La douleur du champion (2/3)

By  | 12 mai 2012 | Filed under: Histoire

Mos­cou, Stade Olym­pique, 1er décembre 1995.

C’était un piège. Un plan anti-Sampras tel­le­ment énorme qu’il en était gros­si­er. La Rus­sie re­cevait les États-Unis en fin­ale de la Coupe Davis sur une terre bat­tue d’une in­croy­able len­teur. Un bac à sable, tel­le­ment humide qu’il rap­pelait d’avan­tage une plage de Bretag­ne à marée basse qu’un court de ten­nis.

En face de Sampras pour le pre­mi­er match, An­drei Ches­nokov. Ni le plus jeune, ni le plus talen­tueux de ce que la Rus­sie pouvait pro­pos­er, mais un baroudeur de la terre bat­tue, sur­face sur laquel­le il aura, au moins une fois, fait chut­er tous les meil­leurs. Et aujourd’hui, toutes les con­di­tions sont réunies pour qu’il puis­se réalis­er la per­for­mance de sa vie. Son stade, son pub­lic, sa ville, sa sur­face. Et un Numéro 1 mon­di­al en vic­time désignée.

Pour­tant Sampras joue bien, pro­bab­le­ment mieux qu’on ne l’aurait im­aginé. Il domine Ches­nokov, mais celui ci est suf­fisam­ment accroc­heur pour pro­long­er les débats jusqu’au cin­quiè­me set. C’est là, dans la dernière man­che, a un par­tout, que la situa­tion com­m­ence à se gâter.

Plus de trois heures de jeu sur terre bat­tue lais­sent des traces et l’Américain n’en peut plus. Après un échan­ge ter­rible, il re­vient len­te­ment vers son banc, cherche de l’air, ses pas ralen­tis se font lourds. L’inquiétude de­vient palp­able dans le clan US : Pete est dans le rouge. A trois par­tout, la tens­ion monte en­core d’un cran. Sampras, pris de cram­pes, fait appel aux médecins. A par­tir de ce mo­ment, il ne par­vient pre­sque plus à co­urir. Le piège se re­fer­me. Ches­nokov et le pub­lic sen­tent que l’Américain est au bord du K.O. Sampras est désor­mais in­cap­able de tenir l’échan­ge, in­cap­able de co­urir après les bal­les. Mais il peut en­core ser­vir. Il se con­centre alors sur l’es­sentiel : sa première balle comme bouée de sauvetage. Sur son seul ser­vice il reste dans le match. A quat­re par­tout ser­vice Ches­nokov, Sampras joue sa dernière car­touc­he. Il abrège l’échan­ge, tente une série de coups gag­nants en pre­nant des ris­ques in­sensés. Et ça re­ntre. Il fait le break et re­joint pénib­le­ment son banc avant d’aller ser­vir.

Le match est sa portée, mais les cram­pes s’in­tensifient. Pete peut à peine boug­er. Tom Gul­likson, le sélec­tion­neur US, l’in­vective mais il sent bien que son joueur est au bord du gouffre. Un boxeur aurait déjà jeté l’éponge. Pete, lui, re­tour­ne dans l’arène. Une bonne série de premières bal­les lui per­met d’ob­tenir deux bal­les de match. 40/15. Il suf­fit d’un ace. Mais Ches­nokov re­tour­ne. S’en­gage alors un échan­ge irréel. Sampras re­ssent pro­bab­le­ment la plus épouvant­able douleur physique de sa vie. L’échan­ge est monstrueux, in­ter­min­able. La balle passe au-dessus du filet 25 fois. Sampras dont on se de­man­de sur quoi tien­nent ses jam­bes n’a plus la force de frapp­er un coup gag­nant. Il est à l’agonie. Le point de rup­ture est passé, à l’issue de cet échan­ge il y aura quoi qu’il ar­rive un vain­queur et un vain­cu. Le pub­lic se lève, hurle, c’est de­venu une cor­rida, et on croit que le toréador va port­er le coup final. Mais c’est Ches­nokov qui craque. Quand il com­met enfin la faute, L’Américain s’ef­fondre. Il reste de lon­gues secon­des al­longé sur la terre bat­tue. On croit qu’il savoure le mo­ment, mais on se trom­pe. Il est in­cap­able de se lever. Ab­at­tu par les cram­pes, Sampras ne peut plus boug­er. Ses co­équipi­ers, com­prenant que quel­que chose ne va pas, se précipitent a son secours. Ils le soulèvent et l’emmènent len­te­ment vers le banc, puis le ves­tiaire.

L’Américain, dans un état pro­che de l’apat­hie, est lit­térale­ment évacué du court. Il n’aurait pro­bab­le­ment pas pu jouer un point de plus, peut-être pas même un coup de plus. In­croy­able image que celle du Numéro 1 mon­di­al, vain­queur d’un match de quat­re heures, in­cap­able de se déplac­er. Sampras est allé au bout de lui-même et cer­taine­ment bien au-delà.

Les États-Unis re­mpor­tent le pre­mi­er point, mais la Rus­sie croit s’être débar­rassée de Sampras pour la suite de la com­péti­tion. Er­reur. Le len­demain, il est aligné en doub­le et gagne. Deux jours plus tard, il pulvérise Ev­gueni Kafel­nikov, futur vain­queur de Roland-Garros, et s’en­vole avec la Coupe.

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267 Responses to La douleur du champion (2/3)

  1. Marc 13 mai 2012 at 17:49

    Ça fait bizarre de voir autant de retours gagnants sur TB…

  2. Jérôme 13 mai 2012 at 17:50

    il y a une chose que j’aimerais bien comprendre.

    Federer et Berdych sont 2 super serveurs.

    Or alors qu’il n’y a pas de vent, le 1er est nullissime en 2ème balle et le 2ème nullissime en 1ère balle.

  3. Marc 13 mai 2012 at 17:51

    Berdych ne passe pas une 1ère….balle de double break pour Fed

  4. MONTAGNE 13 mai 2012 at 17:54

    De la terre battue ? avec Berdych au filet ? vous rigolez !!!

  5. Marc 13 mai 2012 at 17:55

    Ca me rappelle vraiment le match Ferer/Soderling a RG en 2010, avec un mec surpuissant sur une surface lourde et rapide a la fois.

    • Marc 13 mai 2012 at 18:00

      Federer/Soderling, sorry

  6. Sylvie 13 mai 2012 at 18:07

    Aïe ! ça sent le roussi !

  7. fieldog, vainqueur 2010 de l'odyssée (la seule, l'unique!) 13 mai 2012 at 18:08

    Ca joue à un très très haut niveau là ! Dommage que Fed n’arrive à conclure sa balle de set…

  8. fieldog, vainqueur 2010 de l'odyssée (la seule, l'unique!) 13 mai 2012 at 18:15

    Et pourquoi Fed ne nous sort pas ce jeu de service à 5/4…?

  9. Jérôme 13 mai 2012 at 18:20

    Génial ! Grâce à ce score pair, c’est Fed qui commencera à servir dans le dernier set. Trop fort le Doudou, même s’il a mis nos nerfs à rude épreuve.

  10. fieldog, vainqueur 2010 de l'odyssée (la seule, l'unique!) 13 mai 2012 at 18:21

    Fed va donc avoir l’avantage de servir en 1er dans ce 3ème set !

  11. Sylvie 13 mai 2012 at 18:21

    Retournement de situation again. Excellent jeu de retour de Federer. un set partout.

  12. Jérôme 13 mai 2012 at 18:25

    Aïe. :-(

  13. Jérôme 13 mai 2012 at 18:26

    C’était moins une. Le retour de Bedych a frisé la ligne.

  14. Jérôme 13 mai 2012 at 18:33

    Je ne comprends pas pourquoi Federer s’obstine à jouer dans l’axe central sur le coup droit de Berdych.

  15. Jérôme 13 mai 2012 at 18:36

    Il a encore eu bien chaud le Fed. Heureusement que son service fonctionne mieux, parce que c’est sur ce coup qu’il tient le choc.

  16. Jérôme 13 mai 2012 at 18:44

    Mais pourquoi faut-il qu’il fasse toujours cadeau à Berdych des 2 premiers points sur son service ?

    C’est chaud chaud chaud.

  17. Marc 13 mai 2012 at 18:46

    Ouf ! 3/2 ! C’est quand même au forceps, et Berdych ne baisse pas de niveau.

  18. Sylvie 13 mai 2012 at 18:47

    Berdych gagne ses jeux de service plus facilement depuis le début du set.

  19. Jérôme 13 mai 2012 at 18:52

    Attention au 7ème jeu.

  20. Jérôme 13 mai 2012 at 18:53

    Superbe passing court croisé de Fed qui était débordé par Berdych.

  21. Jérôme 13 mai 2012 at 18:54

    Federer est clairement monté d’un niveau sur ce jeu de service. Que des coups gagnants.

  22. Pat 13 mai 2012 at 18:55

    Enfin un jeu facile pour faire 4/3 !
    ca risque de se jouer sur un coup de dé;

  23. Ulysse 13 mai 2012 at 18:56

    Généralement c’est en fin de set qu’il sort de sa léthargie. Ça pourrait bien être maintenant.

  24. Jérôme 13 mai 2012 at 18:57

    Superbes demi-volées de fond de court du Fedou.

  25. fieldog, vainqueur 2010 de l'odyssée (la seule, l'unique!) 13 mai 2012 at 18:57

    C’est une superbe finale en tout cas. Sûrement pas de la TB, mais une surface spectaculaire en tout cas !

  26. Jérôme 13 mai 2012 at 18:57

    Et ENOOOOOORME retour de revers long de ligne !!!!

  27. Ulysse 13 mai 2012 at 18:58

    Et voilà: trois balles de break. Ça devrait le faire…

  28. fieldog, vainqueur 2010 de l'odyssée (la seule, l'unique!) 13 mai 2012 at 18:58

    Vous avez vu les retours qu’ils s’envoient les deux gus là ?!

  29. Ulysse 13 mai 2012 at 18:59

    Trois aces !!!

    • Colin 13 mai 2012 at 19:01

      Et deux doubles fautes °°

  30. fieldog, vainqueur 2010 de l'odyssée (la seule, l'unique!) 13 mai 2012 at 19:01

    Et Berdych qui sauve 3 balles de set avec 3 aces puis offre le break sur un plateau avec 2 DF dans la foulée :shock: !!!

  31. Pat 13 mai 2012 at 19:01

    Jeu incryable : Berdych annulle 3 balles de break avec 3 aces et fait deux doubles après !

  32. Jérôme 13 mai 2012 at 19:01

    C’est fait ! Mais alors que les 3 aces d’affilée de Berdych m’ont surpris, les 2 doubles fautes consécutives m’ont scié.

  33. Ulysse 13 mai 2012 at 19:02

    Je résume: Zéro-quarante suite à des retours d’enfer, derrière trois aces et enfin deux doubles fautes !!!! Si c’était un film on virerait le scénariste. Berdych psychote mais c’est pas fini.

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