nous sommes de grands amis. On se parle très souvent. Et on essaie de se voir dès que l’on peut. Nous sommes liés par tout ce que nous avons partagé, mais au-delà de ça, par tous les dossiers noirs que nous avons entassé l’un sur l’autre au cours de nos longues carrières. Je pourrais vous en raconter des sacrées sur cette damnée enflure si je ne l’aimais pas autant. (sourire)

    • Arno 1 février 2011 at 15:00

      Capri, ça faisait un moment qu’on ne t’avait vu!!!! Bizarrement, je m’attendais à ce que l’interview de Jim te fasse sortir du bois…

      Toujours aussi drôle, bravo!

      • Capri 1 février 2011 at 15:07

        Salut Arno, je ne suis pas très disponible en ce moment. Ni pour regarder des matchs, ni pour les commenter, ni pour aller sur le net.

      • Arno 1 février 2011 at 15:12

        C’est d’autant plus sympa d’avoir pris le temps de faire celle-là! Et j’espère (je crois ne pas être le seul) que tu pourras revenir nous voir régulièrement d’ici peu.

    • Sylvie 1 février 2011 at 15:21

      Capri, tu nous manques !!!

      Ton détournement est une pure merveille. Vivement un prochain Balles de match.

      • Guillaume 1 février 2011 at 18:07

        « Vivement un prochain Balles de match »

        Demain te conviendrait-il ?

    • Colin 1 février 2011 at 19:29

      MDR de MDR de chez MDR

    • Florent 1 février 2011 at 22:03

      Capri, tu viens de faire rire un Vulcain! Et ce n’est pas rien…
      TU ES UN GENIE !!!

  2. Djita 1 février 2011 at 15:19

    Une petite dédicace à Sylvie. Par rapport à un sujet dont on parlaient.

    http://www.slate.fr/story/32941/rivalite-nadal-federer

    • Sylvie 1 février 2011 at 15:29

      Oui, c’est vrai que la virulence de cette guéguerre est aussi récurrente que lassante. La plupart des sites tennis ne tournent qu’autour de ça et on est, effectivement, souvent plus proche de l’insulte et de l’irrationnel que du débat.

      En tous les cas cela doit être un fond de commerce lucratif, car de nombreux sites ou articles alimentent la machine à coup de citations tronquées ou sorties du contexte promptes à déclencher les hostilités.

    • Damien 1 février 2011 at 15:34

      Sympa l’article, merci Djita!

    • Djita 1 février 2011 at 15:46

      Je t’en prie Damien.

      Eh oui Sylvie, c’est très lucratif. Cette « gueguerre » a donc encore beaucoup d’avenir devant elle. Mais plus Federer « vieillit » (et Nadal aussi par la même occasion), plus cela va être virulent.
      Mais moi ça me saoule tout ça, donc je ne lis plus ce type de commentaires. Je ne m’y attarde plus en tous cas. ;)

  3. antsiran23 1 février 2011 at 16:35

    Franchement, vous voyez qui pour empêcher Djokovic de faire le Grand Chelem cette année ???

    • Yaya 1 février 2011 at 16:42

      je vois la terre battue et un certain Nadal, pourquoi ?

    • Sylvie 1 février 2011 at 16:47

      On disait déjà cela en 2008. Comme l’a dit yaya, Nadal dés RG sans doute. Autant, je voyais Nadal comme capable de s’envoyer les quatre à la suite. Fed, aussi à une certaine époque s’il n’ y avait eu Nadal à Roland, autant Djoko, j’ai de gros doutes. Mais qui sait ? peut être un nouveau candidat au titre du GOAT ?

      • May 1 février 2011 at 17:05

        Idem Sylvie, le circuit ATP perdrait en crédibilité s’il pouvait accoucher d’un postulant au titre suprême tous les 3 ans.

    • Capri 1 février 2011 at 16:53

      Murray, of course !! L’Ecossais vit une période fractale. Ou il continue à ne plus jouer sous les yeux de sa Mom’, ou il quitte définitivement l’enfance et retrouve enfin son inspiration sans laquelle sa main, qui m’a semblé l’une des plus belles du circuit il y a 3 saisons, ne sert à rien. Le jeu d’Andy en ce moment me fait penser, toute proportion gardée, à mes débuts au ping-pong. J’attendais que l’adversaire attaque pour contrer, je ne prenais presque jamais l’initiative. Cette période m’a été très utile pour développer ma défense mais j’ai commencé à vaguement gagner quand je me suis mis à prendre le jeu à mon compte.

      Murray en finale c’était « Je t’en prie, tu vois bien que je te renvoie la balle alors tu vas finir par perdre, n’est-ce pas ? ». En ce moment ce type n’a rien d’un champion et plus grand chose d’un joueur de tennis. A lui de se réveiller…et de se révéler.

      • May 1 février 2011 at 17:09

        T’exagères Capri, chaque année il fait 1 ou 2 matches par an en prenant l’initiative. Ça ne compte Pas? Bon ok alors!

    • May 1 février 2011 at 16:59

      Djoko n’a pas encore prouvé qu’il pouvait être à son Top sur toute une saison et comme Marie-Jo j’ai vu ses straps au genou et à l’épaule, j’espère que c’est du préventif mais ça n’augure rien de bon…
      Qui pour l’arrêter? Un éminent membre du top 30.

      • Marina 1 février 2011 at 17:31

        Je l’ai entendu dire (au moins pour l’épaule) que c’était strictement préventif. Pour le genou en revanche, je ne sais pas.

    • Damien 1 février 2011 at 21:18

      Qui pense sérieusement que Djoko va faire ce que ni Fed ni Nadal n’a réussi à faire ?
      Il est très bon, mais réaliser cet exploit est loin, très loin de ses capacités.

  4. Marina 1 février 2011 at 17:31

    Bon bilan de cette quinzaine Guillaume. Moi il m’a plu cet OA.

    Bon c’est le vide maintenant… Je n’aime pas la semaine qui suit un Grand Chelem.

    Pour les nostalgiques d’Ivanisevic, il joue en ce moment un double avec Cilic à Zagreb ;)

  5. Guillaume 1 février 2011 at 18:13

    Merci beaucoup, Sylvie, de nous faire partager l’interview de Jim Courier. Elle est très intéressante. Pour être honnête, les passages concernant Laurel et Hardy me passionnent peu, on y rabâche toujours un peu la même chose, le passage « exploitants/fermiers » vire même au pathos (tant qu’à faire, je préfère la formule originale, façon Clint : « Il y a deux sortes de personnes dans le monde : ceux qui ont le flingue, et ceux qui creusent »), mais le reste est très bien : la vision qu’il a du jeu d’aujourd’hui, ce qu’il pense pouvoir apporter en tant que consultant et interviewer, et bien sûr sa carrière, la manière dont il l’a vécue, les rivalités avec les champions de l’époque… Je n’ai pas connu le joueur mais du peu que j’en vois j’apprécie beaucoup l’homme Courier. Lui, si je le croise dans les allées de Roland, c’est séance interview. Obligé.

    • Elmar 1 février 2011 at 19:55

      Je peux pas laisser passer ça.

      Le réplique exacte, c’est:

      « Le monde se divise en deux catégories: ceux qui ont un pistolet chargé, et ceux qui creusent. Toi, tu creuses. »

      Cultissime.

    • Colin 1 février 2011 at 20:18

      J’ai vu « The Ghost Writer » de Polanski au ciné samedi dernier. Eli Wallach y fait une (courte mais remarquable) apparition, j’avoue que je ne l’aurais pas reconnu si son nom n’était pas cité au générique de fin. Il a changé en 40 ans…

    • MarieJo 1 février 2011 at 20:42

      ahhh cliiiiinnnntttt ! j’adore :)

      et toi tu creuses… dit-il le sourire un brin moqueur, la bobine de wallach vaut de l’or c’est certain ;)
      sergio leone est le GOAT des westerns makers ;)

      • Pierre 1 février 2011 at 21:07

        Avec Sam Peckinpah et John Ford. Please.

      • MarieJo 1 février 2011 at 21:24

        ou qu’il se cache le GOAT n’est jamais le même ! et comme d’hab ya bcp de concurrence :)

    • Damien 1 février 2011 at 21:30

      Ah Courier ! Mon 1er vrai coup de coeur pour un tennisman. Je ne connais que sa carrière à RG, mais j’étais fasciné par ce joueur.
      Quelle patate en coup droit! Lorsqu’il a déboulé à RG, sa puissance semblait pouvoir tout emporter.
      C’est vrai que son jeu se rapproche plus de celui de Nadal, mais son service était meilleur, et il était naturellement plus à l’aise que l’espagnol sur dur. S’il avais eu la volonté de Nadal pour se perfectionner, je pense qu’il aurait pu remporter quelques GC supplémentaires. N’oublions pas qu’il est arrivé en finale de Wim à une époque où tout le monde se ruait au filet.

      C’était la minute nostalgique.

  6. Guillaume 1 février 2011 at 21:34

    Puisqu’on parle de patate en coup droit : c’est pas charitable mais je me suis surpris à me marrer tout seul devant mon ordi à force de voir Tommy Haas transformé en punching-ball :

    http://www.youtube.com/watch?v=ClJBdv81Nco&feature=related

    http://www.youtube.com/watch?v=DWGPARiGOYA&feature=related

    • David 1 février 2011 at 21:42

      Je m’en souviens. Gonzalez était exceptionnel, encore meilleur que contre Nadal en quarts, j’avais trouvé. S’il avait converti ses deux balles de premier set (sur son service et consécutivement !) contre Federer , on aurait peut-être eu droit à une finale mythique en cinq entre les deux hommes.

    • Vincent 1 février 2011 at 21:42

      Moi j’ai un faible pour celui là :
      http://www.youtube.com/watch?v=rM-xrbvXdGI

      • Guillaume 1 février 2011 at 22:04

        Très bon. Return with interest comme on dit au pays de James.

    • Damien 1 février 2011 at 22:08

      Assez jouissif ces coups droit de poètes, envoyés par palettes (de parpaings).

  7. Nath 1 février 2011 at 22:44

    Pendant que je regarde les vidéos du Gonzo-Haas (surtout du Gonzo), je jette un oeil au livescore de Santiago : 1 set partout entre Nalby et Berlocq, et déjà 9 DF pour Nalbandian… Z’avez vu que Dolgo fait la tournée sudaméricaine à partir de la semaine prochaine ?

    • karim 2 février 2011 at 08:21

      je suis pris de spasmes, je sens que je vais vomir, ton com, c’est trop…

      Ces semaines d’après GC sont déprimantes. Il n’y a que la transition RG Wimbledon qui passe, parce qu’il n’y a que deux semaines entre les deux et qu’on change d’univers avec les tournois sur herbe.

      • Nath 2 février 2011 at 23:03

        Pourquoi a-t-il fallu que ce soit le mot de la fin ?

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