1988 : Echec et Mats

By  | 18 août 2011 | Filed under: Histoire

De­puis l’US Open 1985, un rideau de fer semble s’être ab­at­tu sur la planète ten­nis. Ivan Lendl est en effet le mait­re in­con­testé du ten­nis mon­di­al : en 1986 et 1987, il al­ig­ne deux doublés con­sécutifs Roland-Garros – US Open, as­sor­tis à chaque fois d’une vic­toire au Mast­ers et de la fin­ale à Wimbledon. Quand débute 1988, il est loin de se dout­er que sa domina­tion tyran­nique touc­he à sa fin. Le Suédois Mats Wiland­er a en effet décidé que le mo­ment était venu de faire un coup d’état…

Mais qui est ex­ac­te­ment cet as­pirant putschis­te ? Mats Wiland­er éclate au grand jour à 17 ans lors de sa vic­toire à Roland-Garros en 1982, tour­noi durant lequel il éli­mine suc­ces­sive­ment Lendl (n°2), Gerulaitis (n°5), Clerc (n°4) et Vilas (n°3) en fin­ale (1/6 7/6 6/0 6/4) ! La Suède n’a même pas eu le temps de pleur­er la re­traite de Borg qu’elle lui trouve déjà un digne suc­ces­seur en ce jeune homme aux cheveux frisés et au caractère bien trempé (au jour­nalis­te qui lui de­man­dait s’il était le nouveau Borg il répon­dit : « Je ne suis pas un Borg n°2, mais Wiland­er n°1 « ).

Con­fir­mant pleine­ment son éclos­ion précoce, Wiland­er re­mpor­te trois aut­res tit­res du Grand chelem en trois ans : deux Open d’Australie, en 1983 con­tre Ivan Lendl sur le score de 6/1 6/4 6/4 (avec, ex­cusez du peu, une vic­toire 4/6 6/4 6/3 6/4 sur McEn­roe en de­m­ies alors que le tour­noi se joue en­core sur gazon) et en 1984 con­tre le bom­bardi­er Kevin Curr­en (6/7 6/4 7/6 6/2), ainsi que Roland-Garros en 1985 con­tre Lendl (mal­m­ené par le Tchèque lors du pre­mi­er set de cette fin­ale, Wiland­er décida de chang­er com­plète­ment de tac­tique en mon­tant énormément au filet, faisant même plusieurs en­chaine­ments service-volée. Cette tac­tique débous­sola totale­ment Lendl qui fin­ira par per­dre 3/6 6/4 6/2 6/2).

En 1986 et 1987, Mats se re­ndit com­pte que son jeu ne lui per­met­tait plus de re­mport­er des Grands chelems. Il at­teint bien les fin­ales à l’Open d’Australie 1985 (en décembre) et de Roland-Garros et New York en 1987, mais perd à chaque fois sans donn­er l’impress­ion de pouvoir re­mport­er le titre. C’est que, basé sur un ex­cel­lent jeu de jam­bes, sur une gran­de pati­ence dans l’échan­ge (jusqu’à l’usure de l’ad­versaire) et sur son in­tel­lig­ence tac­tique, son jeu ne re­pose sur aucun grand coup (pas de grand ser­vice, pas de grand coup droit, volée cor­rec­te mais non ex­cep­tion­nelle). Très réguli­er dans les résul­tats, il semble cepen­dant ne plus faire le poids face à un Lendl robotique qui s’est enfin débar­rassé de son co­stume de « chick­en » pour end­oss­er celui du Ter­minator, mais égale­ment face aux jeunes loups aux dents lon­gues comme Be­ck­er, Ed­berg ou en­core Cash. De son pro­pre aveu, il se con­ten­te d’être un bon Top 3 durant ces années et ne travail­le pas assez pour s’amélior­er. Durant l’année 1987, Wiland­er décide pour­tant de s’entrain­er dure­ment pour se doter d’un ser­vice plus ef­ficace et d’un re­v­ers à une main slicé afin d’avoir plus de cor­des à son arc à l’en­tame de cette saison 1988.

Les résul­tats ne se font pas at­tendre, Wiland­er re­mpor­tant en jan­vi­er l’Australian Open pour la troisiè­me fois. Dans le nouveau stade de Flind­ers Park (le site de Kooyong avait été ab­an­donné car jugé trop vétuste), Mats al­ig­ne l’un après l’autre le doub­le tenant du titre Ed­berg en de­m­ies (6/0 6/7 6/3 3/6 6/1) puis le fin­alis­te 1987 et chouc­hou du pub­lic Pat Cash en cinq sets (6/3 6/7 3/6 6/1 8/6). Il con­fir­me ces bon­nes dis­posi­tions en re­mpor­tant en­suite le tour­noi de Key Bi­scayne, bat­tant en fin­ale Jimmy Con­nors (6/4 4/6 6/4 6/4).

Malgré ce bon début de saison, le grand favori à l’aube de Roland-Garros de­meure le doub­le tenant Ivan Lendl. Mats n’a en effet dis­puté que deux tour­nois de prépara­tion, Rome et Monte-Carlo, dis­parais­sant à chaque fois sans gloire au troisiè­me tour. Toutefois, malgré une chaude al­er­te en seizièmes face au gros ser­veur Zivojinovic – il est mené 2 sets à 1 – Wiland­er ar­rive assez tran­quil­le­ment en demi-finales de Roland-Garros, où il doit affront­er la nouvel­le co­queluc­he du pub­lic, un fan­tasque Américain du nom d’Andre Agas­si. Mais la gran­de sur­pr­ise est l’élimina­tion en quarts de fin­ale d’Ivan Lendl par un autre Suédois, Jonas Svensson, sur le score sans appel de 7/6 7/5 6/2 ! La voie est libre pour Mats, qui éli­mine d’abord Agas­si à l’expéri­ence en cinq sets dis­putés (4/6 6/2 7/5 5/7 6/0) avant d’écras­er Henri Lecon­te (7/5 6/2 6/1) lors d’une fin­ale dont on re­tiendra plus le dis­cours raté du fin­alis­te que l’in­tensité.

Avec les deux premières levées majeures en poche, cer­tains se pre­nnent même à en­visag­er un éven­tuel Grand chelem de la part du Suédois, mais Milos­lav Mecir ramène tout le monde sur terre en éli­minant Wiland­er en quarts de Wimbledon sur le score sans appel de 6/3 6/1 6/3. Tout com­pte fait, Mats avait raison : il n’est pas un Borg n°2, en tout cas pas sur gazon.

Lors de l’été américain, Wiland­er re­mpor­te Cin­cinnati face à Ed­berg (3/6 7/6 7/6) et ab­or­de l’US Open avec con­fian­ce. Aidé par un tab­leau in­croyab­le­ment favor­able (pas un Top 20 re­ncontré en chemin !), il ar­rive en fin­ale pour affront­er l’ogre en per­son­ne, le tri­ple tenant du titre Ivan Lendl, l’enjeu n’étant rien de moins que la place de numéro 1 mon­di­al ! Défait lors de leurs six de­rni­ers faces-à-faces, Wiland­er réalise ce jour-là un des meil­leurs matchs de sa carrière, al­liant con­stan­ce, pati­ence et ag­ressivité au filet lors d’une re­ncontre pleine d’in­tensité qui se con­cluera 6/4 4/6 6/3 5/7 6/4 après 4h54 minutes de jeu ! Mats venait enfin d’es­calad­er son Ever­est et d’at­teindre cette place de n°1 mon­di­al con­voit­ée de tous. Ses première paroles à ce pro­pos furent : « C’est une sen­sa­tion extra­or­dinaire et je sais que j’aurai un peu plus de pre­ss­ion. Mais être n°1 me don­nera aussi plus de con­fian­ce. Cela ne fera pas une gran­de différence pour moi. J’ai toujours été pro­che de cette place. »

Mal­heureuse­ment pour lui, s’il avait bien planifié l’as­cens­ion au som­met, il n’avait ap­parem­ment pas prévu la suite. L’iv­resse des som­mets est ex­trême­ment re­dout­able et a souvent déséquilibré ceux qui y étaient par­venus. Comme Icare, Wiland­er se sera brûlé les ailes et la suite de sa carrière ne sera dès lors qu’une chute con­tinue vers les tréfonds.

Bonus: vieil en­treti­en de Wiland­er (2002) durant lequel il ab­or­de aussi sa carrière et cette fameuse année 1988.

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243 Responses to 1988 : Echec et Mats

  1. Quentin 22 août 2011 at 09:07

    A la race:

    1-Djokovic: 11 295
    2-Nadal: 7 825
    3-Murray: 4 730
    4-Federer: 4 450

    A ce train là, le Fed va terminer l’année hors du podium…

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