Dix ans à Roland

By  | 10 juin 2009 | Filed under: Insolite

De­puis plus d’une décen­nie que je vais à Roland-Garros, il y a forcément des matchs ou des mo­ments qui, plus que d’aut­res, sont restés gravés dans ma mémoire.

J’en ai par­tagé sur­tout avec ma sœur, aussi fêlée de ten­nis que moi. Roland Gar­ros, c’est comme un virus : si vous l’attrapez, c’est pour la vie. Moi, c’était en 1998, et je suis toujours in­fectée. Oui, Roland-Garros est mon tour­noi préféré.

Ce que j’aime par de­ss­ous tout, c’est ce ten­nis de ter­riens que de nombreux fans détes­tent parce que ses pratiquants re­nvoient trop souvent la balle sans une envie claire de finir le point. Mais moi, j’aime ceux qui savent jouer avec la pati­ence néces­saire qui per­met de trouv­er une brèche dans le jeu ad­verse, ceux qui re­fusent de lâcher le point, ceux qui a défaut de pratiqu­er un ten­nis d’at­taque, savent qu’ils doivent lutt­er pour gagn­er. Le duel entre celui qui jouera le meil­leur coup et celui qui y trouvera une para­de inédite, c’est un jeu be­aucoup plus ment­al – et physique – que celui pratiqué ail­leurs. C’est sans doute pour cela que le pal­marès de Roland-Garros est si varié et que si peu de très grands joueurs ont pu conquérir le titre plus d’une fois. Alors oui, pour moi si le jeu d’at­taque est toujours agréable et enrobé d’une sorte de facilité malgré lui, celui des purs ter­riens de haut niveau est tout aussi ad­mir­able.

Il y a un type de matchs qui a laissé une em­prein­te plus forte que les aut­res, ce sont ceux de fin de journée, où il ne reste que les purs et durs, ceux qui re­steront jusqu’au bout malgré le froid, le vent ou la bruine. Le crépus­cule aidant, ces matchs ont une saveur par­ticuliè­re. C’est sans doute pour avoir vu dès la première année, en 1998, une fin de match entre Ramon De­lgado et Pete Sampras (où l’Américain une fois de plus déjoue sur la terre bat­tue parisien­ne con­tre le modes­te Para­guay­en), que j’ai gardé ce goût pour ce genre de matchs. Dans la même veine, deux ans après, Sampras retro­uve Mark Philip­pous­sis au pre­mi­er tour. C’est le de­rni­er match du Centr­al et, à la faveur de la fin de journée et des spec­tateurs quasi ras­sasiés, je récupère un sésame. Je vois sans doute la fin d’un des meil­leurs matchs de ‘non ter­riens’ qu’on ait pu voir à Roland. Il y a en outre une sorte de fatalité tragique dans cette re­ncontre : on sent que ce Sampras-là on ne le re­ver­ra plus.

C’est aussi le cas d’un match entre Pat­rick Raft­er et Wayne Arthurs en 2001, qui se ter­mine vers 21h40 dans une semi pénombre. Malgré l’heure indue, je suis restée… On ne sait jamais, on n’a pas tous les ans la chan­ce de pouvoir voir jouer d’aussi près un joueur tel que Raft­er. Ce sera la dernière fois pour lui aussi. C’est comme si on avait vécu des in­stants volés.

L’Es­pagne, forcément…

Après, il y a une flopée de matchs où forcément les his­paniques sont à l’hon­neur. Etant moi même Es­pagnole j’ai une fibre latino très vivace, je l’avoue. Et aucun des français de cette période n’est cap­able de m’enflamm­er. En ajoutant l’in­support­able chauvinis­me des com­men­tateurs, cela suf­fit pour me désintéress­er de ces bons joueurs cap­ables d’un coup d’éclat ici ou là et qu’on nous présente tout de suite comme ceux qui vont dévast­er le tab­leau !

Durant cette période, je suis pour les Rios, Fer­rero, Coria, Gaudio, Moya, Cor­ret­ja, ainsi que deux ovnis nommés Marat et Gus­tavo. Leur point com­mun ? Y’a toujours de l’am­bian­ce quand ils jouent. Avec les Ar­gentins, Chiliens ou Brésiliens sur le court, c’est samba ou patchan­ga. Au niveau de l’am­bian­ce, il n’y a que les Be­lges cap­ables d’aussi bien en­flamm­er un court de 400-500 places. Un match avec Roc­hus ou Henin de­vient vite une sorte de chaud­ron bouil­lant. Cette année en­core, Clément-Rochus c’était mis­s­ion im­pos­sible !

Dans la lon­gue liste de matchs, je re­tiens le Mar­celo Rios – Al­bert Costa 1999 : le coup de patte de gauch­er du Chili­en de­puis le haut du Centr­al reste quand même spec­taculaire… tout autant que les en­tour­loupes de ses fans pour pouvoir re­ntr­er sur le court sans bi­llet ! Je me souviens aussi du Fer­rero – Hen­man 2003, suivi au bord d’un court an­nexe, idéal pour voir les ef­fets des volées d’un côté, des pass­ing de l’autre. Bref, le Court 2 reste mon préféré à tous points de vue.

Et comme match spécial « roulet­te russe » ? Rob­redo con­tre Safin en 2005, what else ? Match que Marat perd à mon grand déses­poir 8-6 au 5è set, non sans avoir cassé de rage le logo Per­ri­er de­vant sa cha­ise avec sa raquet­te ! En plus, j’avais récupéré une place juste derrière les loges, face à l’ar­bitre : la viol­ence du coup résume toute la frustra­tion du Russe, et c’est très im­pres­sion­nant. Et puis, il y a quand même un Français que j’ai bien aimé : c’est Sébas­ti­en Gros­jean, qui fait un match in­croy­able con­tre Agas­si, sous les yeux de Bill Clin­ton him­self.

Dans la même veine, il y a ce Kuert­en – Fer­rero en 2000. Cinq sets, et Fer­rero passe à quel­ques points de réalis­er l’exploit en menant deux sets à un, break ou bal­les de break dans le quat­rième. Mais c’est son pre­mi­er Roland et l’expéri­ence de Kuert­en l’empêche de pass­er. Très fort.

Et puis bien sûr la fameuse fin­ale ar­gentine Gaudio vs Coria. Si les mon­tagnes rus­ses vont si bien à Safin, que dire de cette fin­ale ? Gaudio para­lysé au début et qui se lâche dos au mur, Coria qui a le bras, puis les jam­bes, qui tremblent… Une fin­ale avec plein de sup­port­ers Ar­gentins, des chants, bref une am­bian­ce très gauc­ho. A la fin, on a un vain­queur in­at­tendu, et deux joueurs qu’on ne re­ver­ra plus à ce niveau à Roland. Un crime, quoi ! Mais Gaudio heureux et incrédule de ce qu’il vient d’ac­hev­er, c’est une image forte.

Dans les bons souvenirs de fin­ales, il y a aussi Costa qui re­mpor­te son seul titre du Grand chelem, en 2002. Il est con­tent comme un gosse et passe au moins une heure à se faire pre­ndre en photo et sign­er des auto­grap­hes après la fin du match. Dans la foulée, on déboule à l’am­bassade d’Es­pagne, où a lieu la récep­tion of­ficiel­le pour honor­er Costa et Fer­rero. Comme il n’y a pas foule et qu’aucun re­présen­tant de la famil­le royale n’est présent, l’am­bassadeur ouvre les por­tes et nous ac­cueil­le chaleureuse­ment sur le per­ron. On déguste les petits fours sous les yeux d’un Velázquez accroché dans un des salons. Costa est toujours aussi eup­horique et ac­cessib­le, on se prend en photo avec lui, le gars reste humain, c’est chouet­te.

A la re­cherche de la nouvel­le star

A chaque Roland, j’ai toujours trouvé un nouveau joueur qui me fait dire : « tiens, celui-là va fal­loir le suiv­re de près » : en 2006, c’est tombé sur Novak Djokovic qui affron­tait Fer­nando Gon­zalez sur le Court 10. Le Serbe, avec ses 15 re­bonds avant de ser­vir, énerve de plus en plus le Chili­en. Cela plus les amort­ies qui tom­bent de nulle part, ‘Gonzo’ n’ar­rive pas à se con­centr­er et Djokovic passe en cinq sets. Je sais déjà qu’il sera un top joueur : l’at­titude, les coups dont il dis­pose, je ne suis pas étonnée de le voir faire son tout pre­mi­er quart en Grand chelem con­tre Nadal dans la foulée. Et il a en­core le culot de dire qu’il sen­tait qu’il dominait Rafa, alors qu’il a perdu deux fois 6-4 et ab­an­don ! Ouais, ce mec-là avait du culot à re­vendre et sur­tout du talent. L’année dernière, j’ai jeté mon dévolu sur Eduar­do Schwank. J’ai cru qu’il al­lait cass­er la baraque sur terre la saison suivan­te, mais non, là c’est chou blanc sur toute la ligne. Comme quoi j’ai pas toujours le nez creux, comme on dit.

Au rayon des émo­tions for­tes, il y a aussi tous ceux que j’ai vu jouer une dernière fois, comme Cor­ret­ja en 2004. C’était sur un petit court, con­tre celui qui a cédé son titre de ‘ten­nis lover at­titude’ à Feliciano Lopez, j’ai nommé Jan-Michael Gam­bill ! Dans ces mo­ments là, on ne sait jamais si ce sera la dernière fois, alors on y va et on se force à faire la queue pen­dant longtemps si néces­saire pour re­ntr­er sur le court. Mon re­cord reste 1h20 pour le de­rni­er vrai match de ‘Guga’ à Roland, celui de 2005 con­tre David Sanchez. Sur un court an­nexe dont per­son­ne ne voulait par­tir sauf une fois les deux pre­mi­ers sets per­dus (et en­core), une foule de Brésiliens en­courageait Kuert­en comme s’il al­lait re­mport­er son quat­rième Roland… La fer­veur était la même, c’était un beau mo­ment à vivre ! Son re­tour en 2008 re­ssemblait trop à une ‘exhib’ avec un PHM plus que coopératif pour faire durer le plaisir. Con­tre Sanchez, il voulait en­core gagn­er, ça se voyait. Je suis con­ten­te d’avoir été là à ce mo­ment.

Pour ter­min­er, il me reste deux matchs, ceux de Nadal en demi-finale et fin­ale de 2005. Je ne peux dis­soci­er les deux : dans le pre­mi­er, il a sans doute marqué au fer rouge Feder­er pour le reste de leurs faces-à-faces, et dans le deuxième parce que voir Nadal gagn­er son pre­mi­er Roland-Garros, c’était génial pour la fan que je suis : j’étais là pour son pre­mi­er titre en Grand Chelem. Sur le mo­ment, on sait qu’il va être un grand champ­ion, à postériori on se dit qu’avoir pu y as­sist­er, ça n’a pas de prix.

Années après années, on finit par avoir l’impress­ion de faire par­tie du tour­noi. D’ail­leurs le petit poste de contrôle sous le Centr­al est une sorte de QG, le repère des fins de journées où on vient réclam­er gen­ti­ment le pro­gram­me du jour suivant, la méteo quand il pleut… Bref, on m’y re­con­nait à chaque fois ! On cro­ise aussi des ex-joueurs qui se baladent in­cog­nito. Cette année, c’était Ches­nokov, un des Rus­ses les plus charis­matiques avant que Marat déboule.

Roland-Garros et moi, c’est pre­sque une his­toire d’amour, on ne se lasse pas de se retro­uv­er. Vive­ment l’année pro­chaine !

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Gran­de prêtres­se de 15-LT : je désigne les pro­chains rédac­teurs quand on man­que d'ar­ticles, ils sont auto­matique­ment in­spirés pour écrire dans les plus brefs délais ! Un mirac­le ! ps mon avatar moi sur le canal St Mar­tin un jour d'hiver 2009, en pen­sant à ce que pour­rait être 15love :)

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52 Responses to Dix ans à Roland

  1. Cedric 12 juin 2009 at 09:10

    Quand même un petit mot sur l’article de Mariejo qui m’a beaucoup plus …

    J’apprécie beaucoup ce genre de chronique qui font appel au « moi ». Rien de vaniteux ou d’égocentrique dans ce cas, mais juste cette idée qu’il faut expérimenter d’abord soi pour échanger avec les autres,
    C’était très plaisant à lire, léger ce qu’il faut sans être superficiel. Ca donne envie d’en être.

    Pour les matchs de fin de journée, j’ai un super souvenir d’un double Santoro Llodra, à M Carlo 2003, après les demi finale du simple. Ferrero et Coria avaient balayé respectivement spadea et Moya.
    Il pleuvait, la nuit tombait, il n y avait plus de public, et Llodra qui se faisait chier dans un début de 1er set hypra facile et qui nous voit au milieu des gradins, et qui en nous appelant son « cher public » nous somme de venir dans les loges juste derrière leurs chaises à condition qu’on les supporte, …
    De temps en temps aux changements de côté il nous faisait un petit commentaire ou nous sortait une connerie …

  2. Ulysse 12 juin 2009 at 20:03

    Du MarieJo c’est simple et de bon goût, ça se lit vraiment comme un roman…

    Pour changer de sujet je dénie à Murray une position de favori par rapport à un quelconque des trois autres fantastiques. Nadal est évidemment une inconnue, s’il est en mode terminator – c’est peu probable – il n’y a qu’un Fed des grands jours pour le battre. Djoke a préparé SW19 très sérieusement comme le montre son niveau faible à RG et hésitant au début de Halle. Il monte en régime et sera au top dans deux semaines. S’il est dans le bon tableau je pronostique une victoire en 4 sets de Fed sur le Serbe en finale.

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