Gasquet / Nadal, 2005-2011, tellement de choses ont changé

By  | 14 avril 2011 | Filed under: Regards

Aujourd’hui à Monte-Carlo, Rafael Nadal, sextuple tenant du titre, retrouve en huitièmes de finale son conscrit de 1986, celui qui, lors de leur deuxième rencontre sur le circuit ATP, au même endroit il y a six ans, avait failli lui barrer la route vers sa toute première finale dans un Master Series sur terre battue.

Ce match est resté dans les mémoires de ceux qui ont eu la chance de le regarder en direct, sur les gradins ou via la retransmission télévisée.

D’abord, il faut se représenter le contexte : deux gamins de 18 ans s’affrontant en demi-finale d’un Master Series (aujourd’hui ATP 1000), ça faisait très longtemps que ce n’était pas arrivé, et ce n’est plus arrivé depuis. C’est comme si on se retrouvait samedi prochain à Monte-Carlo avec une demie mettant aux prises Bernard Tomic et Daniel Berta. Inimaginable.

Malgré leur jeune âge, l’avènement de Gasquet et Nadal était annoncé depuis fort longtemps par les médias, comme cela a déjà été relaté dans ces mêmes colonnes (Génération 86-87: Destins croisés).

L’affiche était aussi très alléchante en terme de tennis pur. Gasquet venait de battre le n°1 mondial Roger Federer en quart de finale, quant à Nadal, il avait atomisé ses quatre premiers adversaires (dont Gaël Monfils au premier tour, et Gaston Gaudio, le tenant de Roland-Garros, en quarts) en ne perdant jamais plus de cinq jeux par match.

La rencontre allait tenir toutes ses promesses et même plus. Ce fut un véritable festival, un condensé de ce que la terre battue peut donner de meilleur, entre deux joueurs créatifs, offensifs et combatifs au possible (avec notamment un Gasquet qui, on a du mal à le croire aujourd’hui, joue sur sa ligne, refuse de reculer, monte au filet dès que possible et tape des winners d’à peu près tous les coins du court).

Grâce à YouTube, on peut se régaler des highlights de cette rencontre : Première partie. Deuxième partie.

Le premier set est très serré. Nadal breake le premier à 3-3, puis confirme. Gasquet sert donc à 3-5 pour rester dans le set, et remporte son jeu de service blanc pour revenir à 4-5. À ce moment là, comme souvent à Monte-Carlo, le vent se lève, ce qui va troubler les serveurs : plus un seul des deux joueurs ne va réussir à remporter son service jusqu’à 2-2 dans le deuxième set. Gasquet débreake donc à 4-5 avec  brio, puis se fait breaker à nouveau à 5-5, puis redébreake à 5-6, le vent provoquant l’occurrence de coups surprenants tels que par exemple un retour de service amorti gagnant de Gasquet à 15-30 pour s’offrir deux balles de débreak. Nous voilà donc rendus pour un tie-break d’anthologie où, toujours à cause du vent, aucun des deux joueurs ne va réussir à remporter LE MOINDRE POINT SUR SON SERVICE jusqu’à 6-6. C’est Gasquet qui réussit enfin cet « exploit » (!) pour s’offrir une balle de set… qui sera la bonne puisque jouée avec Nadal au service !

Le deuxième set part sur les mêmes bases avec des séries de points prodigieux… et deux échanges de breaks. À 2-2 le vent se calme un peu, et les serveurs peuvent à nouveau remporter quelques jeux de service. Nadal sert d’abord pour le set à 5-3 mais Gasquet débreake à nouveau grâce à deux coups droits gagnants tonitruants, avant de céder une nouvelle fois sa mise en jeu, et le set avec, sous les coups de boutoirs de Nadal.

La troisième manche continue sur le même rythme d’enfer. Les deux joueurs se rendent coup gagnant pour coup gagnant jusqu’à 3-3. Sur le service de Nadal, Gasquet se procure une balle de break, sur laquelle il réalise un enchaînement parfait revers croisé qui décale très loin Nadal / revers long de ligne imparable. Il marche déjà vers sa chaise tout sourire croyant avoir fait le break pour mener 4-3 mais sa balle est finalement annoncée faute. Le français, émoussé physiquement, ne marquera plus un seul jeu, et c’est donc Nadal qui s’imposera 6-3 dans cette troisième manche, pour retrouver Guillermo Coria le lendemain en finale.

Six ans plus tard, sans chauvinisme aucun, on peut avoir un peu mal au cœur en regardant les trajectoires respectives suivies par les deux joueurs. Le principal rival de Nadal depuis 2005, ça aurait pu (dû ?) ne pas être un Federer plus vieux, un Djokovic plus stéréotypé et un Murray plus attentiste, mais bien notre Gasquet national s’il avait pu conserver le niveau de jeu stratosphérique qui était le sien cette semaine-là sur le Rocher. Je me souviens de Nelson Monfort interviewant Toni Nadal à la fin du deuxième set et lui demandant en substance « Teûûûni, est-ce que vous ne peeeensez pas qu’on est en train d’assister à la nééééééssance des deux grands chaaaaampieuuuns de deûûûmain, et à la preûûmière d’une longue série de cœuuuuumbats entre ces deux là ? » Et Toni Nadal, toujours poli, « Oui oui, chourément, mé il ne faut pas non plus oublier Fedelel, c’est toujours loui lé n°1, bla bla… » Six ans plus tard, l’un des deux rivaux annoncés a fait pschitt, et on peut en effet le regretter amèrement quand on revoit ce match.

D’ailleurs, il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’on se rende compte de l’écart réel de niveau entre les deux enfants prodiges. Un mois et demi après le match que nous venons de vous raconter, commence Roland-Garros. Nadal a engrangé des victoires à Monte-Carlo, Barcelone et Rome. Gasquet, lui, a été sévèrement battu par Agassi à Rome, mais a atteint la finale à Hambourg (défaite face à Federer). Les deux se retrouvent à Roland-Garros dès le troisième tour et l’agitation médiatique autour de match n’aura d’égale que la sécheresse du score : le résultat est en effet, cette fois, sans appel : 6-4, 6-3, 6-2 pour l’Espagnol en route vers son premier Grand chelem.

Depuis, on est resté sur cette tendance et le head-to-head est désormais de 7 à 0 en faveur de Nadal.

Il est donc très probable qu’on n’assistera pas aujourd’hui à un remake de la demi-finale de 2005, mais plutôt à un nouveau cavalier seul du taurillon de Manacor, ponctué on l’espère de quelques fulgurances en revers du Français, seules traces de l’éclair de génie d’avril 2005. À moins que le vent… ?

♣♣♣♣♣♣♣♣

PS : merci à Arthur, à qui j’ai emprunté sans vergogne quelques bouts de texte ici ou là.

About 

Sous d'autres cieux et en d'autres temps, je fus connu sous le sobriquet de "Colin Maillard et Tartempion".

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284 Responses to Gasquet / Nadal, 2005-2011, tellement de choses ont changé

  1. Clemency 16 avril 2011 at 11:27

    Murray sur terre…
    J’ai la sensation qu’il pourrait y faire quelque chose, la première condition serait que lui le pense aussi, pour l’instant ça n’est pas évident.
    Je le verrais bien proposer quelque chose de différent, comme sur les autres surfaces. Le premier obstacle est que comme maintes fois évoqué, sa faiblesse pour tuer un point avec son coup droit est encore plus obvious qu’ailleurs.
    Mais je lui vois deux autres soucis : d’une part il ne glisse quasiment pas, il est en recherche d’appuis « plantés » comme sur dur. Ca rappelle tristement Sampras. D’autre part son service est frappé avec très peu d’effet, et on voit que sur terre tous les joueur jouent avec le kick pour mettre leur vis à vis dans les tribunes.
    Mais sinon j’aimerais bien le voir devenir le Wilander des temps modernes, jouer avec le temps et l’espace en coupant les trajectoires, en plaçant, en ralentissant et accélérant pour briser la routine des lifteurs, qu’il est capable de contrer vu qu’il prend la balle top, qu’il a (pour le moins) un solide revers à deux mains.
    Encore une fois je ne sais pas si c’est possible vu qu’à un moment sur terre il faut finir le point, et pour ça il faut prendre le jeu à son compte, ce qui n’est pas précisément sa tasse de thé.

    • Clemency 16 avril 2011 at 11:40

      J’ajoute en passant que j’ai un immense respect pour les mecs qui se balancent de leur apparence comme Murray, le seul sportif très connu à aller chez le coiffeur (si c’est pas sa reum qui s’en charge) tous les trois mois max (Fed ça dois être tous les trois jours max) et dont la « coupe » est encore influencée par le poids de la tête sur l’oreiller à l’heure où il entre sur le court. Aucun rapport avec la terre battue, ni avec le tennis en général.

      • Kissifrott 16 avril 2011 at 11:58

        C’est pas moi qui irai prétendre le contraire

        Quant à androu sur terre battue, il a rarement autant pris le jeu à son compte qu’il ne le fait depuis le début de la semaine à monte-carlo. Le Scot est un joueur d’énergie mentale, et il se trouve que ses réserves sont chargées à plein après son jeûne de 2 mois.

    • Damien 16 avril 2011 at 11:59

      J’ai toujours pensé que Murray avait une carte à jouer sur terre pour peu qu’il s’en donne les moyens. Il lui manque à mon avis une chose qui montre son peu d’attachement à bien figurer sur cette surface : la glissade et les appuis très particuliers quand on joue là dessus.
      Je pense que la faiblesse de son coup droit n’est pas rédhibitoire pour atteindre régulièrement le dernier carré car il compense par une régularité de métronome (bon pas en ce moment mais qui sait).

    • Damien 16 avril 2011 at 12:01

      Sinon en matière capillaire, notrefils nationnal faisait très fort il y a 2 ans environ avec sa coupe à la Crusty le Clown…

  2. Damien 16 avril 2011 at 12:08

    Salut les ami(e)s,
    Rien vu en direct pour l’instant, j’espère pouvoir me rattraper un peu ce week-end mais rien n’est sûr.
    Perso j’adore le jeu sur TB, sauf quand joue croco de chez croco. Ces dernières années ont donné quelques très beaux matchs, malgré la domination écrasante de Nadalou. J’ai donc toujours du plaisir à regarder ces matchs, dont l’issue est presque inéluctable. Bon par contre il faut quand même qu’en face de l’ogre il y ait du répondant, genre par Verdasco l’an dernier ou Fed à RG 2008.
    Melzer va choquer tout le monde comme Soderling l’a fait en 2009, j’ai dit.

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