Bercy le samedi. Les techniciens s’affairent, consolident les structures, achèvent de monter les balustrades, hissent les couleurs des sponsors. Une poignée de joueurs sont déjà arrivés et se succèdent à l’entraînement sur le court central. Ça rit, ça chambre. Nicolas Almagro se fait mettre en boîte parce qu’il n’a pas jugé nécessaire de troquer son téléphone portable pour un IPhone. Mikhaïl Youzhny et Juan Ignacio Chela font des séries de revers, Philipp Kohlschreiber les observe distraitement… Chela ? sursaute t-on soudain. Il est encore là, lui ? Et bien oui. Il faut croire que « El flaco » finira par être l’ultime survivant de la faste génération argentine du début de millénaire.
Quelques journalistes ont déjà posé leur valise en salle de presse. A vue de nez, environ 150 médias venus du monde entier devront se serrer ici durant la semaine. Se serrer, c’est bien le terme, tant Bercy souffre de ses infrastructures, d’un complexe dans lequel le dernier Master 1000 de l’année est à l’étroit. Les courts annexes, avec leur faible capacité d’accueil du public, leur peinture défraîchie, les conduits d’aération apparents au plafond, ne sont pas faits pour motiver des joueurs qui même en Challenger sont parfois habitués à mieux.
Des joueurs, dites-vous ? Hé oui, car tandis que les derniers préparatifs du tournoi vont bon train, certains compétiteurs sont déjà à pied-d’œuvre. Ils ont pour noms Gicquel, Russell, Nieminen, Gabashvili, et doivent en passer par les qualifications pour gagner le droit de fouler le Central parisien avec ses DJs et ses mises en scène lors de l’entrée des joueurs. Dans ce tournoi à part entière, on retrouve nombre de protagonistes du dernier Open de Rennes, Marc Gicquel, vainqueur final du tournoi, en tête. Le Breton bat sans difficulté l’Allemand Kamke (6/2 6/4). Sur le court N°2 voisin, Roberto Bautista Agut, l’Espagnol qui aime les surfaces indoor, s’incline en deux sets contre Fabio Fognini, latin lover nonchalant perdu de vue depuis sa victoire sur Gaël Monfils à Roland-Garros. Stéphane Bohli, pour qui l’expression « solide sans être génial » semble avoir été inventée, passe quant à lui le Tchèque Hajek en deux sets.
A l’heure de débuter le paragraphe sur Benoît Paire, spéciale dédicace à Sam le Homard, qui avait découvert l’énergumène à Rennes et en avait fait ce laconique résumé : « Il a perdu 7/6 au 3e. Je prépare un Flash Rennes. Il est fou. » Le dossier est ouvert : Benoît Paire est-il fou ? Oui, indubitablement, si l’on songe à l’expression « chien fou ». Il y a une rafraîchissante immaturité chez ce garçon, un rejet (une ignorance ?) des mécanismes et automatismes qui régissent la machine ATP. Il l’a parfois payé cher – exclusion du Centre national d’entraînement l’an dernier – mais a surtout compris depuis peu qu’il fallait quelque peu se calmer s’il voulait percer. En Bretagne, débutant son match par une double faute, il s’était par exemple exclamé : « Ça commence bien ! C’est pas comme ça que tu vas gagner, tiens ! » Et de se flageller ainsi tout au long du match, mode Goran Ivanisevic activé. Rien de cela à Bercy. Hors une contestation pour erreur d’arbitrage qui s’étendit tout de même sur deux jeux, le jeune homme de 21 ans ne perdit jamais le fil. Intrinsèquement meilleur que son adversaire, l’Ukrainien Marchenko, c’est surtout son physique qui finit par le trahir. Mais on put admirer trois sets durant sa qualité de frappe, la pureté de son revers à deux mains, son toucher de balle, ainsi que son affection pour les coups dits « de main » : amorties, lobs, volées amorties… Seulement le chien fou n’est jamais bien loin et le 152e joueur mondial se contente rarement d’un seul coup de ce type. S’il en réussit un, il retente régulièrement le même dès le coup suivant… et, privé de l’effet de surprise, le perd la plupart du temps ! Il affectionne également beaucoup les gris-gris entre les points, jongle en footballeur avec les balles, essaie d’attraper les services « out » de l’adversaire… Beaucoup de fioritures donc, mais une certitude tout de même : talentueux, ce joueur a clairement les moyens de se faire une place parmi les 50 meilleurs mondiaux.
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Dimanche 7 novembre. Dernier tour des qualifications.
Fin de l’aventure pour Clément Reix. Mais l’histoire fut belle. Il y a trois mois, cet Amiénois d’origine était 783e mondial. La semaine prochaine, il pointera aux alentours du 280e rang. Entretemps, le plus tout à fait jeune homme (il vient de fêter ses 27 ans) a brillé sur le circuit Futures, trois titres – Mulhouse, Plaisir et La-Roche-sur-Yon – ainsi qu’une tripotée de victoires sur des Tops 300 à la clé : Brzezicki, Jouan, Mertens. Résultat des courses : une wild-card obtenue pour les qualifs de Bercy, un cadeau qu’il aura su honorer en battant au premier tour le Turc Ilhan, 90e mondial (6/4 6/4). « C’était ma première victoire sur un Top 100… ainsi que la première fois que j’affrontais un Top 100 ! », sourit l’intéressé, encore un peu étonné… tout comme doivent l’être les professeurs de tennis de sa jeunesse : à 20 ans, Clément Reix était « seulement » classé 1/6 ! Autant dire qu’à l’heure des paris sportifs légaux cela valait une cote de l’imaginer en joueur professionnel…
Et puis vinrent les années aux États-Unis. Plus âgé de deux mois que l’Amiénoise la plus célèbre du tennis français, Julie Coin, tous deux firent leurs études dans la même cité scolaire de la capitale picarde et choisirent, grâce à une bourse d’études, de partir étudier aux Etats-Unis, à l’université de Clemson, où en parallèle aux cours ils portaient les couleurs de l’équipe locale des Tigers en championnat universitaire. L’un comme l’autre y connurent une certaine réussite, Reix intégrant le Top 8 NCAA en 2006.
Rentré en France diplôme en poche et classé – 15, Clément Reix se décida en 2007 à tenter l’aventure professionnelle. Vainqueur d’un premier titre en Future en 2008, c’est vraiment depuis cet été que sa carrière a décollé. En janvier, il perdait quatre fois de suite au premier tour d’épreuves Futures. Nous voilà en novembre et il joue les qualifs de Bercy, où il donna aujourd’hui des sueurs froides à Josselin Ouanna. Le déclic ? « Mon mariage, en juin dernier. Ça permet de voir les choses autrement, avec plus de sérénité. » A Bercy, Reix a su tirer profit de l’ambiance, du cadre, et loin d’être intimidé, s’en est servi pour proposer un tennis punchy et empli de confiance en lui. Contre Ouanna, il ne lâcha pas l’affaire après la perte du premier set 6/2, repartit de l’avant, sauva une balle de break en début de second set, commença même à faire douter son deuxième Top 100 en deux jours. A 5/4, il se détacha 0/40, trois balles de set à la clé. Ouanna sortit alors la grosse artillerie au service et, comme souvent dans ces cas-là, breaka son adversaire juste derrière. Score final : 6/2 7/5. Mais rien à regretter donc. La semaine fut belle, très belle. Et l’an prochain, les Futures pourraient bien céder la place aux Challengers.
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Dimanche s’achève doucement. A Bâle, Federer a battu Djokovic dans le choc du week-end. Quatrième titre de l’année pour l’Helvète, dont tout le monde se demande maintenant s’il a fait de Bercy un objectif réel. Sur le court N°1 du POPB Santiago Giraldo a battu Michael Russell (6/4 6/2), et avec cette victoire du prometteur Colombien sur le vétéran Américain ce sont les qualifications qui s’achèvent. Bilan des heureux élus : Benjamin Becker (affrontera dès demain matin Denis Istomin), Jarkko Nieminen (même menu matinal face à Xavier Malisse), Fabio Fognini (affrontera l’Allemand Michael Berrer), Santiago Giraldo (rencontrera, dans un choc de « p’tits jeunes qui montent », le Hollandais Thiemo De Bakker), Illya Marchenko (retrouve son compatriote Stakhovsky) et Josselin Ouanna (opposé à Stanislas Wawrinka demain en night session). Quant à Michael Russell, il n’aura pas tout perdu puisqu’en raison du forfait du Serbe Janko Tipsarevic il prend place dans le tableau en tant que lucky loser : il affrontera Radek Stepanek au premier tour.
Rendez-vous demain pour le début du tableau final. A suivre notamment : De Bakker / Giraldo, Mahut / Gasquet et Llodra / Starace, afin de voir où en est le Monsieur Double de l’équipe de France de Coupe Davis.
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@ Guillaume : lance ta babouche dans la tête d’un journaliste de l’Equipe pour moi, stp.
Kukushkin, Dodig ( ??), je commence à vraiment ne plus rien comprendre à la moitié des posts de ce forum. Bon, je connais Benoît Paire, quand même…
Dokic on te dit Jelena, celle qui va faire un come back comme Anna K. Faut creer une section autre sport, comme sur Marca, tout a part le foot.
I totally approve Mr Cucumber. Federer ne fait pas un enchaînement Shanghai (F), Stockholm (W), Bâle (W), Bercy (?) et Masters (?) juste par philanthropie et affection pour ces épreuves.
Le Suisse sait qu’en janvier il va traverser une petite zone de turbulences au classement, où en cas de résultat moyen à l’OA il pourrait très bien se retrouver 5e mondial. Donc il se crée un petit matelas de points pour amortir une éventuelle défaite en 1/4 ou 1/2.
En plus, une fois Melbourne passé, il entrera dans une période où il peut engranger : Dubaï (forfait), I. Wells (3e t.), Miami (8e), Rome (2e t.), là il peut prendre des gros points… et alors se repositionner à l’affût, en fonction des résultats de Nadal jusqu’à NY. On est en fin de saison, mais il place déjà ses billes en vue de 2011, en quelque sorte.
Exactly! Si ca contınue de rouler jusqu en Australie, le number 1 est pas loin!
le number 1 il faudra longtemps, très longtemps, pas avant l’été prochain (au mieux Roland-Garros, plus plausiblement l’US open – même si j’y crois pas du tout), ce que dit Guillaume c’est plutôt déjà pour protéger le numéro 2 : il en est là Fed, il peut encore retomber numéro 5 après l’Australie.
On en reparle s il gagne Dimanche tiens!
Numéro 5 ? Et pourquoi pas 50 pendant qu’on y est !? je m’étrangle d’indignation..
Numero 5 pffff ridicule
Complètement d’accord avec l’analyse de Concombre et de Guillaume. A mon avis Fed à chargé son calendrier de fin d’année pour engranger un maximum de points et rester en embuscade pour la 1ere place
Passé Melbourne s’il y limite la casse, il peut prendre un max sur les 5er M1000, voir RG et surtout Wimbledon
D’autant que Nadal ne refera pas forcément le carton plein sur TB comme cette année
Et 2 semaines à la 1ere place lui suffirait largement..
Le Master’s rapporte plus que cela Concombre: 1 500 points pour un vainqueur qui gagne tous ses matchs, 200 points de moins s’il a perdu un match de poule. En fait, c’est 200 points par victoire en poule, plus 400 points pour une demie victorieuse et 500 points pour la finale. Federer a donc gagné 400 points l’an dernier et peut donc potentiellement en gagner 900 ou 1 100 de plus s’il gagne le titre, soit au moins autant que s’il gagne Bercy..
Au dela, pour redevenir numéro un, il faut très probablement qu’il garde son titre à Melbourne, ou aille au moins finale, fasse une meilleure saison que l’année dernière au printemps (ce qui n’est pas très difficile), fasse un Roland correct et regagne Wimby. S’il fait cela, il sera sans doute numéro un après Wimby. Jusqu’à Wimbledon inclus, Rafa ne peut gagner des points qu’à Melbourne, un peu sur les deux MS (IW et Miami) et rien ailleurs…
@Guillaume, je ne sais pas si c’est toi qui a posé la question que j’avais proposée à JF Caujolle mais il a donné la réponse dans l’Equipe aujourd’hui:
Ils ont décidés d’accélérer la surface s’étant rendus compte qu’ils faisaient fausse route pour un tournoi indoor en choisissant des surfaces de plus en plus lentes et que les seuls qui étaient content étaient les joueurs de terre battue. Mieux vaut tard que jamais…Federer n’était pas le dernier à déplorer cette évolution et il est possible que cela ait joué aussi parce que Federer en finale à Bercy, c’est incontestablement bon pour le tournoi…
Caujolle dit que l’indice de rapidité du court est passé de 38 à 45 et que les joueurs perçoivent des différences de trois points et devraient donc nettement sentir la différence cette année. Federer l’a également mentionné dans son interview hier…
Ben oui pour les points du Masters : 3 matchs de poules plus la demie de gagner ça fait bien 1000 points. Il doit bien aller en finale du masters pour gagner la même chose qu’en gagnant Bercy.
Ou alors ne gagner que deux matchs de poule + la demie + la finale (=200+200+400+500) , là effectivement ça fait 1300 points, mais ça fait quand même pas tant que ça en plus et surtout, SURTOUT, ça reste 4 matchs contre le Top 8 à gagner, dont vraisemblablement 3 contre le Top 4.
Moins rentable.
Après totallement d’accord avec toi sur la suite de la saison. et très intéressant ce coup de l’indice de rapidité : tu as les stats pour tous les tournois? Ils mettent le gazon à combien?
Sauf au niveau du plamarès, bien entendu.
Le gazon est le plus rapide mais je n’ai pas les indices des différents tournois. Je sais que l’US Open est légèrement plus rapide que l’OA cependant. On doit pouvoir les trouver qq part mais je ne sais pas où ?
Pour en revenir au Master’s, il ne faut pas charrier: ce serait bien le diable s’il ne se qualifie pas pour les demies, même en perdant un match au passage éventuellement..Il aura un top 4 dans sa poule et peut perdre ce match si c’est la Murène mais sinon, je ne pense pas..
La finale du Master’s se jouera probablement entre lui et la Murène..Djoko sera fatigué par Bercy, Rafa ne viendra pas ou se fera étendre assez facilement et les autres sont quand même assez loin derrière, surtout en ce moment..
La vitesse ? On en parle justement en début de texte suivant ! Si vous voulez bien me suivre…