Au sujet du talent et de ce qui peut en être fait… Mercredi 25 août, sur le « Arthur Ashe Stadium », se joue le premier quart de finale de l’US Open 2009. Pour cause de tragédie à venir, l’air est électrique. Safin, revenu à son meilleur niveau, joue contre Blake, 6e joueur mondial. Sur une balle de match contre lui et alors qu’il est débordé par un surpuissant coup droit décroisé de l’américain, il lâche un revers long de ligne monumental qui laisse son adversaire à trois mètres de la balle. Interloqué. Le stade explose. Dépit, admiration, conscience décuplée de vivre un grand moment de sport, tous les sens des spectateurs sont en feu. Car l’enjeu porte comme un souffle sans fin vers leur sommet le talent des deux héros. Fiers et humbles à la fois.
Le jeu a décidé, ce soir, de copier à la perfection l’histoire de la vie. Oui, il y aura un mort, et peut être même une résurrection. Il y aura eu une lutte pour la survie, une lutte qui fera vibrer les âmes et puis de suite après enrichira les expériences. Car, oui, les gens viennent voir qu’il est possible de lutter et parfois de gagner en restant soi-même, et aussi qu’on peut mourir en ayant été grand, en ayant été généreux. Ils doivent le voir le plus souvent possible pour ne pas l’oublier. Et ce soir, c’est LE soir car il n’y a pas de calcul, les deux joueurs sont au bout de leur tennis, au paroxysme de leurs inspirations. Grisés, saoulés par leur instinct qui leur hurle de survivre dans ce tournoi, par leur cœur qui ne veut plus faire qu’un avec la gigantesque rumeur qui dévale des gradins et par leur vœu d’être grand dans la défaite ou la victoire, ils offrent les coups les plus libres qui soient.
Egalité, deux sets partout, 5 à 4 pour Blake dans le cinquième set. Blake qui manqua de conclure sur le service du Russe. Cinq sets de tennis majestueux, cinq sets livrés par des trompes la mort. Cinq sets livrés pour le public et à la postérité de ce sport.
A quelques pas de là, sur un court d’entrainement, Xavier Mutisse, ex-espoir français dont l’aveuglante lumière des débuts n’est plus qu’un faible halo vacillant, s’entraîne. Personne pour le regarder, excepté un curieux qui finit son hotdog. Le match dantesque qui se joue à côté ne lui vole pas de spectateurs, il n’en aurait pas eu de toute manière, ou si peu. C’est un joueur anonyme du classement, enseveli sous trop de noms tout aussi obscurs que le sien. Il prépare son double mixte de demain, ce sont ses derniers pas dans un Grand chelem. Douze ans de carrière, déjà… Déjà trop tard. Le temps, dispensé très tôt d’une ambition saine et d’une conviction de tous les jours a fui comme un cheval fou, sans prévenir, si vite. Et ce soir, comme toujours à l’entraînement Mutisse délivre des coups étonnants, des coups félins, malins, parfois veloutés et mêmes poétiques. Comme à la parade face à un partenaire, grand gaillard de Roumain qui pourtant frappe des deux côtés et avec justesse, comme un sourd. Quelle main, quelle aisance doit sûrement se dire l’improbable et unique spectateur, qui les doigts plantés dans le grillage regarde l’entraînement de ce Français inconnu en hochant de la tête à chaque coup incroyable.
Oui, il semble que ce joueur n’ait rien à envier aux deux combattants qui à cent mètres de là font parfois monter la clameur si haut qu’elle couvre le chant des oiseaux. Mais Mutisse s’en moque, ou croit qu’il s’en moque. Car ces derniers temps il ne sait plus très bien. Il s’est toujours dit, peut être un brin hautain, qu’il n’avait pas besoin de ce tumulte passionnel, ni de récompenser les gens, ni même de vaincre. Il s’était toujours su superbe joueur, c’était bien suffisant.
Pas besoin de s’enfiler toutes ces heures éreintantes de physique. Pas envie de souffrir. Seulement il y avait un truc qui dans sa tête était moins clair depuis quelque temps : pourquoi puisqu’il s’en était toujours foutu avait-il toujours eu si peur de mal faire, si peur de ne plus être Mutisse le lutin enchanteur ? Une question qu’il s’était toujours épargné, qu’il avait toujours su contourner, désarmer, revenait cette fois plus entêtante, plus déterminée: « Pourquoi je n’ai jamais vraiment reproduit en match tout ce que j’ai pu faire à l’entraînement ? »
Et là ce soir, alors que le soleil allait bientôt se coucher sur les courts comme sur sa carrière, cette interrogation pesait encore plus fort. Et ces frappes se faisaient soudain plus sèches. Il n’était plus très sûr de ne pas avoir eu besoin de laisser éclater son talent au grand souffle des combats, dans l’arène. Il n’était plus très sûr que le talent pouvait se déclarer comme tel en se payant le luxe de se dispenser du jugement des matchs à pression, des matchs où dix mille yeux vous regardent et peuvent envoyer à cinq mille langues des informations négatives sur votre jeu et pire sur vous.
Il n’était plus sûr du tout. Et à chaque fois que la clameur montait du Stadium, libérant d’énormes vagues d’énergie toujours plus grosses, ses frappes étaient moins veloutées et plus dures. Il était ivre de ce bruit qui creusait encore plus en lui le gouffre du temps à jamais perdu. Cette nuit, dans sa chambre d’hôtel, alors que le soleil se sera depuis longtemps couché et que la télé montrera furtivement les meilleurs points de la victoire de Safin, il s’avouera enfin qu’il aurait tout donné pour avoir su voguer sur ses vagues.
Mais si on est toujours maître de son destin et si on peut toujours se révolter, les voies que l’on trace pour vous sont très dures à quitter, surtout le temps d’une carrière, surtout quand on n’est qu’un môme. Et il faut beaucoup de sacrifices pour qu’un jour on se décide à changer ceux qui les tracent. Ses voies.
Tags: Fiction
Il y a une semaine, le top 4 était en demi-finale, là nous n’avons qu’un représentant du top 10 (classement actuel) : Fed !!?
Je n’aurais clairement pas parié dessus, mais il est vrai que l’enchaînement de ces 2 M1000 est bien compliqué, d’où les surprises à Cincy.
Pour Soderling dont quelqu’un a un peu parlé plus haut, je ne l’enterrerais pas pour l’US Open vu ce qu’il a fait à RG après une saison de TB plutôt moyen. Mais c’est vrai qu’entretemps il s’est pris 2 bons coups sur la tête en GC…
Jérôme, comme tu me pousses, on ne peut pas dire que Mc a abusé des pauses kiné , même contre Borg Ça devait être une autre façon de le respecter, tu me diras, mais ça colle bien avec Mc
Pour qui veut voir, voilà du Mc contre Borg, et sans faux semblant.
Pour moi, Mc était fair play, contre Borg « sur le terrain » et sans en faire des tonnes 6:48. Trente ans après, je m’en souviens. Et pourtant je n’étais pas pour Mc à l’époque.
http://www.youtube.com/watch?v=tVwPAOpFweY&feature=related
La conférence de presse de Nadal, je la trouve plutôt pas mal, et cela me conforte dans l’idée qu’il fera tout ce qui lui est possible pour le titre : normal.
http://tennisconnected.com/home/2010/08/20/cincinnati-masters-rafael-nadal-quarterfinal-press-conference/
Et je note que mon analyse de ce matin était relativement proche de celle du taureau Qu’est-ce à dire, un début de relation fusionnelle?
je t’admire, Diana, et pourtant je reste un homme sensible et délicat qui assume son côté féminin
Stop teasing me please
Je ne suis pas fan de Nadal, rien de nouveau sous les tropiques, mais il faut rendre à César, hein ? Ok, il est n° 1 grâce à la terre battue, sans le talent de qui tu sais et avec une gauchitude faite pour emmerder son monde mais bon, il est ce qu’il est, et l’assume et fait plaisir à ses fans, tout va très bien dans le meilleur des mondes, no?
Ah ben , loin de moi l’idée de lui contester son talent sur TB, même le plus convaincu de ses contestataires n’oserait, surtout qu’il l’assume plutôt bien sans dévier d’un iota depuis 5 ans.
Alors tant qu’il est encore permis de douter du reste, même ici, ce n’est pas le plaisir de ses fans qui va me tourmenter, loin de là
Il est évident que sur le dernier point de ton post, nous sommes on ne peut plus d’accord et je ne sais pas pourquoi, mais il me semble partager plus avec toi qu’avec lui, beaucoup plus même :)Bon, j’arrête, ca va jaser
Hé oui comme certains l’ont remarqué ce texte fut jadis publié sous d’autres cieux, le pseudo de Cédric sous lesdits cieux étant Gugakuerten. Je signe et resigne ce que j’en avais pensé à l’époque:
« Beau texte.
Bizarre quand même que tu associes Mutis et Malisse : à part leurs noms, ils me semblent assez dissemblables, tant au niveau de leurs palmarès respectifs, que des raisons pour lesquelles ces palmarès n’ont pas été à la hauteur de leur talent. Olivier Mutis, on en a parlé pas mal récemment et je le vois très bien dans le rôle de Xavier Mutisse, mais je vois moins bien Xavier Malisse dans la peau du personnage…
tes commentaires Guga ? »
Ce à quoi Cédric répondait:
« je n’ai pas pensé à Malisse consciemment, !!! Comme quoi l’inconscient !! Car comment ne pas y voir Malisse ? ?!! Honnetement je cherchais un prénom proche d’olivier,… enfin voilà et notre ami belge est apparu à la surface. Car oui, je ne sais plus qui le disait, mais Malisse c’est pas comme O. Mutis. Le Malisse je l’ai vu l’an dernier à Monaco contre Nalbandian, c’était du très haut niveau. Il y a aussi un match contre Fed à l’us open … je ne sais plus quelle année, c’était quelque chose !! »