Nick Bollettieri, ou le darwinisme tennistique

By  | 9 janvier 2020 | Filed under: Histoire

L’his­toire de Nick Bol­lettieri est une his­toire comme l’Amérique les aime tant, une his­toire banale­ment américaine. L’his­toire d’un gamin sans le sou de­venu l’un des en­traineurs les plus im­por­tants de la planète ten­nis. Le per­son­nage fut haï autant qu’admiré, au fil des années les lan­gues se sont déliées, la réalité de son usine à champ­ions est aujourd’hui con­nue et documentée et cette réalité n’est pas que re­luisan­te. L’af­firma­tion que Bol­lettieri est l’un des per­son­nages clés de l’his­toire du ten­nis n’en reste pas moins véridique : en ter­mes de stan­dards de dis­cip­line et d’entraine­ment, il y a bel et bien eu un avant et un après Bol­lettieri.

bollettieri

North Pel­ham

Nic­holas James Bol­lettieri est né en 1931 dans la région de New York. Il est le fils de deux émigrés d’origine napolitaine, qui avaient trav­ersé l’At­lantique pour fuir la misère de l’Italie de l’Entre-Deux-Guerres. Ils s’installèrent dans un quar­ti­er désar­genté de New York, North Pel­ham.

C’est dans ce quar­ti­er populaire que le jeune Nick va gran­dir, aux côtés des com­munautés noire et his­panop­hone. Le jeune homme en gar­dera une in­différ­ence totale à la co­uleur de peau, dans un pays où la ques­tion raciale était brûlante – elle l’est toujours aujourd’hui, malgré l’élec­tion d’Obama. Il en gar­dera aussi un re­gard aiguisé sur la con­di­tion des Noirs américains, qu’il a perçue chez trois de ses élèves : Zina Gar­rison, Lori McNeil et Chan­da Rubin. Selon lui, chacune des trois avait dans les mains les moyens de de­venir la meil­leure joueuse du monde. Toutes trois ont d’ail­leurs at­teint le Top Ten. Mais elles avaient intégré leur con­di­tion d’infériorité, dans un sport sociologique­ment blanc et huppé à l’origine, et leurs com­plexes les privèrent d’une plus gran­de carrière. Il en sera tout aut­re­ment, bien en­ten­du, avec les sœurs Wil­liams.

Nick Bol­lettieri découv­re le ten­nis par hasard, lorsqu’un co­usin éloigné débar­que chez ses parents et lui in­cul­que, quel­ques mois durant, les rudi­ments tech­niques de ce sport. Il n’aura pas le temps de rêver à une carrière de joueur : il a déjà 20 ans, et l’heure est venue pour lui de re­mplir ses ob­liga­tions militaires. Ce sera dans une base militaire au Japon, en pleine guer­re de Corée. Mobilisé dans le corps des Marines, dans une unité de para­chutis­tes, Nick est soumis à une dis­cip­line que Stan­ley Kub­rick a par­faite­ment décrite dans son chef-d’œuvre Full metal jac­ket, et qui va avoir une in­flu­ence déter­minan­te sur la suite : vexa­tions, humilia­tions, émula­tion poussée à l’extrême, sans oub­li­er les nombreux in­ter­dits. De­v­ise bol­lettierien­ne par ex­cell­ence, la souffran­ce et le man­que sont des éléments in­dis­pens­ables pour at­teindre le som­met d’une dis­cip­line. Lui-même, chez les Marines, aura ex­péri­menté cette maxime.

La période du jeune homme chez les Marines l’aura en tout cas aidé à se trouv­er une voie. Pen­dant sa mobilisa­tion au Japon, il ar­rondit ses fins de mois en en­seig­nant à des of­fici­ers les rudi­ments de ten­nis qu’il a en sa pos­sess­ion. Le vieux sage au visage buriné par le sol­eil ne s’est jamais ap­pesan­ti sur sa pass­ion pour le ten­nis. Selon ses pro­pres ter­mes, cer­tes il aimait ce sport, mais il y a sur­tout vu un for­mid­able moteur d’as­cens­ion sociale.

Le ten­nis que Nick Bol­lettieri a eu sous les yeux dans les années 40-50 est un sport joué en pan­talon, par des élites aisées qui jouaient en trot­tinant. L’un de ses élèves à son re­tour de Corée fut d’ail­leurs Jay Roc­kefell­er, mem­bre de l’une des gran­des dynast­ies de l’his­toire américaine, et futur sénateur. Nour­ri des méthodes d’entraine­ment qu’il venait de connaître chez les Marines, il était facile pour Nick d’imagin­er ce que pouvait de­venir ce sport s’il était joué par de vérit­ables athlètes cap­ables de faire avanc­er la balle be­aucoup plus vite et de co­urir be­aucoup plus vite. Et si lui-même était trop limité tech­nique­ment pour ac­compagn­er des en­fants vers l’élite, il al­lait en re­vanche de­venir celui qui en ferait des athlètes sur le plan physique. C’est sur ces bases que va se matérialis­er la pro­mes­se qu’il se fait à cette époque, et qu’il fait à ses parents, de­venir le meil­leur en­traineur du monde.

En com­men­çant par le début : donn­er des leçons de ten­nis à 3 dol­lars de l’heure, comme tout le monde. Et faire ses clas­ses, appréhend­er la tech­nique du ten­nis. Si la chan­ce vient frapp­er à la porte et lui offre un di­amant à sculpt­er, il ne suf­fira pas d’en faire un Marine, il faud­ra aussi en faire un grand joueur de ten­nis.

Gottfried

La légende Bol­lettieri a fait de Jimmy Arias le pre­mi­er de ses poulains à se faire une place parmi l’élite. Mais la légende tous­se, et la chronologie des événe­ments lui ap­porte un démenti cinglant. Au cours des années 70, les pre­mi­ers jour­nalis­tes spor­tifs à s’être intéressés à Nick Bol­lettieri et à son académie avaient en tête ses résul­tats auprès d’un autre joueur Américain.

Au début des années 60, le jeune en­traineur voit ar­riv­er un en­fant de 8 ans, Brian Gottfried, qui le stupéfie par ses qualités de co­or­dina­tion et son coup d’œil. Par la suite, de tel­les qualités de­viendront pour lui le sign­al de détec­tion d’un futur champ­ion : la tech­nique s’apprend et se travail­le, ce n’est qu’une ques­tion d’heures passées sur le ter­rain à travaill­er une ges­tuel­le sur un coup donné. En re­vanche, un coup d’œil ne s’apprend pas, il est inné ou pas.

Première étoile de la galaxie Bol­lettieri, Gottfried fut l’un des meil­leurs joueurs américains des années 70-80. Son style ne déton­nait pas par­ticuliè­re­ment pour l’époque, c’était un serveur-volleyeur de fac­ture clas­sique, aux ges­tes har­monieux et élégants, qui ne fût pas en mesure de se mêler à la lutte pour le trône que se sont livrés Borg, Con­nors et McEn­roe à son époque. Mais il fut, aux côtés de Ros­coe Tann­er, un pili­er de l’équipe américaine de Coupe Davis, il a at­teint la fin­ale de Roland Gar­ros en 1977 et le de­rni­er carré de Wimbledon en 1980. Ces résul­tats, Gottfried les doit, entre aut­res, à sa con­di­tion athlétique. A ce moment-là, la mon­dialisa­tion du ten­nis en est à ses prémices, Borg, l’homme qui ne trans­pire pas, est perçu comme un OVNI, le ten­nis ne se joue plus en pan­talon mais il se joue en­core mas­sive­ment à la main. N°3 mon­di­al en 1977, Brian Gottfried at­tire sur lui l’at­ten­tion de quel­ques jour­nalis­tes spor­tifs américains, qui s’intéres­sent à son en­traine­ment. C’est donc à cette époque que re­mon­tent les premières re­ncontres entre Bol­lettieri et la pre­sse.

Braden­ton

Le succès de Brian Gottfried sig­nale Nick Bol­lettieri comme un en­traineur de pre­mi­er plan dans le pays, de plus en plus de gamins doués se pre­ssent à sa porte. Il est temps pour lui de se doter du centre d’entraine­ment adéquat, car les gamins s’en­tassent chez lui, il doit bientôt louer des caravanes et des chambres d’hôtel pour les gard­er auprès de lui. En 1978, il achète un champ de tomates à l’écart de la petite ville de Braden­ton, en Floride, et y fait con­struire les pre­mi­ers ter­rains de ten­nis, ainsi qu’un dor­toir.

Qu’il s’agis­se du lieu ou de son règle­ment intérieur, le terme « centre d’entraine­ment » ne semble pas adéquat pour décrire le lieu. Les témoig­nages de tous ceux qui sont passés entre les fourches caudines de Bol­lettieri à Braden­ton sont con­cor­dants. L’an­ci­en Marine met en œuvre ses idées sur la dis­cip­line du sport de haut niveau, qui doit se caler sur la dis­cip­line militaire. Le tarif est salé pour les cen­taines d’adoles­cents pen­sion­naires à plein temps de Braden­ton : la re­la­tion aux parents est limitée à un coup de fil le week-end et une visite par tri­mestre, la télévis­ion, l’al­cool, les cigaret­tes, les bois­sons gazeuses sont pro­scrits, pas de co­pain/copine, collège le matin, suivi de six heures de ten­nis, ex­tinc­tion des feux à 21h00. Vue du centre de Braden­ton, la réputa­tion de douceur de vivre de la Floride a du plomb dans l’aile.

Côté ten­nis, Bol­lettieri, sans doute con­scient de ses li­mites, saura s’en­tour­er. Il a bien des idées sur les as­pects quan­titatifs : ap­port­er une modifica­tion à un coup coûte 30000 frap­pes à l’entraine­ment, soit plusieurs semaines ex­clusive­ment dédiées à ce coup. Sur le qualitatif, en re­vanche, il délègue la tâche à des en­traineurs. Be­aucoup d’ob­servateurs ont cru iden­tifi­er un « style » Bol­lettieri : gros­ses frap­pes en coup droit, jeu puis­sant porté vers l’ag­ress­ion du fond du court, notam­ment par une prise de balle précoce. Au vu des pro­fils des pre­mi­ers joueurs sor­tis de la prison de Braden­ton, ce n’est pas en­tiè­re­ment faux, mais on y fera au moins trois ob­jec­tions.

  • D’une part, si l’on re­con­naît une « patte » à un en­traineur, alors ce n’est pas Bol­lettieri qui est en cause, puis­que plusieurs en­traineurs ont opéré à Braden­ton.
  • D’autre part, au cours des premières années de Braden­ton, la norme a semblé être de mettre l’ac­cent sur les points forts des élèves et de les re­nforc­er, ce qui crée à la fois une arme effrayan­te et un jeu déséquilibré, sac­hant que pour une majorité de joueurs le coup droit est un coup plus naturel que le re­v­ers.
  • On pour­rait ajout­er que l’influ­ence de Nick Bol­lettieri ne semble pas s’appliqu­er à Brian Gottfried, serveur-volleyeur assez clas­sique, dont le jeu n’a pas grand-chose de com­mun avec ses suc­ces­seurs de Braden­ton. Bien plus qu’un style de jeu, ce qui semble caractéris­er les élèves de Nick, c’est une con­di­tion athlétique hors du com­mun, longtemps travaillée, qui ap­porte une di­mens­ion physique à leur jeu.

La « patte » Bol­lettieri, en re­vanche, est in­dis­cut­able dans l’or­ganisa­tion de son centre et des en­traine­ments. Au-delà de la dis­cip­line de fer, sa con­cep­tion du ten­nis était dar­winien­ne : il était im­por­tant de mettre ses élèves en con­curr­ence di­rec­te les uns avec les aut­res, de manière quotidien­ne. Il était im­por­tant aussi de faire un travail spécifique, via des mises en situa­tion réelle, sur les mo­ments im­por­tants d’un match. L’ob­jectif final était de développ­er la con­fian­ce en soi chez les élèves, paramètre cruci­al dans le ten­nis de haut niveau.

L’his­toire de Bol­lettieri a re­tenu les résul­tats de ses poulains, l’extraor­dinaire con­fian­ce en eux qu’ils dégageaient sur le ter­rain, leurs bles­sures aussi. Ce qui est passé aux oub­liet­tes et qui n’est pas mesur­able, c’est la liste des pen­sion­naires de Braden­ton qui furent les per­dants de cette émula­tion per­manen­te, ceux dont le corps en sor­tit com­plète­ment mutilé avant même leurs pre­mi­ers pas sur le cir­cuit pro­fes­sion­nel, ceux enfin qui n’ont pas sup­porté les humilia­tions et les ag­ress­ions psyc­hologiques dont ils furent vic­times. Cette liste, à n’en pas dout­er, est très lon­gue. Bol­lettieri répondra que le ten­nis n’est pas un sport d’en­fants de chœur, et que oui, détruire physique­ment et/ou psyc­hologique­ment une cen­taine d’adoles­cents est une néces­sité si l’on veut fab­riqu­er un champ­ion.

Tel Aviv

Tel­les sont les données du problème de cette académie, dès ses débuts. Et les deux premières ter­reurs is­sues de Braden­ton sont des cas d’école.

Jimmy Arias, né en 1964, est repéré très tôt par Bol­lettieri. Ex­trême­ment précoce, déten­teur de plusieurs tit­res de champ­ion nation­al dans les cat­égo­ries de jeunes, Jimmy a 13 ans lorsqu’il intègre l’écurie. Selon ses pro­pres dires, les gran­des lig­nes de son jeu n’ont ab­solu­ment pas été modifiées à Braden­ton, ce qui re­nfor­ce l’hypothèse du travail ex­clusif sur le point fort. Arias a déjà un énorme coup droit à 13 ans. Il ne tarde pas à semer la ter­reur sur le cir­cuit pro­fes­sion­nel, au sein duquel son as­cens­ion sera foud­royan­te. Il se hisse en demi-finale de l’US Open 1983, à seule­ment 19 ans, en s’offrant au pas­sage le scalp du récent vain­queur de Roland Gar­ros, Yan­nick Noah. Son as­cens­ion est stoppée net dès l’année suivan­te, malgré une brève ap­pari­tion à la 5ème place mon­diale. Il lutte avec les bles­sures, qui fin­is­sent par en­gloutir sa carrière après 1985, alors qu’il n’a que 21 ans. Déten­teur de cinq tit­res sur le cir­cuit ATP en 1982-1983, il re­stera bloqué sur ce chiffre jusqu’à sa re­traite, dans un total an­onymat, en 1994.

Les lamp­ions de l’US Open 1983 à peine éteints, le ten­nis américain n’a même pas le temps de se réjouir de ce jeune demi-finaliste qui in­car­ne la relève à la généra­tion Connors-McEnroe. Un mois plus tard, un autre pro­dige de l’académie de Braden­ton étab­lit un re­cord qui tient toujours aujourd’hui. A 16 ans et 1 mois, Aaron Krickstein de­vient le plus jeune joueur à re­mport­er un tour­noi ATP, à Tel Aviv. Même jeu qu’Arias, avec notam­ment un coup droit sur­puis­sant. Mais aussi un ment­al à toute épre­uve, comme en témoig­ne son autre re­cord, celui d’avoir re­monté vic­torieuse­ment un han­dicap de deux sets à 10 re­prises. Mais Aaron a passé la plus gros­se par­tie de sa carrière avec une im­pres­sion­nante – et lour­de – genouillère, sym­bole des bles­sures multi­ples qui freineront sa pro­gress­ion. Contra­ire­ment à Jimmy Arias, Krickstein saura re­bon­dir de ses bles­sures ; sa carrière, faite de lon­gues éclip­ses, est jalonnée de deux demi-finales en Grand Chelem, à l’US Open 1989 et à l’Australian Open 1995, et d’une 6ème place mon­diale fin 1989. Cette année-là, dans une in­ter­view publiée dans Ten­nis Magazine, Aaron Krickstein ac­ceptait avec le sourire le titre de « vétéran de 22 ans et demi », jeune par les cel­lules, mais vivant déjà sa septième saison sur le cir­cuit…

Leim­en

A Braden­ton, un pre­mi­er bilan s’im­pose.

Le cas Brian Gottfried doit d’emblée être mis à part, car l’influ­ence de Bol­lettieri sur sa carrière s’est faite bien avant la mise en place du régime para­militaire de Braden­ton. Mais, en ce début des années 80, Nick Bol­lettieri, ex­trême­ment doué pour vendre son modèle, at­tire les élèves, les spécialis­tes et les jour­nalis­tes comme des mouc­hes, ne serait-ce qu’en clamant sur tous les toits qu’il est le meil­leur en­traineur du monde. La con­trepar­tie, c’est que les résul­tats de ses poulains sont désor­mais ex­aminés à la loupe et il doit re­ndre des com­ptes.

La dis­cip­line qu’ont subie les adoles­cents à Braden­ton est une in­ep­tie. En appliquant à des corps d’en­fants un en­traine­ment physique déjà épuisant pour les adul­tes dans la force de l’âge que sont les Marines, l’équipe de Braden­ton aura détruit be­aucoup de corps, avant même que ces jeunes gens ne soient en mesure de se frott­er au haut niveau. Et les quelques-uns qui ont sur­monté l’épreuve, pour spec­taculaires que soient leurs as­cens­ions précoces, ont été lâchés par leur corps, ce qui a rendu leur carrière météorique.

Andre Agas­si, peu soup­çonn­able de com­plaisan­ce en­v­ers Bol­lettieri, men­tion­ne dans son auto­biog­raphie les sort­ies heb­domadaires qu’il pouvait se per­mettre au sein de l’académie, « per­miss­ions » qui lui furent d’ail­leurs par­fois sup­prim­ées en raison de ses in­frac­tions au code de con­duite. Andre a donc bien eu à Braden­ton une li­berté, sor­tir une fois par semaine, que n’ont pas eue Arias et Krickstein quel­ques années avant lui, qui témoig­ne d’un début d’as­soup­lisse­ment du règle­ment.

D’Agas­si à Sharapova en pas­sant par Co­uri­er, Seles et les sœurs Wil­liams, la liste est éloquen­te. Nick Bol­lettieri, par le biais de son académie, a bien « fab­riqué » plusieurs im­men­ses champ­ions. Néan­moins, quel­ques ob­jec­tions de­meurent :

  • Bol­lettieri a lui-même peu mis les doigts dans le cam­bouis tech­nique du jeu de ses élèves, mis­s­ion qu’il a es­sentiel­le­ment déléguée.
  • Il faut dis­tin­gu­er les pen­sion­naires de l’académie, qui y vivaient à l’année, de ceux qui y ont fait de brefs séjours, dans le cadre de stages ou de com­péti­tions, comme par ex­em­ple Mic­hael Chang ou Pete Sampras. Bol­lettieri men­tion­ne Sampras parmi ses élèves, alors que con­crète­ment per­son­ne à Braden­ton ne s’est jamais penché sur son jeu.
  • D’aut­res pen­sion­naires pre­stigieux de l’académie méritent égale­ment d’être traités à part, car ils ont bien été les élèves de Bol­lettieri, mais à l’âge adul­te. Pier­ce, Be­ck­er ou en­core Hin­gis sont dans ce cas-là. Im­pos­er un en­traine­ment physique de chev­al à un Arias de 13 ans ou à un Be­ck­er de 27 ans ne débouc­hera pas sur le même résul­tat. Dans le cas de Boris, s’attribu­er les mérites des cinq tit­res du Grand Chelem qu’il avait ob­tenus avant de boss­er avec Bol­lettieri est pour le moins calamiteux.

Bar­celone

Au cours des années 2000, le camp de Braden­ton com­m­ence à at­tir­er moins de monde. Jelena Jan­kovic, Maria Sharapova et Kei Nis­hikori re­steront pro­bab­le­ment comme les dernières pépites made in Braden­ton, site que Nick a d’ail­leurs vendu à IMG pour co­ul­er aujourd’hui une re­traite paisib­le.

En 1993, la vic­toire de Sergi Bruguera sur Jim Co­uri­er en fin­ale de Roland Gar­ros in­augure la percée du ten­nis es­pagnol, ainsi que la « filière es­pagnole » sous-jacente dont bénéficieront, entre aut­res, le Russe Marat Safin et l’Ecos­sais Andy Mur­ray. Basée sur la répéti­tion des ges­tes bien plus que sur la fluidité tech­nique, cette filière favor­ise la prise d’automatis­mes dans le jeu, évitant la gam­berge dans les mo­ments cruciaux. Couplée à la généralisa­tion des grands tamis, la filière es­pagnole va pro­gres­sive­ment im­pos­er sur le cir­cuit des joueurs au ten­nis d’ap­par­ence robotique mais ter­rible­ment réguli­er et avare en fautes di­rec­tes. Privés du temps de réac­tion néces­saire, les serveurs-volleyeurs s’éteig­nent pro­gres­sive­ment. Quant aux cog­neurs de la filière Bol­lettieri, ils n’ont plus l’avan­tage de la puis­sance, car la filière « co­ur­te » qu’ils im­posaient à la fin des années 80 (la mise hors de posi­tion en deux ou trois coups de raquet­te) se heur­te à des con­tres de plus en plus longs et réguli­ers qui les ob­ligent à jouer le coup de plus, et fin­ale­ment le coup de trop.

Les poètes de l’académie de Braden­ton qui ont surgi au cours des années 80 avaient donc suivi une prépara­tion physique et men­tale sans com­mune mesure avec ce qui ex­is­tait alors, seuls Borg (qui a ex­plosé en plein vol à 25 ans) et Lendl (le galérien tri­ste) pouvant leur être com­parés sur ce plan. En re­vanche, dans l’ombre de Bol­lettieri qui ac­caparait toute la lumière de­puis la loge d’Agas­si, de nombreuses académies, notam­ment européennes et sur­tout es­pagnoles, ont vu le jour, ab­or­dant la prépara­tion au ten­nis de haut niveau sous un angle plus com­plet, plus humain et plus dur­able. Il ne se trouve plus aujourd’hui grand monde pour rêver d’en­voy­er sa pro­géni­ture dans un camp militaire, car la méthode ne fait plus re­cet­te.

A ma con­nais­sance, per­son­ne ne s’est penché sérieuse­ment sur les dom­mages col­latéraux que la dis­cip­line de Bol­lettieri a oc­casionnés. La bi­og­raphie d’Andre Agas­si, qui re­coupe les nombreux re­por­tages con­sacrés au huis clos de Braden­ton, précise que les pen­sion­naires per­manents à un in­stant donné se com­ptaient par di­zaines. Que sont de­venus ceux qui ne se sont pas fait un nom raquet­te en main ? Ont-ils lâché physique­ment, ou men­tale­ment, en cours de route ? Ont-ils fait leur carrière dans les li­mbes reculés de l’ATP sans jamais par­venir à per­c­er ?

Une chose semble cer­taine : Bol­lettieri a mutilé les corps et les têtes de jeunes adoles­cents. Et c’est aut­re­ment plus grave que de s’attribu­er des mérites que l’on n’a pas.

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Grand pas­sionné de ten­nis de­puis 30 ans.

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408 Responses to Nick Bollettieri, ou le darwinisme tennistique

  1. Paulo 29 janvier 2020 at 12:24

    L’arbitre sommée par Nadal d’aimer le bon tennis, ha ha

  2. Paulo 29 janvier 2020 at 12:27

    Les commentateurs d’Eurosport : « c’est du brutal »

    https://www.youtube.com/watch?v=-7t3F897x6E&feature=youtu.be&t=10

  3. Paulo 29 janvier 2020 at 13:04

    Bon, 2 sets à rien pour l’Autrichien. Plus qu’un, allez Domi !

  4. Nathan 29 janvier 2020 at 13:06

    Ah le 20ème GC, c’est le plus dur !

  5. Patricia 29 janvier 2020 at 13:12

    J’arriiive, j’ai du me contenter de mater le scoreboard en douce pour l’instant !
    Thiem en mode Obélix, sur ces premiers points, yipiiiie !

  6. Paulo 29 janvier 2020 at 15:02

    Ça, c’est fait. Ce fut chaud, ce fut dur, mais l’essentiel est là : on aura deux joueurs de la relève en 1/2 finale.

    Maintenant, quel que soit le vainqueur de la demie, il faudra aller au bout, et éjecter aussi le robot serbe en finale.

    Thiem mène 6-2 dans les confrontations avec Zverev. Il tient la corde.

    • Achtungbaby 29 janvier 2020 at 15:17

      est-ce qu’il ne faut pas souhaiter la présence de Thiem en finale pour avoir le plus de chances de voir le robot bloqué à 16 ?
      J’ai tendance à dire que si.

    • Rubens 29 janvier 2020 at 15:27

      Je me souviens d’une demi-finale de Wimbledon entre Rafter et Agassi, la belle de 2001 après leurs deux duels en ces mêmes lieux en 1999 et 2000. Vaincu 8/6 au cinquième set, le Kid avait attribué (entre autres) sa défaite à ses nerfs fragiles. « Et l’âge venant ça ne s’améliore pas » avait-il ajouté.

      Rafa, je me demande si tes nerfs ne commencent pas aussi à devenir fragiles. Perdre de cette manière-là, ça n’est pas dans tes habitudes. Précisément parce que dans le money time tu nous avais habitué à hausser le ton.

      Cela étant, bravo Dominik, qui a justement eu les nerfs les plus solides, face au n°1 mondial.

      • Paulo 29 janvier 2020 at 15:59

        Je ne sais plus qui disait que contrairement à ce qu’on pourrait penser, plus on avance en âge et moins on a les nerfs solides (est-ce dû à la fougue et à l’insouciance de la jeunesse ?), et que Roger avait tendance à le démontrer, ces temps-ci.

        Thiem a été le plus fort dans le money time, c’est certain (alors que globalement, il n’est pas au niveau de Nadal sur ce terrain-là, cf sa finale perdue au Masters par exemple, où il craque quand même un peu à la toute fin).
        La roue tourne…

        • Paulo 29 janvier 2020 at 16:02

          Oui bon, quand je dis « Roger avait tendance à le démontrer, ces temps-ci », je ne parlais pas de ses matches à Melbourne, mais de matches comme la finale de Wimbledon… à Melbourne, il s’en sort mais face à des seconds couteaux, quand même, des gars qui n’évoluent pas dans les hautes sphères en termes de nerfs d’acier, d’une façon générale.

          • Rubens 29 janvier 2020 at 16:36

            J’avais compris Paulo… Mais tu fais référence à un match qui n’a pas existé.

    • Guillaume 29 janvier 2020 at 17:40

      Le problème de Thiem est qu’il est souvent celui qui fait le sale boulot face au Gros 3, mais pas celui qui prend les titres derrière (Rome 2017, Madrid 2018, Masters 2019). Confirmer aux dépens de Zverev serait limite un aussi gros cap franchi pour lui que la victoire sur Rafa…

      • Jo 29 janvier 2020 at 19:09

        Je me suis dit exactement la même chose pour le sale boulot. Peut-être cela va-t-il bientôt changer mais jusqu’ici, dans un univers fictionnel, Thiem est un second rôle, certes valeureux, puissant, mais un second rôle. Thiem, c’est Robin, c’est Ben Becker.

  7. Colin 29 janvier 2020 at 15:24

    Et il ne reste plus qu’à souhaiter que cette victoire face à Rafa en appelle une autre… à Roland Garros!!! (Dominator vs. TerreMinotaure)

  8. Babolat 29 janvier 2020 at 15:26

    Pfiou !… c’est vrai que c’était du brutal. Nadal était dominé en puissance mais il n’a rien lâché comme à son habitude. Je me demande ce qu’aurait donné un 5e set.

  9. Rubens 30 janvier 2020 at 10:33

    Roger a confirmé qu’il allait jouer. Il va braver les éléments, qui lui sont tous défavorables. Depuis la finale de RG 2008, je ne vois pas de match où il aura été à ce point dans la position de l’outsider. Et ça ne me rends pas optimiste pour le score.

  10. Remy 30 janvier 2020 at 11:11

    Roger joue et il est en mode grosse prise de risque.
    C’est spectaculaire et ça lui permet d’avoir un break d’avance.
    Cela a fonctionné en 2 sets gagnants à Londres.
    Mais à Melbourne en 3 sets, on croise très fort les doigts

    • Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:14

      oui, compliqué pour les fans : on se met à y croire…
      De toute façon, c’est sa seule chance non le mode grosse prise de risques ?
      Alors au moins il le tente, on va bien voir.
      Il est comment en coup droit ? fiable ?

      • Bapt 30 janvier 2020 at 11:16

        Il part vite mais il y a des fautes !

        • Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:16

          rha putain les 3 BB loupées pour le double break …

        • Bapt 30 janvier 2020 at 11:19

          C’est con mais ça s’explique par les prises de risque aussi. A priori il ne veut pas laisser respirer Djoko et ne pas lui donner de rythme.
          Ce dernier joue assez mal d’ailleurs.

  11. Elmar 30 janvier 2020 at 11:18

    J’ai quasi l’impression qu’il a fait plus d’aces en 3 jeux de service que sur l’ensemble du tournoi.

    • Bapt 30 janvier 2020 at 11:19

      Effectivement. Le dos tient donc !

  12. Elmar 30 janvier 2020 at 11:20

    Djoko s’attendait pas à ça je pense, surtout après le premier jeu où il paraissait en total contrôle.

    Il va ajuste son jeu et gagner bien sûr, mais ce Roger, quand même, il est incroyable.

    • Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:21

      la question est : à quel moment Fed va baisser un peu physiquement et perdre un peu en déplacement/temps, et aura-t-il un second souffle ?

      • Bapt 30 janvier 2020 at 11:23

        S’il gagne en trois sets secs 6/3 6/4 6/3 peut être jamais.

  13. Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:20

    Je ne sais pas comment ça va se finir, mais en attendant, c’est un truc de dingue non ? 5-2 Fed bordel !

  14. Nathan 30 janvier 2020 at 11:20

    Contraint a priori de gagner en 3 sets, la machine à baffes et à éclats se met en route.

  15. Elmar 30 janvier 2020 at 11:21

    Bon, Djoko ne peut pas plus mal jouer que jusqu’à présent.

    • Bapt 30 janvier 2020 at 11:23

      Il faut qu’il continue !

  16. Remy 30 janvier 2020 at 11:27

    le coup droit d’attaque dans le filet sur balle de double break va peser très très lourd :(
    Djoko revient

  17. Elmar 30 janvier 2020 at 11:27

    Bon… je crois qu’on peut éteindre la prise.

  18. Bapt 30 janvier 2020 at 11:27

    Bon ben le Djoko commence à a se régler. Ça va devenir compliqué… 

  19. Elmar 30 janvier 2020 at 11:41

    25 winners en un set, c’est un truc de dingue ca. Prise de risque maximale.

  20. Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:44

    rha putain un tie Break, ça pue ce truc

    • Elmar 30 janvier 2020 at 11:46

      Putain… il négocie ce TB comme à Wimbledon. Bon, c’était le dernier espoir…

      • Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:48

        j’ai pas osé parler de WIM, mais on y pensait tous. C’est con quand même, Djoko aurait pu commencer à douter avec 1 set de retard, là c’est mal barré

  21. Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:49

    allez, 5 balles de set à sauver contre Djoko. EASY non ?

  22. Guillaume 30 janvier 2020 at 11:49

    Hop, et de 6 tiebreaks de suite gagnés par Djoko face à Fed.

    • Guillaume 30 janvier 2020 at 11:59

      J’ai pris le temps de checker dans leur rivalité. Jusque-là, l’exercice des TB était très équilibré : 12-10 à l’avantage de Roro entre 2007 et 2015. Et souvent selon un régime de « à toi, à moi ». Roro en a gagné une fois trois de suite, Djoko itou, mais jamais plus. Roro gagne le dernier avant leurs éclipses respectives à Cincy en 2015. Ils se retrouvent en 2018 : Djoko gagne les 2 de leur demie à Bercy. Je ne reviens pas sur les 3 TB perdus à Wim l’an passé. Et enfin celui-ci. Les scores sont même de plus en plus à sens unique : 8-6, 7-3, 7-5, 7-4, 7-3, 7-1. Quand on sait que Roger fait partie des meilleurs joueurs de TB depuis que l’ATP tient ce type de stats…

  23. Elmar 30 janvier 2020 at 11:51

    Bon, cet forme d’assaut a failli lui permettre de remporter le 1er set, mais au final, ça n’aurait rien changé du tout. Mais c’était quand même sympa à regarder.

  24. Paulo 30 janvier 2020 at 11:51

    Le suspense aura duré à peine une heure.

    • Achtungbaby 30 janvier 2020 at 11:56

      c’est déjà mieux que rien !
      « c’est pas fini »

  25. Remy 30 janvier 2020 at 11:58

    Merci Roger de nous avoir donné un peu d’espoir.

  26. Elmar 30 janvier 2020 at 12:16

    Djoko joue quand même pas bien. C’est étonnant qu’il ne parvienne pas à prendre le large.

  27. Sam 30 janvier 2020 at 12:24

    Et hop, un jeu de service gagné tranquille blanc. Fed est en train de prendre la mesure du Djoko et les choses ne vont pas tarder à rentrer dans l’ordre…

  28. Nathan 30 janvier 2020 at 12:29

    Certes Federer cherche, dans la mesure du possible, à priver Djoko de la filière longue mais franchement Djoko n’est pas très impressionnant sur ce match. Il y a de l’espoir pour le vainqueur de l’autre demie.

    • Elmar 30 janvier 2020 at 12:31

      Totalement d’accord avec toi Nathan.

      Djoko peine contre un Roger qui fait ce qu’il peut avec les moyens du bords.

    • Paulo 30 janvier 2020 at 13:14

      Le problème, c’est que Djoko donne souvent cette impression de gagner en jouant mal, spécialement contre Roger? Remember Wimbledon 2019… désolé de remuer le couteau dans la plaie, mais le champion du winning ugly, c’est bien lui.

  29. Nathan 30 janvier 2020 at 12:32

    Quelle tête à claques, ce type ! Même pas conscient du ridicule de son attitude dans le contexte.

  30. Sam 30 janvier 2020 at 12:33

    Intéressante exploration tactique de Fed avec cette amortie sur balle de set…

    • Guillaume 30 janvier 2020 at 12:43

      et ton récit sur l’Open Blot, au fait ? La police ne t’a toujours pas relâché après ton envahissement du Central avec option fumigènes ?

      • Sam 30 janvier 2020 at 12:50

        Suis en train de l’écrire, il va exister.

  31. Remy 30 janvier 2020 at 13:00

    En vrai, je suis bluffé par le match de Fed.
    Pour moi, c’était inimaginable qu’il résiste autant.

    Djoko toujours aussi insupportable dans ses réactions alors qu’il joue un mec de 38 ans blessé.

  32. Remy 30 janvier 2020 at 13:06

    Putain mais quel tocard ce type

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