C’est le printemps et il n’y a pas que les fleurs qui ont fleuri cette année. Une fois n’est pas coutume, le top/flop « live from clay » sera plus étoffé que d’ordinaire, la faute à un Serbe tout-terrain et à des challengers décomplexés. Au sommaire, trois rubriques : les Tops, les Bofs et les Flops. Le terme « moyen » conviendrait mieux aux joueurs choisis que « bof », mais au diable la sémantique, ici on fait comme les grands et on ne se pose pas de questions ! Allons-y !
Les Tops
Maria Sharapova :
Oui, oui, il y aura bien un point WTA dans ce récapitulatif ! La réapparition de Sharapova au somment fait au moins quelques heureux : les spectateurs masculins et Nike ! Outre le fait que « Masha » soit plus agréable en illustration de ce Tops/Flops qu’un énième Djokovic rugissant, la Russe a montré son meilleur visage à Rome et mérite donc de figurer dans les Tops. Son retour après une opération de l’épaule était hésitant et on doutait de revoir un jour sur le devant de la scène la belle et bruyante Russe. C’était sans compter une volonté et un mental que seule Serena Williams n’a pas à lui envier. Après un bon début d’année (demi-finale à Indian Wells, finale à Miami), elle met enfin la main sur un tournoi d’importance en remportant Rome. Et avec la manière : grandes frappes puissantes mais pas aveugles, férocité animale en retour, construction nette des points et des double-fautes laissées au vestiaire. Un recette simple ? Peut-être, mais pas si évidente à appliquer si on jette un œil sur le reste de la troupe WTA. Sharapova affichait déjà un bon niveau de jeu l’an passé Porte d’Auteuil et ne s’était inclinée qu’en trois sets contre Justine Hénin, obstacle qu’elle ne risque pas de retrouver. Elle fera tout pour accrocher le seul titre majeur manquant à son palmarès. Les voyants sont en tout cas au vert, Maria s’est placée dans une bonne dynamique : elle vient d’aligner la numéro un mondiale et la finaliste sortante de Roland-Garros, comme un certain…
… Novak Djokovic :
L’inénarrable Nole (pas facile, hein). Le grand gagnant de cette tournée pré-Roland-Garros, le grand gagnant tout court. Trois tournois sur terre, trois titres, deux scalps d’un Rafael Nadal à qui il ne doit plus rester beaucoup de cheveux et une formidable marge sur le commun des mortels. Honoré par l’Église orthodoxe en avril, le Serbe marche sur la terre. Un set laissé face à Ferrer à Madrid ainsi qu’un autre face à Bellucci, un tout petit set à Rome contre un grand Murray : Novak est simplement intouchable. Tout a été dit sur ses performances actuelles et sur les exploits qu’il réalise chaque semaine. Car battre Nadal deux fois sur terre sans perdre un set, et le tout en 7 jours, c’est un exploit. C’est même un record. Invaincu jusqu’à Miami, on entend dire qu’il redescendra vite de son nuage une fois arrivée la saison de terre battue. Le titre de Madrid en poche, on attend de voir ce dont il sera capable sur une « vraie » terre battue, sur un court qui n’est pas en altitude (à croire que la finale de Madrid s’est jouée à Lhassa)… Et maintenant ? Aussi à l’aise sur dur que sur terre, au-niveau de la mer ou dans les airs, Novak Djokovic impressionne. Pour l’instant, le physique ne faiblit pas. Rendez-vous au premier test en cinq sets à Paris ?
Andy Murray :
L’Écossais reprend des couleurs et ce n’est pas pour nous déplaire. Le fantôme vu aux États-Unis a cessé de hanter son hôte une fois que ses pieds ont touché terre. Sur une surface qui, même s’il n’y est pas à l’agonie, n’est pas sa préférée, il s’en est très bien sorti : demi-finale à Monte Carlo, quarts à Madrid et demies à Rome. Sa présence dans les Tops doit d’ailleurs pour beaucoup à son match à la fois dense et technique contre Djokovic à Rome. Il a même servi pour le match et c’est bien simple, personne n’a été aussi proche de sortir le Serbe cette saison. Il semble avoir retrouvé son « mordant » et il n’est pas impossible de le voir planter ses crocs de murène dans la jugulaire d’un top player un peu trop sûr de lui à Roland… Ses résultats similaires dans les trois tournois démontrent une acclimatation certaine à la terre battue, où on l’a vu défendre aussi bien que sur dur, c’est-à-dire à la perfection et mieux que quiconque. Si la tête y est, attention à lui.
Richard Gasquet :
Cocoricooo ! Un Français qui met tout le monde d’accord. Marre des clowneries de Monfils ? Du tennis soit-disant « no limit » de Tsonga ? Des victoires phasmiques et forcément jamais très reluisantes de Simon ? Prenez donc un peu de Gasquet ! A grand renforts de revers improbables et d’une volonté renforcée, Richard s’impose parmi les Tops de cette saison de terre. En reconstruction depuis quelques mois, il n’a eu de cesse de prendre des places au classement ATP et est cette semaine 14e mondial. Sa collaboration avec Piatti semble lui faire du bien. Il n’a de points à défendre ni à Roland-Garros ni à Wimbledon et risque fort de passer Top 10, pour peu qu’il reste sur cette dynamique. Son bilan de cette mini-saison ? Un huitième à Monte-Carlo (défaite contre Nadal) et une défaite au premier tour de Madrid contre Gimeno-Traver. Pourquoi alors le placer dans les Tops ? Pour son tournoi de Rome, tout simplement. Il y élimine consécutivement Montanes, Andreev, Federer et Berdych avant de buter sur Nadal, non sans lui avoir tenu tête dans la première manche (7/5 6/1). Un Top d’encouragement donc, pour un Gasquet qui « ne joue pas moins bien que lorsqu’il était 7e mondial » d’après son propre aveu. Et vu le bas du Top 10, il est tout à fait capable de voir Richie le réintégrer durablement.
Les Bofs
Rafael Nadal :
Une place qui va peut-être en irriter certains, mais prenez le soin d’en écouter l’argumentaire. Deux titres (Monte-Carlo, Barcelone) et deux finales (Madrid, Rome), voilà une moisson qui ravirait n’importe quel joueur. Mais certainement pas Rafael Nadal. Il vient en une semaine de se faire déposséder de deux de ses couronnes sans parvenir à riposter. Le chapardeur se nomme Djokovic, l’invaincu de la saison 2011. Le bilan, sans être à la hauteur des standards auxquels l’Espagnol nous a habitué sur terre battue, reste bon sur le papier. C’est sur le terrain que les impressions divergent. De l’avis général, il y a quelque chose de changé chez Rafa. Il remporte son septième titre à Monte-Carlo ? Soit, il nous fait le coup chaque année, et puis c’était son sous-clone en face, alors même si l’on n’est pas forcément convaincu par ses prestations, on préfère se taire et attendre la suite. Un bon tournoi carambar à Barcelone comme on sait rarement en faire pour un ATP 500, victime il est vrai des forfait de Murray et Berdych entre autres. Mouais. Ébranlé à Madrid par un bon Roger Federer, Nadal ne fait pas illusion en finale et perd en deux sets. Pas mauvais, mais pas brillant non plus, il semble en vouloir un petit peu moins qu’avant et son jeu tout en engagement ne permet pas pareille fêlure face à l’invincible Novak. Bis repetita la semaine suivante, où il s’est même vu bousculé au deuxième tour par le modeste Lorenzi. Un tableau finalement gentiment dégagé par Gasquet lui permet d’atteindre la finale sans trop s’employer. Pour la quatrième fois consécutive de la saison, il s’incline en finale de Masters 1000 face à Djokovic, et n’inscrit que 8 jeux ! Le tout avec une attitude pas forcément digne d’un numéro 1 jouant sur sa surface (les moonballs de revers vous saluent bien bas, ou plutôt bien haut !). A une semaine de Roland-Garros, on peut légitimement se demander où en est mentalement le champion espagnol. Il abordera malgré tout son tournoi fétiche avec le dossard de numéro Un sur le dos, seulement la deuxième fois après… 2009.
Roger Federer :
Dupond et Dupont, quand on parle de l’un, l’autre n’est jamais bien loin ! Le Suisse réalise un tournée européenne correcte, sans trop de bavures : un quart à Monte-Carlo contre un Melzer remonté comme une horloge, une belle demi-finale contre Nadal à Madrid où il survole la fin du premier set (mené 4/2, il l’emporte finalement 7/5) mais se casse les dents contre un Nadal plus coriace en fin de match, et enfin un quart à Rome où il s’incline en trois sets contre un Richard qu’on n’attendait pas. Certaines de ses prestations figurent parmi les plus belles de l’année (Gasquet), d’autres ont fait suer les 15-lovers comme jamais (Lopez). En bref, un tour d’horizon tranquille, charentaises aux pieds, et quelques éclairs latins. On lui souhaite d’hériter de la partie Nadal à Roland-Garros – un comble ! – pour espérer le voir porter le coup de grâce à une muraille déjà bien fissurée… Si l’écart avec les numéros 1 et 2 mondiaux semble bien grand, Roger n’a pas son pareil pour faire taire d’un trait de génie les dires les plus pessimistes.
Juan Martin del Potro :
A peine sorti de l’étable d’opération, le poulain y retourne ! L’histoire commençait pourtant à être belle… Écoutez plutôt. Il va crescendo depuis janvier, dévore les places à l’ATP par rang de 50 et, s’il ne bouscule pas encore les tout meilleurs, ne perd pas contre plus mauvais que lui. Aligné à Estoril, il remporte facilement la mise face à Verdasco en finale. Son premier tournoi joué sur terre battue depuis Roland-Garros 2009 et il le gagne ! Pas de doute, il fera mal à Madrid la semaine prochaine. Difficile vainqueur de Youzhny, jamais facile à négocier, il atomise ensuite Cilic 6/3 6/0. Au prochain tour l’attend Rafael Nadal et on se met à rêver d’une première grosser perf’ de l’Argentin. Oui, mais non. A cause d’une hanche capricieuse, « Delpo » est forfait et le choc tourne court. Il ne s’aligne pas non plus à Nice et est incertain pour Paris. Il y est pourtant tête de série. A lui de juger s’il est imprudent de jouer ou non, il aura tout le temps de revenir au Grand chelem français. Nous, on y croit.
Thomaz Bellucci et Florian Mayer :
Un duo improbable, mais ni l’un ni l’autre ne s’est suffisamment imposé pour mériter une place « Bof » en solo. Prix de groupe donc. Ils évoluent dans des registres très différents mais ont chacun fait de belles perfs. Tout se joue à Madrid pour Bellucci. Il y élimine Berdych et Murray et mène un set et un break face à Djokovic en demi-finale. Pas ridicule face au Serbe, il a su fouetter la balle avec son bras gauche pour un rendu final qui nous rappelle le meilleur de Verdasco. Le Brésilien aux grands yeux de poisson-lune a une carte à jouer à Roland-Garros, pour peu qu’il joue aussi avec sa tête.
Florian Mayer ne nage pas dans les mêmes eaux mais a aussi eu droit à sa part du gateau. Finaliste à Munich et quart de finaliste à Rome, l’Allemand de 27 ans atteint le meilleur classement de sa carrière, 21è. Moins puissant que Bellucci, il sait jouer avec la balle et n’hésite pas à slicer ou à faire service-volée. Une nouvelle corde à l’arc allemand pour le prochain tour de Coupe Davis ?
Les Flops
Gaël Monfils :
La Monf’ nous a offert la meilleure blague de l’année en abandonnant à Madrid à cause de… pâtes au fromage ! Oui, Monfils est allergique au fromage et en a accidentellement mangé… Pourquoi pas. Mais il est aussi dit qu’il n’avait pas sur lui le médicament adéquat : peut-on parler de professionnalisme ? L’auteur de ces lignes en doute… Défaite au troisième tour contre l’humble Federico Gil, un non-match (6/2 6/2) contre Nadal à Barcelone. Voilà le résumé de la saison de terre battue de l’ancienne meilleure chance française à Roland-Garros. Entre dilettantisme et absence de plan de jeu une fois sur le court, Monfils va débarquer à Paris dans le flou le plus total. Un moyen qu’il a déjà employé pour s’ôter de la pression. Il ne nous reste plus qu’à attendre la traditionnelle annonce où Gaël nous apprendra qu’il est incertain pour Roland…
Alexandr Dolgopolov :
Nouvelle recrue d’une grande majorité de team, Dolgobogdanov n’a pas tenu ses promesses et s’est planté à chacune de ses apparitions sur terre. Après une finale perdue à Costa do Sauipe contre Almagro, le spectaculaire Ukranien enchaîne les déconvenues : défaite au premier tour contre Davydenko à Barcelone, au premier tour contre Giraldo à Madrid et au premier tour à nouveau contre Starace à Rome. Le tout sans gagner le moindre set. Peut-être l’effet boomerang après un bon début d’année ? Il a en tout cas passé ses premiers tour à Nice. Tout reste possible avec ce joueur surprenant, et il serait bien capable de nous faire un gros Roland-Garros ! Mais jusqu’à maintenant, c’est un Flop.
Aravane Rezaï :
Je sais, je sais… Elle traverse une phase difficile, de reconstruction, elle a perdu ses repères… Mais le tennis français, lui, a perdu sa meilleure chance féminine à Roland ! Gagnante du tournoi de Madrid en 2010, avec à la clé des victoires sur Hénin, Jankovic et Venus Williams, Aravane s’était mise dans une position très favorable avant le Grand chelem français. Beaucoup de bruit pour rien, elle se fera sortir sans gloire par Petrova après un match-spaghetti sans saveur… Éliminée d’entrée à Madrid cette année, Aravane ne cesse de se prendre les pieds dans le tapis… Connaissant sa friabilité mentale, on a peine à croire qu’il s’agit d’une attitude tactico-diabolique visant à avancer masquée jusqu’à la Coupe des Mousquetaires ! Ce ne sera pas encore pour cette année…
La WTA :
Serena et Venus absentes, Kim Clijsters à peine rétablie, une numéro 1 mondiale plus agréable en photo que sur un terrain, les joueuses de main comme Kuznetsova au tapis, une Schiavone pas au mieux : le tennis féminin va mal et on ne risque pas d’assister à une grande édition féminine cette année. Il est probable de voir à nouveau une one shot s’imposer, à moins que Sharapova ne complète son carré d’as.
Le reste du monde :
On ne savait pas trop où les caser, car à vrai dire on ne sait plus trop quoi attendre d’eux : voici le reste du panier. Verdasco a montré de belles choses contre Söderling à Rome mais s’est incliné très tôt, comme durant toute la saison de terre, mis à part une petite finale à Estoril. SuperViking monte en puissance mais reste assez imprévisible. Défaite contre Dodig à Barcelone, bon match à Madrid contre Federer, humiliation contre Djokovic à Rome ; il est difficile d’augurer quoi que ce soit pour le double finaliste de Roland-Garros. Mais ses préparations n’ont jamais été bonnes, alors qui sait ? Le vieux roublard Ferrer a rempli sa part du contrat avec une finale à Monte-Carlo et une autre à Barcelone, toutes deux perdues face à Rafael Nadal. Sa programmation de folie fait qu’il s’aligne à Nice cette semaine… Nous honorera-t-il de son habituel burn out à Roland ? Un titre pour Davydenko à Munich mais des sorties précoces dans les autres tournois, le Russe nage en eaux troubles. Il peut retrouver des fulgurances et un rythme de démon le temps d’un match mais ce jeu tout en cadence semble lui pomper un maximum d’énergie… D’autant qu’un certain Novak Djokovic marche sur ses traces, mais en faisant tout mieux que lui. Problématique.
En conclusion, une tournée de terre battue qui a couronné plus de têtes que d’habitude, et qui relance clairement la course à la Coupe des Mousquetaires. Rafael Nadal va-t-il trouver les ressources mentales pour aller chercher un sixième titre et égaler le record de Borg ? Djokovic peut-il continuer sa fantastique course jusqu’à l’ultime dimanche parisien ? Federer a-t-il encore le potentiel de jouer les tireurs embusqués ? Nous le saurons bientôt.
Tags: terre battue
C’est incroyable comme les coups de de Federer gagnent en pureté, puissance et précision lorsqu’il est complètement relâché.
Dans ce deuxième set, c’est flagrant.
Il y a le mode avion sur piste de décollage.
Et le mode avion en vol.
Le tout étant pour ses adversaires de l’empêcher de décoller.