Meanwhile at the Goat’s Club : Finally, it’s… Roger

By  | 12 juillet 2015 | Filed under: Insolite

Jack KramerQuel­le soirée les amis ! J’en suis re­ssor­ti épuisé, et pas­sable­ment éméché, mais le Board a fin­ale­ment pris sa décis­ion, la bonne. Ce ne fut pas sans mal et bien que sim­ple secrétaire du Board, sans voix délibérative évidem­ment, je crois bien y avoir pris ma part. Comme vous le savez, le Board du Club se réunit au moins une fois par an, à la veil­le de la fin­ale de Wimbledon, et si néces­saire à la veil­le de celle de l’US Open. Les quat­re mem­bres : Bill Tild­en, Jack Kram­er, Pancho Gon­zales et Rod Laver étaient là à 22 heures précises, avec votre ser­viteur pour as­sur­er le com­pte rendu et pleins pouvoirs en­suite pour as­sur­er l’exécu­tion de la décis­ion. Je vous racon­te tout, enfin, pre­sque tout…

Comme l’année passée, la décis­ion à pre­ndre con­sis­tait donc à décider qui de Roger ou du robot serbe re­mpor­terait la mise à SW 19 cette après-midi. La réunion de l’année dernière m’avait laissé amer car Tild­en, aidé par Gon­zales, avait réussi à im­pos­er son véto à l’ob­ten­tion d’un 8ème titre par Roger, pour un motif futile alors que son véto était sur­tout motivé par ses intérêts per­son­nels, ce que tout le monde savait. Tild­en, qui n’apprécie guère Roger mais n’a plus le pouvoir de l’empêcher de re­joindre le Club une fois que ce de­rni­er aura remisé ses raquet­tes, la décis­ion d’ad­miss­ion du Suis­se ayant été tranchée de­puis 2009, ne souhaite sur­tout pas que ce de­rni­er y débar­que avec un pal­marès trop four­ni, pro­pre à lui faire de l’ombre. En tant que fon­dateur du Club, il es­time naturel d’y jouir d’une cer­taine préémin­ence et c’est ainsi d’ail­leurs qu’il y a six ans, il avait mis son véto à l’ob­ten­tion par Roger d’un sixième titre à l’US Open, faisant le bon­heur d’un ob­scur joueur ar­gentin. Les aut­res s’étaient laissé faire, n’osant pas se mettre en trav­ers de ses volontés. Ils savaient trop bien de quoi Tild­en était cap­able pour préserv­er son re­cord le plus sig­nificatif, de­meuré in­tact. D’ail­leurs, de­puis cette date, Roger n’a plus remis les pieds en fin­ale de l’US Open et Tild­en de­meure donc l’unique joueur à avoir re­mporté six fois le titre, ce qu’il ne man­que pas de rap­pel­er à pre­sque chacune des réun­ions du Board.

La décis­ion de l’année passée avait for­te­ment déplu à Kram­er qui, en tant qu’in­venteur du « power play » (le jeu axé sur le ser­vice volée systématique qu’il mit à l’hon­neur vers 1943-44 et qui de­meura la base du jeu jusqu’en 1974), es­timait que Roger en avait fait suf­fisam­ment pour réhabilit­er le jeu, le vrai, pour mériter de re­mport­er une nouvel­le fois The Cham­pionships et que c’était une honte (« A Shame ! ») de filer le titre une nouvel­le fois à un relanceur-contreur comme le robot serbe alors que celui-ci succédait à un autre, Andy Mur­ray, qui avait bénéficié du fait que le Club avait alors sur­tout décidé que c’en était assez de frapp­er systématique­ment les joueurs loc­aux au All En­gland Club et qu’après 77 ans, on pouvait bien donn­er un suc­ces­seur à Fred Perry. Le robot serbe qui fit donc, suite à la décis­ion du Board, sa plus médioc­re fin­ale, y avait ac­quis une sorte de créance vis-à-vis du Goat’s Club, ou plutôt de cer­tains mem­bres, de sorte qu’il en avait bénéficié l’année passée, en dépit des souhaits de Kram­er et de Laver. Mais ce de­rni­er était vu par les trois aut­res comme étant trop pro­che su Suis­se – et on ne man­quait pas de lui rap­pel­er cer­taines déclara­tions im­pruden­tes en sa faveur – pour empêcher Tild­en d’im­pos­er sa décis­ion, avec Gon­zales qui le soutenait par op­posi­tion quasi systématique à tout ce que pouvait souhait­er Kram­er avec lequel le con­ten­tieux était très loin d’être apuré.

C’est donc dans ce con­tex­te qu’eut lieu la réunion du Board hier soir. J’étais arrivé en avan­ce, étant à peu près sûr d’y retro­uv­er Tild­en au bar. Il avait déjà pris deux scotchs, la seule chose que les Éco­ssais pro­duisent con­venab­le­ment dit-il, et m’in­vita aus­sitôt à en faire autant. Quand les aut­res arrivèrent peu avant 22 heures, il en était à cinq et moi à deux. J’avais eu le temps de lui racont­er le déroule­ment du tour­noi, ce dont il se fic­hait pas mal, mais tiqua quand même quand je lui dis que Djokopope avait fait appel au kiné lors de sa demie pour, semble-t-il, un problème à l’épaule gauc­he. « Quel­le mauviet­te ! » asséna-t-il. « Il faud­rait in­ter­dire les toubibs et les kinés et sup­prim­er la pause tous les deux jeux » poursuit-il. Je le lais­sais dire, ajoutant seule­ment que Djokodope avait ab­an­donné une di­zaine de matchs dans sa carrière. « Dis­gust­ing ! » fut sa réplique.

Sur ses en­trefaites, la réunion du Board débuta et Gon­zales com­men­ça les hos­tilités en dis­ant que Roger avait à présent 4 en­fants mais qu’il de­meurait l’unique joueur à avoir re­mporté des tit­res alors qu’il était, lui, grand père. Sa phrase tomba à plat et Tild­en le re­gar­da d’un sale œil, lui qui n’avait pas été trop en­combré par les problèmes de pater­nité, et pour cause… Les deux aut­res rirent sous cape et je vis avec satis­fac­tion que le front Tild­en – Gon­zales qui avait forcé la décis­ion l’année passée avait du plomb d’en l’aile.

Kram­er, qui s’était con­certé avec Laver comme je l’appris plus tard de la bouc­he de ce de­rni­er, se fit alors l’avocat de Roger et l’on com­men­ça à parl­er ten­nis. Il présenta les ar­gu­ments en faveur de Roger de façon con­vain­cante, poin­tant notam­ment le fait que Roger, sous la houlet­te d’Ed­berg, avait main­tenant net­te­ment pro­gressé en volée de coup droit et qu’il ser­vait mieux qu’il ne l’avait jamais fait. Tild­en se tour­na vers moi et me de­man­da de donn­er les statis­tiques afin de vérifi­er ses dires. J’op­tempérais aus­sitôt et fit re­mar­qu­er que Roger n’avait perdu qu’une seule fois son ser­vice de la quin­zaine, qu’il n’avait eu qu’une seule balle de break à défendre con­tre Mur­ray et que ce de­rni­er n’était par­venu que deux fois à égalité sur le ser­vice du Suis­se. « C’est bien » dit sob­re­ment Gon­zales qui s’es­timait être le meil­leur ser­veur jamais vu. Laver approuva, mais Tild­en fit aus­sitôt re­mar­qu­er que Laver avait eu la mauva­ise idée de pre­ndre im­plicite­ment posi­tion pour Roger avant la réunion du Club, ce qu’in­terdit les statuts, en déclarant pub­lique­ment après les demi-finales qu’ « il ne voyait pas com­ment Roger pouvait per­dre la fin­ale » à venir. En l’espèce, Laver aurait mieux fait de se taire car, alors que je pen­sais que la décis­ion al­lait être prise assez vite en faveur de Roger, les hos­tilités re­prirent de plus belle.

Pour en­fonc­er Laver, Tild­en me de­man­da quels étaient les pro­nos­tics des book­mak­ers, qu’il con­nais­sait puis­que je les lui avais donnés au bar. Il avait at­taqué sa deuxième bouteil­le de scotch et de­venait de plus en plus ag­ressif. Gon­zales et Kram­er com­men­çaient égale­ment à être bien at­teints. J’in­diquais alors que les pro­nos­tics des book­mak­ers faisaient du robot serbe le léger favori de la fin­ale avec une pro­babilité de succès de 53-54%. Ce que je m’abstins de dire était que cette pro­babilité était net­te­ment plus faib­le qu’au début du tour­noi, ou même avant les demi-finales. Aut­re­ment dit, Djokopope, après avoir gagné six matchs, était sup­posé avoir moins de chan­ces de gagn­er le tour­noi que quand il l’avait débuté, ou qu’avant qu’il ne dis­pute sa demie, ce qui est tout à fait in­habituel évidem­ment. C’est était trop pour Kram­er qui hurla : « Com­ment ce type peut-il être favori alors qu’il a fail­li se faire sor­tir en 1/8ème et n’est pas foutu de faire un slice ou une volée !?! »

Mais Tild­en ne se lais­sa pas démont­er et répliqua que si Roger était si bon, c’est lui qui de­vait être le favori. Or il ne l’était pas, et cela cac­hait donc quel­que chose, selon lui. Et il ex­igea un vote immédiat, lequel donna une égalité par­faite : 2-2. Kram­er et Laver pour Roger, Tild­en et Gon­zales pour Djokodope. Le front Tild­en – Gon­zales avait tenu et il fal­lait détach­er ce de­rni­er de Tild­en qui ne se lais­serait très pro­bab­le­ment pas fléchir, sur­tout vu son état.

Je fis alors mine de n’avoir pas saisi le sens du vote et de­man­da, en me tour­nant re­spec­tueuse­ment vers Tild­en : « Vous souhaitez que le Serbe re­mpor­te un troisiè­me titre, comme McEn­roe ? » J’avais touché juste car il ne dit rien et Laver, dont Big Mc était le fils spirituel, et Kram­er ex­plosèrent de con­cert en dis­ant que ce serait une vérit­able honte. Laver menaça même de démis­sionn­er du Club. Gon­zales dit alors à Tild­en : « Bill, you have to be rea­son­able for once ». Tild­en qui, au fond de lui, n’avait aucune sym­pat­hie pour le robot serbe, fit mine de résist­er et mon­naya alors son ac­cord alors qu’il com­prenait qu’il al­lait être lâché par Gon­zales s’il per­sis­tait. Il finit par pro­pos­er que l’on donne le titre à Roger à la con­di­tion que celui-ci se voit privé d’un nouveau titre à l’US Open, non seule­ment cette année, mais pour ce qui re­stait de sa carrière. Les aut­res étaient d’ac­cord pour cette année, mais ne voulaient pas se lier les mains pour au-delà. Mais Tild­en ne voulait rien en­tendre et fin­ale­ment un com­promis fût laborieuse­ment at­teint : Roger ne gag­nerait l’US Open, ni en 2015, ni en 2016. Cela pris près d’une heure au cours de laquel­le deux nouvel­les bouteil­les de scotch furent vidées alors que tout cela n’avait guère d’im­portan­ce puis­que Roger n’avait plus été en fin­ale à New York de­puis 2009, mais Tild­en se méfiait et ne voulait pre­ndre aucun ris­que.

A quat­re heures, la réunion fut levée et je pris congé. Muni de suf­fisam­ment de cash issu du Club, et des pleins pouvoirs du Board, je me di­rigeais vers l’hôtel de Djokopope ou, moyen­nant £ 10 000 pour chacun, un ser­veur pakis­tanais et le con­cier­ge de l’hôtel ac­ceptèrent de vers­er le li­quide que je leur remis dans le petit déjeun­er que le pre­mi­er était en train de préparer pour le robot et son en­tourage. Ils en seront quit­tes pour une bonne gastro cette après-midi….

Avec la satis­fac­tion du travail ac­compli, je re­gag­nais mon hôtel, me félicitant de n’avoir pas rap­pelé à Tild­en que per­son­ne, ab­solu­ment per­son­ne de­puis 1877, n’avait en­core gagné huit tit­res à Wimbledon…

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Né l'année ou Rod Laver réalise son pre­mi­er grand chelem, suit le cir­cuit de­puis 1974, abuse par­fois de statis­tiques, af­fiche rare­ment ses préfér­ences per­son­nelles, aime les fos­siles et a par­fois la dent un peu dure...

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551 Responses to Meanwhile at the Goat’s Club : Finally, it’s… Roger

  1. Zogidur 17 juillet 2015 at 15:40

    Le souci étant que côté brit, il y a brain + muscles…

  2. Zogidur 17 juillet 2015 at 15:42

    A Kaelin:
    J’ai vérifié sur tennistemple, Le gazon est effectivement sa pire surface en carrière mais en réalité, il y a 3 saisons (dont 2015) où c’est sa meilleure surface.

  3. Patricia 17 juillet 2015 at 15:47

    Domi est en train de nous faire un TB épique !

  4. Patricia 17 juillet 2015 at 15:49

    Allez ! 2 sets à un maintenant pour Domi !

  5. Patricia 17 juillet 2015 at 15:50

    Les Espagnols ont quand même remporté leurs deux matchs, alors que tous leurs potes se soûlent au champagne au mariage de Lopez…

    • Patricia 17 juillet 2015 at 15:51

      C’est Andujar et Robredo, alors qu’en face les russes font jouer Khachanov quand même.

      • Kaelin 17 juillet 2015 at 16:03

        en même temps Khachanov est une valeur plus sure que Youzhny ^^

  6. Nathan 17 juillet 2015 at 15:50

    1 pour Gilou

    1 bientôt pour Tsonga frais comme un bouton de rose anglaise contre Andy fatigué (il a le droit aussi d’être fatigué, le pauvre Andy)

    Et Samedi, sous un soleil éclatant, la guerre de 100 ans trouvera son épilogue final quand Richie avec Tsonga, son « pote de toujours dans une équipe de copains », marquera contre les frères Murray le point décisif que toute la France attend depuis des lustres et qui nous ouvrira une voie royale vers la finale tant convoitée…

    • Patricia 17 juillet 2015 at 15:55

      Ouais ! Crécy, Azincourt et Poitiers ne resteront pas impunis !

      Clément a la même taille que Duguesclin, ça peut le faire.

      • Nathan 17 juillet 2015 at 16:03

        Et Waterloo, Madame, il ne faut pas oublier Waterloo !

  7. Patricia 17 juillet 2015 at 16:18

    Il a l’air bien, Jojo.

  8. Patricia 17 juillet 2015 at 16:20

    Pendant ce temps, en Autriche… Thiem et de Bakker s’apprêtent à entamer un 5è set.

  9. Nathan 17 juillet 2015 at 16:21

    Oh my God ! Les commentateurs britanniques se sont aperçus que le revers était le « weak side » de Tsonga. andy va s’engouffrer dans la brèche, c’est sûr…

  10. Nathan 17 juillet 2015 at 16:32

    Pour l’instant, Tsonga est bon.

  11. Nathan 17 juillet 2015 at 17:02

    Mais Murray est meilleur.

  12. Patricia 17 juillet 2015 at 23:09

    Résultat des courses en fin de journée : Tsonga vraiment pas mal, mais comme prévu ne fait pas le poids contre Murray. Ca augure plutôt bien du double, qu’il va jouer avec Mahut, comme prévu aussi. Andy en sera, vu les 3 sets. Un match à ne pas rater !

    Ce que j’ai raté en revanche c’est que les Russes ne se sont pas contentés d’aligner Khachanov, classe 96, contre l’Espagne : Rublev jouait aussi ! Les gamins n’ont pas gagné un set, logique vu leur classement. On se demande pourquoi Youzhny et Gabash n’étaient pas sur le pont… ils n’auraient pas fait mieux sans doute, mais il y avait quand même 7 joueurs russes mieux classés que Karen Khachanov, dont Donskoy et Kuznetsov qui jouent souvent la CD et ne sont pas en fin de carrière…

    Ca craint pour Domi, qui est celui qui a motivé le choix de Kitzbühel pour la rencontre et a gaspillé une grande partie de ses 30 BB, mais de Bakker a fait un très gros match… Heureusement pour l’Autriche, Haider Maurer mène 2 sets à 1 (interruption pour orage) contre Haase.

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