De l’enfer au paradis (1/2)

By  | 8 octobre 2012 | Filed under: Histoire

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, et on peut dire que nos ours ten­nistiques ont la peau dure ! Gagn­er est beau, mais le faire après avoir eu balle de match con­tre soi l’est en­core plus ! Et si par de­ssus le marché vous re­mpor­tez un Grand chelem dans la foulée, par­fois le seul de votre carrière… Bref panorama des re­venants de l’ère Open pour chacun des tour­nois majeurs.

Open d’Australie

2005 – Marat Safin b. Roger Feder­er 5-7, 6-4, 5-7, 7-6, 9-7 - Sauve 1 balle de match (demi-finale) : Que dire de plus sur ce match que ce Benoît racon­te magistrale­ment dans l’ar­ticle « Quand le duel est oeuv­re d’art« . Entre un Feder­er tout frais de son Petit chelem 2004, et un Safin qui a fin­ale­ment décidé de jouer au ten­nis et réalisé une fin de saison de feu, cette demi-finale at­teint des som­mets d’in­tensité. Légère­ment amoindri, Feder­er sait qu’il doit con­clure aussi vite que pos­sible. L’oc­cas­ion se présente au tie-break du quat­rième quand il ob­tient balle de match, mais son tween­er finit dans le filet. Libéré, Safin se détache 5-2 dans la dernière man­che. Malgré une résis­tance désespérée de Feder­er qui sauve plusieurs bal­les de match et re­col­le au score, Safin a le match en main et le con­clut 9/7. Il para­chèvera l’oeuv­re trois jours plus tard en bat­tant l’en­fant du pays Hewitt en fin­ale (1-6, 6-3, 6-4, 6-4)

1985 – Stefan Ed­berg b. Wally Masur 6-7, 2-6, 7-6, 6-4, 6-2Sauve 2 bal­les de match (8e): Longtemps réputé comme étant un faib­le, peu se rap­pellent que le flam­boyant Stefan survécut à deux bal­les de match pour re­mport­er son pre­mi­er majeur. Classé 6° joueur mon­di­al, son match en huitièmes de l’Open d’Australie face à Wally Masur (142e) ne de­vait être qu’une for­malité. Mais poussé par le pub­lic, l’Aus­sie réalise un début de match fan­tastique pour mener deux sets à rien. Tout semble plié quand Masur ob­tient deux bal­les de match à 5-4 au troisiè­me mais Ed­berg les sauve avec brio. Ce sera le tour­nant du match : Masur ac­cuse le coup tan­dis que Stefan semble re­vigoré et se montre in­trait­able pour l’em­port­er 6-2 au cin­quiè­me. Il sur­viv­ra à 5 aut­res sets marat­hon face à Lendl en de­m­ies (6-7, 7-5, 6-1, 4-6, 9-7) pour l’em­port­er facile­ment face à Wiland­er en fin­ale (6-4, 6-3, 6-4). Curieuse­ment, ex­cepté l’US Open 1991 tous les majeurs d’Ed­berg seront re­mportés de haute lutte : cinq sets face à Cash en fin­ale de l’Australian Open 1987 (6-3, 6-4, 3-6, 5-7, 6-3), déficit de deux sets à rien face à Mecir annulé en demie de Wimbledon 1988 (4-6, 2-6, 6-4, 6-3, 6-4) avant de l’em­port­er face à Be­ck­er. A Wimbledon 1990, il souffre le mar­tyr face à Man­sdorf au troisiè­me tour (6-4, 5-7, 3-6, 6-2,9-7) et re­mpor­te la fin­ale après avoir re­monté un break de re­tard dans le cin­quiè­me. Enfin, à l’US Open 1992 il re­mpor­te trois matchs con­sécutifs en re­mon­tant un break de re­tard dans le cin­quiè­me : en huitièmes (b. Krajicek 6-4, 6-7, 6-3, 3-6, 6-4), en quarts (b. Lendl 6-3, 6-3, 3-6, 5-7, 7-6) et en de­m­ies (b. Chang 6-7, 7-5, 7-6, 5-7 6-4). Pas mal pour un soi-disant faib­le men­tale­ment !

1982 – Johan Kriek b. Paul McNamee 7-6, 7-6, 4-6, 3-6, 7-5Sauve 1 balle de match (demi-finale) : Tenant du titre et tête de série N°1 (en l’abs­ence de tous les meil­leurs), le Sud-Africain Johan Kriek est de re­tour en Australie pour doubl­er la mise à l’Open d’Australie 1982. Facile vain­queur de Mike De Palm­er, Eric Sher­beck, Char­lie Fan­cutt et Drew Git­lin, John mène tran­quil­le­ment deux sets à rien face à McNamee en de­m­ies et semble se di­rig­er vers la re­vanche con­tre Steve De­nton. Mais soutenu par le pub­lic, l’Australi­en re­nver­se la vapeur et se retro­uve à 5-3, balle de match en sa faveur au cin­quiè­me. Mal­heureuse­ment pour lui, Kriek se re­ssaisit, ef­face la balle de match et re­mpor­te quat­re jeux con­sécutifs pour con­clure la par­tie. Il re­mpor­tera le titre face à un De­nton en panne de ser­vice (6-3, 6-3, 6-2)

1975 – John New­combe b. Tony Roche 6-4, 4-6, 6-4, 2-6, 11-9Sauve 3 bal­les de match (demi-finale) : Vain­queurs as­sociés de 12 tit­res du Grand chelem en doub­le, c’est pour­tant en rivaux que New­combe et Roche s’affron­tent en demi-finale de l’Open d’Australie 1975. Le pre­mi­er, n°2 mon­di­al, veut re­prendre son trône perdu en 1974, tan­dis que le deuxième court de­puis 1966 (et quat­re fin­ales per­dues en­suite) après son deuxième titre majeur. De re­tour après trois ans d’in­terrup­tion suite à une bles­sure à l’épaule, Tony semble avoir pris le de­ssus quand il mène 5-2 dans le cin­quiè­me set. Mais New­combe, bien aguer­ri après ses matches marat­hon face à l’al­lemand Rolf Gehr­ing (6-7, 6-4, 3-6, 6-2, 6-4) et son com­pat­riote Geoff Mast­ers (1-6, 6-3, 6-7, 6-3, 10-8), s’accroc­he, sauve trois bal­les de matchs (deux à 2-5 et une à 7-8) et finit par l’em­port­er 11/9 ! En fin­ale, il n’aura be­soin « que » de 4 sets ac­harnés pour battre Jimmy Con­nors (7-5, 3-6, 6-4, 7-6). In­ter­rogé des années plus tard sur ce qui sera son de­rni­er titre du Grand chelem, il con­fiera : « De tous les Majeurs que j’ai gagné, ce fut le plus ex­igeant physique­ment. Générale­ment je préparais un Majeur deux mois avant, mais là je n’ai eu que dix jours de prépara­tion après un mois de co­upure. Je n’ai décidé de par­ticip­er que quand j’ai su que Con­nors venait : je tenais ab­solu­ment à le battre pour oub­li­er mes mauvaises per­for­mances de 1974. Mais ar­riv­er en fin­ale fut rude : Je bats Mast­ers 10-8 en quarts et enchaîne avec un match de doub­le. Durant le match avec Tony en demie, je suis tel­le­ment fatigué que je ne me rap­pelle pas des 45 dernières minutes ! J’ai dû déclar­er for­fait pour le doub­le pour pouvoir jouer la fin­ale. Si j’avais perdu le tieb­reak du quat­rième, Jimmy m’aurait pro­bab­le­ment collé une bulle au cin­quiè­me… »

Les re­venants pré-Open:

1960 – Rod Laver b. Neale Fras­er 5-7, 3-6, 6-3, 8-6, 8-6Sauve 1 balle de match (F)
1947 – Dinny Pails d. John Brom­wich 4-6, 6-4, 3-6, 7-5, 8-6 - Sauve 1 balle de match (F)
1927 – Gerald Pat­terson d. John Haw­kes 3-6, 6-4, 3-6, 18-16, 6-3 - Sauve 5 bal­les de match (F)

Roland Gar­ros

2004 – Gas­ton Gaudio b. Guil­lermo Coria 0-6, 3-6, 6-4, 6-1, 8-6Sauve 2 bal­les de match (fin­ale): Quand Guil­lermo Coria (tête de série N°3) et Gas­ton Gaudio (44e) se retro­uvent en fin­ale du tour­noi le plus cher aux Ar­gentins, Roland-Garros, nul ne doute que la vic­toire sera pour Coria, ar­tiste de la terre bat­tue au sens tac­tique aigu et au jeu utilisant tout le réper­toire du ten­nis sur ocre : lift, amort­ies, lobs, accéléra­tions… Le pauv­re Gas­ton semble relégué au rôle de sim­ple faire-valoir et les deux pre­mi­ers sets le con­fir­ment : trois jeux gagnés ! Que ce passe-t-il à ce mo­ment dans la tête de Guil­lermo ? Trop d’as­suran­ce ? Panique à l’idée de gagn­er ? Nul ne le saura vrai­ment… Ce que l’on sait, par con­tre, c’est que Coria coule à pic tan­dis que Gaudio re­ssus­cite pour re­coll­er à deux sets par­tout. Au cin­quiè­me, malgré les cram­pes, Coria se re­prend. Il réussit un break qui semble décisif pour ser­vir pour le titre à 6-5. Par deux fois il ob­tient balle de match. Et par deux fois il n’ar­rive pas à donn­er le coup de boutoir décisif. Coria, l’homme qui van­tait jusque-là une série de 37 vic­toires sur ses 38 de­rni­ers matchs sur terre bat­tue et 19 vic­toires (pour zéro défaite) face à ses com­pat­riotes ar­gentins, s’écroule définitive­ment. Il ne re­mpor­tera plus le moindre jeu et per­dra in­croyab­le­ment ce match. Il ne le sait pas en­core, mais cette défaite sera le début de la fin, aussi bien pour lui que pour Gaudio… (Lire aussi l’ar­ticle de MarieJo sur Gaudio)

2001 – Gus­tavo Kuert­en b. Mic­hael Rus­sell 3-6, 4-6, 7-6, 6-3, 6-1Sauve 1 balle de match (8e): Numéro 1 mon­di­al, vain­queur à Monte-Carlo et fin­alis­te à Rome, tenant du titre… in­utile de dire que Gus­tavo Kuert­en est LE favori de ce Roland-Garros 2001. Et ce n’est pas Mic­hael Rus­sell, un ob­scur qualifié américain 122° mon­di­al, qui semble être en mesure de re­présent­er un ob­stac­le sur le par­cours du Brésili­en. 6-3, 6-4, 5-3 et balle de match sur son ser­vice. Tout semble se déroul­er comme prévu… sauf que c’est Rus­sell qui est en train de mener ! Ses amort­ies et ses coups puis­sants font mouc­he mais c’est sur­tout « Guga » qui sur­prend par son at­titude amorphe. L’échan­ge durera 26 coups. Après une at­taque de re­v­ers qui touc­he en plein la ligne, Kuert­en sauve cette balle de match au filet. Re­vigoré, il se met enfin à jouer à son niveau et dès lors il n’y a plus match. Rus­sell ne mar­quera plus que 5 jeux. Soulagé, Kuert­en peut désor­mais s’en­vol­er vers son troisiè­me (et de­rni­er) titre à Roland-Garros. A l’issue de son tri­omphe, il tracera un cœur sur le Centr­al à l’at­ten­tion du pub­lic qui l’a tant soutenu.

1976 – Ad­riano Panat­ta b. Pavel Hutka 2-6, 6-2, 6-2, 0-6, 12-10Sauve 1 balle de match (1er tour) : Vain­queur à Rome après avoir sauvé 11 bal­les de match face à Kim War­wick (dont 10 sur le ser­vice de l’Australi­en !), le bel Ad­riano con­fir­me à Paris être béni des dieux. Fatigué, il est mal­m­ené par Pavel Hutka, un joueur am­bidextre qui ne connaît pas le re­v­ers. Il se retro­uve dos au mur au cin­quiè­me quand le Tchèque ob­tient une balle de match. Monté au filet, Ad­riano par­vient dif­ficile­ment à re­mettre un lob du Tchèque dans le court. Ce de­rni­er n’a plus qu’à ajust­er un de­rni­er pass­ing sur lequel l’Itali­en se jette désespérément. La volée est ac­robatique mais ratée, mais Panat­ta effleure avec le bois de sa raquet­te la balle qui vient mourir du bon côté du filet ! Dès lors la vic­toire ne le quit­tera plus…

Les re­venants pré-Open:

1962 – Rod Laver d. Marty Mul­ligan 6-4, 3-6, 2-6, 10-8, 6-2Sauve 1 balle de match (QF)
1934 – Gottfried von Cramm d. Jack Craw­ford 6-4, 7-9, 3-6, 7-5, 6-3 - Sauve 1 balle de match (F)
1927 – René Lacos­te d. Bill Tild­en 6-4, 4-6, 5-7, 6-3, 11-9Sauve 2 bal­les de match (F)

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590 Responses to De l’enfer au paradis (1/2)

  1. Jeanne 15 octobre 2012 at 01:44

    Le plus puissant serveur des 4 est Söderling, il suffit de voir les vitesses moyennes. Il peut d’ailleurs atteindre régulièrement les 140 mph que les autres n’atteignent pas. Jo s’en approche avec des boulets à 135-136 quand il est en mode énervé

    Le plaisir animal du Söderling, à laminer la balle est stupéfiant. Si on dit que frapper fort, c’est communiquer une vitesse d’avancée ou de fuite à la balle, cela se joue entre Del Potro et Söderling pour le coup droit. Si on parle d’énergie communiquée à la balle, c’est Nadal en coup droit. Aucun coup de fond de court n’est plus énergivore que celui-là. Tout au plus les frappes les plus démentes de Gonzalez, mais avec moins de systématisme.

    Les joules fournis sont ici majoritairement employés à éloigner la balle de l’orbite terrestre après rebond (cf ‘il envoie les balles à 6 mètres de hauteur’ dixit Almagro à Roland 08).

    Malgré la vitesse d’avancée somme toute modeste, la résultante est une impression d’un poids énorme même si plus lent que les « missiles » des « cadors » sus-évoqués. Des boules de pétanque dirigées de préférence sur le revers du vis-à-vis, comme oppression pesante et systématique.

    Dans bourrin, il y a la notion de heurt, d’arrachement, de rupture. C’est en cela que Tsonga est un bourrin. L’antibourrin absolu est Federer qui conserve la voltige d’une fée Clochette, et le visage impassible des archanges de la Renaissance pendant le miracle spatial de la frappe.

    • MacArthur 15 octobre 2012 at 02:26

      « la voltige d’une fée Clochette, et le visage impassible des archanges de la Renaissance pendant le miracle spatial de la frappe ».

      This time I think I would just make it explicit. You’re definitely my idol!

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