D’où peut venir une quasi-fascination pour un type comme Ivan Lendl, a priori antipathique, peu spectaculaire et même pas tellement talentueux. Aucune idée, à vrai dire. Peut-être une estime particulière que j’avais pour ces forcenés venant de l’Est qui passaient le rideau de fer à grand coup de volonté et de courage. Lendl curieusement est devenu l’idole sportive de ma jeunesse, et même plus: le champion qui m’a fait aimer le tennis.
En 1983, je suis peut-être bien le seul Français à supporter Lendl plutôt que Noah lors de leur quart de finale à Roland-Garros. Noah est pourtant tellement fort ce jour-là. Il écœure Lendl qui finit par balancer le dernier set 6/0. Je souffre.
Mais j’exulte quand en 1984 il remporte son premier grand titre à Roland-Garros en battant John McEnroe à l’issue d’un match au scénario improbable et merveilleux.
Beaucoup considèrent que l’ère Lendl commence le 9 juin 1984 au terme de ce match mythique. Pas tout à fait. 1984 est l’année McEnroe et la victoire de Lendl, aussi superbe soit elle, est plus anecdotique qu’autre chose. Lendl subira encore quelques mois plus tard deux défaites cinglantes face au même McEnroe en finale de l’US Open et du Masters.
Non, le règne du Tchèque commence véritablement en septembre 1985 quand il surclassera enfin McEnroe en finale de l’US Open. Le lendemain il s’empare de la place de numéro 1 mondial, et y restera indéboulonnable pendant 157 semaines.
Lendl domine le tennis mondial de 1985 à 1989. Certes en 1988 il sera dépassé par Wilander, en 1989 par Becker. Mais sur l’ensemble de cette période, Lendl est l’homme à battre, le plus régulier au sommet, unanimement considéré comme le meilleur.
Curieusement, Lendl est tellement fort ces années-là que ce sont de ses défaites dont on se souvient le plus. L’incroyable match face à Chang à Roland-Garros en 1989, la finale du Masters 1988 perdue contre Becker dans le tiebreak du cinquième set sur une balle ‘let’, ou encore la demi-finale en Australie 1985, match qui a révélé Edberg au grand public. Des matchs magnifiques et mémorables, d’autant que personne ne s’attendait à ce que le Tchèque soit défait.
Quand Lendl l’emportait, c’était souvent des raclées terribles. Ça ne plaisait à personne, moi je jubilais. Quel bonheur de voire ce teenager surmusclé de Becker prendre un leçon de tennis en finale du Masters 1986. Magnifique, la résurrection de Noah stoppée nette par un Lendl de pierre en Australie 1990. Ou encore merveilleux spectacle que ce McEnroe, source de tant de frustration par le passé, atomisé à l’US Open 1987 lors d’un énième retour avorté.
L’emprise de Lendl sur le tennis mondial, sa régularité au sommet se résume en quelques chiffres : 8 finales consécutives à l’US Open de 1982 à 1989, et huit également au Masters de 1981 à 1988. Tout cela, bien sur, jamais égalé.
Wimbledon
Lendl et Wimbledon. C’est presque une histoire à part. L’histoire d’un champion doté d’une volonté hors du commun, prêt à tous les sacrifices pour accomplir ses rêves et qui pourtant n’atteindra jamais le rêve ultime : s’imposer sur le gazon anglais.
Dans les années 1980, il est obligatoire de jouer service-volée pour gagner à Wimbledon. C’est l’après-Borg et l’avant-Federer. Impensable de gagner sur gazon en jouant du fond du court.
La volée, et encore plus le service-volée, c’est ce qu’il y a de plus artificiel chez Lendl. Alors il apprend, il se force. Il apprend tellement bien qu’il arrive en finale en 1986, où Becker est beaucoup plus fort. L’année d’après je le vois gagner, car il joue son meilleur Wimbledon. Il bat Leconte en quarts et surtout Edberg en demies, d’une manière tellement convaincante face à des joueurs infiniment plus à l’aise que lui sur gazon que la victoire semble proche. Mais rien n’y fait. Pat Cash en finale, et toute la différence entre un joueur qui a le gazon dans le sang et l’autre dans la sueur. Victoire de l’Australien. Et en trois sets, sans l’ombre d’une chance pour le Tchèque.
Après ses échecs répétés, L’idée fixe de Lendl tourne à l’obstination. En 1990, il décide de ne pas jouer Roland-Garros pour mieux préparer Wimbledon. Moi je n’y crois déjà plus car à cette époque Becker et Edberg ont annexé le Centre Court et le dernier dimanche est désormais réservé à l’histoire de leur duel. Mais Lendl, lui, refuse d’admettre l’évidence et se bat jusqu’au bout. Et il a raison. Il remporte le Queen’s cette année-là et s’offre une première et unique victoire contre Becker sur gazon. Alors tous les espoirs sont permis.
Mais l’histoire s’arrêtera là. A Wimbledon le rêve se brise une nouvelle fois, une dernière fois : Edberg le surclasse en demi-finale.
La fin
Quand un champion remporte un titre du Grand chelem, il est difficile d’imaginer qu’il est sur le déclin. Pourtant quand Lendl gagne une deuxième fois en Australie en 1990, on sentait la fin du règne. En finale Edberg est objectivement le plus fort. Mais il se blesse en cours de match, déclare forfait et laisse la coupe à Lendl. En la soulevant, le Tchèque sourit jaune. Sait-il que c’est la dernière ? Moi je le devine. La génération Becker – Edberg cette fois prend le dessus, et dans quelques mois, l’éclosion de Pete Sampras mettra un terme à la série de huit finales de Lendl à l’US Open. Fin de série, fin de règne. Lendl a marqué son époque, mais celle-ci s’approche de son terme.
La fin, la vraie, elle a eu lieu sous mes yeux. Inéluctable et poignante. Roland-Garros 92. J’avais mon sésame comme tous les ans pour entrer dans le temple de la terre battue le premier mercredi. Et je croyais être verni car ce jour-là, j’allais pouvoir assister au deuxième tour de Lendl, face à un Brésilien de moyenne gamme, Jaime Oncins, qui n’est resté dans aucune mémoire. Sauf la mienne.
Ingrats organisateurs qui envoient Lendl jouer sur le petit court numéro 2. Loin des clameurs du Central, où il a pourtant soulevé la Coupe trois fois. Étrange ce court numéro 2. Quelques rangées de gradins de part et d’autres et une grande tribune, une seule, surélevée, sur la droite. Comme un cercueil. Qui va se refermer.
Pourtant tout a bien commencé, deux sets zéro pour Lendl qui impose sa cadence au Brésilien insipide, de 10 ans son cadet. Le match n’est d’ailleurs pas palpitant. Par contre, sur le Central, Jim Courier et Thomas Muster sont en train de faire un show, et les ovations du grand court se font entendre jusqu’ici. Irrésistible tentation. Je retourne sur le Central pour voire les cogneurs, Oncins n’en a de toutes façons plus pour longtemps.
Et Courier et Muster nous livrent en effet un sacré combat. Il y a de la hargne, de la puissance, et de la sueur. Le Central vibre au rythme des grands coups droits. Pourtant au milieu des clameurs, une rumeur se répand : Lendl s’est fait remonter. Il en est au cinquième set. Les bruits de couloir de Roland-Garros, je les connais et j’ai appris à les relativiser. Mais au bout de plusieurs minutes, la rumeur se fait insistante et je finis par y croire.
Tant pis pour Jim, il faut que je retourne sur le numéro 2. Passer du Central à un annexe à Roland n’est pas si simple. On attend les changements de coté, on fait la queue, ça prend du temps. Et ces minutes-là m’ont paru éternelles. Je cours jusqu’au numéro 2, mais j’arrive trop tard. De Lendl, ne reste plus qu’un nom sur la tableau d’affichage. Il a quitté le court, de suite après la défaite. Inexplicable et humiliante. Il ne reviendra pas, et je ne le reverrai plus. Une histoire se termine, un champion s’en va. Cette fois, c’est bien fini.
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Oh la la ça vient de me parvenir par ondes cosmiques delpotro va gagner l’open d’Australie!!! Vous entendez ça? Ça me troue le cul, je l’attendais pas du tout pas aussi tôt. Bon c’est clair je prends quoi mais bon wahouuu quand même quoi.
D’où viennent ces ondes cosmiques troueuses de cul ? On dit qu’une seule particule de rayon cosmique est capable de soulever une brique de plusieurs centimètres.
C’est pas le Djoker alors ? Il faudrait te déterminer quand même..
Pour ton cul troué, j’ai un remède à cela….ou plutôt j’avais: http://www.francesoir.fr/people-tv/sexeinsolite/du-ciment-dans-fesses-pour-un-derriere-en-beton-158863.html
En parlant de del Potro, une vidéo rigolote. L’un a bien changé, l’autre pas. http://www.youtube.com/watch?v=YTkVrlksDus
Oui… impressionnant. Le coup droit faisait déjà des dégâts.
Super cette vidéo !
Bon allez, une dernière séquence vidéo pour la soirée, un match que j’avais loupé en live à l’époque et qui mérite le détour.
http://www.youtube.com/watch?v=LSi-re2G0n4&feature=related
Extrêmement fluide dans sa gestuelle et très malin dans le jeu, je sens que je vais bien l’aimer, le Nanard.
Le Djoker is a joke..un bouffon…
Depuis qu’ils ont mis en ligne leur bibiothèque de vidéos sur le site de l’OA, j’en regarde de temps en temps et voilà qu’ils ont sorti hier la finale de 75 entre Newcombe et Connors, première finale de l’OA à avoir été diffusée sur les chaînes TV US…Vraiment top ! Toutes les autres vidéos sont beaucoup plus récentes mais ils sont, semble t il, en train d’archiver tout ce qu’ils peuvent..une mine d’or !
A ma très grande surprise je dois dire, il y a même un point ou Connors fait volontairement une double faute pour rendre un point à Newcombe, victime d’une erreur d’arbitrage sur le point précédent..Quelque chose de très rare, et encore plus venant de lui..
Pour ceux qui ont connu cette période (ou qu’elle intéresse), Newcombe gagne ce match en expérimentant ce qui sera la tactique gagnante d’Arthur Ashe quelques mois plus tard en finale de Wimbledon: servir extérieur sur le revers de Connors, son meilleur coup…La vidéo rend assez bien compte de ce qu’était le service de Newcombe si l’on veut bien se souvenir qu’à cette époque les pieds ne devaient pas décoller du sol au moment de l’impact…Néanmoins excellent le Newk ! Il a quand même gagné trois Wimbledon, à la fois en tant qu’amateur (en 67) et en tant que Pro (en 70 et 71)…A l’époque, il est numéro deux derrière Connors, Borg 3ème, et Laver encore 4ème….
Il faut dire que cela jouait sérieusement: on n’avait quand même pas le droit de faire partie du Top 4 sans avoir gagné un GC. Il a fallu attendre Lendl pour cela..
C’est très bas, ta dernière phrase. J’ai des vidéos « représailles » en réserve, tu es prévenu…
PS: Fais attention à Jeanne aussi.
VIVE IVAN LENDL!
Quelque chose ne va pas Coach ?
Rafa a trouvé le moyen se se rentrer tout son slip à l’entraînement et même les meilleurs chirurgiens de Melbourne n’ont rien pu faire pour l’extraire de son postérium, c’est ça ?
postérium ? Antoine tes provocations sont scandaleuses : tu seras désormais systématiquement filé par mes services.
Et là tu viens de briser un mythe, tu fais de l’iconoclastie à rebours ? Connors aurait été bon, on m’aurait menti ? Il doit y avoir une explication alternative.
Coach vas-y ! Donne l’assaut vidéo.
à cette époque les pieds ne devaient pas décoller du sol au moment de l’impact quelle est la date du changement et pourquoi ?
Salut à tous, et merci à Kristian pour son article sur Lendl (moi, je n’arrive pas à me décider à boucler celui sur lequel j’ai commencé et qui risque d’être très long, ce qui ne vous surprendra pas).
Je commence par relever quelques coquilles dans la longue série d’échanges que vous avez eus.
Lendl a joué non pas 8 mais 9 finales consécutives du Masters (au Madison Square Garden), de 1980 à 1989. Eh oui, l’explication tient au changement de calendrier qui s’est grosso modo traduit en 1986/87 par une inversion entre l’open d’Australie et le Masters. En 1977 il y a eu 2 OA et en 1986, pour remettre les pendules à l’heure, il n’y en a eu aucun.
Entre ces 2 dates, le Masters de l’année n se jouait en réalité en début d’année n+1.
Sur le nombre de finales de GC perdues par Lendl, comme rappelé par Guillaume, Lendl a perdu non pas 10 mais bel et bien 11 finales du GC : RG 81, USO 82, USO 83 et OA 83 (contre Wilander sur gazon) (sa 4ème défaite en finale avant de perdre son pucelage dans la plus belle et la plus dramatique finale de Roland Garros qui m’ait été donné de voir : RG 84), USO 84, RG 85, Wimb 86, Wimb 87, USO 88, USO 89 et OA 91.
Quant à la pire défaite de Nadal en GC, il me semble que ce n’est pas Tsonga qui la lui a infligée à l’OA 2008 (il laisse 7 jeux à Rafa) mais bien Del Potro à l’USO 2009, à 1 jeu près (6/2-6/2-6/2).
Autre réaction sur vos commentaires relatifs à Laver, Emerson et Borg. Je crois que la différence fondamentale entre les 2 premiers et le 3ème, c’est que Borg n’a jamais pu cacher à quel point il n’aimait pas que ses records tombent, voire soient seulement égalés. Il a confié qu’en 2001, il s’était réjoui que Federer empêche Sampras de réaliser lui aussi la passe de 5. En 2008, il appelait de ses voeux la défaite de Nadal. Et je suis sûr qu’en 2012 il sera un fervent ardent de Djokovic, de Murray, de Federer ou de tout autre joueur susceptible de stopper Nadal dans sa quête d’un 7ème titre à Roland Garros.
Après ces longs détours, je reviens à l’article de l’ami Kristian. Pour dire que j’ai fait partie de l’innombrable cohorte de ceux qui ne pouvaient pas encadrer Lendl, notamment pour toutes les raisons citées par Kristian mais pour d’autres raisons. Pour moi, la domination de Lendl, c’était comme une occupation militaire sur le tennis mondial, de gros soupçons sur l’utilisation des méthodes d’Europe de l’est (même s’il vivait aux States).
En murissant, j’en suis venu à le respecter, et ce de plus en plus, car comme l’a rappelé Guillaume, personne n’a au long de sa carrière eu à faire à une concurrence aussi folle que Lendl. Il a commencé contre Borg, Connors et Mac Enroe et terminé avec Sampras, Agassi et Courier. Et au milieu, il y a eu Wilander, Edberg, Becker, Cash, pour se limiter aux grands champions. Le respect ne m’en fait pas moins penser qu’il faut le pendre, mais avec respect.
Lendl a certainement loupé par son mental de chicken un palmarès beaucoup plus conséquent en GC. Je pense que l’USO n’aurait pas du lui échapper en 1982 et 1983, pas plus que RG en 1985 ni l’OA en 1983. A chaque fois, il s’est assomé tout seul à cause d’un mental de « chicken » (le terme anglais de l’époque pour dire « p’tit zguègue » mais après il s’est fait faire une greffe ou a du utiliser un développeur).
J’ose écrire ici que Lendl aurait dû être l’écrasant champion du tennis des années 80 dès l’année 1982 (hormis l’année stratosphérique de Mac Enroe en 1984) et ce jusqu’en 1989 où certes Becker a gagné 2 tournois du GC mais où globalement Lendl a gagné beaucoup plus de tournois que Becker et mérité son classement de n°1.
Fort heureusement, les années « chicken » de Lendl nous ont épargné un règne beaucoup plus long et mortifère pour le tennis.
Beau texte mais un bémol. Pour moi qui le lit au réveil ou presque voir dès le début un paragraphe du style « la plus grosse défaite de Nadal en GC…. » est assimilé à de la provocation.
Tu veux qu’on reparle de la pus grosse défaite de Roger en GC, c’est ça?
Tu veux que je remette des highlights?
La défaite de Nadal contre Jo me parait également bien pire que celle contre Del Potro même si Nadal a gagné un jeu de plus au cours du premier match cité. Contre Del Potro, Nadal n’avait aucune chance: il aurait du être éliminé depuis longtemps. Il avait une déchirure aux abdos et ne pouvait ni servir à plus de 160, ni faire autre chose qu’un service slicé. C’est déjà incroyable qu’il soit arrivé en demies. Cela ne vaut pas dire que Del Potro ne l’aurait pas battu s’il était en forme mais ce n’est pas une défaite embettante pour Nadal et il ne l’avait d’ailleurs pas pris pour telle, contrairement à celle contre Jo à propos de laquelle il était très mécontent et l’est toujours d’ailleurs quand on lui en reparle. Contre Jo, il estime avoir très mal joué mais je n’en suis pas convaincu même s’il a loupé quelques passings. A mon avis, il n’y avait rien à faire..Jo a joué le meilleur match de sa vie jusqu’à ce jour…et c’est dommage pour lui mais c’est tombé sur Nadal qui était en peine forme et qui n’avait pas perdu un set jusque là..Autrement dit, juste avant cette demie, il avait une très bonne chance de remporter son premier OA alors que quand il a perdu contre Del Potro, il ne se faisait pas la moindre illusion sur ses chances de gagner le tournoi…