On m’a dit que 15love manquait d’articles. On m’a dit que la bande passante ne passait pas par moi. On m’a dit que j’étais une levure. On m’a soupçonné d’être Hun.
Vous l’aurez voulu. Un article express sur un sujet express, sur mon premier amour, mon seul doudou tennistique, j’ai nommé : Yaniiiiiick.
Un poster Pif. Tennis magazine. Punaises et Patafix. « Allez Noah ! » au-dessus du lit. Bouffées délirantes, et examen obsessionnel du tableau de Roland.
Et puis, ben, la chute. La déception, la galère. Battu, Yan.
Bah oui, parce que, grande intuition ou date de naissance mal gérée, j’ai commencé à suivre le tennis en 1984. Bien vu pour un « fan » de Noah, non ? C’est un peu comme suivre Chang à partir de 1990. Ou Gaudio à partir de 2005. Ou Ernests Gulbis.
Comment se fait-il que personne n’ait mis la finale de Roland 1983 sur Youtube ?!
Même sur l’INA, où elle est disponible en téléchargement, j’ai pas réussi à la voir : j’ai payé et puis rien. Mac ou malédiction ? Toujours est-il que cette finale, encore aujourd’hui je ne l’ai pas vue. C’est ma madeleine sous verre, mon bonbon magique, ma récompense fantasmatique. Peut-être que je mourrai sans jamais voir ce match, au sortir duquel Wilander a déclaré : « Il était trop fort pour moi aujourd’hui ».
Waaaa…
C’est vrai que, quand on regarde le parcours de Noah cette année-là, ça calme. Pas d’alignement stellaire (ok, sauf pour Christophe Roger-Vasselin, battu en demies 6/3 6/0 6/0 -!- après avoir sorti Connors 6/4 6/4 7/6 en quarts… Faudrait voir les matchs pour comparer le niveau, et le fouettage / mouillotage qui va avec).
Pour le reste, jugez plutôt : un premier tour contre Anders Jarryd (6/1 6/0 6/2… Putain, mais comment il fait pour gagner tous ces sets 6/0 avec son jeu ?!). Puis, Victor Pecci (6/4 6/3 6/3, qui se vengera bien au Paraguay deux ans plus tard), Pat Dupre (7/5 7/6 6/2, connais pas celui-là), John Alexander (6/2 7/6 6/1), et Lendl en quarts (7/6 6/2 5/7 6/0).
En finale, ce sera Wilander, tenant du titre et invaincu Porte d’Auteuil (comme Nadal plus tard, Wilander a gagné le tournoi –qui plus est son premier trophée !- lors de sa première participation). Le match est conclu en trois sets (6/2 7/5 7/6).
Avec son tennis d’attaquant, Noah n’aura perdu que 66 jeux, et un seul set de toute la quinzaine : 7/5 contre Lendl, 3e mondial, vainqueur imminent de l’épreuve (enfin, c’est ce qu’on m’a dit). Set qu’en plus, Noah n’aurait jamais dû laisser filer (il menait 5/2 avec deux balles de match, avant de se faire rattraper par la pression ; il en mettra une roue au Cheick au 4e histoire d’effacer l’affront).
(Pour info, les records du plus petit nombre de jeux perdus par un vainqueur du Grand chelem hors abandon ou forfait : Australie : 67 -Lendl / Roland-Garros : 32 -Borg- / Wimbledon : 63 -McEnroe- / US Open : 59 -Lendl encore, désolé Antoine-).
Noah, 6e mondial, 23 ans, arrivait à Paris lancé (victoires quelques semaines plus tôt à Hambourg et Madrid, finale à Lisbonne contre Wilander). Mais, de là à baffer tout le monde comme ça… Allez, ça vaut bien un film d’Adolphe Drey.
Petit témoignage d’Hagelauer, son entraîneur d’alors : « Tout a commencé après une défaite de Yannick au premier tour à Monte-Carlo. Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas continuer comme ça à faire le con. Ce qui était fantastique avec lui, c’est qu’il se donnait à 200% s’il sentait qu’on croyait en lui. A un moment donné, mon problème a même été de le brider. Durant le tournoi, on s’est isolé. En finale, l’attente était énorme. Dans la nuit précédente, Yannick avait rêvé qu’il était battu. Quand il est rentré sur le Central, il s’est dit qu’on lui offrait une seconde chance. »
Pour couronner l’affaire, ce Roland-Garros sera le dernier Grand chelem remporté avec une raquette en bois, et Noah est le seul joueur à avoir battu à la fois Lendl et Wilander Porte d’Auteuil, ce qu’il a en l’occurrence fait dans le même tournoi.
Pas mal tout ça, non ?
Bref, ce cru 1983, valait mieux en profiter.
D’ailleurs, Yannick le dit lui-même : il continue de vivre dessus.
Bon, parce qu’après, Noah m’a enseigné que les bases du tennis étaient : « Je suis un sport de perdants. » C’est pas Julien Benneteau qui me contredira. Vous non plus : à part Ulysse, il y en a beaucoup ici qui ont déjà gagné des tournois ? Ah, vous voyez ! Vive les interclubs finalement…
Noah a (de très loin) le plus beau palmarès français de l’ère Open : 23 titres en simple (dont Roland-Garros, mais aussi Hambourg, Rome et Forest Hills), une 3e place mondiale (en 1986), 270 semaines passées dans le Top 10, un record en carrière de 476 victoires / 210 défaites. Et en double, 16 titres (dont Roland-Garros 1984, mais aussi des finales à l’US Open 1985 et Roland-Garros 1987), une première place mondiale -en 1986 également-, et un record en carrière de 213-109.
Pas dégueu.
Mais voilà, pour moi, comme pour la majorité des faux connaisseurs français des années 1980, le tennis, à l’époque, c’était Roland.
Pas d’Internet. A quelques exceptions près, pas de retransmission télévisée des autres tournois dont on entendait, si on était chanceux, vaguement le résultat à la radio (et seulement si on restait collé une heure au poste –pas de France Info, pas de podcast !-). Juste Tennis mag, avec lequel on pouvait suivre les résultats mois à mois… Et, une fois par an, le hors-série plein de photos, qui permettait de revivre toute la saison, de se refaire le film dans la tête, de vibrionner à défaut de vibrer. Ça manquait un peu de tension dramatique, quoi.
Mais… RO-LAND. Alors là, oui : retransmissions toute la journée, interviews en veux-tu en voilà, le journal des courts après le film du soir. De quoi faire. Plus la possibilité d’aller sur place (j’étais licencié en ce temps-là, c’était plus simple d’avoir des places, à défaut de pouvoir les payer, le monde est mal fait : c’est ce que je me dis à chaque fois que je croise un retraité en Porsche). Sans oublier Jean-Paul Crotte et Hervé Ducul, comme les appelait avec finesse mon oncle.
Ro-land ! Ro-land ! Ro-ro ! Riton ! Yannick ! Roland, dont la finale tombait en plus à chaque fois pour mon anniversaire, avec tonton et ses commentaires. Ah, que la vie était belle et simple alors, un peu conne aussi faut bien l’admettre.
Après la journée de tennis (merci pour les révisions), vu qu’il faisait encore jour, je fonçais au mur en bas de chez moi refaire les matchs point par point jusqu’à la nuit, en endossant tous les rôles, arbitre et public compris… Un mur et des terrains de tennis aujourd’hui détruits pour construire une maison des jeunes, snif. Quand je repasse par-là ça me pince le cœur à chaque fois…
1984.
Bon, c’est parti pour la souffrance… Cette année, ce sera la pubalgie. Mais, pas à Roland. A Roland, ça va. A part la fameuse « pression du titre à défendre » : Noah se hisse jusqu’en quarts, ou il perd de justesse contre sa victime de l’année précédente. Wilander l’emporte 7/6 2/6 3/6 6/3 6/3. Noah ne le sait pas, mais il ne gagnera jamais plus contre le Suédois Porte d’Auteuil… Et plus qu’une fois sur terre, à Monte Carlo en 1986 (pour un tête-à-tête final pas si déshonorant de 7/5 en faveur du blond).
Il sauve son tournoi par le double, et s’impose aux côtés de Leconte, 6/2 au 5e contre la riante paire Slozil / Smid.
1985.
Un cru intermédiaire, mais riche en grosses batailles. Au premier tour, Noah, tête de série n°9, qui sort d’une victoire à Rome (successivement contre Jarryd, Clerc, Becker, et enfin Mecir) fait le show, avec un côté démonstratif qui mélange arrogance, animosité et nervosité, mais il tient bon, et l’emporte en 3h21 contre Libor Pimek, 27e mondial (ben oui, seulement 16 têtes de séries à l’époque, ça change pour l’entrée en matière…)
En seizièmes, nouvelle grosse lutte : Noah l’emporte contre José-Luis Clerc, dans un match au couteau : 8/6 au 5e.
Au tour suivant, c’est encore un semi-marathon qui l’attend. Contre son ami, rival, co-tenant-du-titre-en-double, celui qu’il serrait dans ses bras comme un petit frère l’année d’avant. Psychodrame sur le court : Noah le comédien sort de sa boîte, et nous refait la tragédie grecque. Leconte joue mieux que son mentor. Il empoche les deux premières manches, mais Yannick se bat, et lui met la pression. Leconte cogite (un peu, c’est Leconte, faut pas déconner), et se fait remonter à deux manches partout. Alors, dans le cinquième, il expérimente sa fameuse tactique : tout oublier, tout lâcher. Et c’est un cavalier seul.
Riton met fin au complexe du benjamin, en pratiquant un tennis magnifiquement offensif (de nos jours, Wawrinka, Tipsarevic et Verdasco feraient bien de se regarder le match en boucle). Ce sera sa seule victoire (en 5 confrontations), mais ce sera celle qui compte, pour leur seule rencontre en Grand chelem. Noah aura du mal à avaler la pilule, une bonne partie du public aussi (la finale de 1988 sera une bonne façon de le faire savoir), et les relations entre tout ce beau monde ne se réchaufferont complètement qu’en 1991.
1986.
L’année 1986 putain, l’année où on y croyait tous, l’année où il connaîtra le podium en simple comme en double, et finira 4e mondial.
Putain de valise, putain d’aéroport : juste avant Roland, et alors qu’il sortait d’un fantastique printemps ocre (finale à Monte Carlo, victoire à Forest Hills en battant Lendl et Vilas en deux sets, défaite in extremis 7/6 au 3e contre Lendl en demies de Rome –avec en bonus une altercation au filet suite à un nouveau missile sol-tronche du Tchèque-), Noah se prend une malle sur le pied en récupérant ses bagages, se fait traiter comme une buse au laser. Résultat : laser trop puissant, peau brûlée, blessure pourrie au tendon… La douleur est trop forte… Yannick se traîne sur le Central comme un cheval fourbu. On souffre, on y croit, mais c’est impossible, on le sait. Le tournoi est trop long, la marche trop haute. Les anges ne reviendront plus. Yan ne regagnera pas la Coupe des Mousquetaires.
Il joue trois matchs comme il peut, et déclare forfait en huitièmes. Lendl survolera le tournoi en ne perdant qu’un set au tie-break (contre Gomez en quarts), atomisant le petit Pernfors au short trop large dans une finale complètement oubliable.
« Le seul regret que je peux avoir, c’est l’année 1986 où je suis au-dessus de tout le monde. Cette année-là, je dois gagner Roland… Sans cette maudite blessure, sans cette maudite valise qui me tombe sur le pied… Je devais rencontrer Lendl en quarts, je le bouffais. » Un peu prétentieux, certes, mais bon, si l’intéressé le dit…
1987.
Cette année-là, Noah réalise un beau début de parcours, avec une victoire contre Kent Carlsson, spécialiste de la terre battue, en huitièmes (7/6 6/3 6/7 7/5). Vous vous souvenez de ce joueur à la gestuelle si bizarroïde ?
Et puis arrivent les quarts… Et avec eux, Wilander. Ce maudit Wilander, qui lamine Noah en trois sets secs (6/4 6/3 6/2). Je m’en souviens bien de cette défaite, j’y croyais… Et paf : une autoroute. Une autoloose. Wilander, le Nadal de Noah, qui le troue, le lamine, tranquillement, sereinement. Sans aucune lueur d’espoir, aucune possibilité d’angoisse.
Wilander, le Judas de la terre… La copine de mon pote de l’époque était fan de Wilander (et de Balavoine d’ailleurs, t’imagine ?)… Trop pour moi. Impossible de la fantasmer : en fermant les yeux, je voyais immédiatement l’autre bouclé, pas foutu de perdre, pas foutu de rater un passing. Qui brisait mes rêves, et les décalait d’une année.
1988.
C’est reparti pour la zone.
Emilio Sanchez… Il avait pourtant mené deux sets à un, Yan’. Emilio, vous savez, celui qui a spolié sa sœur avec ses parents ? En ben, paf, il spolie le Coq en huitièmes (4/6 6/3 6/7 6/2 6/2). Bon dieu, les Sanchez… L’année d’après à Roland, c’est la sœur qui… Enfin vous vous souvenez. Enfin non, vous avez oublié. Continuez.
En fait Noah, c’est une trajectoire Christique.
Noah c’est les cris, les larmes, la douleur. La montée tout en haut du rêve, puis la croix.
Le supplice, dès qu’il a plus de trois balles de suite à frapper en fond de court.
Le revers, défi perpétuel lancé à toutes les académies de tennis.
Le retour de service dans le carré adverse, et sa course éperdue, pathétique, illusoire, au filet.
Au filet, ou plutôt dans sa nasse. Comme un piège, une offrande, une crucifixion… Un sacrifice. Parce qu’il faut bien en finir de ce point.
On te transperce à droite ? Tends l’autre couloir.
Noah qui saigne, se tord, meurt sur le court. Exhibe ses cicatrices dans l’arène.
Noah, et les blessures… De Roland 1980 (abandon contre Connors en huitièmes) au barbecue-sauteur de 1989 (il arrose son barbecue d’essence et prend feu !), en passant, au hasard, par Bercy en 87, on peut dire que la carrière de Noah aura été vécue dans l’attente (jamais déçue) du prochain bobo.
Et quand Yanamal, c’est la France qui souffre. C’est duuuuuuuuuur.
Il s’est blessé, tu crois là ?
Heureusement, pour oublier toutes ces luttes, de temps à autre : un smash. Aaaaaaaah…. Le smash. LE moment où plus rien ne peut se passer, ou le filet ne va pas arrêter nos espoirs, les lignes rester bien à leur place… LE coup de Yannick.
Pas étonnant qu’il ait un fils basketteur…
1989.
Là, on va carrément véroler toute l’année. Franchement, une année où Brad Gilbert finit 6e mondial, vous croyez que ça peut exister vous ?
Entre deux défonces, deux teufs, deux meufs, Noah a oublié de s’entraîner. Le brésilien Luiz Mattar, qui lui avait déjà donné du fil à retordre l’année précédente au deuxième tour, le bat cette fois carrément dès son arrivée Porte d’Auteuil (7/6 6/4 6/7 6/4). Luiz Mattar, qui n’a jamais passé plus d’un tour en Grand chelem de toute sa carrière…
De toutes façons, vous êtes tous d’accord avec moi pour dire que cette édition 1989 n’a jamais eu lieu, alors ça va.
1990.
90. Et c’est déjà bientôt la fin… Heureusement, cette année-là, c’est Gomez. Moi, Gomez, j’ai aimé. A 30 ans, l’Equatorien qui vient enfin concrétiser son rêve en arrachant la Coupe de la perruque d’Agassi. Un gaucher au revers à une main, un attaquant de fond de court qui sait aussi faire service-volée. Comme quoi, faut pas désespérer : il y en a eu des attaquants qui ont gagné Roland, Noah et lui encadrant précisément les défaites de Mac et Edberg… C’était beau, quoi (et attention, il a battu coup sur coup Muster en trois sets et Agassi en quatre, c’est pas un Grand chelem au rabais).
Gomez a pour moi toujours été lié à Noah (même année de naissance, dates de carrières quasi-identiques, « one-shot » à Paris, une place de numéro 1 en double disputée en 1986, jeu d’attaque…). Seul bémol : il a grillé la politesse à mon Yan 7 fois sur 8… Personne n’est parfait.
Noah pour moi, c’est aussi Mansour Bahrami (un article en puissance celui-là, à tout le moins le chapitre d’un article sur les clowns des courts). L’autre Showman. Mais le total, le full size. Celui pour qui faire un point spectaculaire est toujours plus important que de le gagner. Celui à qui Yan a « volé » son coup entre les jambes, s’en attribuant la paternité (en fait, Bahrami le faisait avant lui, mais d’autres l’avaient certainement déjà fait avant, on a pas vraiment réglé le truc, c’est un des grands mystère de l’humanité). Allez, un petit hommage au bonhomme pour ceux qui ne connaissent pas.
Bon là, vous l’aurez remarqué, j’endors l’affaire. Je parle de Gomez et Bahrami, histoire de faire oublier le parcours de Yan’ : une victoire au finish (et au bout de la nuit, jonglage avec le JT et tout le bastringue, toute la France derrière son poste et son champion) contre Francisco Clavet 7/5 au 5e pour perdre au 3e tour contre Guillermo Perez-Roldan… On passe à autre chose.
Et autre chose, c’est la retraite sportive mes braves gens. Va falloir penser à ranger les raquettes…
Comment ça les autres Grands chelems ?
Ah oui, merde.
Yan a eu heureusement le bon goût de briller avant tout à Roland. D’être d’abord un joueur de terre battue (12 tournois remportés sur 23 tout de même).
La « faute » à un service souvent kické, au temps laissé par la terre à celui qui veut la manger, à une puissance uniquement centrée sur le service… Noah, un attaquant de terre battue.
Mais pas le seul : outre Gomez, on a aussi Panatta (une victoire en 1976) et Gerulaitis (une finale en 1980), sans oublier Mac et Edberg… Je vous le dis moi : la terre battue c’est aussi pour les attaquants. Il faut me croire. Ça finira bien par payer.
Sinon donc, oui, effectivement, il y a d’autres tournois, qui forment une sorte de quatuor, que d’aucuns baptisent pompeusement Panthéon du tennis ou quelque chose dans le genre, et dont la réunion la même année constituerait une sorte de Graal…
Mais enfin, réveillez-vous ! Vous croyez qu’ils en avaient quelque chose à foutre du Grand chelem calendaire à l’époque ? Que dalle oui. Chacun zappait ce qu’il avait à zapper pour gagner ce qu’il avait à gagner, là où il avait le temps / l’envie d’aller. Et basta.
Parce qu’en plus, il paraîtrait qu’entre ces soit-disant quatre merveilles du monde, le plus prestigieux serait un tournoi qui se disputerait dans un jardin. Non mais, vous voyez le truc ?!
Portnawak. Parce que désolé, mais l’herbe, Yan’ il la conçoit pas de la même façon t’vois ? Jouer dessus… Pffff merci bien. En fait tiens, on va même pas en parler de ce repère de vieux royalistes. Et on va considérer que si le mâle français n’y a rien fait de mieux qu’un 3e tour (en 1979), c’est parce qu’il le voulait bien.
Comme quoi, même avant 2003, suffit pas d’être bon au filet pour être bon sur gazon… Je vous l’ai dit : la terre aux attaquant !
Même chose pour le Masters, une sorte de concours de boules de fin d’années (jamais sorti des poules).
Par contre, l’Open d’Australie, c’est différent.
Là, je me souviens tout de suite de 1990, et de la seule demi-finale en Grand chelem du Yan’ (1983 mis à part). Le match, je l’ai vu, la nuit, sur la Cinq de Berlusconi, entrecoupé d’innombrables écrans de pub (« La ciiiiiiinq ! », vous vous souvenez ?). Un beau parcours, et puis… Lendl, évidemment, l’homme-à-la-casquette-qui-tue-sur-la-voie-de-son-dernier-Grand-chelem.
Lendl, l’autre judas. Là aussi pour un « head-to-head » pas ridicule de 11/7 en faveur du Tchèque.
D’ailleurs, je serais moins partial, j’en aurais d’autres des Judas : au hasard, Mac (4/0) Vilas (9/2) Borg (4/1), Edberg (6/0)… J’arrête, je suis déjà en train d’écrire un article pour 15lt, il y a des limites au masochisme.
Et enfin, l’US Open : attention, on a tendance à l’oublier, mais Noah y a fait de beaux parcours, et avec régularité, s’il vous plaît : trois quarts (1983, battu de justesse par Arias 7/5 au 5e ; 1985, laminé par Fuckin’Lendl ; 1989, balayé par Bourin’Becker et, juste avant, quatre huitièmes à la suite de 1979 à 1982).
Par ailleurs, si je veux être un peu objectif, Roland, Noah l’a aussi joué avant 1983…
Et si la victoire de 1983 n’était certes pas hautement prévisible, elle ne vient pas pour autant de nulle part : Noah a préparé son Golgotha.
En 1980, son abandon en huitièmes contre Connors : ultime répétition des pénitences à venir.
Ses deux quarts successifs, en 1981 et 1982 (défaites contre Pecci et Vilas) : des répétitions discrètes, pour entretenir les attentes sans trop les enflammer.
Ça s’improvise pas un « one-shot », faut pas croire.
Mais bon, ces matchs-là je les ai pas vécus, alors c’est pas pareil.
Au total, Noah en Grand chelem, c’est huit quarts, une demie et un titre. La preuve que seule la victoire compte vraiment : qui à part moi se soucie qu’il n’ait pas fait d’autre grosse perf’, du moment qu’il a son sucre d’ocre en poche ? Pioline a fait deux finales et deux demies, Grosjean quatre demies, Riton une finale et trois demies, Tsonga une finale et deux demies… Patrick Proisy une demie et une finale (eh oui, Roland 1972) !
So what ?
Juste après sa (fausse) retraite en 1991 (fausse, car son dernier match en simple sera en fait en 1996 à Marseille contre Forget, et en double avec Leconte à Roland cette même année), Yan se lance dans « l’aventure Coupe Davis ». Yan’ le sauveur. Sampras défait, Riton le revenant, Saga Africa tout ça, je la fais courte, on la connaît.
Pareil pour 1996, et la victoire a l’arrrrrrache de Boetsch contre Kulti (10/8 au 5e, en sauvant trois balles de titre successives sur son service…)
Deux Saladiers dans la besace comme entraîneur, le retour de la France qui gagne, ça se prend.
Meilleur bilan-Davis donc comme capitaine que comme joueur (même s’il y affiche un honorable ratio victoires-défaites de 26/15 en simple et de 13/7 en double)…
Deux souvenirs émergent tout de même :
La finale perdue en 1982 contre les USA sur la terre indoor de Grenoble, et le terrible combat entre Yan et le Mac (10/12 6/1 6/3 2/6 3/6)… Et puis, le premier tour contre le Paraguay en 1985, perdu 3/2 sur un parquet en bois ultra-rapide, dans une ambiance de guérilla revancharde (la France avait éliminé le Paraguay au premier tour en 1983), le tout en présence du général-tyran Alfredo Stroessner : rien qu’à voir sa tronche, on comprend pourquoi ils ont perdu.
Il est désormais temps de l’avouer. Oui, c’est bien malheureux, mais c’est la vérité : la Coupe Davis 1991, c’était le premier titre que je voyais Noah gagner…
C’est pas être fan, ça ?
A côté, avec le grand Suisse, c’est Noël tous les jours…
Bon, et puis, après ?
Ben, après, c’est la musique, mais là, c’est une autre histoire et elle sera sans moi.
Même obligé d’écouter (j’étais aux Vieilles Charrues quand il y est passé) j’ai préféré sauter mon tour.
La magie était passée… Enfin non, c’est juste que c’est mauvais. Folklore afro ou folklore bio, ça reste du folklore. Maintenant je suis habitué, mais quand j’ai vu débarquer Saga Africa, j’ai eu comme un gasp : Yannick a été repéré par Arthur Ashe en 1971 à Yaoundé (né à Sedan en 1960, il est parti vivre au Cameroun trois ans plus tard), Ashe qui était une icône pour lui : premier joueur noir à remporter un tournoi du Grand chelem, premier afro-américain à défendre les couleurs des USA en Coupe Davis… Ils ont joué en double ensemble, Yan a même suivi ses traces jusqu’à Johannesbourg (il y a joué le tournoi en 1978, en plein Apartheid, tandis qu’Ashe y avait été finaliste en 1973 et 1974 contre Connors)… Et pouf, Saga Africa. Pas révoltant non non, aucune obligation morale là-dedans. On peut même trouver ça marrant, j’imagine, mais comment dire… C’était la fin d’un mythe, quoi. Le début du bof.
Et puis le fisc, les propos sur le dopage ou l’évolution de l’équipe de Coupe Davis… Il fallait me rendre à l’évidence : je n’avais plus de doudou. Pire : je n’en voyais plus l’intérêt.
C’est moche de vieillir en fait. Vieillir, c’est aimer de moins en moins de choses en croyant les aimer plus fort. Mais, la vérité, c’est pas qu’on les aime davantage, c’est qu’elles prennent plus de place dans notre casier « j’aime ». Et si elles prennent plus de places dans le casier, c’est pas qu’elles sont plus grosses, c’est juste qu’il est plus petit…
Plus tard, revoyant des extraits, j’ai eu du mal à me comprendre : comment j’avais pu supporter un tel jeu, une telle purge du fond, un revers aussi inefficace, un coup droit à la gestuelle si néo-Samprassienne (Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Un problème ?) et à la puissance si Nathalie-Tauzienne…
Oui, mais quand même, il y avait la volée… L’engagement… Le spectacle… Les dents du bonheur… Et cette voix si douce, qui donnait tellement envie d’être son pote… Yan, c’était pas que du tennis, c’était autre chose… C’était ma Barbara Gould… C’était… C’était…
Ma jeunesse.
Et revoir des extraits pour cet article, en cherchant tant bien que mal à retrouver la vibration de l’époque, me prouve, si besoin était, qu’elle est à jamais perdue.
Voilà. Encore mort pour le taf.
Mon problème tu vois Guillaume, c’est que, quand je me mets à un article, il faut que je le finisse pour pouvoir passer à autre chose… Mon côté Duong.
Enfin, j’en dis pas plus, je vais pas déflorer le prochain. Enfin, j’ai rien dit, sinon, je vais me mettre à l’écrire tout de suite. Enfin, vous me comprenez. Si si, dites-moi que vous me comprenez.
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J’ai failli oublier : félicitations Antoine ! Meilleurs vœux de bonheur.