Flash-back, printemps 1977. Je n’en avais pas conscience mais, en cette époque d’avant les confrontations Borg / McEnroe, d’avant la déferlante Noah, le tennis avait une connotation bourgeoise, très Porte d’Auteuil.
Malgré tout il était facile, pour une somme raisonnable, d’aller s’installer avec sandwichs et bouteille d’eau dans les gradins du Central – pas encore Philippe Chatrier – de Roland-Garros.
Un après midi de 1977 donc, ça y est. J’y suis. Mon dabe a amené son fiston avec lui. Je ne comprends rien : pourquoi compte-on de 15 en 15 puis en « +10 » ? Et les couloirs ça sert à quoi ? Mais ça vient vite. Tout en bas oui, les places ne sont pas fameuses, mais Ilie Nastase et Jan Kodes s’affrontent. On ne présente pas le Roumain alors star du jeu, chouchou du public et de ces dames. Face a lui un homme de derrière le Rideau. Un Tchèque accrocheur, au tennis aussi rugueux que sa moustache. L’attaque flamboyante face au labour défensif. Je choisis vite mon camp. Jeu, set et match Nastase. Sous les vivas, mon préféré gagne. C’est cuit. J’ai définitivement et pour longtemps les yeux rivés vers la ligne blanche.
Mon monde, alors, se divise entre les attaquants Panatta, Nastase, Connors, et les défenseurs Vilas, Dibbs, Solomon. J’exècre ces derniers, les pousseurs, les traîne-savates de la ligne de fond. Honni soit qui lifte à outrance. Les passing-shots m’horripilent.
Je mettais même Borg dans ce panier de crocodiles, ne sachant pas voir la dimension physique et mentale qu’il amenait à ce sport. La télé publique – car il n’y avait qu’elle – diffusait Wimbledon, les commentaires de Daniel Cazal (on se souvient de ces trucs en fouillant sa mémoire) consistaient à traduire l’annonce des scores faite par l’arbitre de chaise. Et « IceBorg » (surnom vintage) écrasait tout sur son passage. Je rêvais de le voir détrôné. En 1979, en finale de Wimbledon, un certain Roscoe Tanner, au tennis Brut 33 de Fabergé – il en buvait sûrement à l’apéritif – y parvint presque. Ce lointain ancêtre de Karlovic misait tout sur son service : un geste étonnant, tout en vitesse de bras, avec un pied droit qui vient écraser le pied d’appui. Quelques semaines plus tard, il prendra sa revanche à l’US Open.
Connors était dépassé, puis surgit McEnroe sans s’annoncer. A chaque passing de Borg, j’ajoutais un poster de Mac dans ma chambre : elle en sera vite totalement recouverte. Pas très reposant pour le regard. J’économisais franc après franc, et me payais après être allé la reluquer tous les mercredis pendant plusieurs mois à la Fnac Sport, la Wilson Pro Staff – Jack Kramer, avec les deux losanges façon bois sur son manche blanc. Elle me servira aussi pour des imitations, toutes très réussies, devant la glace de mes guitaristes préférés.
Je vous fais grâce du McEnroe / Lendl en finale de Roland-Garros (tiens, encore un Tchèque qui m’a fait souffrir, celui-là), des premiers titres à Wimbledon de Boris Becker. Le grand Pete aussi, qui au service regardait le receveur d’un air de dire “Pour toi la balle jaune on touche qu’avec les yeux”. Et pêle-mêle Gene Mayer et Miloslav Mecir pour leurs styles atypiques.
Le jeu s’est lentement stéréotypé, mais les symphonies fédériennes m’ont ramené au filet. Désormais, l’attaque à outrance rime avec suicide. Les préférences se font à l’aune de la prise de risque, la gestuelle, et puis toujours des mêmes critères de personnes, donc très subjectifs et parfois erronés. Les confrontations de style sont plus rares mais restent toujours les meilleures. Donc un grand merci à Jan Kodès d’avoir été l’aimant à polarité inversée qui m’a fait aimer le tennis. Aussi par extension merci à Messieurs Simon, Andreev, Robredo (ajoutez qui vous voudrez), qui permettront sûrement à des gamins d’aimer le tennis.
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La défaite de Del potro ne m’étonne pas tant que ça. Il n’y a aucun doute sur sa capacité à s’affirmer comme leader dans les saisons à venir. Cependant, son style de jeu avec tant de risques, pourrait compromettre cette perspective. Del potro a un physique parfait pour son style de jeu, mais, mais la prise de risque est trop importante pour assurer une régularité sans faille. Si Nadal est capable de jouer avec une déchirure à l’estomac (avec un tennis à sécurité max through the lift), ce n’est pas le cas pour l’argentin. Le risque d’être shootmaker (si le mot est juste) c’est être exposé de façon permanente à la défaite. Federer l’a bien compris cette saison. D’où l’option défensive qui apparait désormais dans son jeu. Et on ne peut pas dire que cela ne l’a pas aidé depuis Madrid…