Le mâle français

By  | 20 mai 2012 | Filed under: Légendes

On m’a dit que 15love man­quait d’ar­ticles. On m’a dit que la bande pas­sante ne pas­sait pas par moi. On m’a dit que j’étais une levure. On m’a soupçonné d’être Hun.
Vous l’aurez voulu. Un ar­ticle ex­press sur un sujet ex­press, sur mon pre­mi­er amour, mon seul doudou ten­nistique, j’ai nommé : Yaniiiiiick.

Un post­er Pif. Ten­nis magazine. Punaises et Patafix. « Allez Noah ! » au-dessus du lit. Bouffées déliran­tes, et ex­am­en ob­ses­sion­nel du tab­leau de Roland.
Et puis, ben, la chute. La décep­tion, la galère. Battu, Yan.

Bah oui, parce que, gran­de in­tui­tion ou date de nais­sance mal gérée, j’ai com­mencé à suiv­re le ten­nis en 1984. Bien vu pour un « fan » de Noah, non ? C’est un peu comme suiv­re Chang à par­tir de 1990. Ou Gaudio à par­tir de 2005. Ou Er­nests Gul­bis.

Com­ment se fait-il que per­son­ne n’ait mis la fin­ale de Roland 1983 sur Youtube ?!
Même sur l’INA, où elle est dis­ponib­le en téléchar­ge­ment, j’ai pas réussi à la voir : j’ai payé et puis rien. Mac ou mal­édic­tion ? Toujours est-il que cette fin­ale, en­core aujourd’hui je ne l’ai pas vue. C’est ma madeleine sous verre, mon bon­bon magique, ma récom­pense fan­tasmatique. Peut-être que je mour­rai sans jamais voir ce match, au sor­tir duquel Wiland­er a déclaré : « Il était trop fort pour moi aujourd’hui ».
Waaaa…

C’est vrai que, quand on re­gar­de le par­cours de Noah cette année-là, ça calme. Pas d’alig­ne­ment stel­laire (ok, sauf pour Chris­tophe Roger-Vasselin, battu en de­m­ies 6/3 6/0 6/0 -!- après avoir sorti Con­nors 6/4 6/4 7/6 en quarts… Faud­rait voir les matchs pour com­par­er le niveau, et le fouet­tage / mouil­lotage qui va avec).
Pour le reste, jugez plutôt : un pre­mi­er tour con­tre An­d­ers Jar­ryd (6/1 6/0 6/2… Putain, mais com­ment il fait pour gagn­er tous ces sets 6/0 avec son jeu ?!). Puis, Vic­tor Pecci (6/4 6/3 6/3, qui se ven­gera bien au Para­guay deux ans plus tard), Pat Dupre (7/5 7/6 6/2, con­nais pas celui-là), John Al­exand­er (6/2 7/6 6/1), et Lendl en quarts (7/6 6/2 5/7 6/0).
En fin­ale, ce sera Wiland­er, tenant du titre et in­vain­cu Porte d’Auteuil (comme Nadal plus tard, Wiland­er a gagné le tour­noi –qui plus est son pre­mi­er trophée !- lors de sa première par­ticipa­tion). Le match est con­clu en trois sets (6/2 7/5 7/6).

Avec son ten­nis d’at­taquant, Noah n’aura perdu que 66 jeux, et un seul set de toute la quin­zaine : 7/5 con­tre Lendl, 3e mon­di­al, vain­queur im­minent de l’épreuve (enfin, c’est ce qu’on m’a dit). Set qu’en plus, Noah n’aurait jamais dû laiss­er filer (il menait 5/2 avec deux bal­les de match, avant de se faire rattrap­er par la pre­ss­ion ; il en mettra une roue au Cheick au 4e his­toire d’ef­fac­er l’affront).
(Pour info, les re­cords du plus petit nombre de jeux per­dus par un vain­queur du Grand chelem hors ab­an­don ou for­fait : Australie : 67 -Lendl / Roland-Garros : 32 -Borg- / Wimbledon : 63 -McEnroe- / US Open : 59 -Lendl en­core, désolé Antoine-).

Noah, 6e mon­di­al, 23 ans, ar­rivait à Paris lancé (vic­toires quel­ques semaines plus tôt à Ham­bourg et Mad­rid, fin­ale à Li­sbon­ne con­tre Wiland­er). Mais, de là à baff­er tout le monde comme ça… Allez, ça vaut bien un film d’Adolphe Drey.

Petit témoig­nage d’Hagelau­er, son entraîneur d’alors : « Tout a com­mencé après une défaite de Yan­nick au pre­mi­er tour à Monte-Carlo. Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas con­tinu­er comme ça à faire le con. Ce qui était fan­tastique avec lui, c’est qu’il se don­nait à 200% s’il sen­tait qu’on croyait en lui. A un mo­ment donné, mon problème a même été de le brid­er. Durant le tour­noi, on s’est isolé. En fin­ale, l’at­tente était énorme. Dans la nuit précédente, Yan­nick avait rêvé qu’il était battu. Quand il est rentré sur le Centr­al, il s’est dit qu’on lui of­frait une secon­de chan­ce. »

Pour co­uronn­er l’af­faire, ce Roland-Garros sera le de­rni­er Grand chelem re­mporté avec une raquet­te en bois, et Noah est le seul joueur à avoir battu à la fois Lendl et Wiland­er Porte d’Auteuil, ce qu’il a en l’oc­curr­ence fait dans le même tour­noi.
Pas mal tout ça, non ?

Bref, ce cru 1983, valait mieux en pro­fit­er.
D’ail­leurs, Yan­nick le dit lui-même : il con­tinue de vivre de­ssus.
Bon, parce qu’après, Noah m’a en­seigné que les bases du ten­nis étaient : « Je suis un sport de per­dants. » C’est pas Juli­en Be­nneteau qui me con­tredira. Vous non plus : à part Ulys­se, il y en a be­aucoup ici qui ont déjà gagné des tour­nois ? Ah, vous voyez ! Vive les in­terclubs fin­ale­ment…

Noah a (de très loin) le plus beau pal­marès français de l’ère Open : 23 tit­res en sim­ple (dont Roland-Garros, mais aussi Ham­bourg, Rome et Forest Hills), une 3e place mon­diale (en 1986), 270 semaines passées dans le Top 10, un re­cord en carrière de 476 vic­toires / 210 défaites. Et en doub­le, 16 tit­res (dont Roland-Garros 1984, mais aussi des fin­ales à l’US Open 1985 et Roland-Garros 1987), une première place mon­diale -en 1986 également-, et un re­cord en carrière de 213-109.
Pas dégueu.

Mais voilà, pour moi, comme pour la majorité des faux con­nais­seurs français des années 1980, le ten­nis, à l’époque, c’était Roland.
Pas d’In­ternet. A quel­ques ex­cep­tions près, pas de re­transmiss­ion télévisée des aut­res tour­nois dont on en­ten­dait, si on était chan­ceux, vague­ment le résul­tat à la radio (et seule­ment si on re­stait collé une heure au poste –pas de Fran­ce Info, pas de pod­cast !-). Juste Ten­nis mag, avec lequel on pouvait suiv­re les résul­tats mois à mois… Et, une fois par an, le hors-série plein de photos, qui per­met­tait de re­viv­re toute la saison, de se re­faire le film dans la tête, de vib­rionn­er à défaut de vibr­er. Ça man­quait un peu de tens­ion dramatique, quoi.

Mais… RO-LAND. Alors là, oui : re­transmiss­ions toute la journée, in­ter­views en veux-tu en voilà, le journ­al des co­urts après le film du soir. De quoi faire. Plus la pos­sibilité d’aller sur place (j’étais li­cen­cié en ce temps-là, c’était plus sim­ple d’avoir des places, à défaut de pouvoir les payer, le monde est mal fait : c’est ce que je me dis à chaque fois que je cro­ise un re­traité en Porsche). Sans oub­li­er Jean-Paul Crot­te et Hervé Ducul, comme les ap­pelait avec fin­es­se mon oncle.

Ro-land ! Ro-land ! Ro-ro ! Riton ! Yan­nick ! Roland, dont la fin­ale tom­bait en plus à chaque fois pour mon an­niver­saire, avec ton­ton et ses com­men­taires. Ah, que la vie était belle et sim­ple alors, un peu conne aussi faut bien l’ad­mettre.
Après la journée de ten­nis (merci pour les révis­ions), vu qu’il faisait en­core jour, je fonçais au mur en bas de chez moi re­faire les matchs point par point jusqu’à la nuit, en end­os­sant tous les rôles, ar­bitre et pub­lic com­pris… Un mur et des ter­rains de ten­nis aujourd’hui détruits pour con­struire une maison des jeunes, snif. Quand je re­pas­se par-là ça me pince le cœur à chaque fois…

1984.
Bon, c’est parti pour la souffran­ce… Cette année, ce sera la pubal­gie. Mais, pas à Roland. A Roland, ça va. A part la fameuse « pre­ss­ion du titre à défendre » : Noah se hisse jusqu’en quarts, ou il perd de just­es­se con­tre sa vic­time de l’année précédente. Wiland­er l’em­porte 7/6 2/6 3/6 6/3 6/3. Noah ne le sait pas, mais il ne gag­nera jamais plus con­tre le Suédois Porte d’Auteuil… Et plus qu’une fois sur terre, à Monte Carlo en 1986 (pour un tête-à-tête final pas si déshonorant de 7/5 en faveur du blond).
Il sauve son tour­noi par le doub­le, et s’im­pose aux côtés de Lecon­te, 6/2 au 5e con­tre la rian­te paire Slozil / Smid.

1985.
Un cru in­termédiaire, mais riche en gros­ses batail­les. Au pre­mi­er tour, Noah, tête de série n°9, qui sort d’une vic­toire à Rome (suc­ces­sive­ment con­tre Jar­ryd, Clerc, Be­ck­er, et enfin Mecir) fait le show, avec un côté démonstratif qui mélange ar­rogan­ce, an­imosité et ner­vosité, mais il tient bon, et l’em­porte en 3h21 con­tre Libor Pimek, 27e mon­di­al (ben oui, seule­ment 16 têtes de séries à l’époque, ça chan­ge pour l’entrée en matière…)
En seizièmes, nouvel­le gros­se lutte : Noah l’em­porte con­tre José-Luis Clerc, dans un match au co­uteau : 8/6 au 5e.
Au tour suivant, c’est en­core un semi-marathon qui l’at­tend. Con­tre son ami, rival, co-tenant-du-titre-en-double, celui qu’il ser­rait dans ses bras comme un petit frère l’année d’avant. Psyc­hodrame sur le court : Noah le comédien sort de sa boîte, et nous re­fait la tragédie grec­que. Lecon­te joue mieux que son men­tor. Il em­poc­he les deux premières man­ches, mais Yan­nick se bat, et lui met la pre­ss­ion. Lecon­te cog­ite (un peu, c’est Lecon­te, faut pas déconn­er), et se fait re­mont­er à deux man­ches par­tout. Alors, dans le cin­quiè­me, il ex­périmen­te sa fameuse tac­tique : tout oub­li­er, tout lâcher. Et c’est un cavali­er seul.
Riton met fin au com­plexe du be­njamin, en pratiquant un ten­nis mag­nifique­ment of­fen­sif (de nos jours, Waw­rinka, Tip­sarevic et Ver­dasco feraient bien de se re­gard­er le match en bouc­le). Ce sera sa seule vic­toire (en 5 con­fron­ta­tions), mais ce sera celle qui com­pte, pour leur seule re­ncontre en Grand chelem. Noah aura du mal à aval­er la pilule, une bonne par­tie du pub­lic aussi (la fin­ale de 1988 sera une bonne façon de le faire savoir), et les re­la­tions entre tout ce beau monde ne se réchauf­feront com­plète­ment qu’en 1991.

1986.
L’année 1986 putain, l’année où on y croyait tous, l’année où il connaîtra le podium en sim­ple comme en doub­le, et fin­ira 4e mon­di­al.
Putain de val­ise, putain d’aé­roport : juste avant Roland, et alors qu’il sor­tait d’un fan­tastique prin­temps ocre (fin­ale à Monte Carlo, vic­toire à Forest Hills en bat­tant Lendl et Vilas en deux sets, défaite in ex­tremis 7/6 au 3e con­tre Lendl en de­m­ies de Rome –avec en bonus une al­ter­ca­tion au filet suite à un nouveau mis­sile sol-tronche du Tchèque-), Noah se prend une malle sur le pied en récupérant ses bagages, se fait trait­er comme une buse au laser. Résul­tat : laser trop puis­sant, peau brûlée, bles­sure pour­rie au ten­don… La douleur est trop forte… Yan­nick se traîne sur le Centr­al comme un chev­al four­bu. On souffre, on y croit, mais c’est im­pos­sible, on le sait. Le tour­noi est trop long, la marche trop haute. Les anges ne re­viendront plus. Yan ne re­gag­nera pas la Coupe des Mous­quetaires.
Il joue trois matchs comme il peut, et déclare for­fait en huitièmes. Lendl sur­volera le tour­noi en ne per­dant qu’un set au tie-break (con­tre Gomez en quarts), atomisant le petit Per­nfors au short trop large dans une fin­ale com­plète­ment oub­li­able.
« Le seul re­gret que je peux avoir, c’est l’année 1986 où je suis au-dessus de tout le monde. Cette année-là, je dois gagn­er Roland… Sans cette maudite bles­sure, sans cette maudite val­ise qui me tombe sur le pied… Je de­vais re­ncontr­er Lendl en quarts, je le bouf­fais. » Un peu préten­tieux, cer­tes, mais bon, si l’intéressé le dit…

1987.
Cette année-là, Noah réalise un beau début de par­cours, avec une vic­toire con­tre Kent Carlsson, spécialis­te de la terre bat­tue, en huitièmes (7/6 6/3 6/7 7/5). Vous vous souvenez de ce joueur à la ges­tuel­le si bi­zar­roïde ?
Et puis ar­rivent les quarts… Et avec eux, Wiland­er. Ce maudit Wiland­er, qui lamine Noah en trois sets secs (6/4 6/3 6/2). Je m’en souviens bien de cette défaite, j’y croyais… Et paf : une auto­route. Une auto­loose. Wiland­er, le Nadal de Noah, qui le troue, le lamine, tran­quil­le­ment, sereine­ment. Sans aucune lueur d’es­poir, aucune pos­sibilité d’an­gois­se.
Wiland­er, le Judas de la terre… La co­pine de mon pote de l’époque était fan de Wiland­er (et de Balavoine d’ail­leurs, t’imagine ?)… Trop pour moi. Im­pos­sible de la fan­tasm­er : en fer­mant les yeux, je voyais im­médiate­ment l’autre bouclé, pas foutu de per­dre, pas foutu de rater un pass­ing. Qui brisait mes rêves, et les décalait d’une année.

1988.
C’est re­par­ti pour la zone.
Em­ilio Sanchez… Il avait pour­tant mené deux sets à un, Yan’. Em­ilio, vous savez, celui qui a spolié sa sœur avec ses parents ? En ben, paf, il spolie le Coq en huitièmes (4/6 6/3 6/7 6/2 6/2). Bon dieu, les Sanchez… L’année d’après à Roland, c’est la sœur qui… Enfin vous vous souvenez. Enfin non, vous avez oublié. Con­tinuez.

En fait Noah, c’est une trajec­toire Chris­tique.
Noah c’est les cris, les lar­mes, la douleur. La montée tout en haut du rêve, puis la croix.
Le sup­plice, dès qu’il a plus de trois bal­les de suite à frapp­er en fond de court.
Le re­v­ers, défi perpétuel lancé à toutes les académies de ten­nis.
Le re­tour de ser­vice dans le carré ad­verse, et sa co­ur­se éper­due, pathétique, il­lusoire, au filet.
Au filet, ou plutôt dans sa nasse. Comme un piège, une of­fran­de, une crucifix­ion… Un sac­rifice. Parce qu’il faut bien en finir de ce point.
On te trans­per­ce à droite ? Tends l’autre co­uloir.

Noah qui saig­ne, se tord, meurt sur le court. Ex­hibe ses cicat­rices dans l’arène.
Noah, et les bles­sures… De Roland 1980 (ab­an­don con­tre Con­nors en huitièmes) au barbecue-sauteur de 1989 (il ar­rose son bar­becue d’ess­ence et prend feu !), en pas­sant, au hasard, par Bercy en 87, on peut dire que la carrière de Noah aura été vécue dans l’at­tente (jamais déçue) du pro­chain bobo.
Et quand Yanam­al, c’est la Fran­ce qui souffre. C’est duuuuuuuuuur.
Il s’est blessé, tu crois là ?

Heureuse­ment, pour oub­li­er toutes ces lut­tes, de temps à autre : un smash. Aaaaaaaah…. Le smash. LE mo­ment où plus rien ne peut se pass­er, ou le filet ne va pas arrêter nos es­poirs, les lig­nes re­st­er bien à leur place… LE coup de Yan­nick.
Pas éton­nant qu’il ait un fils bas­ketteur

1989.
Là, on va carrément véroler toute l’année. Franche­ment, une année où Brad Gil­bert finit 6e mon­di­al, vous croyez que ça peut ex­ist­er vous ?
Entre deux défon­ces, deux teufs, deux meufs, Noah a oublié de s’entraîner. Le brésili­en Luiz Mat­tar, qui lui avait déjà donné du fil à re­tordre l’année précédente au deuxième tour, le bat cette fois carrément dès son arrivée Porte d’Auteuil (7/6 6/4 6/7 6/4). Luiz Mat­tar, qui n’a jamais passé plus d’un tour en Grand chelem de toute sa carrière…
De toutes façons, vous êtes tous d’ac­cord avec moi pour dire que cette édi­tion 1989 n’a jamais eu lieu, alors ça va.

1990.
90. Et c’est déjà bientôt la fin… Heureuse­ment, cette année-là, c’est Gomez. Moi, Gomez, j’ai aimé. A 30 ans, l’Equatori­en qui vient enfin concrétiser son rêve en ar­rachant la Coupe de la per­ruque d’Agas­si. Un gauch­er au re­v­ers à une main, un at­taquant de fond de court qui sait aussi faire service-volée. Comme quoi, faut pas désespérer : il y en a eu des at­taquants qui ont gagné Roland, Noah et lui en­cad­rant précisément les défaites de Mac et Ed­berg… C’était beau, quoi (et at­ten­tion, il a battu coup sur coup Must­er en trois sets et Agas­si en quat­re, c’est pas un Grand chelem au rabais).

Gomez a pour moi toujours été lié à Noah (même année de nais­sance, dates de carrières quasi-identiques, « one-shot » à Paris, une place de numéro 1 en doub­le dis­put­ée en 1986, jeu d’at­taque…). Seul bémol : il a grillé la polites­se à mon Yan 7 fois sur 8… Per­son­ne n’est par­fait.

Noah pour moi, c’est aussi Man­sour Bah­rami (un ar­ticle en puis­sance celui-là, à tout le moins le chapit­re d’un ar­ticle sur les clowns des co­urts). L’autre Show­man. Mais le total, le full size. Celui pour qui faire un point spec­taculaire est toujours plus im­por­tant que de le gagn­er. Celui à qui Yan a « volé » son coup entre les jam­bes, s’en attribuant la pater­nité (en fait, Bah­rami le faisait avant lui, mais d’aut­res l’avaient cer­taine­ment déjà fait avant, on a pas vrai­ment réglé le truc, c’est un des grands mystère de l’humanité). Allez, un petit hom­mage au bon­homme pour ceux qui ne con­nais­sent pas.

Bon là, vous l’aurez re­mar­qué, j’en­dors l’af­faire. Je parle de Gomez et Bah­rami, his­toire de faire oub­li­er le par­cours de Yan’ : une vic­toire au fin­ish (et au bout de la nuit, jonglage avec le JT et tout le bastrin­gue, toute la Fran­ce derrière son poste et son champ­ion) con­tre Fran­cisco Clavet 7/5 au 5e pour per­dre au 3e tour con­tre Guil­lermo Perez-Roldan… On passe à autre chose.

Et autre chose, c’est la re­traite spor­tive mes braves gens. Va fal­loir pens­er à rang­er les raquet­tes…

Com­ment ça les aut­res Grands chelems ?
Ah oui, merde.

Yan a eu heureuse­ment le bon goût de brill­er avant tout à Roland. D’être d’abord un joueur de terre bat­tue (12 tour­nois re­mportés sur 23 tout de même).
La « faute » à un ser­vice souvent kické, au temps laissé par la terre à celui qui veut la man­g­er, à une puis­sance uni­que­ment centrée sur le ser­vice… Noah, un at­taquant de terre bat­tue.
Mais pas le seul : outre Gomez, on a aussi Panat­ta (une vic­toire en 1976) et Gerulaitis (une fin­ale en 1980), sans oub­li­er Mac et Ed­berg… Je vous le dis moi : la terre bat­tue c’est aussi pour les at­taquants. Il faut me croire. Ça fin­ira bien par payer.

Sinon donc, oui, ef­fective­ment, il y a d’aut­res tour­nois, qui for­ment une sorte de quatuor, que d’aucuns bap­tisent pom­peuse­ment Panthéon du ten­nis ou quel­que chose dans le genre, et dont la réunion la même année con­stituerait une sorte de Graal…
Mais enfin, réveillez-vous ! Vous croyez qu’ils en avaient quel­que chose à fout­re du Grand chelem calen­daire à l’époque ? Que dalle oui. Chacun zap­pait ce qu’il avait à zapp­er pour gagn­er ce qu’il avait à gagn­er, là où il avait le temps / l’envie d’aller. Et basta.

Parce qu’en plus, il paraîtrait qu’entre ces soit-disant quat­re mer­veil­les du monde, le plus pre­stigieux serait un tour­noi qui se dis­puterait dans un jar­din. Non mais, vous voyez le truc ?!

Portnawak. Parce que désolé, mais l’herbe, Yan’ il la conçoit pas de la même façon t’vois ? Jouer de­ssus… Pffff merci bien. En fait tiens, on va même pas en parl­er de ce repère de vieux royalis­tes. Et on va con­sidér­er que si le mâle français n’y a rien fait de mieux qu’un 3e tour (en 1979), c’est parce qu’il le voulait bien.
Comme quoi, même avant 2003, suf­fit pas d’être bon au filet pour être bon sur gazon… Je vous l’ai dit : la terre aux at­taquant !

Même chose pour le Mast­ers, une sorte de con­cours de boules de fin d’années (jamais sorti des poules).

Par con­tre, l’Open d’Australie, c’est différent.
Là, je me souviens tout de suite de 1990, et de la seule demi-finale en Grand chelem du Yan’ (1983 mis à part). Le match, je l’ai vu, la nuit, sur la Cinq de Be­rlus­coni, en­trecoupé d’in­nombr­ables écrans de pub (« La ciiiiiiinq ! », vous vous souvenez ?). Un beau par­cours, et puis… Lendl, évidem­ment, l’homme-à-la-casquette-qui-tue-sur-la-voie-de-son-dernier-Grand-chelem.
Lendl, l’autre judas. Là aussi pour un « head-to-head » pas ridicule de 11/7 en faveur du Tchèque.
D’ail­leurs, je serais moins par­ti­al, j’en aurais d’aut­res des Judas : au hasard, Mac (4/0) Vilas (9/2) Borg (4/1), Ed­berg (6/0)… J’arrête, je suis déjà en train d’écrire un ar­ticle pour 15lt, il y a des li­mites au masoc­hisme.

Et enfin, l’US Open : at­ten­tion, on a ten­dance à l’oub­li­er, mais Noah y a fait de beaux par­cours, et avec régularité, s’il vous plaît : trois quarts (1983, battu de just­es­se par Arias 7/5 au 5e ; 1985, laminé par Fuc­kin’Lendl ; 1989, balayé par Bourin’Beck­er et, juste avant, quat­re huitièmes à la suite de 1979 à 1982).

Par ail­leurs, si je veux être un peu ob­jec­tif, Roland, Noah l’a aussi joué avant 1983…
Et si la vic­toire de 1983 n’était cer­tes pas haute­ment prévisib­le, elle ne vient pas pour autant de nulle part : Noah a préparé son Gol­gotha.
En 1980, son ab­an­don en huitièmes con­tre Con­nors : ul­time répéti­tion des pénit­ences à venir.
Ses deux quarts suc­ces­sifs, en 1981 et 1982 (défaites con­tre Pecci et Vilas) : des répéti­tions discrètes, pour en­tretenir les at­tentes sans trop les en­flamm­er.
Ça s’improv­ise pas un « one-shot », faut pas croire.

Mais bon, ces matchs-là je les ai pas vécus, alors c’est pas pareil.

Au total, Noah en Grand chelem, c’est huit quarts, une demie et un titre. La pre­uve que seule la vic­toire com­pte vrai­ment : qui à part moi se soucie qu’il n’ait pas fait d’autre gros­se perf’, du mo­ment qu’il a son sucre d’ocre en poche ? Pioline a fait deux fin­ales et deux de­m­ies, Gros­jean quat­re de­m­ies, Riton une fin­ale et trois de­m­ies, Tson­ga une fin­ale et deux de­m­ies… Pat­rick Pro­isy une demie et une fin­ale (eh oui, Roland 1972) !
So what ?

Juste après sa (faus­se) re­traite en 1991 (faus­se, car son de­rni­er match en sim­ple sera en fait en 1996 à Mar­seil­le con­tre For­get, et en doub­le avec Lecon­te à Roland cette même année), Yan se lance dans « l’aven­ture Coupe Davis ». Yan’ le sauveur. Sampras défait, Riton le re­venant, Saga Af­rica tout ça, je la fais co­ur­te, on la connaît.
Pareil pour 1996, et la vic­toire a l’arrrrrrac­he de Boetsch con­tre Kulti (10/8 au 5e, en sauvant trois bal­les de titre suc­ces­sives sur son ser­vice…)
Deux Saladi­ers dans la be­sace comme entraîneur, le re­tour de la Fran­ce qui gagne, ça se prend.

Meil­leur bilan-Davis donc comme capitaine que comme joueur (même s’il y af­fiche un honor­able ratio victoires-défaites de 26/15 en sim­ple et de 13/7 en doub­le)…
Deux souvenirs émer­gent tout de même :
La fin­ale per­due en 1982 con­tre les USA sur la terre in­door de Grenob­le, et le ter­rible com­bat entre Yan et le Mac (10/12 6/1 6/3 2/6 3/6)… Et puis, le pre­mi­er tour con­tre le Para­guay en 1985, perdu 3/2 sur un par­quet en bois ultra-rapide, dans une am­bian­ce de guérilla re­vanchar­de (la Fran­ce avait éliminé le Para­guay au pre­mi­er tour en 1983), le tout en présence du général-tyran Al­fredo Stroessn­er : rien qu’à voir sa tronche, on com­prend pour­quoi ils ont perdu.

Il est désor­mais temps de l’avou­er. Oui, c’est bien mal­heureux, mais c’est la vérité : la Coupe Davis 1991, c’était le pre­mi­er titre que je voyais Noah gagn­er…
C’est pas être fan, ça ?
A côté, avec le grand Suis­se, c’est Noël tous les jours…

Bon, et puis, après ?
Ben, après, c’est la musique, mais là, c’est une autre his­toire et elle sera sans moi.
Même obligé d’écout­er (j’étais aux Vieil­les Char­rues quand il y est passé) j’ai préféré saut­er mon tour.
La magie était passée… Enfin non, c’est juste que c’est mauvais. Folklore afro ou folklore bio, ça reste du folklore. Main­tenant je suis habitué, mais quand j’ai vu débar­qu­er Saga Af­rica, j’ai eu comme un gasp : Yan­nick a été repéré par Arthur Ashe en 1971 à Yaoundé (né à Sedan en 1960, il est parti vivre au Cameroun trois ans plus tard), Ashe qui était une icône pour lui : pre­mi­er joueur noir à re­mport­er un tour­noi du Grand chelem, pre­mi­er afro-américain à défendre les co­uleurs des USA en Coupe Davis… Ils ont joué en doub­le en­semble, Yan a même suivi ses traces jusqu’à Johan­nesbourg (il y a joué le tour­noi en 1978, en plein Apartheid, tan­dis qu’Ashe y avait été fin­alis­te en 1973 et 1974 con­tre Con­nors)… Et pouf, Saga Af­rica. Pas révol­tant non non, aucune ob­liga­tion morale là-dedans. On peut même trouv­er ça mar­rant, j’imagine, mais com­ment dire… C’était la fin d’un mythe, quoi. Le début du bof.
Et puis le fisc, les pro­pos sur le dopage ou l’évolu­tion de l’équipe de Coupe Davis… Il fal­lait me re­ndre à l’évid­ence : je n’avais plus de doudou. Pire : je n’en voyais plus l’intérêt.

C’est moche de vieil­lir en fait. Vieil­lir, c’est aimer de moins en moins de choses en croyant les aimer plus fort. Mais, la vérité, c’est pas qu’on les aime davan­tage, c’est qu’elles pre­nnent plus de place dans notre casi­er « j’aime ». Et si elles pre­nnent plus de places dans le casi­er, c’est pas qu’elles sont plus gros­ses, c’est juste qu’il est plus petit…

Plus tard, re­voyant des extra­its, j’ai eu du mal à me com­prendre : com­ment j’avais pu sup­port­er un tel jeu, une telle purge du fond, un re­v­ers aussi in­ef­ficace, un coup droit à la ges­tuel­le si néo-Samprassienne (Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Un problème ?) et à la puis­sance si Nathalie-Tauzienne…
Oui, mais quand même, il y avait la volée… L’en­gage­ment… Le spec­tacle… Les dents du bon­heur… Et cette voix si douce, qui don­nait tel­le­ment envie d’être son pote… Yan, c’était pas que du ten­nis, c’était autre chose… C’était ma Bar­bara Gould… C’était… C’était…
Ma jeunes­se.

Et re­voir des extra­its pour cet ar­ticle, en cherchant tant bien que mal à retro­uv­er la vib­ra­tion de l’époque, me pro­uve, si be­soin était, qu’elle est à jamais per­due.

Voilà. En­core mort pour le taf.
Mon problème tu vois Guil­laume, c’est que, quand je me mets à un ar­ticle, il faut que je le fin­is­se pour pouvoir pass­er à autre chose… Mon côté Duong.

Enfin, j’en dis pas plus, je vais pas déflor­er le pro­chain. Enfin, j’ai rien dit, sinon, je vais me mettre à l’écrire tout de suite. Enfin, vous me com­prenez. Si si, dites-moi que vous me com­prenez.

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259 Responses to Le mâle français

  1. fieldog, vainqueur 2010 de l'odyssée (la seule, l'unique!) 23 mai 2012 at 12:34

    J’ai failli oublier : félicitations Antoine ! Meilleurs vœux de bonheur.

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