1982 : vous avez dit « retraite » ?

By  | 13 juin 2011 | Filed under: Histoire

En ce début 1982, McEn­roe et Borg sont les sol­ides pat­rons du ten­nis mon­di­al, Lendl la pro­mes­se qui monte, tan­dis que Con­nors est relégué au rôle de vieux tocard has been. Rétrog­radé à la troisiè­me place mon­diale (une in­jure à ses yeux, la place de numb­er one étant la seule digne de lui), il n’a plus at­teint de fin­ale de Grand chelem de­puis sa vic­toire à Flush­ing Meadows face à Borg en 1978.

Cer­tes, il at­teint réguliè­re­ment les demi-finales en Grand chelem et con­tinue de donn­er du fil à re­tordre aux deux boss du cir­cuit (US Open 1980 face à McEn­roe où il lui colle 11 jeux d’affilée, mène 2 sets à 1 et 2-0 dans le quat­rième avant de per­dre in­croyab­le­ment le match ; Wimbledon 1981 où il re­file une bulle au pre­mi­er set à Borg, mène 2 sets 0 avant de fin­ale­ment per­dre 0-6 4-6 6-3 6-0 6-4) mais il est de l’avis de tous sur la pente de­scen­dante. N’a-t-il pas en­caissé 7 défaites de rang con­tre Borg de­puis 1978 alors qu’il l’avait jusque-là dominé ? Ne vient-il pas d’être éliminé en poules du Mast­ers 1981 (qui se jouait en jan­vi­er 1982) ? Le mariage en 1979 et la pater­nité ne l’auraient-ils pas ramol­li ?

Malgré tous ces sombres présages, un coup de ton­nerre inespéré lui re­don­ne es­poir : Borg est for­fait pour toutes les épre­uves de l’année !

En effet le Suédois, men­tale­ment ab­at­tu de sa défaite en fin­ale de l’US Open 1981, re­fuse d’abord de se plier au nouveau règle­ment qui im­pose aux joueurs de jouer au moins dix tour­nois Grands prix dans l’année, sous peine de de­voir pass­er par les qualifica­tions de chaque tour­noi aux­quels ils par­ticipent. Borg re­fuse d’en jouer plus de 7, et est contra­int de pass­er par les qualifica­tions à Monte-Carlo. Il échouera au troisiè­me tour face à Yan­nick Noah 6/1 6/2, para­is­sant com­plète­ment se désintéress­er du match. Il an­non­cera dans la foulée son for­fait à Roland-Garros et Wimbledon (où il aurait du pass­er par les qualifs) et quel­ques semaines plus tard à tous les tour­nois de la saison !

Quand débute ce Roland-Garros 1982, cette an­non­ce semble une aubaine in­croy­able pour Con­nors : débar­rassé de son bour­reau suédois, il a enfin de sérieuses chan­ces d’accroch­er Roland à son pal­marès, McEn­roe ayant déclaré for­fait (bles­sure à la chevil­le) et Lendl ne l’ayant en­core jamais battu en 8 re­ncontres. Las, il coule à pic en quarts face à José Higueras sur le score sans appel de 6/2 6/2 6/2. C’est bien la pre­uve qu’il n’est désor­mais plus que l’ombre du joueur dominateur qu’il a été dans les années 70, et qu’il est bien parti pour raccroch­er sa Wil­son au placard…

C’est pour­tant mal connaître ce monstre d’égocentris­me pro­fondé­ment blessé dans son or­gueil, qui rumine ven­gean­ce. Piqué au vif, il re­mpor­te le tour­noi du Queen’s sans per­dre le moindre set, bat­tant en fin­ale McEn­roe 7/5 6/3.

Pour­tant, per­son­ne ne mise un kopeck sur sa vic­toire à Wimbledon : Big Mac reste le favori in­con­testé. Cer­tes, il vient de per­dre face à Con­nors mais il re­ntre de bles­sure et n’avait pas be­aucoup de matches dans les jam­bes. N’est-il pas celui qui a mis terme au règne de Bjorn Borg ? N’est-il pas le n° 1 ? Quels peuvent être ses vrais chal­leng­ers sur gazon ? Con­nors ? Il a désor­mais 30 ans et tente de re­con­quérir ce titre de­puis si longtemps (1974) qu’il en semble pitoy­able. Gerulaitis ? Il est cer­tes flam­boyant mais ne l’a jamais vrai­ment inquiété sur aucune sur­face.

Big Mac at­teint sans dif­ficultés la fin­ale, ne per­dant qu’un set au pas­sage, et re­ncontrera comme prévu Con­nors qui a eu un par­cours tout aussi tran­quil­le. Bien qu’il ne semble pas par­ticuliè­re­ment serein, McEn­roe re­mpor­te le pre­mi­er set 6/3. Con­nors réussit à re­tourn­er la situa­tion en em­poc­hant le deuxième 6/3, et en ser­vant pour le troisiè­me à 5/4. Big Mac sort cepen­dant de sa tor­peur pour débreak­er et re­mport­er le set au tieb­reak. A 2 sets à 1 les jeux semblent faits, sur­tout quand Mac mène 4/3 dans le tieb­reak du quat­rième, se retro­uvant à 3 points du match.

Au bord du gouffre, le vieux lion re­fuse pour­tant de re­ndre les armes. Il veut re­con­quérir ce titre qui le fuit de­puis si longtemps. Ef­fac­er l’humilia­tion de 1975 quand il s’est fait sur­class­er tac­tique­ment par Ashe. Ef­fac­er la décep­tion de 1977 quand il per­dit 6/4 au cin­quiè­me set face à Borg. Ef­fac­er la cuisan­te déculottée de 1978 face à Borg, qui le plon­gea dans une telle rage qu’il jura de « suiv­re ce fils de p*te jusqu’en enfer pour lui faire la peau ». Ef­fac­er les défaites à répéti­tion en demi-finale face à Borg et McEn­roe. Ce titre il le veut, et ce n’est pas ce sale gosse en­core plus mal élevé que lui qui l’en empêchera. Il s’im­pose au tieb­reak du quat­rième. Il breake Mac au troisiè­me jeu du cin­quiè­me en l’ag­ressant sans relâche et en mon­tant de plus en plus au filet. Il sort les co­jones pour sauv­er plusieurs bal­les de débreak. Il lutte comme un fauve et se retro­uve à 5/4, 40-0 sur son ser­vice. Trois bal­les de matches. Trois bal­les pour re­prendre son sceptre. Sur la première le bras tremble, il com­met une doub­le faute.

Les doutes com­men­cent à re­sur­gir dans son esprit. Il se rap­pelle qu’en 1977 il était re­venu de 0/4 à 4/4, 15-0 sur son ser­vice face à un Borg débous­solé. La vic­toire lui semblait désor­mais pro­m­ise quand il com­mit une doub­le faute. Il ne mar­qua plus qu’un seul des huit de­rni­ers points du match (bien des années plus tard Borg con­fes­sa que sans cette doub­le faute qui le remit en selle il aurait cer­taine­ment perdu le match). L’his­toire va-t-elle se répéter ? Non ! Le bras cette fois-ci sol­ide, il sort un ser­vice gag­nant et peut fin­ale­ment bon­dir de joie. Il vient de foud­roy­er Mac, il est à nouveau le mait­re de Wimbledon.

L’appétit vient en man­geant et Con­nors ne désire pas s’arrêter en si bon chemin. Il tient aussi à re­prendre son royaume de New York et son sceptre de n°1. Il déferle comme un ouragan et at­teint sans bronch­er la fin­ale. Mais le de­rni­er écueil semble en­core plus in­sur­mont­able que Mac à Wimbledon. Un homme de fer se dres­se entre lui et le titre : Ivan Lendl, le vain­queur du de­rni­er Mast­ers et le dominateur de l’été. L’homme qui a réussi à pouss­er Borg au cin­quiè­me set à Roland-Garros 1981. L’homme qui vient de lui col­l­er deux breadsticks (1 et 1) à Cin­cinnati. L’homme qui vient juste de li­quid­er le tri­ple tenant du titre McEn­roe en demi-finale, le Tchèque faisant à cette oc­cas­ion une démonstra­tion de puis­sance au cours d’un match pen­dant lequel McEn­roe ne réussit jamais à conquérir le filet. Com­plète­ment im­puis­sant, l’Américain dut s’avou­er vain­cu de­vant un Lendl décidément plus fort et plus puis­sant que lui. Autant dire que Con­nors semble bien mal barré face à un ad­versaire plus rapide que lui, plus puis­sant du fond du court et sur­tout plus jeune de 8 ans.

Mais Jimbo aime l’at­mosphère chaotique de Flush­ing Meadows. Ici, c’est chez lui, et ce n’est pas un com­munis­te de l’Est qui viendra y di­ct­er sa loi ! Gonflé à bloc, il at­taque la fin­ale tam­bour bat­tant con­tre un Lendl tétanisé. De­vant son pub­lic, c’est un Con­nors déchaîné qui mène rapide­ment deux set à rien, puis qui sert à 3/2 dans le troisiè­me set. Tout semble joué quand Lendl se réveil­le enfin et ar­rache le troisiè­me set 6/4. Le quat­rième set est d’une rare in­ten­sité. Con­nors mène 2/0, mais se fait re­joindre. Il réussit im­médiate­ment un second break après une énorme débauc­he d’éner­gie et ne sera plus re­joint. Sur un de­rni­er pass­ing de Lendl dans le filet il peut enfin ex­ult­er. Il vient de re­prendre son royaume après trois ans « d’usur­pa­tion » . Il retro­uve à 30 ans le som­met du clas­se­ment et en­tend bien le con­serv­er en­core longtemps. Il prend une éclatan­te re­vanche sur tous ses détrac­teurs et montre qu’il faud­ra en­core com­pt­er sur lui . En bref: : the king is back !

En cet été 1982 per­son­ne n’imagine qu’il traumatisera en­core Lendl l’année suivan­te dans ces mêmes lieux pour son de­rni­er titre, ni qu’il sera en­core dans le de­rni­er carré pre­sque 10 ans plus tard à l’âge canonique de 39 ans. Mais ça, c’est une autre his­toire…

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189 Responses to 1982 : vous avez dit « retraite » ?

  1. Antoine 16 juin 2011 at 23:11

    Jo partant à la pêche avec Rafa, mais en prenant une raquette plutôt que son épuisette…on ne sait jamais…

    http://www.atpworldtour.com/News/Tennis/2011/06/Features/Tsonga-Cosmo.aspx

  2. Sylvie 17 juin 2011 at 11:29

    Le tableau est sorti. Federer dans la partie de Djokovic une fois de plus (4 fois de suite en GC). Premiers tours à suivre ! Stepanek/Verdasco, Cilic/Ljubicic, Karlovic/Tipsarevic et Isner/Mahut !

    • Oliv 17 juin 2011 at 11:59

      Oui, quatre fois de suite. La probabilité que l’événement : « Djokovic est dans la même partie de tableau que Federer quatre fois de suite » est de 1 sur 16, soit 6,25% de chance que ça arrive.

      Je vais paraphraser un célèbre auteur : « Complooooooooooooot ! ».

    • MarieJo 17 juin 2011 at 12:39

      nadal avait bien tiré djoko 3 années de suite à RG en demie…

      le vrai complot c’est isner mahut épisode II !

    • Coach Kevinovitch 17 juin 2011 at 13:37

      C’est la main ivisble qui a fait le boulot!

      RAFAEL NADAL GAGNERA WIMBLEDON 2011!

  3. Sylvie 17 juin 2011 at 11:30

    Soderling/Petzchner pas mal non plus

  4. Kaelin 17 juin 2011 at 11:57

    Nadal peut se taper Raonic au 3ème tour

  5. Kristian 17 juin 2011 at 12:17

    Et la probabilite qu’Isner Et Mahut se retrouve au premier elle etait de combien? Incroyable quand meme. J’espere que les organisateurs auront le bon gout de les mettre sur le Centre Court ou le numero 1. Et surtout qu’ il fasse commencer le match a 10h du mat, et ne prevoit rien d’autre sur ce court pour le reste de la journee.

  6. Clément 17 juin 2011 at 12:59

    Pas seulement 4 fois de suite Sylvie ; en fait il s’avère que depuis l’US’07 (non inclu) Djoko a toujours été dans la même partie de tableau que Fed à 2 exceptions près : RG’08 et 2010. Ce qui a fait une série de 6 demies finales potentielles entre ces deux levées du G.C… Même si l’un et l’autre n’ont pas à chaque fois été au rdv des demies.

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